>Editorial !

                          Le rapport de synthèse du GIEC

          Un modus operandi pour éviter la catastrophe finale !

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier la synthèse de huit années de travaux. Il entretient l’espoir qu’il reste une chance de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Pour ce faire, un très rapide sursaut international est impératif. 

 

Nous sommes au bord du précipice. Les activités humaines bouleversent le climat à un rythme et avec une ampleur sans précédent depuis des millénaires, voire des centaines de milliers d’années, entraînant des impacts toujours plus ravageurs, généralisés et désormais souvent irréversibles. Alors que les vies de milliards de personnes sont déjà affectées, la poursuite des émissions de gaz à effet de serre va renforcer les menaces sur la production alimentaire, l’approvisionnement en eau, la santé humaine, les économies nationales et la survie d’une grande partie du monde naturel.

 

Pourtant, l’humanité peut encore reculer et éviter le grand saut. Conserver un monde vivable pour tous implique de réduire immédiatement et drastiquement les émissions dans tous les secteurs. Les options pour y parvenir, mais aussi pour s’adapter au dérèglement climatique, sont nombreuses, efficaces et disponibles dès maintenant.

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui a publié, lundi 20 mars, la synthèse de huit ans de travaux, entretient l’espoir – ténu – qu’il reste une chance de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle, à condition d’un sursaut international. "La bombe à retardement climatique poursuit son compte à rebours, mais ce rapport est un guide pratique pour la désamorcer, un guide de survie pour l’humanité", a réagi le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres.

 

Cette somme, rédigée par 93 scientifiques, se veut l’état le plus complet et condensé de la science climatique, afin d’éclairer l’action mondiale. L’instance onusienne y résume à la fois les trois volets de son 6e rapport d’évaluation (parus en 2021 et 2022, et consacrés aux bases physiques du réchauffement, aux impacts et aux solutions), et trois rapports spéciaux qui portaient sur les conséquences d’un réchauffement de 1,5 °C (2018), sur les terres et sur les océans et la cryosphère (2019). L’organisation clôture ainsi un cycle lancé en 2015. (*)

 

Même s’ils réitèrent des messages déjà connus, la synthèse et son résumé à l’intention des décideurs ont été adoptés par les représentants des 195 pays membres du GIEC au terme d’une semaine à Interlaken (Suisse), qui a joué les prolongations. La trentaine de pages du résumé a été négociée ligne par ligne avec les auteurs, comme le veut l’usage de l’instance.

 

Le résumé le dit à nouveau de manière catégorique : les activités humaines ont "sans équivoque" provoqué le réchauffement climatique. La température à la surface du globe s’est élevée d’environ 1,1°C, lors de la dernière décennie par rapport à 1850-1900. Le rythme de hausse du mercure sur les cinquante dernières années est le plus rapide depuis au moins 2 000 ans ...

 

Les activités humaines, en particulier la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) et la déforestation émettent des gaz à effet de serre qui ne cessent d’augmenter année après année – elles ont atteint 59 milliards de tonnes en 2019. Les émissions varient d’un pays à l’autre, mais dépendent largement des niveaux de revenu. 

 

Conséquence : les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint des niveaux inégalés depuis deux millions d’années pour le dioxyde de carbone (CO2), le principal d’entre eux, et 800 000 ans pour le méthane. Sous l’effet de cet excédent d’énergie, les extrêmes climatiques – canicules, sécheresses ou pluies diluviennes – sont devenus plus fréquents et intenses, la fonte des glaciers s’accélère, de même que l’élévation du niveau des mers.

 

On ne pourra pas dire que nous n'étions pas prévenus. Il appartient à chacun et chacune d'entre nous, aux Etats et aux organisations régionales, nationales et internationales de tout faire pour neutraliser la machine infernale d'ici la fin du siècle. A défaut, l'humanité fera régner sur terre l'enfer de Dante.

(*) Voir, ici même, articles détaillés sur les différents rapports du GIEC dans la rubrique "Sans attendre".

                                                                      Le 21 mars 2023.  

 

 

  Réforme judiciaire en Israël : le monde de la Défense sonne l’alarme !

 

Anciens combattants et officiers réservistes alertent sur la dérive autoritaire du gouvernement Netanyahou et les risques que ses réformes font peser sur l’armée et la nation tout entière.

 

"Le 23 février dernier, une centaine de soldats et d’officiers réservistes de la division des opérations spéciales de Tsahal, parmi lesquels un général et des lieutenants-colonels, ont menacé dans une lettre adressée à Netanyahou de ne plus servir si la réforme judiciaire est adoptée : "Cette loi détruira tout ce pour quoi nous nous sommes battus". Ce sont les réservistes les plus hauts gradés à s’opposer ainsi au plan du gouvernement. Tsahal craint que ce ne soit que le début d’une vague de désobéissance dans ses rangs.

 

La grande muette étouffe sous les contestations. Il n’est pas un jour où des anciens combattants, des réservistes, voire des officiers en poste, se montrent inquiets face aux projets visant à casser la Cour suprême et à remettre une partie de la sécurité entre les mains des suprémacistes juifs Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich. Pour l’instant, Netanyahou reste sourd à leurs demandes. Rien ne le perturbe ; ni les missives adressées par d’anciens officiers du Corps blindé mécanisé et des commandos de Marine, ni les avertissements de 400 anciens responsables de la Sécurité, dont d’anciens chefs du Mossad, du Shin Bet, de la Police, et des conseillers à la Sécurité nationale, vent debout contre « des lois qui contredisent le caractère juif, démocratique et progressiste du pays ».

 

"Tsav 8 [appel d’urgence] pour la démocratie"

 

La grogne déborde dans la rue. Des manifestations monstres secouent les grandes villes d’Israël chaque samedi soir depuis le 14 janvier. Dans la foule se dressent des milliers d’anciens combattants et des réservistes "en civil". Au sein du Mossad, la colère est déjà si grande et les manifestants si nombreux que le conseiller juridique a officiellement autorisé les agents à participer aux protestations. Par ailleurs, des centaines d’anciens combattants libérés du devoir de réserve ont organisé une marche de trois jours depuis le fortin de Latroun, lieu de mémoire des batailles de 1948 et 1967, jusqu’à la Cour suprême, à Jérusalem.

 

Leur slogan : "Tsav 8 [appel d’urgence] pour la démocratie". Dans le Nord, des vétérans de la guerre du Kippour sont allés jusqu’à mettre un char en tête de leur cortège, recouvert d’une banderole figurant la déclaration d’Indépendance. Le symbole saisit aux tripes. Quiconque se souvient des périls auxquels Israël a pu réchapper ne peut qu’être bouleversé par le dernier combat de ces "frères d’armes".

 

"J’ai combattu dans toutes les guerres depuis 1968, à Gaza, en Cisjordanie, etc. Cette bataille est le combat le plus important de ma vie, celui qui a le plus de sens", nous confie en hébreu l’ancien chef d’état-major Moshe Boogui Ya 'alon. Celui qui fut ministre des Affaires stratégiques puis de la Défense dans trois gouvernements Netanyahou (2009-2016) est aujourd’hui la voix claire, ferme et patriotique des opposants à la coalition. "Si le Premier ministre a tous pouvoirs, nous sombrerons dans une dictature", prévient Ya 'alon. Dans sa rage d’échapper à son procès pour corruption, fraude et abus de confiance, Netanyahou veut réduire au silence la Cour suprême, politiser la nomination des juges et pouvoir décider de tout par un vote à la majorité simple, sans garde-fou.

 

Il s’est entouré pour cela d’un quarteron d’extrémistes : le ministre de la Justice Yariv Levin (Likoud), résolu à passer la réforme, si besoin en limogeant la procureure général, le chef du Shas Aryeh Deri, pressé d’effacer sa négociation de peine pour fraude fiscale et devenir ministre de l’Intérieur, Yitzhak Goldknopf, à la tête du parti antisioniste Judaïsme unifié de la Torah, soupçonné de corruption et les kahanistes Ben Gvir et Smotrich, multi-condamnés pour propos racistes. "Ce gouvernement est un gouvernement de criminels. 80 ans après la Shoah, Israël est en passe de devenir un Etat juif et fasciste, raciste et homophobe, messianique et corrompu", assène Ya’alon.

 

"Nous devenons des mercenaires"

 

Boogui Ya’alon n’est pas le seul à prononcer le mot de dictature. "De plus en plus de gens disent nous ne servirons pas sous une dictature" a déploré l’ancien chef d’état-major Dan Halutz sur la radio militaire. Et d’en conclure : "C’est ainsi que nous devenons des mercenaires. Nous nous sommes enrôlés dans l’armée d’un Etat démocratique. Si c’est une dictature, autant servir en Ouganda ou au Rwanda, où ils paient plus". Le drapeau noir ne flotte pas encore sur la Knesset, mais le gouvernement se montre déjà omnipotent. Il veut faire main basse sur la Justice et réduire la liberté d’expression en fermant la chaîne publique Kan.

 

Sa politique est partisane, communautariste, méprisante pour les minorités. Elle se fait dans un esprit de revanche sur Oslo et sur l’évacuation de Gaza, approuvée en 2005 par la Cour suprême. Les ultra-orthodoxes sont reconnus comme un Etat dans l’Etat et l’extension des droits et services aux résidents des implantations équivaut à leur annexion de facto. Culot ultime, la coalition veut nommer le grand rabbin militaire en accord avec le Shas, un parti qui exige que les étudiants de yeshivot soient exemptés de service militaire. "Voilà aussi pourquoi les réservistes manifestent", explique Ya’alon. "En Israël, ils sont ceux qui servent et donnent beaucoup. Ils travaillent, paient des taxes, et il leur faut encore prendre les charges des haredim sur le dos ! C’est sur eux que repose l’Etat. Notre économie forte, la high-tech, c’est à eux, les réservistes, qu’on le doit".

 

Les militaires sont inquiets par la casse judiciaire comme citoyens et comme soldats. L’affaiblissement de la Cour suprême les laisserait sans protection face à des mandats d’arrêt émanant par exemple de la CPI, laquelle s’est déclarée compétente en 2021 pour enquêter sur de possibles crimes de guerre dans les Territoires occupés. L’un des moyens pour un pays d’échapper aux poursuites internationales est de diligenter ses propres investigations. Or quelle serait leur légitimité aux mains d’une justice politique ?

 

Comme si cela ne suffisait pas, la refonte sécuritaire en Cisjordanie vient aussi saper l’autorité du nouveau chef d’état-major Herzi Halevi, qui voit la police des frontières lui échapper au profit du ministre de la Sécurité Ben Gvir, tandis qu’une grande partie de l’Administration civile revient désormais à Smotrich. Autant offrir des allumettes à "deux pyromanes", s’insurge Ya’alon : ces deux annexionnistes "veulent faire la guerre aux Palestiniens, et le plus vite possible. La Cour suprême les en empêche, c’est pourquoi ils tiennent tant à la démanteler".

 

Au moment où Tsahal doit gérer l’une des pires situations sécuritaires, avec un Hamas toujours plus fort face à une Autorité palestinienne en lambeaux, Ben Gvir continue ses provocations, sur le mont du Temple et ailleurs. Il a récemment dit vouloir ordonner à la police de lancer l’"Opération Rempart n°2" contre Jérusalem-Est sur le modèle de l’intervention militaire à Gaza en 2002. Une initiative sans lendemain. Mais cela échauffe les esprits alors que la tension monte à l’approche du Ramadan, fin mars.

 

Des lois dangereuses

 

D’autres lois présentées par la coalition se révèlent tout aussi dangereuses. Elles n’ont aucun sens sinon de jeter de l’huile sur le feu, comme l’assouplissement des règles d’engagement dans les Territoires ou la peine de mort pour les terroristes (la plupart sont neutralisés). Quant au projet de garantir l’immunité aux soldats, il scandalise au plus haut niveau. "La récompense et la punition font partie intégrante de l’expérience militaire", fustige le dernier chef d’état-major Aviv Kohavi dans un entretien à Haaretz, "il n’y a aucun moyen de maintenir une armée éthique, professionnelle et correctement conduite sans cela".

 

Le ministre de la Défense Yoav Gallant a beau tenter de rassurer sur les réformes en cours, la crise est majeure. Elle mine le moral des troupes, questionne la place de Tsahal dans la nation et aggrave le conflit avec les Palestiniens. Elle a d’autres effets dangereux. La dérive autoritaire du gouvernement Netanyahou détourne les investisseurs d’Israël et embarrasse ses alliés, à commencer par Washington. Un soutien politique et financier dont Tsahal ne peut se passer au moment où l’Iran annonce avoir franchi une nouvelle étape de son programme nucléaire. 

 

On ne compte plus le nombre de fois où les décideurs militaires ont averti qu’Israël courait un grave danger moins tant en raison des menaces extérieures que de ses divisions internes. Nous y sommes. Le monde de la défense alerte. D’une voix sûre, responsable, foncièrement légitimiste. Heureusement la mobilisation populaire est forte. Elle finira par l’emporter, la réforme ne passera pas et cette coalition tombera, assure Yaalon, plein d’espoir : "Nous devons sauver l’Etat d’Israël"."

                                           Frédérique Schillo, CCLJ, Regards, le 08 mars 2023. 

 

 

                                  

                                     24 février 2022

                                         "Une date à jamais frappée d'infamie !" 

                                                   Franklin Delano Roosevelt, président des Etats-Unis d'Amérique.

                                        A propos de l'attaque japonaise sur la base navale américaine de Pearl Harbor.

                                                                                      7 décembre 1941. 

 

                                Avons-nous encore le choix ?

 

Certains craignent que l’engagement militaire des Occidentaux derrière l’Ukraine ne nous conduisent, par un enchaînement de situations incontrôlables, vers une confrontation directe avec la Russie. On peut comprendre ces peurs, mais elles ne peuvent nous priver d’un regard lucide sur l’origine, le développement et les conséquences de la guerre russe en Ukraine. Nous n’en sommes plus à l’étape d’éviter une escalade avec Moscou. Elle a déjà eu lieu, elle est en cours et elle va crescendo.

 

Nous l'avons ici même souvent affirmé, nous ne croyons pas à une "régulation" du conflit par le recours à des frappes russes nucléaires, dites tactiques. Aucun intérêt pour le Kremlin de voir l'Otan anéantir  l'armée russe en Ukraine, y compris en Crimée, et en Mer Noire, ou d'ouvrir la voie à une atomisation de l'humanité.  

 

Sur le terrain conventionnel, nous n’avons plus le choix. Nous sommes en guerre, pour l’heure, indirectement. L’Europe, davantage que les Etats-Unis, ne peut se permettre une défaite de l’Ukraine; les Ukrainiens ne nous le pardonneraient pas et l’Union européenne n'y survivrait certainement pas. 

 

Qui peut croire que Poutine et ses sbires ne seraient pas encouragés à poursuivre leur croisade impériale ? Ils ne feraient qu’une bouchée de la Géorgie et de la Moldavie, en attendant l’étape suivante: récupérer la Pologne, obsession du Kremlin depuis l’arrivée au pouvoir du petit Tsar. Ce n’est pas un hasard si l’armée polonaise est devenue la première en Europe, hors armes nucléaires. La destruction de l'Ukraine sur le sol du Vieux Continent serait annonciatrice d'une confrontation majeure entre l'Alliance atlantique et la Russie.

 

Nous sommes donc au pied du mur ! 

 

Soit nous renonçons et nous aurons un jour une facture exorbitante à payer pour notre cécité et notre lâcheté. Soit nous prenons nos responsabilités, en adoptant pour partie une économie de guerre et faisons face, et nous nous donnons la chance de défaire la Russie (en Ukraine et nulle part ailleurs) et de bâtir une nouvelle Europe puissance, véritablement intégrée, notamment sur le plan de la Défense. Même avec des accords de paix dûment ratifiés, la Russie, si elle ne change pas radicalement son paradigme doctrinaire - elle n’en prend pas vraiment la direction - restera longtemps encore une menace existentielle pour les démocraties libérales.

 

Davantage encore dans le champ profond de l’Histoire, le problème chinois - d'aucuns le nient - qui doit être abordé en intégrant le cycle long au court et moyen termes, devra recevoir des réponses appropriées, débarrassées de tout angélisme, non pas similaires - l’Union européenne doit se doter rapidement des moyens de sa souveraineté - mais coordonnées avec les Etats-Unis, notre allié stratégique, qu’on le veuille ou non.

 

Cette analyse contrastée, à la fois sombre quant au moment présent et les choix qui vont en découler, et plus encourageante dans l'hypothèse de décisions occidentales fermes et courageuses, se fonde sur des fondamentaux qui affleurent aujourd’hui à la surface des rapports géopolitiques et qui colorent l’avenir de l’humanité d’un clair-obscur instable et systémique. Ne pas s'y préparer reviendrait à l'erreur des Américains, qui n'ont pas pris au sérieux la menace nippone sur Pearl Harbor les mois précédents le 7 décembre 1941.

                                                                                 24 février 2023.