"Le tragique et la splendeur du destin juif !" , Laurent Seksik, auteur des biographies
d'Albert Einstein, de Stefan Zweig, de Franz Kafka et de Romain
Gary.
Au commencement ... La Paracha "Béréchit", dans la Genèse, nous montre la création par Dieu de l'univers et l'émergence progressive d'un monde
ordonné. Il tend, telle une tension, à l'harmonie, à partir du vide, des ténèbres et du chaos, où l'Homme, "mâle et femelle", prend place après le ciel, la terre, la mer, la lumière et une
multitude d'êtres vivants. Aujourd'hui, d'aucuns traduisent par Big Bang. C'est ainsi que l'humanité, qui n'est qu'une, a cru et s'est diversifiée en nations et cultures, avec une même origine.
Cette parabole nous renvoie à notre universalité, notre égalité ainsi que la richesse de nos différences. Tout est parti de là et ce symbole métaphorique ne devrait jamais quitter nos
consciences. Cette rubrique aurait pu s'appeler "Incipit", aussi un commencement, un essentiel contenu dans le récit du déploiement. Il dit ce que nous sommes et devenons. Il annonce la couleur
pour le meilleur et le pire. Il alerte l'oeil et l'oreille, toujours à l'affût de la marche du temps. La première phrase de "L'étranger", d'Albert Camus, éclaire la condition humaine d'une
absurdité dont nul ne peut tromper le questionnement: "Aujourd'hui maman est morte. Ou peut-être hier. Je ne sais pas." Béréchit et Incipit nous interpellent. Croyants, agnostiques ou athées, qui
peut nier que dans les mots de la Bible comme dans le roman existentialiste s'inscrit une fêlure partagée: le mystère d'être plutôt que ne pas être, d'être et d'avoir été ? Aussi, sommes-nous
appelés à nous interroger, en sachant qu'il n'y aura jamais de réponse satisfaisante et définitive, si ce n'est celle d'affirmer que la condition humaine est au service d'une vie digne, avant que
de saluer le monde.
"Le monde ne subsiste que par le souffle des enfants qui étudient !"
Rabbi Yehuda Nessia, compilateur de la Mishna (recueil de la Loi orale).
Contributeur au Talmud et Président du Sanhedrin de Jérusalem.
(200 / 250 de l'ère
commune).
"Je cesserai de me soucier de mes racines juives
le jour où disparaîtra le dernier des
antisémites !"
Raymond Aron.
Israël: "Démocratie ou révolution" !
Une grande partie du peuple israélien ne veut pas d'une réforme judiciaire qui ferait de la Cour suprême de l'Etat hébreu un ornement juridique. Son indépendance et sa jurisprudence
font peur à la droite et à l'extrême droite du pays. Si ce changement de paradigme politique devait advenir, cela signifierait entre autres que leurs forfaits éviteront à l'avenir la case du
tribunal et de la justice. Il n'en est pas question pour les centaines de milliers d'Israéliens, juifs et arabes, qui manifestent chaque semaine depuis 8 mois. Déterminés à exprimer ouvertement
leur opposition au projet de loi du gouvernement Netanyahou, ils brandissent à la face des extrémistes au pouvoir l'alternative suivante: choisissez, Messieurs,
Dames, la démocratie ou ce sera la révolution. Pour sûr, le message est passé 5/5 à la tête de l'Etat. Elle ne semble pas pour autant comprendre et fonce vers la confrontation en votant à la
Knesset, en 1ère lecture pour l'instant, le projet de loi. Cela n'annonce rien de bon pour l'unique démocratie du Moyen-Orient. L'Etat de droit israélien est en danger.
Plus de 100.000 personnes ont manifesté à Tel-Aviv et non loin de la Knesset à Jérusalem, où sera examinée ce dimanche la réforme visant à annuler la
possibilité pour la justice de se prononcer sur le "caractère raisonnable" des décisions du gouvernement.
Des dizaines de milliers d’Israéliens ont défilé samedi 22 juillet pour marteler leur opposition à la réforme judiciaire. Cette révision, portée par le
gouvernement Nétanyahou, divise profondément Israël, secoué depuis janvier de cette année par l’un des plus longs mouvements de contestation de son histoire. Elle doit faire l’objet d’un vote
dans les prochains jours.
"Démocratie ou révolution !", ont scandé samedi les nombreux manifestants à Tel-Aviv, tandis que des dizaines de milliers d’autres entonnaient des slogans
prodémocratie pour cette 29ᵉ soirée d’affilée de mobilisation. Samedi, des manifestations ont également eu lieu à Beersheva (sud), Herzliya et Kfar Saba au nord de
Tel-Aviv.
Selon le gouvernement, la réforme vise notamment à rééquilibrer les pouvoirs, en diminuant les prérogatives de la Cour suprême, que l’exécutif juge politisée,
au profit du parlement. Mais ses détracteurs estiment à raison qu’elle risque d’ouvrir la voie à une dérive antilibérale et autoritaire.
Dès ce dimanche midi à la Knesset (le parlement), des débats se tiennent sur une mesure de la réforme visant à annuler la possibilité pour la justice
israélienne de se prononcer sur le "caractère raisonnable" des décisions du gouvernement. Cette clause fera l’objet d’un vote en 2ᵉ et 3ᵉ lectures. Une fois adoptée, il s’agira de la
première et systémique composante de la réforme judiciaire.
Pour faire pression sur les députés, des milliers de manifestants se sont réunis samedi soir devant la Knesset et la Cour suprême, à Jérusalem, après avoir
parcouru les quelque 65 kilomètres entre Tel-Aviv et la Ville sainte. Armés de parapluies pour se protéger du soleil écrasant, de bouteilles d’eau et de drapeaux israéliens, les marcheurs
ont défilé sur un pan de l’autoroute, s’arrêtant à midi et la nuit.
En fin de journée, des centaines de manifestants installaient des tentes de fortune près de la Knesset et promettaient d’y passer la nuit. "Ce gouvernement est
un gouvernement extrémiste, religieux et nous espérons le faire tomber le plus vite possible", a expliqué un manifestant qui a participé à cette marche de plusieurs jours avec sa
famille.
"Beaucoup d’entre nous camperont ici jusqu’à ce que le vote soit annulé", assure-t-il. Le gouvernement "essaie de renverser la démocratie, les lois essentielles
et les droits humains, et nous sommes là pour l’en empêcher", dit une autre manifestante.
Approuvée en première lecture dans la nuit du 10 au 11 juillet, la clause sur le "caractère raisonnable" avait contraint en janvier le premier ministre à
démettre de ses fonctions le numéro deux du gouvernement, Arié Dery, condamné pour fraude fiscale, à la suite de l’intervention de la Cour suprême.
D’autres mesures provoquent le mécontentement des manifestants, comme celle modifiant le processus de nomination des juges, déjà adoptée par les députés en 1ère
lecture. Les opposants à Netanyahou, rappelons-le, lui-même en procès pour corruption, l’accusent de vouloir utiliser cette réforme pour atténuer un éventuel verdict prononcé à son encontre.
Netanyahou est un récidiviste en la matière.
Au moins 1142 réservistes de l’armée de l’air israélienne ont menacé samedi de suspendre leur service volontaire si la Knesset adopte le projet de loi. Toute
législation appliquée de manière "déraisonnable", "compromettrait ma volonté de continuer à risquer ma vie et me contraindrait, avec une grande tristesse, à suspendre mon service de réserve
volontaire", ont-ils déclaré ...
L’Etat hébreu est à la croisée des chemins. Soit il choisit la fuite en avant de l’extrême droite religieuse et nationaliste, et c’est une catastrophe annoncée,
une guerre civile pas du tout improbable. Soit, le pouvoir fait marche arrière et il opte pour une réconciliation du peuple israélien et le pays retrouvera une unité, certes fragile, mais bien
nécessaire.
Faudra-t-il encore tenter de régler la question palestinienne, avec l’incontournable démantèlement des colonies juives en Cisjordanie, la réactivation de
négociations de paix entre une autorité palestinienne très affaiblie - il n'y a pas d'autre alternative - et le gouvernement en place, en vue, à terme, l’édification d’un Etat palestinien
démocratique et laïque. A défaut, il n'y aura pas d'Etat palestinien.
Toute autre voie mènerait à une guerre perpétuelle - elle en prend le chemin - à un seul Etat israélien basé sur une discrimination ethnique qui le
transformerait en régime de fait d’apartheid.
Nous n’en sommes évidemment pas là. Israël demeure une démocratie, la
seule au Levant. La société civile israélienne qui manifeste aujourd’hui dans les rues et places de Tel-Aviv et Jérusalem démontre par sa capacité de mobilisation et sa détermination qu’il existe
pour la nation si chère à nos coeurs un autre horizon que celui choisit par les radicaux et les extrémistes. Israël ne peut devenir un Iran juif.
Le 23 juillet 2023.
"La haine est devenue un club !"
Steven Spielberg.
Nous sommes allés voir le dernier film de Steven Spielberg, "The Fabelmans". Jamais le génial réalisateur américain n’avait scruté ses jeunes années avec autant
d’émotion et d’intelligence. On ne revient pas de son enfance. Là est la clé pour comprendre le chemin d’un homme juif qui aura fait voyager et rêver des dizaines de millions de téléspectateurs
pendant 50 ans.
Ses parents et ses trois soeurs auront constitué le socle de valeurs et d’angoisses toujours recommencées. Sa maman, Leah Adler, née Leah Frances Posner, mère
juive iconique, pianiste passionnée et amoureuse de son amant, le meilleur ami de son papa, fuyait la banalité de la vie en embrassant le rôle ingrat de l’infidèle. Bien qu’aimante avec son
époux, Arnold Spielberg, un ingénieur informaticien tendre et gentil, après deux déménagements, du New Jersey à la Californie en passant par l’Arizona, Leah ne put consentir à se séparer de
Bernie Adler qu’elle épousa ensuite.
Elle est décédée à l’âge de 97 ans, le 21 février 2016. Ce qui, pour Steven, ouvrit sans doute la porte à la quête de l’intime dans laquelle nous plonge son
dernier movie, salué par la critique internationale comme un chef d’oeuvre. Le deuil du divorce de ses parents ne répara jamais en lui la fêlure primaire, qui lui permit tout au long d’une
carrière exceptionnelle à nourrir le thème obsédant de la séparation, de nous la montrer sous les angles du merveilleux comme du tragique.
C’est une fable de la vérité humaine qui ressemble étrangement à la nôtre. Sammy Fabelman est victime d’intimidations. Certains étudiants du lycée où il
atterrit à Los Angeles ne sont pas tendres avec un adolescent juif et peu athlétique. La caméra qui l’accompagne constamment semble représenter sa seule bouée de sauvetage, avec les filles comme
avec les physiques imposants de l’école. Alors que l’antisémitisme était quasi absent dans son oeuvre, avec "The Fabelmans", Spielberg aborde le sujet par quelques scènes sans pathos mais sans
détour. Ce n'est pas son genre.
Dans la célèbre émission de télévision "The Late Show with Steven Colbert", Spielberg s’est exprimé récemment sur ce qu’il considère comme une montée sans
précédent de l’antisémitisme, qui, dit-il, a infiltré la culture américaine ces dernières années: "L’antisémitisme a toujours été là, il est soit tapi dans l’ombre, en train de nous épier, soit
totalement assumé. Depuis l’Allemagne des années 1930, je n’avais jamais vu un antisémitisme qui ne se cache plus, et qui se tient droit et fier, une main sur la hanche, comme Hitler et
Mussolini, comme s’il nous mettait au défi de le combattre. Je n’en avais jamais fait l’expérience, et surtout pas aux Etats-Unis. La marginalisation des personnes qui n’appartiennent pas à une
majorité ethnique nous guette depuis des années. La haine est devenue un club qui a rassemblé plus de membres que je ne l’aurais jamais imaginé en Amérique. La haine et l’antisémitisme vont main
dans la main, on ne peut pas les séparer l’un de l’autre".
Le célèbre réalisateur, qui a consacré toute son énergie et son talent à l’optimisme, excepté dans "La liste de Schindler", - voyez les extraterrestres
bienveillants de "Rencontres du 3ème type" et d’"E.T." -, n’allait pas clore son propos par une note négative. Il pense que l’humanité est capable de surmonter cette vague d’antisémitisme:
"Je crois qu’elle avait raison quand elle a dit que la plupart des gens sont bons. Et je crois qu’au fond de nous, il y a la bonté et l’empathie", a-t-il conclu, en citant Anne
Frank.
Le 09 mars 2023.
L’ancien premier ministre, Ehud Barak,
évoque le spectre d’une dictature en Israël !
Lors d'un forum sur la démocratie organisé par le quotidien Haaretz qui s'est tenu cette semaine,
l’ancien premier ministre travailliste israélien, Ehud Barak, a averti qu’Israël était sur le point de sombrer dans une dictature et qu’il serait du devoir
des citoyens de s’opposer à un "régime illégitime".
Alors qu’il évoquait la volonté du gouvernement de Benjamin Netanyahou de réformer le système judiciaire, dans le sens d’une neutralisation des arrêts de la Cour
suprême israélienne, il a affirmé qu’Israël était confronté à la crise "la plus grave depuis le déclenchement de la guerre en 1948".
"S’ils n’arrêtent pas, nous entrerons dans une dictature d’ici 6 semaines et le public devra faire ce que ses représentants à la Knesset ne font pas", a-t-il
déclaré. Ajoutant: "L’expérience nous a montré que lorsque 3,5% de la population (les ultras religieux juifs) persiste dans ses protestations par tous les moyens mis à sa disposition, le
gouvernement tombe. Je ne sais pas quels dégâts ils causeront en cours de route, mais je suis sûr que nous vaincrons, parce que nous sommes du bon côté de l’histoire et que nous n’avons peur de
rien ni de personne".
Celui qui a été ministre de la Défense et chef d’état-major de Tsahal a aussi appelé à la désobéissance des soldats: "Lorsque les ordres proviennent d’une
dictature, s’y opposer n’est pas un droit mais un devoir", avant d’ajouter: "Nous avons un contrat avec une démocratie libérale telle qu’elle est définie dans la déclaration d’indépendance, mais
nous n’avons aucun contrat avec les dictateurs".
Il y a quelques semaines, sur les réseaux sociaux, il n’avait pas hésité à comparer la proposition d’un compromis national du président d’Israël, Isaac Herzog,
à la démarche du premier ministre britannique, Neville Chamberlain, en 1938, à l’égard du régime nazi d’Adolf Hitler, message qu’il s’était empressé de supprimer peu après sa
publication.
On ne le dira jamais assez, l’Etat hébreu est à la croisée des chemins. Soit le gouvernement fonce tête baissée vers la disparition de la jurisprudence de la
Cour suprême et l’Etat de droit ne sera plus qu’une chimère. Soit l’exécutif renonce devant un acte aussi grave et les nombreuses manifestations de rue qui
dénoncent le coup de force, et Israël pourra encore se prévaloir d'appartenir au camp des démocraties libérales (*).
L'optimisme d'Ehud Barak sur l'issue de la confrontation entre les deux Israël semble tout de même très audacieux. Pour l'instant en tout cas, le présent injurie
l'avenir et c'est très inquiétant.
(*) Netanyahou et ses alliés d'extrême droite persistent et signent. Le 21 février, la
Knesset a voté en première lecture le projet de réforme judiciaire et donc le transfèrement à l’assemblée parlementaire des compétences de la Cour suprême. A la création d'Israël, en 1948, il
aurait fallu que les pères fondateurs donnent au pays une constitution qui protège la plus haute juridiction par une disposition imposant à tout projet ou proposition de modification une majorité
législative spéciale.
Le 25 février 2023.
Israël doit faire la lumière sur les officines de manipulation numérique !
Cette semaine, le collectif "Forbidden Stories", regroupant des dizaines de journalistes enquêteurs, a révélé le système de manipulation des opinions publiques
par des sociétés spécialisées dans la falsification des informations et l’organisation à grande échelle de coups tordus au profit de divers clients: gouvernements autocratiques ou entreprises du
secteur privé.
Le groupe "Team Jorge" israélien (pseudo), société clandestine située entre Tel Aviv et Jérusalem, propose à ses clients toute une panoplie de services
illégaux, allant d’interventions directes dans les processus électoraux de certains pays, à la publication d’articles de presse sous forme d’infox, en passant par la diffusion sur des chaînes
d’information en continu respectables de reportages bidon clé en main et dédiés ensuite à être relayés par des milliers de faux profils robots sur les réseaux sociaux. L’objectif est évidemment
d'asseoir la véracité des images et des propos diffusés auprès des millions d’utilisateurs de Tweeter, Facebook, Instagram, Tik Tok etc.
Trois journalistes, un de Radio France, un deuxième du quotidien israélien Haaretz (centre gauche), un troisième du journal israélien "The Marker" (libéral),
ont réussi à infiltrer les équipes de "Team Jorge" », avec caméras cachées. Ils ont révélé les pratiques mafieuses très lucratives de cette agence un peu particulière. Pour obtenir leur appui
dans une opération, les tarifs peuvent varier de plusieurs dizaines de milliers d’euros, pour espionner un smartphone, à plusieurs dizaines de millions d'euros, pour une manipulation
électorale.
Un certain Tal Hanan, un des responsables de l’officine, est un ancien militaire israélien reconverti dans ce business pourri. A ses côtés, d’autres agents de
renseignement retraités ainsi que des informaticiens de haut vol. Ensemble, ils ont réussi à capter l’intérêt d’Etats, souvent illibéraux, en recherche de déstabilisation d’opposants et de
scrutins.
Ainsi, on apprend que ces barbouzes deux points zéro nouvelle génération sont intervenus dans 33 campagnes électorales au niveau présidentiel; les deux tiers en
Afrique anglophone et francophone. 27 ont été un succès: "Nous pouvons confirmer qu’au cours de l’été 2022, alors que l’élection présidentielle kenyane approchait, "Jorge" s’est intéressé aux
comptes de proches du futur président William Ruto ..." En Europe, ils seraient intervenus dans le référendum, non reconnu par le gouvernement espagnol, organisé par les indépendantistes catalans
en 2014.
Pour ses activités, "Team Jorge" a développé depuis six ans une plateforme numérique, appelée AIMS (Advanced Impact Media Solutions), soit des "solutions
avancées pour un impact médiatique", qui lui permet de créer à volonté de faux comptes sur les réseaux sociaux, de les activer et de les animer, afin de leur donner un vernis
d’existence.
Début janvier 2023, le système exploitait 39.213 faux profils différents, consultables dans une sorte de catalogue. On y trouve des avatars de toutes ethnies et
nationalités, de tous genres, célibataires ou en couple. Leurs visages sont sélectionnés sur des portraits de personnes piochées sur Internet et leurs patronymes, combinaison de milliers de noms
et prénoms, sont stockés dans une base de données.
L’entreprise recourt à l’espionnage de personnages clés, en les plaçant sur écoute, ainsi qu’à des actions d’influence et de lobbying auprès de décideurs ou de
journalistes. "Forbidden Stories" (Histoires interdites) est un réseau de journalistes d’investigation crée en 2017 et basé en France. Il s’est donné pour mission de poursuivre le travail
d’autres journalistes menacés, emprisonnés ou assassinés. De l'Afrique à la Russie, en oubliant pas Malte, ils et elles ont été nombreux à avoir été "neutralisés" d'une manière ou d'une autre.
Les faits et leur vérité ont toujours beaucoup d'ennemis.
Après l’affaire du logiciel israélien "Pegasus" de l’entreprise NSO Group, révélée en 2016, qui a servi à espionner les smartphones (iOS et Androïd) de
personnalités importantes, dont le président français, Emmanuel Macon (en ce cas, sur demande de l’Etat marocain), voici venir le scandale "Team Jorge".
Cela fait tout de même beaucoup pour Israël. Certes, l'Etat hébreu est l'une des toutes premières start up nations reconnues dans le monde entier, mais
également une démocratie, espérons pour longtemps encore. Il va donc falloir au gouvernement ultra de Benjamin Netanyahou de faire la lumière sur les relations avérées ou non entre les services
de sécurité et de renseignement israéliens et ces entreprises technologiques criminelles. La transparence n'est pas dans ses habitudes, mais là, il y a urgence.
Ne pas clarifier le rôle et la position de l’Etat dans ces "opérations spéciales" reviendrait à accréditer l’idée que l’existence et les activités de tels
"bureaux" d’influence cancéreuse ne sont pas si illégales que ça. A défaut, l'image et la crédibilité démocratique d'Israël pourraient à nouveau en souffrir.
Le 17 février 2023.
Une opération militaire qui vise à éviter un attentat terroriste
et une fusillade sur des civils, ce n'est pas la même chose.
Israël doit se défendre mais doit rester une démocratie !
Même si, à ce jour, rien ne permet d'affirmer qu'il y aurait un lien direct entre le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahou, sa coalition radicale et la
flambée de violence qui vient d'embraser la Cisjordanie et Israël, nous pensons cependant que le signal ainsi envoyé tous azimuts ne pouvait qu'aggraver les choses. Nous écrivions ici même, le 24
décembre dernier, que l'installation d'un gouvernement israélien gangrené par l'extrême droite religieuse augurait "d'un bien sombre avenir pour Israël et le Moyen-Orient". Il ne fallait pas être
un grand analyste pour craindre le pire.
Le pire n'est pas encore arrivé mais tous les ingrédients pour qu'il advienne semblent réunis. Avoir confié la sécurité intérieure et extérieure à un personnage
aussi sulfureux et dangereux qu'Itamar Ben-Gvir était la dernière chose à faire. Qu'est-ce que le parti de gouvernement Likoud est allé faire dans cette galère ? Sans doute le prix à payer pour
permettre à Netanyahou d'échapper à une lourde condamnation, lui qui est poursuivi par la justice israélienne dans plusieurs dossiers de
corruption. Son immunité de premier ministre lui permettra, pour un certain temps, d'éviter la case prison.
Venons-en aux tragiques événements de la semaine dernière. Il faut savoir que l'armée israélienne (Tsahal) intervient régulièrement à Jénine depuis un an. Bien
qu'officiellement la ville soit sous la responsabilité et le contrôle de l'Autorité palestinienne, comme d'autres cités de Cisjordanie, elle est en fait infiltrée largement par des groupes terroristes
du Hamas et du Djihad islamique, organisations sunnites basées à Gaza, mais également du Hezbollah libanais chiite. Toutes trois, bien que rivales à des degrés divers, ne cachent pas leur
objectif central: détruire Israël.
Le jeudi 26 janvier, informés d'une préparation d'attentat palestinien en Israël, le Shabak, les services intérieurs israéliens, aussi appelés Shin Bet, épaulés par le Mossad,
les services extérieurs de l'Etat hébreu, décident d'intervenir dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie. Le contact avec les cibles, identifiées précisément dans une habitation,
se fait d'abord sous couverture d'un camion de livraison de la laiterie Jneidi, bien connue de tous. On se
croirait dans la célèbre série israélienne "Fauda", qui signifie en arabe chaos. Quelques minutes plus tard, ce sont des blindés qui pénètrent dans le
quartier (une ruelle en pente), accompagnés d'un bulldozer, afin de détruire les différentes structures de protection mises en place par les organisations palestiniennes. Appuyés par des renforts
militaires, l'unité d'élite des services israéliens donne l'assaut. Neuf Palestiniens seront tués et une vingtaine blessés. Un attentat à Jérusalem, via les quartiers-Est de la ville, a été ainsi
déjoué.
Le vendredi 27 janvier en soirée, un Palestinien de 21 ans, résidant précisément à Jérusalem-Est, pénètre dans le quartier de Neve Yaacov, habité par des colons juifs
religieux. C'est Shabbat et de nombreuses personnes célèbrent comme chaque semaine la cérémonie. A la sortie d'une synagogue, le Palestinien arrive en trombe dans une voiture, il sort du véhicule
et tire à la kalashnikov sur les pratiquants. Le Magen David Adom (MDA), l'équivalent israélien de la
Croix-Rouge, déclare avoir recensé dix victimes touchées par balles, parmi lesquelles un adolescent de 14 ans. 7 d'entre elles sont décédées. Le terroriste palestinien sera abattu par la police, qui reconnait qu'il s'agit d'un acte isolé.
La fusilladeest intervenue moins de 24 heures après le raid à Jénine. Dimanche 29, c'est un jeune garçon palestinien de ... 13 ans,
qui fera feu sur des passants juifs dans le même quartier. Blessé, il sera emmené à l'hôpital où ses jours ne sont pas en danger. Aucune victime du côté israélien.
Ce sont évidemment des réponses palestiniennes en forme de vengeance. Sauf qu'on ne peut pas mettre sur les plateaux de la balance les deux épisodes. D'un côté,
vous avez des forces de sécurité qui interviennent pour empêcher un attentat terroriste et qui tuent 7 membres d'une milice djahadiste et malheureusement, dans l'action, deux civils. De l'autre,
deux individus armés (par qui, surtout dans le chef du jeune ?), qui font feu sur une foule de civils en plein Shabbat. On ne peut mettre juridiquement, politiquement et moralement un signe
d'égalité entre ces deux événements sanglants.
Cela ne nous empêche pas de penser que du côté israélien, en tout cas du côté gouvernemental et des partis extrémiste, rien n'est fait pour apaiser les tensions et
l'escalade. Les déclarations comme les démarches des uns et des autres ne font qu'empirer les choses. Ne dirait-on pas que ces fanatiques souhaitent une troisième Intifada qui, cette fois,
pourrait bien mettre le feu à toute la région ?
Chose remarquable et réconfortante, depuis plusieurs semaines, même après l'attentat meurtrier de Neve Yaacov, des centaines de milliers d'Israéliens, juifs pour la
plupart, mais aussi arabes, manifestent à Tel Aviv chaque samedi contre "le gouvernement le plus à droite" depuis la fondation d'Israël; euphémisme pour qualifier une coalition d'extrémistes.
"Nous n'accepterons pas de vivre dans un Etat théocratique qui tourne le dos à la démocratie", crient-ils. Ou encore, "Ici, ça n'est pas la Pologne, ça n'est pas la Hongrie", scandent-ils
dans les rues de la cité méditerranéenne et depuis la place des Rois d'Israël, où Yitzhak Rabin a été assassiné par un fanatique religieux juif.
Doron Goldberg, descendant de déportés, un parmi bien d'autres, témoigne: "A l'école, quand nous étions enfants, on nous a appris à ne pas devenir fascistes, à tirer
toutes les leçons de ce qui était arrivé au peuple allemand. La différence entre nous et le peuple allemand, c'est que nous manifestons et, en aucune façon, nous n'accepterons de devenir
fascistes et racistes". Que Dieu les entende !
La légitimité et la sécurité d'Israël sont indissociables et constituent le ciment de son existence. Ne jamais oublier que certaines capitales du Levant rêvent de sa
disparition, à commencer par Téhéran. Toute tentative d'atteinte à ces points cardinaux existentiels recevra une réponse appropriée, d'où qu'elle vienne. L'Etat hébreu est en droit absolu de se
défendre, il a été fondé par des sionistes laïques, pour la plupart travaillistes, avec, dans le coeur coeur et à l'esprit, l'idée qu'Israël ne pourrait vivre et survivre que sous l'étoile de la
démocratie.
La dérive religieuse et nationaliste, pour tout dire d'extrême droite, à laquelle nous assistons, dérive qui a commencé son travail de nuisance et de sape dès
après le refus des Palestiniens de respecter les accords de paix d'Oslo puis ceux de Washington, signés par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, sous les auspices du président américain Bill Clinton,
met en péril l'équilibre savamment dosé par les Pères fondateurs entre l'identité juive d'Israël et l'établissement d'un Etat authentiquement démocratique.
Cet équilibre a fonctionné tant bien que mal depuis 1948 jusqu'à ce jour. Les nombreuses menaces extérieures et intérieures n'ont jamais empêché l'Etat hébreu de
préserver et de protéger tous les attributs d'une vraie démocratie. La Cour suprême d'Israël, qui garantit à tout citoyen, quelle que soit son appartenance, un traitement équitable de l'exercice
de ses droits et devoirs, en fait partie. C'est à cette institution essentielle, à ses missions sacrées, que s'attaque les partis extrémistes de la coalition. Il s'agit d'une ligne rouge qu'aucun
Juif démocrate ne peut accepter sans renier ses valeurs fondamentales. Avec bien d'autres, nous continuerons ici à dénoncer et à combattre la catastrophe que tentent de préparer des individus
indignes et étrangement inspirés par le "modèle iranien".
Les 31 janvier 2023.
La Knesset est la Chambre la plus extrémiste de droite de l'histoire d'Israël. Les ultras religieux, ces fous de Dieu, souvent en prise avec la
police et l'armée israéliennes, s'apprêtent à recevoir le pouvoir des mains de
Benjamin Netanyahu, ici, avec le président Isaac Herzog.
Israël fait un grand pas vers une théocratie d'extrême droite !
Celui qui a connu le plus long règne en tant que premier ministre israélien, après avoir dirigé le gouvernement de 1996 à 1999 puis de 2009
à 2021, revient au pouvoir après que le Likoud, parti national conservateur, des factions religieuses d’extrême droite et des partis ultra-orthodoxes ont recueilli ensemble 64 des
120 sièges parlementaires de la Knesset. Les élections législatives du 1er novembre dernier étaient les cinquièmes en ... quatre ans.
Il aura fallu à Benjamin Netanyahu plus de six semaines pour former son nouveau gouvernement. Une coalition nauséabonde alliant la droite avec ce qu’il y a de
pire en Israël, l’extrême droite nationaliste et raciste et les illuminés religieux, qui ne valent guère mieux que les barbus islamistes d’en face.
L’idée centrale de ce gouvernement des extrêmes, en l’absence de constitution israélienne, qui aurait comme avantage d’inscrire quasi dans le marbre les
fondements de l’Etat de droit, est de contourner l’autorité juridique de la Cour suprême israélienne, qui dit le droit et qui protège, jusqu’à ce jour, les citoyens d’Israël, quelle que soit
leurs convictions religieuses et politiques, contre l’abus de pouvoir.
Ce serait désormais à une majorité simple de la Knesset d’avoir le dernier mot en la matière. Derrière cette atteinte aux principes démocratiques se cache aussi
l’intention de permettre au nouveau premier ministre d’échapper au procès pour corruption qui le menaçait. Voilà un homme qui traîne dans son sillage de grosses casseroles et qui va pouvoir,
espère-t-il, ne pas goûter aux saveurs de la prison.
Bezalel Smotrich, chef de "l’Alliance Sionisme religieux", et Itamar Ben-Gvir, leader du parti "Force juive", occuperont des postes importants au sein du
nouveau gouvernement.Homophobe autoproclamé et militant colonialiste, Bezalel Smotrich sera nommé ministre des Finances et intégré au
ministère de laDéfense, où il supervisera les colonies juives de Cisjordanie ...
Ce poste confère à Bezalel Smotrich une autorité sur les permis de construire dans les territoires occupés, les démolitions de maisons palestiniennes et les
questions foncières. Par ailleurs, il supervisera deux unités militaires chargées de gérer les affaires civiles et de sécurité en Cisjordanie.
Itamar Ben-Gvir, qui a été condamné par le passé en Israël pour incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste, sera nommé ministre de la
Sécurité nationale et supervisera la police et la force en charge de la sécurité sur le site de la mosquée al-Aqsa ainsi que sur la police aux frontières.
Quand on songe que ce sont ceux-là mêmes qui ont applaudi à l'assassinat de l'ancien premier ministre
travailliste israélien, Yitzhak Rabin, abattu à Tel Aviv le 4 novembre 1995 par l'extrémiste juif, Ygal Amir, héritier religieux du rabbin ultra-nationaliste, Meir Kahane, lui-même assassiné à
New York/Manhattan, le 5 novembre 1990. L'arrivée de ces "fous de Dieu" au pouvoir sent le soufre.
Un autre radical, Avi Maoz, chef du parti anti-LGBT "Noam", va être nommé vice-ministre chargé de l’"identité juive", obtenant ainsi le contrôle de certaines
parties du système éducatif national israélien.
Favorable aux thérapies de conversion des homosexuels, Avi Maoz s’oppose à la possibilité pour les femmes de servir dans l’armée et veut faire du grand-rabbinat
la "quatrième branche du gouvernement"; à savoir, la volonté idéologique de faire de la loi religieuse, de son interprétation la plusrigide, à l'opposé de l'intelligence talmudique, la norme hiérarchique sur la loi civile.
Aryé Deri, chef du parti ultra-orthodoxe "Sha", s’est également vu promettre les portefeuilles de l’Intérieur et de la Santé - alors même que la procureure
générale d’Israël a déclaré qu’il ne pouvait pas faire partie du gouvernement en raison de condamnations pour des infractions fiscales.
Tout cela augure d’un bien sombre avenir pour Israël et le Moyen-Orient, car les tensions y sont exacerbées. La cohabitation entre les communautés
devient plus difficile chaque jour, y compris au sein même des Israéliens juifs et, bien sûr, avec les Israéliens arabes; quant à l'absence dans la durée de dialogue politique avec l'Autorité
palestinienne, elle n'annonce rien de bon. On peut penser également que le rapprochement diplomatique et
politique des dernières années avec certains régimes arabes risque d'en prendre un coup. Quel gouvernement arabe, de l'Arabie saoudite au Maroc, en
passant par la Jordanie et l'Egypte, acceptera la mise en place d'un projet suprémaciste, que portent les Juifs ultras, qui renverrait durablement les Palestiniens au rang de peuple inexistant
?
Le pays va donc être plus fracturé que jamais. Même si les progressistes et les laïques israéliens ont perdu la main depuis deux décennies, il n’en reste pas
moins que plusieurs millions de citoyens d’Israël (juifs croyants ou non, arabo-musulmans et chrétiens) ne pourront se reconnaître dans un projet gouvernemental ouvertement raciste, homophobe,
machiste et dans le déni à l'égard de la réalité palestinienne. Ajouté à cela un coût de la vie exorbitant en Israël, qui laisse de côté des centaines de milliers de familles, et vous avez
le cocktail explosif de conflits sociaux et politiques
latents. Un désastre pourrait en ressortir. Ne parlons (encore) pas de guerre civile ...
Nul doute que ce coup de barre à l’extrême droite va connaître dans toute la sous-région, et au-delà, des réactions en chaîne négatives, voire violentes; l'Etat
israélien se transforme tragiquement et sui generis en véritable théocratie. Comment admirer et aimer un Etat frappé à ce point d'une pensée totalitaire ? Pour pousser le trait, l'Iran des
mollahs tyranniques, ennemi existentiel d'Israël, pourrait voir dans cette évolution israélienne le reflet, certes déformé, comme en miroir, de sa
propre image.
Aucune information n’a été communiquée quant à la date à laquelle le nouveau gouvernement Netanyahu prêtera serment devant le président. Le nouveau premier
ministre a fait savoir à Isaac Herzog qu’il voulait que cela ait lieu dès que possible. Dès l'annonce de l'accord de coalition, Vladimir Poutine a été le premier à saluer le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu
...
Quoi qu'il en soit, les pères
fondateurs de l’Etat hébreu,laïques pour la plupart, nous pensons bien sûr à David Ben Gourion, doivent se retourner dans leur tombe. Malgré notre écoeurement devant ce qui
pourrait devenir un jour l'impardonnable, pour l'heure,
nous qui avons toujours soutenu la légitimité et la sécurité d'Israël, nous qui continuons à le chérir, nous ne changerons pas notre fusil d'épaule. Mais, en aucun cas, nous ne pourrons soutenir
une coalition israélienne aussi nauséeuse que funeste.
Le 24 décembre 2022.
"L'Ukraine, c'est bon pour les Juifs !"
Joël Kotek est professeur d'histoire à l'Université Libre de Bruxelles et politologue.
Centre Communautaire Laïque Juif (CCLJ), magazine "Regards", décembre 2022.
Cette carte de l'Europe centrale et orientale montre que
c'est en Ukraine que la population est la moins antisémite.
"Si l’Ukraine fut une terre de sang pour les Juifs, elle est devenue depuis plusieurs années le pays d’Europe centrale et orientale le plus ouvert aux
Juifs. Les heures tragiques que connaît ce pays imposent aux Juifs une solidarité sans faille. La défaite de l’Ukraine signifiera immanquablement une régression qui pourrait leur être
fatale.
Faut-il toujours tout analyser à l’aune des Juifs et d’Israël ? L’Ukraine, c’est bon pour les Juifs ? Qu’importe ! Le seul élément qui doit être
pris en compte est de savoir ce qui est bon pour l’Ukraine et pour les Ukrainiens, juifs compris. Et ce qui est bon pour les Ukrainiens de toutes confessions est de pouvoir s’affranchir
définitivement de la Russie. C’est le message que je vous livre à la suite d’un séminaire de recherches coorganisé à Kiev, début novembre, par le Mémorial de la Shoah de Paris, le Centre
ukrainien d’Etudes de la Shoah, le Musée de la Guerre de Kiev et l’Institut d’Histoire d’Ukraine.
L’objectif de cette rencontre, initiée par Bruno Boyer (MS) et Anatolii Podolskyi (CUES), était de réfléchir sur les violences de masse perpétrées sur cette
Terre de sang, pour reprendre l’expression de Timothy Snyder.
Certes, l’Ukraine fut, avec la Pologne, notre Terre de sang par excellence. Que reste-t-il, en effet, de cette formidable judaïcité qui compta plus de
1,5 million de Juifs avant la Shoah ? Peu de choses. Les estimations varient entre 50.000 et 300.000 âmes.
En cause, évidemment, la Shoah et le régime soviétique qui força à l’exil la majeure partie des survivants. La simple évocation des noms des villes martyres
ukrainiennes ne manque pas de susciter nostalgie et tristesse. Ce qui a été, n’est plus : pensons à la mythique Odessa, qui compta jusqu’à 37% d’habitants juifs, à Berditchev la ville de
Vassili Grossman, et sa population juive majoritaire (80%), à Nikolaïev, où naquit le célèbre rabbin Loubavitch Menahem Mendel Schneerson, à Donets (Stalino), où naquit le refuznik Natan
Sharansky, à Kherson (20% de Juifs), à Lvov/Lemberg/Lviv, qui compta jusqu’à un tiers de citoyens juifs où se formèrent au droit international Raphaël Lemkin, le père du concept de génocide, et
Hersch Lauterpacht, celui de crime contre l’humanité. Et bien sûr, à Kiev, la ville Golda Meir, du pianiste Vladimir Horowitz, de l’écrivain Ilya Ehrenbourg, de l’acteur Solomon Mikhoëls,
assassiné par les sbires de Staline.
La ville de Kiev fut liée dès son origine à celle des Juifs, puisque l’une des premières mentions de la ville figure dans un document du Xème siècle, trouvé
dans la genizah de la synagogue du Caire. Tout cela a été anéanti.
Shoah par balle et nationalistes antisémites !
L’Ukraine fut le terrain par excellence de la Shoah par balle qui emporta près de 900.000 Juifs ukrainiens. En témoigne le massacre de Babi Yar, perpétré dans
la banlieue de Kiev les 28 et 29 septembre 1941. Là, près de 33.771 Juifs furent assassinés en l’espace de deux jours. Si Auschwitz désigne pour les Occidentaux le symbole de la
catastrophe, c’est Babi Yar qui le symbolise à l’Est. Un massacre de sang-froid inégalé. Si la tuerie fut l’œuvre de la SS et des Einsatzgruppen, le fait est qu’ils furent largement épaulés par
des unités de la police auxiliaire ukrainienne liée notamment à l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN).
Cette organisation ultranationaliste, créée en 1929 par Stepan Bandera, entretint dès les années trente une étroite proximité idéologique avec le nazisme, avec
lequel elle partagea une égale haine des communistes et des Juifs. L’entrée en guerre des nazis contre l’URSS fut perçue comme une divine surprise pour le mouvement bandériste. Dès les premiers
jours de l’opération Barbarossa, les activistes de l’OUN en profitèrent pour fomenter de leur propre chef des massacres de Juifs, à l’exemple du pogrome de Lvov, début juillet 1941.
Si les dirigeants de l’OUN, à l’exemple de Bandera et de son adjoint Iaroslav Stetsko, furent internés par les nazis, qui n’envisageaient pas d’accorder
l’indépendance à l’Ukraine, des milliers de ses membres participèrent sans réserve au massacre des Juifs dans une indifférence quasi générale.
Le souci de l’organisation de débarrasser l’Ukraine de ses Juifs est indéniable. En témoigne la biographie que rédigea en août 1941 depuis sa… prison, Stetsko,
le numéro deux du parti et premier ministre éphémère de la République indépendante d’Ukraine : "Bien que je considère que c’est Moscou, qui en fait tient l’Ukraine en captivité, et non pas
les Juifs, comme l’ennemi principal et décisif, je considère tout de même pleinement le rôle indéniablement nuisible et hostile des Juifs, qui aident Moscou à asservir l'Ukraine. Je
soutiens donc la destruction des Juifs et la pertinence de l’apport des méthodes allemandes d’extermination des Juifs en Ukraine, plutôt que de tenter de les assimiler".
Un président et des premiers ministres juifs !
Est-ce à dire qu’il nous faudrait renoncer à soutenir l’Ukraine aujourd’hui ? En aucune manière, et ce pour de nombreuses et évidentes raisons. Tout
d’abord, si l’Ukraine, tout comme d’ailleurs la France et la Belgique, eut son lot de collaborateurs (250.000), il y eut bien davantage d’Ukrainiens qui combattirent au sein de l’armée rouge
(sept millions). La population ukrainienne a payé un lourd tribut à l’occupation et a massivement participé à la libération de son territoire et à la victoire contre le nazisme.
Enfin, les Ukrainiens d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’autrefois. Ensuite une évidence : jusqu’à l’entrée des forces d’invasion russes en février 2022, il
faisait bon d’être juif en Ukraine : c’est dans ce pays que se situe, en l’occurrence à Dnipro, le plus grand centre communautaire juif du monde.
Ensuite, L’Ukraine contemporaine est aujourd’hui le pays d’Europe centrale et orientale le plus ouvert aux Juifs comme en témoigna, en 2018, une vaste enquête
diligentée par le PEW Research Center (voir carte ci-haut). On y décèle des représentations antisémites quatre fois moindre que les Roumains, trois fois moindre que les Russes, les Tchèques, les
Polonais.
Aussi n’est-ce pas un hasard qu’ils se sont donné un président (et un ministre de la Défense) d’origine juive, sans oublier deux premiers ministres juifs
(Volodymyr Groysman et Yukhym Zvyahilsky). Quelle différence avec sa voisine polonaise, où le moindre soupçon de judéité vous ôte tout espoir de faire de la politique !
Pour conclure, il faudrait souligner, à toutes fins utiles, que la Shoah fut évidemment l’œuvre du peuple allemand avec lequel les Juifs et les Israéliens ont
désormais d’excellentes relations. Si quelques historiens rencontrés lors du colloque se sont refusés à condamner les mouvements collaborationnistes, c’est exactement pour les mêmes raisons qu’en
Flandre ou qu’en Croatie. A leurs yeux, Stepan Bandera se serait certes fourvoyé avec les nazis, mais pour une noble cause, celle de l’intérêt supérieur de la Nation avec un grand N.
D’autres historiens reconnaissent évidemment le caractère problématique que pose ce supposé père de la nation ukrainienne qui, rappelons-le, a désormais une
avenue dédiée dans la ville de Kiev. Sans nier les crimes de l’OUN et de l’UPA à l’encontre des Juifs et des Polonais, ils soulignent le contexte de violence extrême, d’ensauvagement de l’Ukraine
stalinienne.
Comment oublier que Staline, soucieux de détruire l'Ukraine, à l’instar d’un Poutine, en tant que nation, organisa une famine qui emporta près de quatre
millions de ses habitants. L’Holodomor. De-là, à considérer (bien à tort) les nazis comme des libérateurs, il n’y eut qu’un pas que franchirent sans guère de peine les milieux ultranationalistes
préalablement acquis au fascisme.
Cette erreur fatale fut commise dans tous les territoires conquis par les nazis, de la Croatie à la Flandre, où pourtant aucun phénomène comparable à
l’Holodomor se produisit. Loin de là. Y eut-il en Belgique un seul citoyen exécuté du fait de son appartenance ethnique ou religieuse ? L’appel à la collaboration avec l’ennemi n’en fut pas
moins important, tout comme les velléités de réhabilitation de ses artisans, comme en témoignent les hommages qu’ils leur sont rendus, certes en catimini.
Au-delà de ces carambolages mémoriels, les discussions entre historiens ont permis de prendre la pleine mesure des avancées en termes de devoir d’histoire et de
travail de mémoire. En 2022, un réalisateur ukrainien, Sergei Loznitsa, a réalisé un documentaire sans concession sur le massacre de Babi Yar ; la complicité des collaborateurs ukrainiens
n’est absolument pas occultée. Le site même de Babi Yar est un autre exemple d’avancée mémoriel. Rappelons ici, qu’à l’instar d’Auschwitz-Birkenau, le site de la martyrologie des Juifs ukrainiens
fut pendant toute la période communiste totalement déjudaïsé. Les victimes juives étaient présentées comme des "citoyens soviétiques pacifiques". Tout est bien différent aujourd’hui :
jusqu’à l’excès sans doute.
Près de 32 monuments s’y côtoient dans une sorte de capharnaüm peu lisible. Toutes les victimes du nazisme sont honorées, y compris les quelques activistes de
l’OUN exécutés par les nazis ! Si tout est loin d’être parfait, le martyre des Juifs de Kiev est bien documenté. À l’évidence, les historiens comme les politiques ukrainiens sont à l’écoute
du monde.
Gageons que la guerre de survie qu’ils livrent à l’ogre russe et qu’on espère victorieuse, leur permettront de mettre en avant des figures autrement réellement
héroïques (on songe évidemment à Zelenski) et, de-là, reléguer la clique de Bandera dans les oubliettes de l’histoire.
Si l’Ukraine fut une terre de sang pour les Juifs, les heures tragiques que connaît ce pays (les crimes de guerre et contre l’humanité se comptent par milliers)
nous imposent une solidarité sans faille.
Les Ukrainiens sont nos frères. Leurs valeurs sont les nôtres. La défaite de l’Ukraine signifierait immanquablement une régression qui pourrait nous
être fatale. Il est dommage que les dirigeants israéliens, contrairement aux dirigeants européens, ne l’aient pas compris. Leur désinvolture à l’égard de l’Ukraine est interpellant. Les
Israéliens se voilent la face comme naguère « les Nations » face à la Shoah : service minimum au nom d’intérêts nationaux bien compris (*).
Est-ce éthiquement justifiable ? Qu’Israël ne livre pas d’armes offensives à l’Ukraine est compréhensible dans le contexte du chantage russe en Syrie, mais
quid du dôme de fer, un système d’armes purement défensif ? Il serait temps qu’Israël tire les leçons de la Shoah ou arrête de prendre le monde à témoin." Joël Kotek.
(*)Ce strict (ou cynique) réalisme politique explique aussi pourquoi l’Etat des rescapés de la Shoah
n’a toujours pas reconnu le génocide des Arméniens mais livre depuis des années des armes offensives à l’Azerbaïdjan. Au nom de quelles valeurs ?
Quelle honte
!
Le 23 décembre 2022.
>Israël n'en a pas fini avec son instabilité politique chronique !
Selon les sondages à la sortie des urnes, le Likoud, de droite, parti de Benyamin Nétanyahou, est arrivé en tête ce 1er novembre, lors des élections
législatives israéliennes. Si les résultats définitifs confirment les sondages, il lui restera à construire une majorité à la Knesset avec les partis religieux d'extrême droite. De quoi rendre à
Israël un gouvernement ultra-libéral basé sur la division du pays et l'indifférence à la question palestinienne. Pas de quoi espérer à moyen terme un espoir de paix.
Selon ces sondages réalisés par trois grandes chaînes israéliennes, le parti de M. Nétanyahou est crédité de 30 à 31 sièges sur les 120 du Parlement,
devant la formation Yesh Atid, de centre-gauche, du Premier ministre sortant, Yaïr Lapid, qui récolterait entre 22 et 24 sièges.
Suivent ensuite neuf partis, dont l’alliance d’extrême droite du Parti sioniste religieux de Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, avec 14 sièges, et Hosen
L’Yisrael (centre-droit) de l’ex-chef de l’armée Benny Gantz, crédité de 11 à 13 sièges.
Avec ses alliés, le Likoud compterait 61 ou 62 sièges, soit la majorité nécessaire pour gouverner. Cette projection pourraient changer à l’annonce des
résultats officiels, notamment en fonction des sièges remportés par les petits partis.
"Nous sommes près d’une grande victoire", a déclaré l’ex-Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou: "J’ai de l’expérience, j’ai fait quelques élections,
nous devons attendre les résultats définitifs, mais notre chemin, celui du Likoud, a prouvé qu’il était le bon", a-t-il lancé à ses partisans réunis à Jérusalem, ville plus que jamais
religieuse.
"Il faut attendre les résultats finaux car rien n’est joué", a pour sa part déclaré l’actuel Premier ministre, Yaïr Lapid. "Tant que le dernier bulletin de vote
n’est pas compté, rien n’est joué. Nous attendrons patiemment, même si nous sommes impatients, les résultats finaux", a-t-il poursuivi lors d’un rassemblement de ses partisans à Tel-Aviv, cité
d'une laïcité assumée.
En 2020, les partis arabes, hostiles au bloc de droite, avaient récolté un record de 15 sièges après une campagne sous une seule bannière. Cette fois,
ils se sont présentés en ordre dispersé sous trois listes : RAAM (islamiste) Hadash-Taal (laïc) et Balad (nationaliste).
Selon les sondages, les deux premiers devraient dépasser 3,25 %, seuil pour permettre à un parti de rentrer à la Knesset. A l'heure qu'il est, la formation
Balad n'est pas assurée de franchir ce seuil. Si elle l’atteignait, cela retirerait des sièges au bloc de droite de Benjamin Nétanyahou, avec le risque pour ce dernier de ne pas être en mesure de
former un gouvernement. "Nous sommes confiants", a déclaré la formation Balad dans un communiqué, affirmant avoir constaté une hausse de la participation des électeurs arabes dans les dernières
heures avant la fermeture des bureaux de vote.
Il est donc urgent d'attendre la proclamation officielle des résultats de cette quatrième élection législative israélienne en trois ans et demi. Viendront
ensuite les négociations entre partis, la répartition des postes et la mise en oeuvre d'un programme gouvernemental qui s'annonce clivant, laborieux et
fragile, quelle que soit la coalition. Israël n'en a pas fini avec son instabilité chronique.
Le 02 novembre 2022.
"Les liens sacrés de
laCouronned'Angleterre
avec la Loi juive" !
"L’apprentissage de l’hébreu était auparavant prescrit au sein de la famille royale. Le
schisme à l’origine de l’Eglise anglicane, dont Charles III est le nouveau chef, repose sur une dispute talmudique et l’admiration du roi Henri VIII pour la Loi juive."
Le Talmud, l'archevêque et l'abbaye !
"Le Talmud de Babylone est le principal joyau de l’abbaye de Westminster ", argua en 1956 l’archevêque Mgr Carpenter, pour justifier son refus de vendre les
ouvrages au collectionneur juif de renom, Jack V. Lunzer. Un Talmud, plus grand trésor de ce haut lieu de l’Eglise anglicane, lieu de sépulture et de couronnement des principaux souverains
d’Angleterre, là où auront prochainement lieu les funérailles d'Elizabeth II ?
Pour comprendre ce cri du cœur de l’archevêque, il faut remonter quatre siècles plus tôt. L’histoire
commence en 1523. Cette année-là, le roi d’Angleterre Henri VIII, décide de se séparer de son épouse Catherine d’Aragon : après quatorze ans de mariage et des fausses couches à répétition,
celle-ci ne lui a donné qu’une fille, Marie. Persuadé que son union est maudite et désireux d’avoir un héritier, le monarque se met en tête d’épouser sa maîtresse, Anne Boleyn. Seulement voilà :
le divorce n’est pas autorisé par l’Eglise catholique, et la seule issue pour le souverain est d’obtenir l’annulation de son mariage par le pape Clément VII. Il fait alors valoir que son union
avec Catherine d’Aragon n’est pas valide, et avance pour cela quelques solides arguments.
Duel talmudique entre le roi et le pape !
En premières noces, Catherine avait épousé le frère aîné d’Henri, Arthur, mort prématurément. Pour assurer la pérennité du rapprochement entre l’Espagne et
l’Angleterre, il avait été décidé qu’Henri, le nouveau roi, épouserait sa belle-sœur. Mais l’Eglise s’était opposée au mariage : selon la législation biblique reposant sur l’Ancien Testament,
alors en vigueur, un homme ne pouvait épouser la femme de son frère (Lévitique 18,16). A moins de prouver que l’union entre Catherine et Arthur n’avait pas été consommée. Sur l’insistance
d’Isabelle de Castille, mère de Catherine, le pape d’alors, Jules II, avait toutefois dispensé la jeune fille de l’examen de virginité requis pour valider son union avec Henri, et les noces
avaient été célébrées.
Henri VIII tient là son cheval de bataille. Il avance auprès du pape que la dispense ayant permis son union avec Catherine d’Aragon a été accordée abusivement
et que cette dernière n’était pas vierge lorsqu’il l’avait épousée. Peine perdue : Clément VII refuse d’annuler le mariage. Ainsi éclate ce que l’on a appelé "The King’s Great Matter", la grande
affaire du roi.
Henri VIII dénonce l’incompétence du pape, incapable de déduire ce qu’il convient du verset pourtant limpide du Lévitique, interdisant d’épouser la femme de son
frère. Mais le souverain pontife ne se laisse pas démonter et va consulter des Juifs érudits en Talmud. Sur les conseils de ces derniers, il invoque dès lors la loi du yibboum énoncée dans le
Deutéronome : "Si des frères demeurent ensemble et que l’un deux vienne à mourir sans postérité, la veuve ne pourra se marier à un étranger ; c’est son beau-frère qui doit s’unir à elle."
L’argument, imparable, valide le mariage royal.
L’Eglise catholique face à ses contradictions !
Acculé, Henri VIII décide de faire appel à ses propres rabbins. Il se heurte cependant à un écueil de taille : le royaume ne compte plus un seul Juif depuis
leur expulsion deux siècles auparavant… Qu’à cela ne tienne : le souverain presse ses émissaires demeurant en Italie de trouver des rabbins susceptibles de lui donner raison. Isaac Halfon est de
ceux-là : ce rabbin vénitien souligne que sous l’impulsion de rabbénou Guershom de Mayence, autorité suprême parmi les Juifs d’Europe au Moyen-Age, la loi du yibboum a cessé d’être appliquée et
que les Juifs, pour s’en dispenser, pratiquent systématiquement la cérémonie du "déchaussement" décrite dans le Deutéronome.
Les jeux semblent faits en faveur du roi. C’est sans compter la pugnacité du pape et de ses rabbins. Leur nouvel argument est que les décisions de rabbenou
Guershom ne s’appliquent qu’aux Juifs ashkénazes et que la reine Catherine, originaire d’Espagne, est séfarade ! Le mariage royal, disent-ils, est donc légitime.
Dépité, Henri VIII finit par demander aux rabbins en charge de l’affaire ce qu’ils feraient à sa place. "Divorcer, bien sûr !", lui répondent-ils. Apprenant que
le divorce est parfaitement autorisé par l’Ancien Testament et par extension, le Talmud sur lesquels le pape fonde son argumentaire, le roi prend conscience de l’énorme paradoxe qui sous-tend le
catholicisme ; il considère que le souverain pontife se moque de lui depuis le début, retenant uniquement ce qui l’arrange. A ses yeux, l’Eglise est coupable d’ignorance et il est bien décidé à
s’affranchir d’un pouvoir jugé abusif.
C’est le schisme. Le souverain, dont l’annulation du mariage a été prononcée un an auparavant par le nouvel archevêque de Canterbury, se proclame chef de
l’Eglise d’Angleterre le 17 novembre 1534. L’anglicanisme qui vient de voir le jour se veut basé sur la seule autorité de l’Ecriture. Entre-temps, le roi, fasciné par la sagesse de la Loi juive,
a commandé une édition complète du Talmud, qui sera la première jamais imprimée, celle-là même que le collectionneur Jack Lunzer convoitait.
L’apprentissage de l’hébreu est désormais prescrit au sein de la famille royale afin de comprendre la loi originelle. Tandis que les chaires d’hébreu se
multiplient dans les grandes universités du pays, la famille royale ne déroge pas à la règle. Marie Stuart a notamment laissé un livre de psaumes annoté de sa main en hébreu, et l’on sait que la
reine Eisabeth Ière, fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, maîtrisait parfaitement cette langue.
Retour en terre juive !
L’histoire des liens entre la loi orale et l’anglicanisme ne serait pas complète sans le récit de l’incroyable concours de circonstances ayant permis le retour
en terre juive du fameux Talmud d’Henri VIII. L’histoire est contée par Pierre-Henry Salfati dans son excellent ouvrage "Talmud, Enquête dans un monde très secret", après qu’il ait eu le
privilège de s’entretenir avec Jack Lunzer. Malgré le refus catégorique de l’abbaye de Westminster de vendre les ouvrages, le collectionneur n’avait jamais abandonné le rêve de pouvoir un jour
les posséder. Il faut croire que la Providence était de son côté.
Au début des années '80, alors qu’il se trouvait en Sierra Leone, voilà que le collectionneur manque son vol retour. Tandis qu’il feuillette un journal trouvé
dans l’aéroport où il attend le prochain avion, Jack Lunzer tombe sur un encadré de quelques lignes : un Lord connu, en recherche d’argent pour réparer le toit de son manoir, cherche à vendre la
charte de l’abbbaye de Westminster. Notre collectionneur tenait enfin sa monnaie d’échange.
C’est ainsi qu’au terme d’une transaction dont le montant n’a jamais été divulgué, un Juif a permis le retour de la charte de l’abbaye en son berceau d’origine,
et que des chrétiens ont permis le retour du Talmud en terre juive.
Des coutumes tenaces !
Que reste-t-il des liens originels entre la Loi juive et les rois d’Angleterre ? Outre le fait que selon
certaines sources étymologiques, le nom "british" signifie "homme de l’alliance" (brit-ish), certaines traditions de la Couronne sont directement issues du judaïsme. Lors de leur couronnement,
les souverains d’Angleterre sont oints, on leur verse de l’huile sur la tête. Par ailleurs, le droit d’aînesse, le droit des successions ainsi que certaines mesures particulières en vigueur dans
le royaume, comme la coudée sacrée, sont tirés de la Loi juive. Enfin, on sait que la circoncision est pratiquée au sein de la famille royale depuis le XVIIIe siècle au moins, sans toutefois que
les raisons de cette coutume soient vraiment claires." Johanna Afriat, journaliste i24NEWS, le 16 septembre
2022.
On le savait par les séries Netflix à succès sur les Juifs
hassidiques, ceux de New York agissent en toute impunité.
L'enquête accablante du New York
Times
sur les Juifs hassidiques de la ville !
Le New York Times a publié ce week-end une enquête à charge contre les écoles juives hassidiques de New York, les décrivant comme "des enclaves et des
écoles privées en faillite qui sont inondées de fonds publics".
Fait exceptionnel, cette enquête a également été publiée en yiddish par le quotidien américain. Il indique que ces écoles ont bénéficié d'un
financement gouvernemental d'environ un milliard de dollars au cours des quatre dernières années, mais qu'en dépit de cela, elles ne sont soumises à aucun contrôle
externe.
Le New York Times affirme ainsi que "la communauté juive hassidique gère l'une des plus grandes écoles privées de New York - la "Central United Talmud Academy"
- selon ses propres critères, et qu'elle s'oppose à tout examen externe relatif à la condition de ses élèves".
L’article épingle le faible niveau de cet établissement : "En 2019, la Central United Talmud Academy a accepté de faire passer des tests d'État standardisés en
lecture et en mathématiques à plus d'un millier d'élèves ... et tous ont échoué !
Selon la rédaction new-yorkaise, les élèves de douze autres écoles dirigées par la communauté ont également
enregistré des résultats lamentables cette même année.
"Dans des circonstances normales, des scores aussi bas pourraient être révélateurs d'un système éducatif en crise, mais
ces écoles échouent à dessein; les dirigeants de la communauté hassidique de New York ont construit des dizaines d'écoles privées pour éduquer les enfants selon la Halakha (Loi juive), la
prière et la tradition."
"Ces établissements scolaires visent à éloigner les élèves du monde séculier pour les préserver de ce que les communautés
considèrent comme des maux de la société profane."
Les écoles enseignent peu l'anglais et les mathématiques et pas du tout les sciences ou l'histoire. L'article pointe les longues heures de cours religieux
dispensés en yiddish.
Faible niveau des écoles, abus d'argent public et maltraitance !
L'enquête note encore que l'éducation de base est systématiquement refusée à des générations d'enfants et, en conséquence, nombre d'entre eux tombent dans le
chômage et la dépendance.
Le problème de la non-mixité des établissements est en outre épinglé: "En raison de la ségrégation sexuelle, le système hassidique échoue de la manière la plus
grave dans plus de 100 de ses écoles pour garçons. Chaque année, ces écoles envoient dans le monde extérieur des milliers d’élèves qui n’ont pas été préparés, poussant le quartier juif de New
York dans la pauvreté."
Les écoles fonctionnent même en violation des lois de l'État qui visent à assurer aux enfants une éducation adéquate. Le journal va jusqu'à affirmer que les
écoles pour garçons des communautés hassidiques ont trouvé des moyens de profiter d'énormes sommes d'argent du gouvernement, collectant plus d'un milliard de dollars au cours des quatre dernières
années seulement.
Le journal cite des sources qui affirment avoir mis en garde contre les problèmes qui se sont posés dans ces écoles au fil des ans. Malgré cela, les
responsables de la Ville et de l'État se sont abstenus d'agir, "cédant à l'influence des dirigeants hassidiques qui leur promettent les voix de la communauté en échange de leur
passivité."
Le New York Times affirme avoir examiné des milliers de pages de données publiques et plusieurs dizaines de documents.
Ildénonce la maltraitance courante dans ces écoles. Les professeurs battraient et frapperaient régulièrement leurs élèves. Dans certaines écoles, des
garçons auraient même appelé le 911 pour signaler des coups.
Le 12 septembre 2022.
L'Angleterre et ses pogroms anti-israélites !
Des ossements humains dans un puits médiéval, à Norwich,
en Angleterre.
"L’analyse du génome de suppliciés retrouvés à Norwich, au Royaume-Uni, livre de précieux indices sur l’évolution de la population juive européenne au Moyen
Age.
Le cœur de Louis XVII, la côte de Jeanne d’Arc ou encore les restes de Richard III : les analyses génétiques visant à résoudre des crimes historiques n’ont
pas très bonne réputation dans le monde académique. "Elles relèvent le plus souvent de l’anecdote, des études de curiosités, estime Lluis Quintana-Murci, professeur de génétique des populations
au Collège de France. Ce cold case là, en revanche, apparaît véritablement intéressant. Il apporte de nouvelles informations sur l’histoire de la communauté juive ashkénaze."
Une équipe internationale conduite par Ian Barnes, du Muséum d’histoire naturelle de Londres et Mark Thomas de l’University College de Londres, vient de publier
dans la revue "Current Biology" une étude de squelettes retrouvés dans un ancien puits à Norwich en Grande-Bretagne. Au terme de plusieurs analyses, cette recherche fait la lumière sur un pogrom
intervenu à la fin du XIIᵉ siècle. Mais elle permet également d’éclairer les fondements du judaïsme ashkénaze, l’une des deux branches principales de la religion juive.
Tout démarre en 2004, lors de la construction d’un immense centre commercial à Norwich, grande cité à l’est de l’Angleterre. Quand les pelleteuses
découvrent des squelettes humains, une fouille d’urgence est entreprise. Des ossements, entassés au fond d’un ancien puits, sont discrètement mis au jour. Mais, en 2011, l’affaire devient
publique. "J’ai été contacté par la télévision, se remémore Ian Barnes, généticien et spécialiste de l’ADN. Les journalistes se demandaient si ces squelettes ne pouvaient pas être le résultat
d’un crime antisémite."
Des indices troublants !
Réalisés rapidement, les relevés des premiers archéologues et les analyses des corps offrent déjà des indices troublants. Au moins dix-sept personnes semblent
avoir été jetées là, six adultes et onze enfants. Les squelettes ont été trouvés tête en bas, comme jetés au fond du puits. Ceux des adultes sont très endommagés, ceux des enfants presque
intacts, ce qui fera conclure que les corps des premiers se sont abîmés contre le sol puis ont amorti la chute des seconds. Aucune trace de maladie, lèpre, peste ou tuberculose.
En outre, le puits se situe en bordure du quartier juif médiéval. Enfin, une analyse au carbone 14 date approximativement les corps de la fin du XIIᵉ, début du
XIIIᵉ siècle. "Cela croisait des épisodes connus de violence antisémite, rappelle Ian Barnes. Vous ajoutez le fait que les corps étaient hors de tout cimetière répertorié, nous avons conclu par
triangulation qu’ils pouvaient témoigner d’un des crimes collectifs subis par les juifs anglais."
La communauté juive britannique en a connu plusieurs. Venue de Rouen, à partir de 1066 avec Guillaume le Conquérant, elle s’est établie majoritairement à
Londres. "Mais Norwich était la deuxième plus grande communauté", relate l’historienne Judith Olszowy-Schlanger, professeure à l’Ecole pratique des hautes études et directrice du Centre d’études
juives et hébraïques de l’université d’Oxford. Protégés par le roi, profitant du monopole de l’usure imposé par l’Eglise, les juifs concentrent une partie de la colère du peuple comme de la
noblesse locale. En 1144, la découverte du corps poignardé d’un apprenti tailleur de 12 ans, William, un jour de Vendredi saint, provoque les premières accusations de meurtres rituels –
qui feront florès à travers l’Europe, jusqu’aux fameux protocoles des Sages de Sion, au début du XXᵉ siècle. Un premier pogrom a lieu. Mais, c’est en 1190, après le départ de Richard Cœur de
Lion pour la troisième croisade, que se déchaînent à travers le royaume les pires violences.
La fourchette temporelle de la datation : entre 1161 et 1216. Le pogrom de 1190 tombe au milieu !
La preuve n’est pas encore tout à fait apportée qu’il s’agit bien de cet épisode historique. Mais les indices semblent solides. Aussi les ossements sont
inhumés, en 2013, selon le rituel juif… mais dans une partie œcuménique du cimetière d’Earlham, le principal de la ville. L’affaire prend de l’ampleur. Articles et documentaires se
multiplient. En 2018, les autorités religieuses décident de réinhumer les corps, cette fois dans une zone digne du symbole qu’ils sont devenus. "Entre-temps, les techniques de recherche de
l’ADN ancien s’étaient améliorées, j’ai demandé si nous pourrions procéder à de nouveaux prélèvements, raconte Ian Barnes. La communauté a accepté, même si j’ai eu moins de deux heures pour les
faire"
Il faut dire que disposer de tels restes relève du miracle pour un archéologue ou un généticien des populations. Les autorités rabbiniques tiennent le moindre
prélèvement pour une profanation du corps. C’est pourquoi les études génétiques des communautés juives sont toutes réalisées sur les populations actuelles. Et ce qui fait des nouveaux résultats
publiés dans l’article de "Current Biology" de véritables raretés.
Yeux bleus et cheveux roux !
D’abord, les scientifiques ont précisé la fourchette temporelle de la datation : entre 1161 et 1216. Le pogrom de 1190 tombe au milieu. Surtout, l’ADN
exploitable tiré de six des dix-sept individus offre des informations précieuses, à commencer par la présence de trois sœurs : une jeune adulte et deux enfants âgés de 5-10 ans et
10-15 ans. Deux autres individus partageaient des liens familiaux plus éloignés. Enfin, le dernier, âgé de moins de 3 ans, semble né de l’union de deux très proches parents. Autre
enseignement, deux d’entre eux avaient les yeux marron, des cheveux blonds pour l’un, bruns pour l’autre. Quant au plus jeune, il avait les yeux bleus et les cheveux roux, rejoignant ainsi un des
stéréotypes antisémites de l’époque.
"Mais d’autres populations peuvent avoir les cheveux roux, à commencer par les Anglais", sourit Mark Thomas, qui a accompli l’essentiel des analyses. Pas
question d’en tirer une quelconque conclusion. En revanche, l’analyse détaillée de leurs génomes et la comparaison avec les populations actuelles attestent que c’est bien des juifs ashkénazes
d’aujourd’hui qu’ils sont les plus proches. Mieux, même si l’échantillon apparaît réduit, on y retrouve quatre mutations délétères associées à des surrisques de maladies repérés chez les
Ashkénazes « dans la proportion que l’on attendrait s’ils étaient des Ashkénazes d’aujourd’hui », insiste Mark Thomas. Le doute ne semble plus permis.
Comme pour d’autres minorités, ces particularités génétiques proviennent de ce que les spécialistes nomment un goulot d’étranglement, à savoir un moment où une
population s’est trouvée brutalement réduite. La théorie dominante voulait que, chez les juifs ashkénazes, celui-ci soit intervenu il y a entre cinq cents et sept cents ans. "Nos résultats
montrent que c’est antérieur", conclut Mark Thomas.
Quand ? Où ? L’étude reste très prudente. La période court de la destruction du second temple de Jérusalem, en 70 de l’ère chrétienne, au XIIᵉ siècle,
indique-t-elle. Le généticien se découvre : "Je pense qu’il s’agit sans doute d’un effet lié à la fondation de la population ashkénaze, vers l’an 700 ou 800, dans le nord de la France ou
l’ouest de l’Allemagne." D’autres cold cases permettront peut-être de confirmer son pronostic." Nathaniel Herzberg, "Le Monde", le 07 septembre
2022.
Etre juif agnostique ou athée, est-ce un problème
?
Pour ceux qui calent, pire, qui condamnent, sans comprendre et sans volonté d'apprendre, lorsqu'ils rencontrent des Juifs
agnostiques ou athées. Nombreux sont celles et ceux qui, sur mon chemin, m'ont interrogé, interpellé, voire agressé sur la question. Comment est-ce possible ? S'émanciper du poids de la
religion, tout en puisant sa réflexion, notamment dans l'origine religieuse d'une culture riche et d'une philosophie féconde, permet de décloisonner la pensée, chose la plus
urgente à faire en ces temps d'intolérance morale, de repli communautaire et d'exclusion, voire de haine politique. Car lire les textes religieux, ici, la Torah et le Talmud,
proposer, et non imposer, une interprétation, en dialectique avec celles d'autrui, n'oblige personne à croire à la main invisible de leur Auteur. Des êtres humains successifs, sur
des cycles longs, ont écrit pour le genre humain ces paraboles. Elles nous enseignent bien des choses sur la vie des Hommes. C'est un héritage fabuleux, qui n'est le monopole de
personne. Nous sommes nombreux à n'y lire qu'une pensée humaine foisonnante, non figée, non dogmatique, en recherche constante de spiritualité et de lien fraternel. C'est ce qui
fait, me semble-t-il, la richesse singulière d'une judaïté laïque et bienveillante pour toute l'humanité. Bento (Baruch) Spinoza aurait pu être de ceux-là, nous semble-t-il. Dès lors qu'il
notait les incohérences et contradictions des Textes juifs de la Tradition, dépossédant ainsi le Divin de toute paternité sur ces
écrits - ce qui lui valut un "herem" (excommunication), qui court toujours d'ailleurs, par le "mahamad" d'Amsterdam (l'Autorité rabbinique) - en
attribuant la responsabilité des fragilités de la Bible aux seuls êtres humains, en humaniste qu'il fut, n'aurait-il pas considéré ne pas devoir rompre tout lien avec la communauté, mais plutôt
créer un nouveau courant sécularisé au sein d'un judaïsme du XVIIème siècle revisité ? Bien sûr, il s'agit-là d'un anachronisme caractérisé. Est-il absurde cependant de penser que l'immense
audace de Spinoza, d'enfreindre la plupart des mitsvot (lois) de la Torah, au service d'un exceptionnel libre arbitre, a fondé sui generis la branche d'un judaïsme libéral et laïque ? Tant pis
pour les Consistoires et orthodoxies religieuses qui vont s'étrangler, pour nous, cette judéité est universelle, dès lors qu'elle joue sa partition aux côtés d'autres la musique du
monde.
Le 29 août 2022.
" A la différence de beaucoup d'autres cosmogonies, le
judaïsme n'est pas un dogme: il est une interrogation, non une réponse. D'où l'obsession juive de douter, de ne jamais se contenter d'une affirmation, même du plus lettré des rabbis; de toujours
discuter, fût-ce avec Dieu; de refuser de ne lire la Bible qu'au premier degré, mais d'y chercher sans cesse des messages secrets. Avec, chaque fois, une réponse derrière toute question, une
question derrière toute réponse. D'ailleurs, dans le Talmud, personne n'a jamais le dernier mot; toute question reste ouverte et renvoie à une autre, à l'infini, sans qu'aucune interprétation ne
l'emporte jamais sur les autres ".
>Une des voies de l'antisionisme est l'antisémitisme !
Bien sûr, en démocratie, dans le respect des personnes, chacun est en droit de critiquer ce qu'il considère comme critiquable ou infondé. Le sionisme n'échappe pas à
la règle, dès lors qu'il fait l'objet d'un débat argumenté. C'est le cas en ce qui concerne la politique de colonisation juive en Cisjordanie. Elle n'est pas acceptable, ni moralement, ni
politiquement. Ne parlons même pas des raisons religieuses, plus illégitimes encore.
Mais le sionisme des fondateurs, de Théodor Hertzl et des siens, était de permettre aux Juifs européens et des nombreuses diasporas de par le monde de retrouver "un
foyer", une patrie, une terre. L'Histoire a montré combien la nécessité pour le peuple juif de pouvoir poser ses valises, après les persécutions et pogroms séculaires, la Shoah, était impérieuse.
Ne pas comprendre cet axiome, ne pas l'accepter, c'est dès l'abord refuser d'intégrer à sa pensée le raisonnement et les motivations de l'Autre, c'est lui contester toute recherche d'issue
positive à un destin tourmenté et tragique.
En 1948, ce rêve éveillé fut réalité mais dans la douleur. Les Etats arabes attaquèrent l'Etat hébreu dès sa fondation. Depuis, le conflit israélo-palestinien n'a
cessé d'envenimer les relations entre Juifs et Arabes et de polluer tout débat serein sur une guerre qui aura bientôt 75 ans.
Le sujet qui nous occupe et préoccupe, c'est un euphémisme, est la dérive du passage de la critique du "Grand Israël", qui n'est pas dans les frontières de 1948, à
celle de la légitimité même d'Israël, comme si cette nation, née dans des circonstances exceptionnelles, malgré le soutien de la grande majorité de la communauté internationale, était dédié, dès
sa naissance, à une perpétuelle accusation d'existence.
Il y a là un parallèle évident avec le procès de l'Allemagne nazie à l'encontre, non pas, de la religion des Juifs, quand ils en ont encore une, mais bien de leur
naissance. Leur tare et leur crime étaient d'être nés, ce fut la raison même d'Auschwitz.
Nous devons reconnaître combien notre incompréhension et notre peine sont grandes lorsque des femmes et des hommes de bonne volonté, que nous connaissons ou pas, nous
affligent de leurs jugements péremptoires sur le peuple juif et Israël. Ils dissertent souvent sans savoir, sans connaître, sans s'interroger, ce qui est plus
grave. L'obsession existentielle renvoie toujours à la singularité juive, à l'a priori idéologique, nous
dirions même dogmatique, quant à ce qui fonde et qui fait le sionisme.
Ils font ainsi l'impasse (très) rapidement sur l'Histoire, qu'ils réécrivent, et n'en retiennent qu'une lecture atrophiée. L'extrême droite ne nous surprendra
jamais. Elle hait le Juif comme une maladie mortelle. L'islamisme itou, qui a construit son corpus doctrinaire autour de la question juive et de sa répulsion de l'Occident. Rien de nouveau sous
le soleil en ce qui les concerne.
A gauche, pas exclusivement dans sa tranche radicale - la social-démocratie n'échappe pas au tropisme - un système de pensée accompli s'est structuré derrière le
concept d'internationalisme. Marxisme oblige. Ce système de pensée binaire vomit, légitimement, le nationalisme, source de repli et de guerre et, dans le même temps, héroise le combat national palestinien, ce qui se comprend partiellement, mais en confortant, voire en légitimant au passage, sans avoir l'air d'y toucher, l'ADN implacable de
nombreuses organisations palestiniennes qui pratiquent le terrorisme comme d'autres la cure thermale. Il ne
semble pas que le recours aux attentats à la bombe, au hachoir et couteau ainsi qu'à la voiture bélier ne soit un sujet moral au sein de cette gauche-là. Elle a donc substitué un prolétariat
quasi disparu à un peuple palestinien qui a désormais le monopole du statut de victime.
Car les 500.000 morts syriens, dont 100.000 enfants, sous le boucher Bachar al-Assad, le grand ami du dictateur russe, Vladimir Poutine, sa guerre en Ukraine et ses
dizaines de milliers civils tués; les massacres à répétition des Kurdes par l'autocrate turc, Recep Tayyip Erdogan, le sort tragique réservé aux musulmans chinois, les Ouïghours, pas plus que
celui des Rohingyas birmans, deux peuples martyrisés et parqués dans des réserves carcérales où ils sont lobotomisés et torturés; tout cela laisse de marbre une gauche anesthésiée par un
engagement pro-palestinien borgne, sourd et amnésique.
La cible n'est autre que "le diable sioniste". Que nous n'ayons entendu ou lu: "Israël, Etat nazi, qui pratique l'apartheid" ...
Nous répondons à ces alliés objectifs que leur antisionisme est un faux-nez qui dissimule leur antisémitisme. L'erreur historique, la tache, c’est l’Etat juif
! Le problème, ce sont les Juifs, surtout lorsqu'ils sont attachés à l'Etat hébreu, ce sont les Juifs qui veulent encore exister.
Nous sommes sionistes et en sommes fiers. Nous appartenons à une gauche modérée, pragmatique et réformiste. Aux côtés de nos frères juifs laïques, nous combattons avec les armes de la démocratie les derniers Premiers ministres
israéliens, Benjamin Netanyahu, Naftali Bennett et Yaïr Lapid ainsi que leurs alliés nationalistes et religieux. Nous combattons, certes, avec des nuances entre ces trois hommes, leur politique
commune expansionniste insensée qui conduit Israël dans le mur.
Nous croyons (encore) à la solution à deux Etats, car il n'y en a pas d'autres. Si ce n'est, à terme, soit la dissolution des Juifs israéliens au sein d'un Etat où les
Arabes seront démographiquement majoritaires, soit la disparition de l'Etat de droit en Israël pour cause
d'émergence d'une sous-citoyenneté pour ces mêmes Arabes.Les Pères fondateurs n'accepteraient pas cette funeste issue.
Nous aimons Israël, État légitime, non fondé sur la Bible, sur la pensée magique, légende véhiculée par la superstition religieuse, mais à partir du plan de partage de
la Palestine britannique en deux Etats, l'un juif, l'autre arabe. C'est la résolution 181 de l'ONU de 1947 qui donne à Israël sa légitimité.
Le premier Etat a été fondé dès 1948, ce qui a convaincu les Etats arabes d'entreprendre une guerre à Israël dès sa première année d'existence et d'y revenir par la
suite à plusieurs reprises. En vain. Le second Etat
est toujours latent, situation originelle due précisément au refus de ces mêmes Etats arabes de reconnaître l'Etat hébreu. Ils ont ainsi volontairement
sacrifié l'Etat palestinien.
Israël a raison de veiller à sa sécurité comme le lait sur le feu. L'expérience le prouve et paie. Sont légion ses ennemis qui inscrivent dans leurs discours comme
dans leurs chartes l'objectif de la destruction "du Satan sioniste". Ils en seront pour leurs frais.
Petit par la taille mais grand par sa puissance militaire, Israël frappera à chaque coup porté contre sa sécurité et celle de ses citoyens, juifs, arabes musulmans ou
chrétiens et laïques. On peut aimer une nation sans apprécier les dirigeants qui occupent le pouvoir en un temps T. C'est en effet notre cas aujourd'hui. En aucune façon, c'est renoncer à un
attachement vital. C’est aussi ça le sionisme, le nôtre ainsi que celui de millions de personnes en Israël et dans le monde. Le 28 août 2022.
>Que signifie l'imagerie "caricaturale" juive à travers l'histoire ?
par Joël Kotek
Joël Kotek
Joël Kotek is a professor of Political Science at the Free University of Brussels (ULB) and lectures at the Institut d’Etudes
Politiques de Paris.
"I. Caricature, antisémitisme, antisionisme: de quoi parle-t-on ?
La caricature n’est pas une source documentaire parmi d’autres : dans un monde marqué avant tout par l’image, la caricature est
devenue un des moyens de communication les plus populaires et les plus efficaces. Aujourd’hui comme hier, l’opinion publique est davantage conditionnée par l’image -de
la caricature à la télévision- que par le texte. Un dessin de Kroll, Samuel ou Vadot pèse incontestablement autant dans la formation de l’opinion publique qu’un
traditionnel éditorial, si ce n’est davantage. Napoléon déjà disait qu’un bon croquis valait mieux qu’un long discours. De là, le succès actuel de la caricature à
travers laquelle une situation ou un homme liés à l’actualité la plus brûlante peuvent être dénoncés ou moqués sur le vif avec un effet garanti. Il suffit de quelques
traits de crayon, parfois des plus sommaires, et de très peu de mots, et le message est passé.
C’est quoi une (vraie) caricature ? Une exagération du réel !
Avec une étonnante économie de moyens (peu de mots, un dessin simplifié), la caricature exagère les défauts et travers. Pour faire
mouche, le caricaturiste gonfle le moindre défaut jusqu’à la démesure : d’un réseau de rides par trop appuyées, il fait une métaphore du pouvoir qui use et qui
corrompt ; d’une paire de canines hypertrophiées, une image de l’arrivisme. Telle ministre est-elle plutôt imposante ? Il la fera plus grosse encore, jusqu’à
accentuer son double menton. Telle autre fait-il preuve de morgue ? Il lui mettra la tête dans les nuages, histoire de bien insister sur ses manières hautaines,
son indifférence aux choses du monde et au commun des mortels. Cruelle, la caricature ? Certes. Mettre en évidence, exagérer, exaspérer : voilà tout à la
fois sa nature et sa fonction. Elle se rue sur tous les défauts et les grossit pour mieux les dénoncer ; l’exagération lui est naturelle ; la caricature est toujours
partisane. Son étymologie, déjà, témoigne du manque de neutralité et de la légèreté qui lui est naturelle et coutumière. “Caricatura” est, en italien, un dérivé du
participe passé “caricare” : ” charger “. Le terme est répertorié en français dès 1740 et signifie un portrait ridicule en raison de l’exagération des traits, donc de
la réalité. Une caricature n’invente pas la réalité, elle l’exacerbe…
C’est quoi une caricature antisémite ? Une inversion du réel !
La caricature est engagée. Toujours. Irrévérencieuse. Souvent. Elle se moque et dénonce de préférence les puissants et les notables.
Plutôt courageuse, donc. Il n’en reste pas moins que, en certaines occasions, le dessin de presse peut aussi se révéler injuste et dangereux : certaines dessins
peuvent constitués de véritables « pousse-au-crime ». Dans les guerres de propagande où toutes les ressources sont mises en œuvre, le dessin de presse a
toujours été une arme de choix. Pourquoi ? Parce qu’il frappe les imaginations de manière durable, se montre d’une efficacité souvent plus redoutable que les plus
habiles discours. C’est précisément pourquoi, souligne l’historienne Marie-Anne Matard-Bonucci, le dessin de presse apparut dans la France de l’Affaire Dreyfus comme
l’outil le mieux adapté à la croisade antisémite. Elle se développa à cette occasion dans des formes et des proportions jusque-là inédites pour resurgir ensuite dans
les années 1930. L’image, alors, ne se contenta pas d’accompagner le discours antisémite, de l’illustrer : elle le synthétisa, le simplifia, le concentra et le
standardisa, « facilitant la mémorisation de stéréotypes devenus types humains à travers elle. Induisant, par sa nature, une radicalisation, au moins dans
l’expression, du discours antisémite, elle a aussi contribué à la diffusion des préjugés à l’échelle européenne. »
Les passions suscitées par l’affaire Dreyfus furent d’une violence inouïe, allant jusqu’à réveiller des pulsions de mort à l’égard
des Juifs comme en témoignent ces trois caricatures.
De l’affaire Dreyfus à la Seconde Guerre mondiale, la « caricature » antisémite connut son heure de gloire. C’est à dessein
que nous avons mis le vocable « caricature » entre guillemets… Car peut-on encore parler de « caricature » lorsque l’idée n’est pas de grossir ou d’exagérer la réalité mais tout simplement de l’inventer ? Une caricature digne de son nom
décrit avec un minimum de mots le réel. Une caricature antisémite ne s’intéresse pas au réel, elle l’invente tout simplement. Qu’on se le dise : tous comme
les Juifs, les Israéliens n’ont jamais fait des enfants palestiniens leurs cibles prioritaires. Cette mythologie du Juif infanticide est tout simplement d’origine
culturelle pour trouver sa source dans deux légendes antisémites : celle, d’abord, du massacre des innocents », abomination prêtée dans le Nouveau
Testament au Roi Hérode et, ensuite, celle du crime rituel, accusation née au Bas Moyen-âge et selon laquelle les Juifs sacrifieraient à l’occasion de la Pâque juive
un enfant chrétien, notamment pour recueillir son sang.
En 1144 surgit une nouvelle accusation antisémite. Les Juifs assassineraient des jeunes enfants pour des raisons cultuelles et
culinaire. Gravure relative au prétendu crime rituel du petit Simon de Trente (1475). L’enfant est crucifié par les Juifs comme l’aurait été Jésus-Christ.
Cette accusation, absurde s’il en fut, causa la mort de milliers de Juifs de 1144, date de sa première occurrence en Angleterre, à
1946, lors du massacre de survivants de la Shoah à Kielce en Pologne. En résumé, ce qui caractérise une « caricature » antisémite est le fait de prête aux
Juifs des idées, des pratiques, des comportements qu’ils n’ont pas ! A toutes fins utiles, il pourrait être utile de rappeler, une fois pour toutes que,
contrairement à la doxa antisémite, les Juifs ne sont pas…
des ennemis du genre humain (responsables des épidémies),
… dotés d’un faciès repoussant et reconnaissable,
des nuisibles qui détruisent les fondations de toutes sociétés (rats),
Des suceurs de sang ou d’argent (Juif vampire),
des empoisonneurs de prophète ou tueurs de Dieu (déicide)
des profanateurs d’hosties (Légende St Michel Ste Gudule),
des tueurs d’enfants pour motif religieux (crime rituel),
des valets de Satan,
les maîtres de la finance, des médias et du monde,
les hommes les plus riches (capitalistes) et subversifs (communistes)
En cela, le dessin de trait antisémite nous renseigne bien davantage sur les sociétés qui les produisent que sur leur objet : le
Juif réel. Ces images, forgées le plus souvent en périodes de crise, « apportent, souligne Ouriel Reshef, une connaissance de la personnalité de
celui qui la projette, mais n’est qu’hallucination par rapport à son thème. De même, le rêve est la voie royale pour pénétrer dans l’inconscient du rêveur, mais nous
renseigne peu ou mal sur la chose rêvée. » Effectivement, dans la caricature antisémite tout n’est qu’hallucination, perversion, inversion, invention. C’est
vrai de la caricature antisémite d’hier, comme celle d’aujourd’hui, qui renaît de ses centres. Elle connaît, en effet, un formidable essor dans la presse électronique
d’extrême droite et les médias du monde arabo-musulman, un formidable et terrible essor. C’est cette conception du rôle de la caricature dans les périodes historiques
agitées, liée à l’hypothèse d’une certaine connivence entre l’esprit de l’artiste et celui de son public, qui constituera le cœur de notre démonstration.
L’antisémitisme répond à une demande sociale, celle du bouc émissaire idéal à même d’expliquer le mal.
Qu’est-ce que l’antisémitisme au juste ?
Comment ne pas souligner, en préambule, l’absurdité même du concept d’antisémitisme. Les ‘Sémites’ n’existent pas, sinon
dans l’imagination des antisémites. Ce concept a précisément été forgé par l’un d’entre eux à partir d’une réalité purement linguistique. S’ajoute que l’antisémitisme
n’a jamais visé d’autre collectivité que les Juifs. Les nazis n’ont persécuté aucun peuple arabe et/ou musulman. Que du contraire. Ils ont même cherché à les
embrigader dans leurs noirs desseins comme ce fut le cas notamment en Bosnie. Reste que de par son inadéquation même, ce concept offre finalement l’avantage de mettre
en avant le caractère totalement absurde et fantasmatique de l’hostilité aux Juifs.
Qu’est-ce que l’antisémitisme, sinon cette haine toute particulière qui fait des Juifs les responsables des malheurs du
monde et ce, depuis le XIIème siècle ? Si le mot est inventé en 1879, c’est au 12ème siècle (et non au 19è siècle) que naît cette idée absurde. C’est à ce moment
là que l’antijudaïsme théologique se mue en antisémitisme, soit en haine fantasmatique. La différence entre ces deux concepts est fondamentale : contrairement à
l’antijudaïsme qui déteste le Juif pour ce qu’il est (un adepte du judaïsme, un « infidèle »),
l’antisémitisme rejette le Juif pour ce qu’il n’est pas et/ou ne fait pas, à savoir un ennemi du genre humain, un
être satanique qui complote contre les « goyim », empoisonne les puits, propage les maladies, qui tue et cannibalise les enfants, etc., bref qui travaille au
malheur du monde.
C’est bien moins le judaïsme (idéologie) que l’individu juif (satanique) qui est désormais visé. Pour de nombreux Européens, les
Juifs apparaissaient comme des comploteurs, sournois et démoniaques.
Contrairement à l’antijudaïsme, l’accusation antisémite n’est pas d’ordre doctrinal mais bien paranoïaque et irrationnel.
L’accusation de meurtre rituel en est la preuve ultime : on accuse les Juifs de sacrifier des enfants : une absurdité absolue si l’on songe aux préceptes
juifs moraux comme culinaires[1]qui n’en continue
pas moins d’alimenter les imaginaires antisionistes !
L’une des caractéristiques de l’antisémitisme est d’être précisément totalement déconnecté de la réalité juive, bref de l’objet censé
justifier sa haine. Ce qui le distingue précisément de toutes les autres formes d’intolérance (xénophobie, racisme, ethnocentrisme), c’est tout à la fois la durée,
l’intensité, la persistance et, plus encore, la plasticité du prétexte accusatoire. L’antisémitisme est un fait social
polymorphe qui ne se réduit à rien pour réinventer constamment son objet (de haine). Du IVème siècle à nos jours, les motifs de persécution ont été les plus variés.
C’est aussi bien au nom de la foi (Luther) que de la raison (Voltaire), de la lutte des classes (Staline) que de la lutte des races (Hitler), de l’extrême gauche
(Proudhon) que de l’extrême droite (Maurras), que s’est justifiée l’hostilité aux Juifs. L’antisémitisme n’a jamais été aussi virulent que dans les sociétés où les
Juifs étaient en cours d’assimilation, bref invisibles. En cela, il doit être compris comme un fait social total qui surgit dans les sociétés en crise et/ou en
mutation où la concurrence économique, sociale et intellectuelle joue à plein. Les pires moments antisémites sont ceux où les Juifs sont les plus intégrés, en Égypte,
au premier siècle de notre ère, à l’époque même où Philon d’Alexandrie invente la théologie par une conciliation entre foi juive et philosophie grecque, dans l’Espagne
musulmane puis chrétienne où les Juifs occupent des positions sociales de premier plan, sous la République de Weimar dans une Allemagne, où près d’un tiers des prix
Nobel allemands sont d’origine juive ; d’origine car bon nombre sont convertis au christianisme ou complètement déjudaïsés. L’antisémitisme n’a jamais été une
affaire de pourcentage ou de quantité. L’obsession antisémite peut caractériser des sociétés à faible, voire sans population juive. La République de Weimar comptait
moins d’1% d’Allemands d’origine juive au moment de la prise de pouvoir des nazis. Songeons aux cas plus contemporains de la Malaisie, de l’Egypte et du Venezuela, des
pays à très faible judaïcité mais aux prurits judéophobes. C’est désormais au nom de la Palestine que les Juifs, requalifiés en sionistes, sont désormais vilipendés,
attaqués, sinon assassinés (Nemouche). L’antisionisme radical est le dernier avatar de ce fait social, de cette
paranoïa sociale, qu’on qualifie d’antisémitisme.
Cette caricature de l’Indonésien Abdulrahman Alatas (2006), natif d’un pays qui ne compte aucun juif, démontre le lien souvent tenu
entre antisionisme et antisémitisme. Elle tisse un lien direct entre le Juif de diaspora et l’Israélien. Tous deux sont représentés en créatures du Mal: « quand
un serpent devient un dragon ». Si, en 1942, le Juif « violeur de la mère d’Hitler » est persécuté, il est déjà diabolique.
Cela ne signifie nullement qu’il faille considérer toute manifestation d’antisionisme pour de l’antisémitisme: on peut être hostile à
l’idée d’un État juif et à la politique d’Israël sans être suspect pour autant d’antisémitisme (les Juifs ultrareligieux comme les Juifs d’obédience internationalistes
sont antisionistes) et ce, quand bien, depuis puis la Shoah, cet antisionisme de principe peut paraître
déraisonnable, voire suspect. Si la Shoah n’a pas créé Israël -le sionisme comme les structures du futur État d’Israël (Yichouv) préexistent à la Catastrophe-,
elle en a justifié la nécessité, notamment pour les rescapés d’Europe centrale et orientale et le million de Juifs exclus des indépendances arabes.
Antisionisme (radical) et antisémitisme
Si l’antisionisme ne se confond pas nécessairement avec l’antisémitisme, il est manifeste qu’un redéploiement de l’antisémitisme
s’opère, aujourd’hui, sous couvert d’antisionisme. S’il est clair que la critique d’Israël, de sa politique et de ses actions ne saurait être taxée d’antisémite,
de nombreux antisémites ont compris qu’en s’attaquant à Israël, au nom de la Shoah et des sacro-saints principes des Droits de l’Homme, ils atteignent plus
efficacement, leur but réel : s’en prendre aux Juifs. Concrètement comment distinguer critique raisonnée d’Israël et manifestation déguisée d’antisémitisme
(antisionisme radical) ? Pour y arriver aisément, il suffit de songer à la différence opérée entre antijudaïsme et antisémitisme. Pour rappel, l’antijudaïsme
stigmatise le judaïsme et/ou le Juif pour ce qu’il est (un « infidèle »), tandis que l’antisémitisme s’en prend au Juif pour ce qu’il n’est pas, un
suppôt du Mal, responsable des malheurs du monde : épidémies, catastrophes naturelles, infanticides, révolutions, capitalisme, etc. La critique antisioniste
devient antisémite lorsqu’on stigmatise Israël et les sionistes pour ce qu’ils ne sont ou ne font pas : massacres systématiques d’enfants palestiniens,
génocide, contrôle des grandes puissances, des flux financiers, des guerres contre l’Islam, des catastrophes naturelles (tsunami), de la malbouffe (pepsi,
macdonald). En résumé, les attitudes et les expressions anti-israéliennes ou antisionistes sont antisémites lorsque, ce qui est reproché à Israël n’est pas de
l’ordre du politique mais du métapolitique, c’est-à-dire … – lorsque les accusations à l’encontre d’Israël sont de l’ordre du fantasmatique, de l’irrationnel pur : Israël
comme – cancérisant le système internationale, – dictant la politique des Etats-Unis, de la France, de la Chine, ` – contrôlant la finance mondiale (avec l’aide des Rothschild et de Goldman & Sachs), – pratiquant un génocide européen ou palestinien, bref lorsque l’Etat des Juifs est posé en Juif des
nations. – lorsqu’on juge l’État juif selon des critères différents des autres pays (double standard qui explique le boycott des seuls
universitaires et produits juifs) ; bref, lorsque il est accusé d’être responsable des malheurs du monde, en général (terrorisme) et arabe en
particulier (dictatures),
-de pratiquer une politique génocidaire, voire, nazie à l’égard des Palestiniens,
-de contrôler, via son lobby et sa puissance financière, la politique étrangère américaine, voire européenne.
Bref, si la critique de la politique israélienne ne saurait être taxée d’antisémite, il en est tout autre avec l’antisionisme radical qui fait d’Israël le
responsable des malheurs du monde et ses habitants en être démoniaques.
Ces deux montages de l’Américain David Dees, un graphiste négationniste proche de David Duke (KKK), et postées sur le site Radio
Islam d’Ahmed Rahmi, démontrent pleinement le caractère hallucinatoire de l’antisionisme radical. Clairement assimilés au Malin et au pouvoir de l’argent
(Rothschild), les Juifs/sionistes et leurs supposés alliés (Obama), sont accusés, ici d’être des génocidaires, responsables des vagues d’immigration
« arabe » dans l’Union européenne, etc. (https://radioislam.org/islam/roligt/zionism/cartoons_zionism.htm)
L‘antisionisme radical, en revanche, s’apparente bien à l’antisémitisme pour être
d’ordre fantasmatique : il apparaît ainsi comme le dernier avatar de cet habitus occidental à faire du Juif le principe du mal. En résumé, s’il peut arriver
que l’accusation d’antisémitisme serve à exercer un chantage moral sur les opposants à la politique israélienne selon l’idée que toute critique d’Israël serait, de
fait, une manifestation d’antisémitisme, l’antisionisme radical tient bien de l’antisémitisme de par ses appels
à la théorie du complot et ses représentations fantasmatiques du juif sioniste. C’est en tout cas ce que nous allons démontrer avec les quelques caricatures qui
suivent. Nous verrons comment des représentations hostiles aux Juifs, nées en Terre chrétienne, où ils ont fini par s’estomper, sont réapparus progressivement dans
l’espace arabo-musulman, à la faveur des indépendances arabes et du conflit israélo-palestinien, pour resurgir, par un curieux jeu de miroirs, au cœur de l’imaginaire
occidental qui les avait façonnés puis remisés. Les antisémythes fleurissent aujourd’hui tant au sein des médias arabes que de la droite européenne et
américaine radicale.
II. La caricature antisémite d’hier et d’aujourd’hui
La nouvelle caricature antisioniste reconditionne, de manière assez étonnante, les antisémythes classiques de l’antisémitisme
d’inspiration chrétienne et nazi non sans les actualiser, les revisiter à la sauce antisioniste. La manière avec laquelle l’Israélien et/ou le sioniste est aujourd’hui
représenté dans la presse quotidienne d’extrême droite ou arabo musulmane est une décalque de la représentation du Juif. Son image véhicule des représentations qui
relèvent de l’antisémitisme le plus classique et viscéral. Copies conformes ou simples démarquages des illustrations du Pilori ou du Stürmer, les
caricatures antisionistes d’aujourd’hui ont recours à la même thématique (le Juif comme tueur des nations, le Juif maître du monde, le Juif déicide, le Juif tueur
d’enfant, etc.), au même répertoire symbolique (le globe terrestre pour dénoncer la prétention juive à dominer le monde ; le sang des enfants, la croix
christique), au même mode de représentation (le Juif au nez crochu, à la bouche lippue, au dos voûté), à la même zoomorphisation (le Juif associé aux espèces animales
les plus dépréciées, notamment la pieuvre aux mille tentacules, la chauve-souris, l’araignée ou le… porc, etc.) que leurs ‘illustres’ prédécesseurs.
Le cas de la caricature arabe
Pourquoi la caricature arabe est-elle aujourd’hui gangrenée par des relents antisémites plutôt qu’anti-israélien ou antisioniste
stricto sensu ? Nul doute que ce succès soit à mettre en relation avec la naissance et le développement de l’Etat d’Israël, l’occupation de la Palestine mais
aussi la montée de nationalisme arabe qui provoqua le départ de 99% de la population juive séfarade. Le fait de présenter les Juifs comme des êtres sataniques peut, en
effet, se révéler utile aux élites politiques et religieuses des nations arabes. Comment justifier autrement les défaites de 1948, malgré l’intervention de cinq armées
arabes, celles de 1956, 1967 et 1973 qu’en installant l’idée du juif maléfique, doté de quelque pouvoir surnaturel ? Les Israéliens sont un tout petit peuple face au
monde arabe, moins de 7 millions d’habitants contre 200 millions d’Arabes : « Attribuer une défaite arabe non pas au savoir-faire des Israéliens (qui
contredisent l’image du Juif lâche et peureux) mais à une arme mystérieuse qu’Israël aurait obtenue par des voies sataniques, c’est fournir une rationalisation
plausible, et à laquelle on peut se rattacher. La honte et l’humiliation deviennent ainsi plus tolérables, tandis que l’on cherche les moyens d’en tirer
vengeance. »
Les Juifs, préoccupation mineure des musulmans jusqu’à date récente, apparaissent ainsi depuis les années 1980, et tout
particulièrement la seconde intifada, comme la principale menace qui pèse sur le monde et sur l’Islam. Ils ont quitté le statut d’intrigants mesquins, lâches et
ridicules que leur assignait le Coran, de dhimmi, de « protégés » dans la cité musulmane pour celui, inédit, de diaboliques comploteurs qui ne visent à rien
de moins que la domination du monde. Ce sont eux, à en croire la presse arabe d’aujourd’hui, les impérialistes, manipulant les Etats-Unis ou l’ONU, comme si ces
derniers n’étaient que des simples marionnettes à leur service exclusif. La réussite des Juifs en Israël comme en diaspora ne cesse d’étonner le monde
arabe.
Satanisme
A gauche : Le Juif satanique in le Stürmer (Allemagne, août 1936). L’une des premières formes d’antisémitisme est celle de l’antijudaïsme
démonologique, selon lequel le judaïsme est une organisation conspiratrice complotant à la ruine du genre humain. Au centre, Al Hayat Al-Jadida (Palestine, 2000)
représente l’Israélien qui accueille le Pape comme un être démoniaque. A droite dans le Daily
star libanais en date du 4 avril 2002, Stavro Jabra, le caricaturiste libanais s’attaque au Talmud. Depuis le Moyen Âge, le Talmud est perçu
comme l’ouvrage maléfique par excellence. Il ne s’agit pourtant que de commentaires de la Bible. C’est de ce livre, jadis brûlé en place de Paris, que part la balle du
fusil assassin. C’est bien le judaïsme, et non le sionisme ou Israël, qui est stigmatisé ici.
Le Juif déicide
Durant tout le Moyen Âge, la principale accusation à l’encontre des Juifs fut celle du déicide. Cette accusation, récusée depuis
Vatican II, est désormais au cœur de la propagande palestinienne.
Les Juifs sont désignés comme des destructeur de nation. On les montre crucifier, ci-dessus, tour à tour les Etats-Unis (1907), la
Grande Bretagne (S.d.), la Russie (1930), l’Allemagne (1930) avant de crucifier la Palestine.
L’idée est de faire du Juif Jésus un .. Palestinien et/ou la première victime palestinienne des… Juifs, comme en témoignent les
quatre caricatures ci-dessus : 1. Al Intifada, Palestine, 14 décembre 2000, 2. Egypte, 3. Boukari Palestine, 7 avril 2002, 4. Latuff, Brésil, 19 avril
2002.
Le Juif infanticide, suceur de sang et vampire
Paradoxalement, c’est au moment où l’Europe, après des siècles d’obscurantisme, découvre les vertus de la tolérance, que le monde
arabo- musulman intègre et fait sien, parce qu’il y trouve un incontestable avantage, des stéréotypes qui lui étaient jusque-là largement étrangers, tel le mythe du
crime rituel des enfants et bébés.
Depuis le Moyen-âge, on prête aux Juifs de sacrifier des enfants à fins cultuelles comme en témoigne cette toile de l’Eglise St Paul,
Sandomierz en Pologne, datée 1710 (1). La caricature quatarie reprend à son compte cette légende noire. L’image est bien antisémite : c’est bien un rabbin et non
un soldat israélien qui assassine de sang froid le jeune palestinien (2).« Le plan d’assassinat des non-juifs par les Juifs dévoilé! », Der Stürmer,
mai 1934 (3). On prête aux Juifs le désir génocidaire, un comble si l’on songe que les nazis assassinèrent près d’1.500.000 enfants juifs. La caricature égyptienne
publiée par le plus important quotidien du monde arabe Al Ahram avec un tirage de 900.000 exemplaires par jour, le 21 avril 2001 et intitulée, « A la santé de la
Paix »nous ramène directement au XIIe siècle, à cette idée que le judaïsme impose à ses adeptes de boire du sang d’enfants innocents, hier
chrétiens aujourd’hui musulmans (4).
Tract antisémite russo-ukrainien au moment de l’affaire Beilis (1911) du nom de ce Juif kiévien accusé d’avoir pratiqué un
infanticide rituel. Malgré l’antisémitisme du régime tsariste il sera toutefois acquitté (1). Couverture du magazine du Parti fasciste italien « La défense de la
race » qui reprend la thèse du crime rituel (Rome, 1941). Le Juif aime le sang (2), Détail d’une caricature antidreyfusarde (Bobb in La
Silhouette, 1898) (3) Stürmer (1934) (4). Caricature jordanienne d’Al Jaafari, 2001 (5), L’Israélien supposé boire l’eau du Liban et le sang des palestiniens est
représenté comme un démon in Al-Hayat al-Jadida, Palestine, 29 juin 2001 (6). On le perçoit, ici, la légende noire du crime rituel est aujourd’hui
banalisée au sein du monde arabo-musulman.Caricature jordanienne de Jafari, 2002, (7). Caricature turque de Sadik Pala (2006).
Sur l’affiche supposée antisioniste » apposée par des étudiants palestiniens (GUPS) à l’Université de San Francisco (2002),
l’enfant palestinien est clairement décrit comme avoir été « abattu selon les rites juifs » (sic). Cette affiche
démonte les liens directs entre antisionisme et antisémitisme. La caricature centrale, tirée du site officiel de l’Autorité palestinienne, revisite le thème du crime
rituel à la sauce génocidaire. La caricature palestinienne présente « le boucher » Sharon dans une posture qui rappelle Auschwitz. La dernière
caricature, postée sur le site d’extrême droite d’Alain Soral, revisite le mythe du crime rituel, toujours à la sauce sioniste. La représentation est ici aussi
purement antisémite puisque « le bétail est abattu … comme le veut le Talmud » (sic). Eric Buzin et un
caricaturiste proche d’Alain Soral.
Le Juif vampire, suceur de sang et comploteur
La première caricature anti-judéo-maçonnique, datée 1942 (Serbie), prétend démontrer que Staline et Churchill ne sont que des pantins
aux mains des Juifs. L’histoire de la Seconde Guerre mondiale démontre qu’il n’en fut rien : Auschwitz ne fut pas bombardé. Pourtant ce mythe est repris tel quel
aujourd’hui, ici, par la caricaturiste palestinienne Omayya (Al Hayat Aljadeeda, Omayya, 1 mars 2003), là, par deux caricaturistes d’extrême droite française ou
américaine. C’est tantôt Goldmann & Sachs, tantôt Netanyahou qui contrôle de la Chine et Daesh (cf. Dees, USA, 2015)
Ces trois caricatures (nazie, jordanienne, française tirée du site d’Alain Soral), datées respectivement 1937, 2001 et 2016
illustrent le fantasme du Juif maître du monde. A croire, Olivier Noël, l’un des graphistes du site d’Alain Soral, Charles Michel, tout comme Obama et Dae’sh, ne
serait qu’une marionnette des Juifs.
Hier comme aujourd’hui (France-1937, Algérie 2004, France 2016), le thème du Juif monde est tout aussi populaire.
L’animal nuisible
Le thème du Juif araignée est assez commun comme en témoignent ces quatre caricatures d’extrême droite, nazies (1934) et françaises
(1925-1941) que reprend en 2000, le Libanais Stavro Jabra. Ces dessins tentent d’accréditer le caractère nuisible du Juif. Il ne faut pas être grand clerc pour
comprendre que le meilleur moyen de se débarrasser d’un individu (ou d’un groupe d’individus) est de mettre en doute sa qualité d’homme. On isole avec d’autant moins
de peine et de remords, un ennemi à abattre qu’on l’aura mieux avili préalablement. Ravaler un être humain au rang d’être démoniaque, d’agent du Mal et/ou de bête
nuisible, c’est préparer le terrain à son élimination physique en la justifiant par avance.
Le Juif nazi et/ou ‘Hitler notre héros’
Les caricaturistes antisémites ne sont pas fait une religion quant à Hitler et le nazisme. D’un côté on se félicite de ce
que Hitler ait débarrassé l’Europe de ses Juifs, tantôt on accuse les Juifs d’avoir inventé la Shoah pour imposer Israël aux Nations, bref l’hésitation est
perceptible. Autant Hitler apparaît comme un modèle à suivre, sinon un héros, autant les sionistes sont accusés d’être pires que les nazis.
Dans la caricature antisémite contemporaine, Hitler est tantôt regretté tantôt assimilé au Juif ! La première caricature est…
d’Adolf. Elle est postée sur le site de la droite radicale d’Alain Soral, « http://www.egaliteetreconciliation.fr/). L’affiche a été distribuée à la conférence de
Durban (2002).Traduction : « (Hitler) Si j’avais gagné ? La chose aurait du bon et du mauvais. Du bon : il n’y aurait ni Israël, ni sang versé en
Palestine. Du mauvais : il n’aurait pas accepté la nouvelle version de la Coccinelle. Pour le reste, à vous de choisir. »Affiche « antisioniste »
distribuée à la conférence de Durban. La défense de la Palestine passe ici par l’apologie (involontaire ?) du nazisme. La dernière illustration est une caricature
tirée d’un livret spécialement édité pour les fêtes du Ramadan pour les enfants qui, intitulé L’homme et la lune, illustre le Juif comme un tueur d’enfant nazi
(Akhbar Al Yom, Egypte, 2 décembre 2000).
La « Shoah-qui-n’a-pas-eu-lieu » a permis de créer Israël (Iran, 2006). La seconde caricature où l’on voit Hitler coucher
avec Anne Frank (« HITLER : écris cela dans ton journal Anne ») a été postée, en février 2006, sur le site de la Ligue Arabe Européenne, dirigée par le
désormais très apprécié Abou Jahjah, un activiste Shiite qui, pourtant, proposa naguère d’expurger Anvers de ses Juifs. Cette caricature négationniste a été réalisée
en réaction à l’affaire des caricatures danoises comme si les Juifs avaient la moindre responsabilité dans l’affaire.
Lié à la galaxie Dieudonné-Soral (photo centrale),
le caricaturiste Zéon est l’archétype de la nouvelle caricature antisémite radicale, tout à la fois anticapitaliste, négationniste, antisémite et propalestinienne. La
Shoah ne serait qu’une escroquerie financière. Outre de contrôler le monde, de pratiquer le meurtre rituel contre les enfants de Palestine, les Juifs sionistes
imposent au monde la seule souffrance juive. Rien n’est moins faux. En Belgique, la fraternité entre Juifs, Arméniens et Tutsis est plus assurée que jamais.
Faudrait-il rappeler les combats de Bernard-Henri Levy pour les causes musulmanes bengali, afghane, bosniaque, libyenne, et même palestinienne. BHL est signataire de
JCall qui exige la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. peuples tous… musulmans. Nul besoin de préciser que Zéon a été poursuivi par la justice française
pour antisémitisme pour ses dessins, autocollants et affiches antisémites collés en plein Paris, notamment pour une parodie de Une, « Bar-Mitzvah tragique à
Toulouse – 4 morts » en référence aux enfants juifs tués à Toulouse par Mohamed Merah.
Conclusion:
Il va sans dire que le caricaturiste a tout droit de dénoncer la politique palestinienne d’Israël, même de manière outrancière et
excessive, car cela fait partie de ses privautés. L’idée de la caricature est précisément de grossir le trait, de l’exagérer jusqu’à l’excès afin de le rendre
tellement visible que la réalité à laquelle il se réfère devienne elle-même plus visible, plus lisible. Il est, en revanche, contraire à son éthique et à sa
déontologie propres de faire mentir son crayon. Or, précisément, le portrait qu’il brosse inlassablement des Israéliens et des Juifs n’est que mensonge, pure
construction fantasmatique. Car, en représentant les Juifs en buveurs de sang et Sharon en prédateur (vampire, requin, serpent, etc.), en croquant les Israéliens dans
des uniformes frappés de la croix gammée, en ressortant du magasin des accessoires l’épisode de la crucifixion de Jésus et l’accusation moyenâgeuse de crime rituel,
les caricaturistes « antisionistes », n’amplifient aucun trait, aucun trait réel s’entend : ils ne font que verser dans des mythes, antisémites, partout
ailleurs condamnés et relégués aux oubliettes. Des mythes qui sont autant de pousses-au-crime.
Tout ce qui touche aux mots et expressions n’est jamais innocent. La parole et le dessin sont les premiers vecteurs des instincts
primaires. Toutes les atteintes aux droits de l’homme ont pour origine des mots injustes, des élucubrations imbéciles, des caricatures insultantes, des dessins
paranoïaques qui ne manqueront pourtant jamais de produire leurs effets. Tous les génocides du 20ème siècle ont débuté
par des mots et des dessins.
[1] S’il va sans
dire que le judaïsme proscrit le sacrifice humain (c’est le sens du mythe du sacrifice d’Abraham), les prescriptions culinaires juives (casherout) proscrivent jusqu’à
la consommation de sang animal."
Le 26 juillet 2022.
Etre juif n'est en rien génétique,
si c'est une filiation, c'est surtout un choix !
Ces papas musulman et juif, avec leur enfant respectif, se sont
rencontrés
fortuitement à l'aéroport de Chicago lors d'une manifestation anti-Trump.
Tout est dit de notre conception du rapport à l'Autre.
>La France organisa la rafle du Vel d'Hiv les 16 et 17 juillet 1942 !
Le 16 juillet 1995, le Président Jacques Chirac reconnut officiellement la responsabilité de la France, incarnée par les autorités de Vichy, le Maréchal Pétain
et le gouvernement Laval, leur police, dans la planification et l'organisation de la rafle du Vélodrome d'Hiver des Juifs étrangers et français, vers les camps nazis d'extermination. Enfin,
la République française ouvrait grande la porte d'une mémoire jusque-là piteusement défaillante et d'un nécessaire travail de vérité historique. Celui-ci fit cruellement défaut dans le chef de
tous les présidents antérieurs à Jacques Chirac des IVème et Vème Républiques
Sous cette dernière, du Général de Gaulle à François Mitterrand, en passant par Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing, pour toute réponse à cette infamie nationale, un silence gêné, un orgueil offusqué et hypocrite, voire une complaisance, bref, une amnésie feinte, un déni d'Etat qui coururent, tel un fil rouge de sang, dans les couloirs et
bureaux des occupants successifs de l'Elysée.
Le 17 juillet 2022, le Président Emmanuel Macron a commémoré le 80ème anniversaire de la rafle en inaugurant, en présence des derniers rescapés, un nouveau lieu de
mémoire dans l'ancienne gare de Pithiviers, dans le Loiret, d'où sont partis huit convois pour Auschwitz-Birkenau.
"L'Etat français manqua de manière délibérée à tous les devoirs de la patrie des Lumières et des droits de l'Homme". Il insista sur le rôle du régime de Vichy, citant
"sa volonté et une politique gangrénée par l'antisémitisme". Le Chef de l'Etat français a dénoncé "une falsification de l'histoire, une nouvelle forme de négationnisme (le candidat et animateur
aux présidentielles, Eric Zemmour, et son parti Reconquête dans le viseur). "Ni Pétain, ni Laval, ni Bousquet, ni Darquier de Pellepoix, aucun de ceux-là n'a voulu sauver des Juifs. Nous n'en
avons pas fini avec l'antisémitisme." ... Doux euphémisme pour évoquer le combat vital et quotidien contre les menaces, les harcèlements, les agressions verbales et physiques et les assassinats
(récents) de citoyens français juifs.
Nous voudrions ici rappeler que toute la France, de 1940 à 1945, ne fut pas antisémite. Aux côtés des phalanges fascistes pro-allemandes et des larges soutiens du
régime collaborationniste, une majorité de Français, ici bienveillante, là passive, là encore en état de survie, mais aussi, bien sûr, la résistance intérieure et extérieure, très
minoritaires, incarnées par Jean Moulin et Charles de Gaulle (entre autres), et, ne les oublions pas, quelques milliers d'héros anonymes, de tous horizons philosophiques et religieux, qui
n'hésitèrent pas à aider de nombreux Juifs en perdition, à la recherche désespérée de mains tendues. Ce furent les Justes des Nations, de simples citoyens courageux qui, au péril de leur vie,
sauvèrent beaucoup de personnes d'origine et/ou de confession juives. (*)
Parmi celles et ceux qui prirent le risque de s'opposer ouvertement aux lois juives, à la rafle du Vel d'Hiv, il y eut l'Evêque de Toulouse, Mgr Jules Saliège. Sa
lettre publique du 23 août 1942, adressée aux autorités de Vichy - il ne fut pas le seul - reste un exemple de résistance morale et politique remarquable d'une partie de l'Eglise catholique
française; plus habituée, en sa hiérarchie, à regarder ailleurs ainsi qu'à entretenir avec le "Maréchal nous voilà" des relations respectueuses et cordiales.
(*) Parmi ces Justes, Adélaïde Hautval, neuropsychiatre, médecin au camp de Pithiviers et fille de pasteur aux valeurs humanistes. Elle
aida beaucoup de femmes et enfants juifs, souvent étrangers, qui ne parlaient pas un mot de français, mais russe,
ukrainien, polonais, hongrois, yiddish. Lire l'éclairant roman d'Anne Berest, "La carte postale", chez Grasset, 2021,
sur la famille Rabinovitch. Adélaïde Hautval, "l'amie des Juifs", c'est ainsi que la police française et les Allemands l'ont qualifiée, était prisonnière à Pithiviers. Elle sera ensuite
transférée à Beaune-la-Rolande, puis déportée à Auschwitz le 24 janvier 1943, où elle recevra le matricule 31802. Elle survivra à sa détention et mourra le 12 octobre 1988 à l'âge de 82 ans. Dans
l'historiographie de la Shoah, elle est connue pour avoir écrit le récit "Médecine et crimes contre l'humanité". On ne rendra jamais assez hommage à ces femmes et à ces hommes mus par une
lumineuse fraternité sans frontière.
Le 19 juillet 2022.
"Mes très chers
Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits, tiennent à la nature de
l’homme. Ils viennent de Dieu. On peut les violer. Il n’est au pouvoir d’aucun mortel de les supprimer. Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme
un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste
spectacle.
Pourquoi le droit d’asile dans nos églises n’existe-t-il plus ?
Pourquoi sommes-nous des vaincus ?
Seigneur ayez pitié de nous.
Notre-Dame, priez pour la France.
Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes.
Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien
ne peut l’oublier.
France, patrie bien aimée, France qui porte dans la conscience de tous tes enfants la tradition du respect de la personne humaine, France chevaleresque et
généreuse, je n’en doute pas, tu n’es pas responsable de ces horreurs.
Recevez mes chers Frères, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Jules-Géraud Saliège
Archevêque de Toulouse
23 août 1942"
Volodymyr Zelensky somme Israël de choisir son camp !
Ce dimanche 20 mars 2022, le Président ukrainien s’est adressé aux parlementaires israéliens par visioconférence. Il a regretté le manque de soutien d’Israël.
Il leur a dit que l’Ukraine faisait face à la même menace d’effacement que l’Etat juif après sa naissance ...
Volodymyr Zelensky a exhorté Israël à "faire un choix moral", en soutenant son pays face à l’invasion russe. Devant la Knesset, le parlement israélien, le
Président ukrainien a salué les efforts de médiation que mène le Premier ministre, Naftali Bennett, avec Moscou. Depuis sa visite rendue à Vladimir Poutine, le 5 mars, M. Bennett s’est
ainsi entretenu par deux fois au téléphone avec le Chef du Kremlin et six fois avec le Président ukrainien.
Toutefois, celui-ci estime que cette tentative de médiation ne peut légitimer la neutralité à laquelle Israël s’astreint depuis le 24 février, jour de
l'invasion russe. "Il est possible de se faire médiateur entre deux pays, mais pas entre le bien et le mal" …
Volodymyr Zelensky a aussi regretté le refus du gouvernement israélien d’adopter des sanctions contre la Russie ainsi que de fournir des armes à l’Ukraine, en
particulier les systèmes de défense antimissiles. "On peut légitimement se demander pourquoi nous ne pouvons recevoir d’armes de votre part et pourquoi Israël n’a pas imposé de sanctions à la
Russie ? Pourquoi vous ne faites pas pression sur les entreprises russes… C’est votre choix, chers frères et sœurs" …
Son allocution, retransmise en direct par les chaînes de télévision israéliennes, a été suivie par plusieurs milliers de personnes sur un écran géant disposé
sur une place centrale de Tel-Aviv. On sent bien que les Israéliens sont partagés à l'égard de la posture actuelle de leur gouvernement. Certains privilégient à tout prix la sécurité de l'Etat
hébreu, qui n'est pourtant pas menacé par rapport au conflit en Europe, d'autres se souviennent de leur passé douloureux et soutiennent le peuple ukrainien.
11 000 Ukrainiens sont arrivés en Israël depuis le début de la guerre, pour la plupart des non-juifs. Le Président Zelensky, qui ne fait jamais mention de
ses origines juives, a exhorté Israël à ouvrir davantage ses portes. Sous la pression populaire, la Ministre de l’intérieur, Ayelet Shaked, a déjà assoupli les restrictions à l’accueil de
réfugiés ayant des parents en Israël, à condition que leur arrivée soit approuvée avant qu’ils n’embarquent dans un avion.
Quelles que soient les raisons du gouvernement israélien pour justifier sa neutralité entre la Russie poutinienne et l’Ukraine démocratique - ses bonnes
relations avec le Kremlin lui permettent de faire survoler le ciel syrien par ses F16 pour frapper les dépôts d’armes iraniens destinés au Hezbollah libanais - en face des crimes de guerre de
l’armée russe en Ukraine, rien n’est à même de légitimer l’attitude frileuse d’Israël; comme si l’Etat juif était devenu sourd et aveugle aux souffrances extrêmes du peuple ukrainien, à la
destruction des villes ukrainiennes, à la résistance héroïque de ses combattants et combattantes ainsi qu’à la détresse des dizaines de milliers de Juifs ukrainiens qui voyaient en Israël un
allié de leur patrie, mais encore un garant de leurs droits et de leurs vies.
Le 21 mars 2022.
Pourquoi je suis juif !
"Je suis juif, parce que, né d’Israël, et l’ayant retrouvé, je veux qu’il vive après moi, plus vivant qu’en moi-même.
Je suis juif, parce que la foi d’Israël, réclame, de mon cœur, toutes les abnégations.
Je suis juif, parce qu’en tous lieux où pleure une souffrance, le Juif pleure.
Je suis juif, parce qu’en tout temps où crie une désespérance, le Juif espère.
Je suis juif, parce que la parole d’Israël est la plus ancienne et la plus nouvelle.
Je suis juif, parce que la promesse d’Israël est la promesse universelle.
Je suis juif, parce que, le monde n’est pas achevé : les Hommes l’achèvent.
Je suis juif, parce que, pour Israël, l’Homme n’est pas créé : les Hommes le créent.
Je suis juif, parce qu’au dessus des nations et d’Israël, Israël place l’Homme et son Unité.
Je suis juif parce qu’au dessus de l’Homme, image de la divine Unité, Israël place l’Unité divine et sa Divinité."
Edmond Fleg, 1874 - 1963.
"Samedi soir, minuit et demi …
Pour humilier, il faut être deux. Celui qui humilie et celui qu’on veut humilier, mais surtout, celui qui veut bien se laisser humilier. Se ce dernier fait
défaut, les humiliations s’évanouissent en fumée. Ce qui reste, ce sont des mesures vexatoires qui bouleversent la vie quotidienne, mais non cette humiliation ou cette oppression qui accable
l’âme. (…)
On ne peut rien nous faire, vraiment rien. On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté
de mouvement toute extérieure, mais c’est nous-même qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés. En
éprouvant de la haine. En crânant pour cacher notre peur. On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps, par ce qu’on nous fait subir; c’est humain et compréhensible. Et pourtant,
la vraie spoliation, c’est nous-même qui nous l’infligeons. Je trouve la vie si belle et je me sens libre. En moi des cieux se déploient aussi vastes que le firmament. Je crois en Dieu et je
crois en l’Homme, j’ose le dire sans fausse honte. La vie est difficile mais ce n’est pas grave. Il faut commencer par « prendre au sérieux son propre sérieux », le reste vient de
soi-même. Travailler à soi-même, ce n’est pas faire preuve d’individualisme morbide. Si la paix s’installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d’abord la paix en
soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine et la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour - ou est-ce
trop demander ? C’est pourtant la seule solution. Je pourrais continuer ainsi des pages entières. Ce petit morceau d’éternité qu’on porte en soi, on peut l’épuiser en un mot aussi bien qu’en dix
gros traités. Je suis une femme heureuse et je chante les louanges de cette vie, oui, vous avez bien lu, en l’An de grâce 1942, la énième année de guerre."
" Une vie bouleversée, journal, 1941-1943 ",Etty Hillesum.
Née à Middelbourg, le 15 janvier 1914, et exterminée à Auschwitz, le 30 novembre 1943.
Benjamin Netanyahou est sorti par la porte des élections,
pourra-t-il revenir par la fenêtre des coups bas ?
La Knesset a voté dimanche soir la confiance au gouvernement du nouveau premier ministre, Naftali Bennett, qui met fin aux douze ans de
gouvernements Netanyahou.
"Sur les 119 députés présents à la Knesset (sur 120 au parlement) 60 ont voté en faveur de la nouvelle coalition, qui va de la droite à la gauche, en passant
par l'appui d'un parti arabe. Cinquante-neuf députés, principalement du parti Likoud, de Benjamin Netanyahou, de l'extrême
droite et des partis ultra-orthodoxes, s'y sont opposés. Un député de la liste arabe Raam, qui soutient pourtant la coalition, s'est abstenu.
Dans la foulée, chaque membre du 36e gouvernement israélien a prêté serment à la tribune de la Knesset, à commencer par Naftali Bennett.
Devant l'impasse politique dans laquelle se trouve Israël depuis plsuieurs élections législatives en deux ans, le président Reuven Rivlin avait
demandé au chef de l'opposition Yaïr Lapid, de tenter sa chance.
Avec un parti arabe
Et ce dernier a réussi in extremis début juin à réunir une majorité en formant une coalition réunissant deux partis de gauche, deux de centre, trois de droite
et - fait rarissime dans l'histoire israélienne - un parti arabe, la formation Raam de l'islamiste modéré, Mansour Abbas.
Tous les observateurs ont noté les contradictions inhérentes aux partis formant cette coalition. Ils ont déjà identifié les problèmes qui risquent de survenir
dès les prochaines semaines, compromettant son avenir. Pourtant les dirigeants de ces huit partis affirment tous, au-delà de leurs divergences, partager une même volonté de remettre en marche un
pays paralysé depuis deux ans et demi et qui fonctionne sans budget. Ils veulent s’atteler à prendre en charge les nombreux problèmes qui touchent au quotidien de toute la population.
Les dossiers sont nombreux : la santé, les transports, l’éducation, où les différences de programmes et de moyens entre les quatre systèmes qui se côtoient,
chacun s’adressant à une des quatre tribus (laïque, orthodoxe, religieux national et arabe) constituant la nation, ont des conséquences sur le niveau global des élèves qui a beaucoup régressé ces
dernières années, l’emploi, la situation sociale où la politique ultralibérale des gouvernements successifs, majoritairement de droite a entrainé un appauvrissement de près de deux millions de
personnes ; la violence et la délinquance dans les villes et villages arabes, avec plusieurs dizaines de meurtres par an qui ont contribué à l’explosion des émeutes intercommunautaires du mois
dernier. La liste est encore longue des chantiers à ouvrir.
Ecarts idéologiques immenses
Les défis sont en effet nombreux et les écarts idéologiques entre les différents partis de cette coalition sont immenses. « Mais nous retenons deux de ses
caractéristiques majeures qui vont constituer un tournant dans l’histoire du pays », souligne J CALL, le réseau juif européen pour Israël, pour la paix et pour la solution à
deux Etats. « Tout d’abord la présence de ministres d’un parti arabe en son sein constitue une révolution qui restera un acquis. Les Arabes voient leur légitimité reconnue pour entrer dans
le jeu politique du pays, après en avoir gravi tous les échelons par leur travail et la réussite dans leurs études ».
Tourner la page des années Netanyahou
Et d’ajouter que « le dénominateur commun des participants à ce gouvernement est leur volonté de tourner la page aux années Netanyahou, avec la violence
verbale et parfois physique qui les a caractérisées. Ils aspirent tous à pacifier le débat public, ne faisant plus de leurs adversaires des traitres ou des ennemis, comme cela a été le cas ces
dernières années, et à permettre à la société israélienne de retrouver la cohésion qui la caractérisait à ses débuts. Là est sans doute le principal enjeu de ce gouvernement qui, par ailleurs,
compte tenu des divergences existantes entre ses participants sur la politique à mener vis-à-vis des Palestiniens, sera sans doute un gouvernement de paralysie sur ces
questions ».
La droite et l’extrême droite ne feront pas de cadeau à ce nouveau gouvernement. Les « débats » qui ont précédé le vote d’investiture l’ont montré par
le menu. Il faudra aussi compter avec les dizaines d’associations, d'instituts et de militants qui attendent de se jeter sur les ministres et les législateurs avec des plans de réforme et de
législation. Ils exploiteront toutes les occasions qui se présenteront.
Nul doute que Benjamin Netanyahou mettra tout en oeuvre pour saborder une coalition aussi fragile, y compris par des manoeuvres en coulisses et des coups bas.
L'idée de devoir rendre des comptes à la justice, car, ne l'oublions pas, il est inculpé pour corruption, ne l'enchante évidemment pas. Ce qui pourra être pris sur l'ennemi - il raisonne en ces
termes - sera toujours bon à prendre.
La gauche, en revanche, n'a plus l'habitude de gouverner et ne dispose pas d'une infrastructure aussi organisée et puissante, même si elle peut encore s’appuyer
sur les syndicats et les mutuelles. L'exploitation des opportunités politiques par la gauche dépendra, entre autres facteurs, de la mise en place d’un tissu associatif et extraparlementaire aussi
puissant que l’extrême droite et les nationalistes religieux.
Des opportunités
Mais à y regarder de plus près, la gauche et le centre ont également quelques opportunités dans ce nouveau gouvernement. Il y a des sujets sur lesquels il n'y a
pas de controverses dramatiques, comme l'a noté NaftaliBennett dans son discours, principalement sur les questions économiques, de bien-être social et
d'éducation; dans tous les secteurs où l'accent est mis sur l'amélioration du service et de la vie civile en Israël. Il y a également quelques avancées historiques dans les domaines relatifs à
l'État et à la religion, qui peuvent être mises en œuvre en l'absence de partis ultra-orthodoxes dans cette coalition. Après des années dans l'opposition, un rôle vidé de tout contenu, le
centre-gauche pendant les années Netanyahou, a maintenant l'opportunité d'avancer quelques politiques réelles."
Regards, CCLJ, le 16 juin 2021.
Composition du nouveau gouvernement israélien
Le premier ministre, Naftali Bennett (Yamina) occupera le poste de premier ministre pendant deux ans, dans le cadre d’un
accord de rotation avec Yair Lapid, qui doit prendre le rôle le 27 août 2023.
Siègent notamment au sein de ce
gouvernement
Le premier ministre suppléant et ministre des Affaires
étrangères Yair Lapid (Yesh Atid).
Le ministre de la Défense Benny Gantz
(Kakhol Lavan).
Le ministre des Finances Avigdor
Liberman (Yisrael Beyteinu).
Le ministre de la Justice, Gideon Saar
(Tikva Hadasha).
Le ministre de la Sécurité publique, Omer
Barlev (Parti travailliste).
La ministre des Transports, Merav
Michaeli (Parti travailliste).
Le ministre de la Santé, Nitzan
Horowitz (Meretz).
La ministre de l’Intérieur, Ayelet
Shaked (Yamina).
La ministre de l’Education, Yifat
Shasha-Biton (Tikva Hadasha).
La ministre de l’Immigration et de l’Intégration,
Pnina Tamano-Shata (Kakhol Lavan).
La ministre des Sciences, Orit
Farkash-Hacohen (Kakhol Lavan).
La ministre de la Protection de l’Environnement,
Tamar Zandberg (Meretz).
Le parti Raam devrait obtenir un ministre adjoint
au sein du bureau du Premier ministre.
>Les maisons de Cheikh Jarrah appartiennent en réalité à des familles juives expulsées en 1948 !
Il apparaît que les maisons du quartier de Cheikh Jarrah appartenaient en fait à des familles juives avant 1948, date
de la rétrocession de la Grand-Bretagne à la Jordanie du contrôle de Jérusalem-Est. Amman a expulsé les propriétaires juifs pour y installer des familles arabes, qui y sont restées jusqu'à
présent, sans même être délogées par Tsahal lorsqu'elle a réunifié la Ville-Sainte en juin 1967. Le présent litige oppose donc les représentants des familles juives spoliées en 1948 aux
familles arabes qui occupent actuellement ces biens. Ce sera à la Cour suprême d'Israël de trancher dans un conflit purement juridique, un conflit qui n'aurait jamais
dû prendre l'ampleur dramatique de ces derniers jours. A qui la faute, si ce n'est au Hamas, qui a pris prétexte du contentieux de Jérusalem pour agresser massivement Israël, qui a répliqué
durement ? Voyez plutôt ci-après le courrier éclairant du Président du Foyer Culturel Juif de Liège à la RTBF.
Le 21 mai 2021.
>Guy Wolf, le Président du Foyer Culturel Juif de Liège, interpelle la RTBF !
A l'attention de la rédaction radio de la RTBF,
Bonjour,
Ce matin, au journal parlé de huit heures, lors de l’évocation du cessez-le-feu intervenu cette nuit entre Israël et le Hamas, votre journaliste a évoqué « une
famille palestinienne de Jérusalem expulsée de sa maison au profit de colons juifs ».
Cette information est erronée. Il s’agit, en réalité, d’une famille juive qui prétend être propriétaire de la maison en question et en avoir été chassée en
1948. Elle essaie de récupérer cette maison via une procédure judiciaire, en application d’une loi israélienne datant des années 70.
Cette façon tronquée de présenter les faits dénote d’un parti pris qui ne devrait pas être de mise sur une chaîne d’information de service public.
Beaucoup plus grave malheureusement, cette déformation de la réalité attise, ici en Belgique, la haine des sympathisants de la cause palestinienne à l’égard de
la communauté juive belge.
En agissant ainsi, la rtbf porte une responsabilité dans le fait que l’asbl je que je préside est contrainte de faire appel à une protection policière chaque
fois qu’elle organise une activité dans ses locaux.
Il serait utile que vos journalistes en prennent conscience et fassent preuve de l’objectivité qui sied à une maison comme la vôtre.
Bien à vous,
Guy Wolf
Président du Foyer Culturel Juif de Liège
Le 21 mai 2021.
>David Grossman, le grand écrivain israélien, et le pluriel d'Israël !
De l’angoisse. De la désillusion. De l’amertume. Et
également de la peur : voilà tout ce que l’on peut entendre dans la voix de David Grossman, l’un des plus grands écrivains israéliens contemporains.
Ilredoute aujourd'hui l'impossibilité pour son pays de maintenir une cohabitation apaisée, voire supportable entre Juifs et Arabes israéliens, un bien
singulier pluriel à l'agonie.
Il a accordé un entretien téléphonique depuis sa maison située non loin de Jérusalem à Francesca Caferri, du quotidien progressiste
italien "La Repubblica". Rappelons que David Grossman a perdu un de ses fils, Uri, 20 ans, conscrit au sein de Tsahal pendant la guerre du Liban en
2006.
" Nous avons eu droit à quatre explosions particulièrement proches, si proches que nous avons pu les entendre très clairement. Elles se sont produites à
proximité immédiate de lieux où se trouvent mon fils, ma petite-fille, certains de mes amis. J’ai 67 ans et j’ai déjà vécu pas mal de situations extrêmes, mais celle-ci est l’une des
pires. »
Vous qui êtes un observateur attentif de la réalité de votre pays, pourriez-vous nous expliquer comment la situation a pu se détériorer aussi
rapidement ?
Si vous regardez bien, les opérations militaires auxquelles nous avons assisté depuis 2006 ont toutes été menées dans l’urgence. C’est le résultat d’une
accumulation de menaces, de colère, de frustration : à un moment donné, tout explose, et nous nous retrouvons soudain en plein cœur d’une opération militaire. Ou d’une véritable guerre.
L’explication est logique, mais ne suffit pas pour qu’on n’ait plus à se demander comment il est possible qu’après toutes ces années, nous soyons toujours prisonniers de ce cercle vicieux, sans
aucune issue en vue.
Cette fois-ci, cependant, les choses sont quelque peu différentes : les affrontements entre les citoyens arabes israéliens et les citoyens juifs israéliens
ont atteint un niveau sans précédent.
C’est une situation extrêmement dangereuse. Quand on parle d’Arabes israéliens, on parle d’un cinquième de la population israélienne. Ce sont des personnes qui,
sur le papier, ont tous les droits mais qui, en réalité, se voient refuser beaucoup de choses. Il suffit de penser à la loi qui déclare Israël Etat-Nation du peuple juif, faisant presque des
Arabes des citoyens de seconde zone. Ou encore au budget de l’Etat, qui n’alloue jamais suffisamment de fonds à ces communautés pour lutter contre la criminalité et la violence, peut-être parce
qu’au fond, le fait que la communauté arabe soit affligée par ces problèmes arrange pas mal de personnes. Et puis, il y a des événements comme
la marche célébrant la Journée de Jérusalem, où les participants dansent avec des drapeaux israéliens à l’intérieur de la vieille ville. C’est un peu comme si nous faisions tout pour provoquer
les Palestiniens et leur montrer combien nous sommes forts et combien ils sont faibles. Le 10 mai, Benyamin Netanyahou n’a ordonné l’annulation de la marche qu’à la dernière minute, mais
l’incendie brûlait déjà et les étincelles se sont propagées. Le Hamas s’en est servi comme prétexte pour se déclarer protecteur de Jérusalem et y a mis le feu. La violence dont vous
me parlez est terrible, car elle réduit à néant toute idée de coexistence, brisant le fil ténu qui s’était tissé au fil des ans et qui nous faisait penser que, progressivement, nous serions
parvenus à vivre côte à côte. Pour la première fois depuis les dernières élections, un parti arabe était en mesure d’influencer le choix du Premier ministre. Un signal important, mais ça n’a pas
suffi.
Pourquoi ?
Au fond, c’est le succès du parti islamiste Raam qui a été la véritable nouveauté du dernier scrutin…
Nous devons considérer le phénomène dans son ensemble. Et ce phénomène nous montre que ce n’est que 73 ans après la création de l’Etat d’Israël que la majorité
juive a généreusement permis à un parti arabo-israélien de jouer un rôle dans la formation d’une coalition. C’est ridicule. Il nous a fallu 73 ans pour donner une légitimité à nos concitoyens. Et
c’est loin d’être une position partagée par tous. Combien de fois, ces derniers mois, n’avons-nous pas entendu des mots comme : « Jamais avec le soutien des Arabes ». Aujourd’hui,
toute personne qui envisage la possibilité de collaborer avec eux est accusée de trahison.
Toutefois, cette position est également le résultat d’années d’absence de débat public ; la solution des deux Etats a été abandonnée, mais
aucune idée alternative ne s’est imposée à la place. Le débat entre les deux camps est au point mort. C’est un peu comme si ceux qui, comme vous, parlent de paix depuis des années avaient eux
aussi perdu espoir. Est-ce le cas ?
Cela fait des décennies que nous tentons de négocier avec les Palestiniens, mais nous n’arrivons à rien. Vu l’absence de résultats, ceux qui ont soutenu le
dialogue pendant des années ont fini par perdre toute légitimité et sont aujourd’hui considérés comme des traîtres. Dans les deux camps, seuls les éléments les plus violents et les plus
extrémistes trouvent un écho. Ils se nourrissent l’un de l’autre. Chaque fois qu’un conflit éclate, ils l’utilisent pour légitimer leurs positions extrémistes.
Vous avez connu tellement de crises similaires. Comment pensez-vous que celle-ci va se terminer ?
A l’usure, comme toujours. A un moment donné, l’un des deux camps n’en pourra plus et entamera une médiation. Il ne reste qu’à voir combien de personnes
mourront entre-temps. Dans une situation qui aurait pu être évitée.
Au début de cet entretien, vous avez parlé de peur. Quelle est votre plus grande peur aujourd’hui ?
La réponse est facile. Le fragile équilibre sur lequel repose la société israélienne est aujourd’hui menacé. Et je sais que si nous ne parvenons pas à créer un
Etat dans lequel les deux communautés se sentent chez elles, sur un même pied, et ont l’assurance que leurs vies ont le même poids sur la balance, nous aurons tous perdu. Ce n’est que si la
minorité arabo-israélienne se sent protégée et la majorité juive non menacée que nous aurons une chance de créer quelque chose de valeur et de réduire les risques de violence. Des deux côtés.
C’est mon rêve, mon espoir. Et aujourd’hui, ma plus grande peur, c’est qu’il soit brisé."
Francesca Caferri, "La Repubblica", le 17 mai 2021.
Condamner la droite israélienne est une chose, nier la légitimité d'Israël en est une autre !
Il est légitime de critiquer et de condamner la politique insensée de la droite israélienne, qui, pour rester au pouvoir, fait le jeu depuis des années des
ultras nationalistes et/religieux. L'extrême droite semble désormais donner le ton et le tempo à Beit Aghion (la Maison du Premier ministre) mais aussi, dans une moindre mesure, à la Knesset
(l'Assemblée parlementaire). La politique intolérable de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, encouragée par Benjamin Netanyahou et ses alliés théocratiques, faut-il le rappeler, est à
l'origine de l'embrasement actuel (quatre maisons de familles arabes du quartier de Cheikh Jarrah expropriées, en attendant l'arrêt de la Cour suprême d'Israël, qui a très bien fait de postposer
sa décision). Cela étant dit, comment ne pas voir que le mouvement Hamas a profité des événements de Jérusalem pour frapper Israël avec, à ce jour, plus de 3000 roquettes. Le but étant
d'apparaître aux yeux des populations palestiniennes, déçues par l'OLP et son Autorité évanescente, comme l'unique incarnation de "la résistance" à l'occupant. La réaction d'Israël ne s'est pas
fait attendre, avec la destruction de nombreux immeubles abritant les sites de lancement des missiles, des installations militaires des organisations terroristes du Hamas et du Djihad islamique,
où vivent, ils le veulent ainsi, des civils, et des innombrables tunnels. Comment ne pas voir aussi l'alliance objective, à fronts renversés, du Hamas et de la droite israélienne, l'une servant
les objectifs de l'autre et inversement ? Il ne fait guère de doute que le Premier ministre sortant, Benjamin Netanyahou, à la recherche d'une coalition gouvernementale introuvable, va sortir
renforcé de cette épreuve de force; les Israéliens juifs (arabes aussi) étant, à juste titre, obsédés par la sécurité. Les uns et les autres sont à présent victimes collatérales du déchaînement
de la violence, essentiellement alimentée par les extrémistes des deux bords. Des personnes qui vivaient en voisins pacifiquement jusqu'à présent sont maintenant farouchement fracturées; les
villes et quartiers mixtes, à des degrés divers, étaient des oasis de cohabitation si pas toujours chaleureuses, du moins tièdes. Il semble que la haine soit devenue le mode de communication
entre communautés. Il va falloir énormément de temps et de patience (sera-ce passible ?) pour que les Israéliens réapprennent à vivre ensemble. Des équipes mixtes dans les hôpitaux, des écoles,
les commissariats, les casernes de pompiers et même de militaires, les entreprises, le secteur culturel et audiovisuel, la restauration vont devoir travailler côte à côte avec la méfiance et la
peur au ventre. Quel gâchis ! Et ne parlons pas des menaces extérieures, bien réelles et plus pesantes que jamais, qui minent la cohésion sociale et politique en Israël. Cet Etat est toujours
jugé illégitime par le conglomérat des anti-sionistes primaires et des antisémites qui ont encore et toujours un fameux problème avec les Juifs. Bien sûr, l'extrême droite noire, renaissante de
ses cendres; bien sûr, les islamistes verts, en croisade contre "le Satan sioniste"; bien sûr, l'extrême gauche, certains Ecolos et socialistes, qui s'achètent une conscience à bon compte en
épousant "la cause internationaliste" des Palestiniens, alors qu'elle est nationaliste pour une part et de plus en plus djihadiste pour une autre, tout en passant par pertes et profits le sort
des peuples kurde, tibétain, Ouïghour, rohingya ainsi que des 500.000 Syriens, dont 100.000 enfants, massacrés par le boucher de Damas. Une chose est donc de critiquer et condamner la politique
de fuite en avant du gouvernement israélien, au premier chef son premier ministre sortant. Une autre est de contester et nier - certains par des propos et des images d'une malhonnêteté
affligeante, d'autres par la violence des mots, des gestes et des actes - la légitimité historique d'Israël (résolution 181 du 29 novembre 1947 de l'ONU; les pays arabes ne l'ont pas votée ne
voulant, à aucun prix, d'un Etat juif, quitte à sacrifier par leur attitude l'édification d'un Etat palestinien), sa sécurité, le droit de son peuple de vivre en paix, quand ce n'est pas
d'épouser les thèses nihilistes du IIIème Reich concernant le crime de naître juif ...
Le 15 mai 2021.
>Comment les Israéliens ne voient-ils pas le piège tendu par leurs ennemis ?
Depuis trois jours, le Hamas et le Djihad islamique de Gaza ont pris le prétexte des événements de Jérusalem pour lancer sur Israël, du sud au centre, plus de
1500 roquettes. L'Etat hébreu a réagi vigoureusement en détruisant les emplacements de tirs de missiles ainsi que des immeubles occupés par les milices armées de ces organisations. Comme
celles-ci s'installent intentionnellement dans des habitats où vivent des civils, ces derniers sont victimes
collatérales des bombardements israéliens.
Il est notable d'observer le jeu, à fronts renversés, d'alliance objective entre le Hamas et la droite israélienne; un Benjamin Netanyahou, en quête d'une
coalition gouvernementale introuvable, va sortir renforcé de l'épreuve de force. Montrer ses muscles l'a toujours servi auprès de citoyens obsédés, à juste titre, par la sécurité. En face, le
Hamas va voir grandir son image héroïque parmi les populations
palestiniennes déçues par l'OLP et leur Autorité évanescente. C'est un scénario connu, qui vise à mettre l'opinion internationale du côté des terroristes, en rendant difficile tout rapprochement
avec Israël. Comment ses responsables politiques ne voient-ils pas le piège tendu par leurs ennemis ?
Il ne peut y a avoir de compromis avec des groupes radicaux qui prônent "la destruction totale du Satan juif". Nous apportons tout notre soutien et notre
solidarité au peuple israélien, juifs et arabes, indistinctement frappés par la pluie du feu gazaoui et le déchaînement de la haine. Il n'en reste pas
moins que l'entreprise de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, initiée par des ultras-juifs nationalistes et/ou religieux et légitimée par le Premier ministre sortant, n'est ni
tolérable moralement ni acceptable politiquement. En persévérant dans cette fuite en avant, Israël va droit vers une impasse.
Un nouvel isolement international ne ferait que renforcer les pires démons qui travaillent la société israélienne. Si la
solution à deux Etats n'est plus possible - les enclaves juives en territoires occupés sont telles
aujourd'hui qu'il paraît impensable de les faire évacuer, comme ce fut le cas à Gaza, lorsqu'Israël s'en retira le 12 septembre 2005 - un seul Etat pour deux peuples semble tout aussi douteux. De
deux choses l'une, soit cet Etat pluriel sera démocratique et les Juifs y seront à terme minoritaires, soit les Juifs y bénéficieront d'un statut privilégié par rapport aux Arabes et cet Etat
n'aura plus rien de démocratique ... Comment comprendre une dérive idéologique qui tourne ainsi le dos à toutes les valeurs universalistes du judaïsme ainsi qu'aux principes cardinaux, humanistes
et laïques, des fondateurs d'Israël ? Ben Gourion et Rabin, réveillez-vous !
Le 13 mai 2021.
>Exproprier pour coloniser n'est pas tolérable, pas plus que la solution !
Sur l'esplanade de la Mosquée al-Aqsa, des Palestiniens se déchaînent contre l'expropriation de maisons arabes
et le projet de nationalistes juifs de célébrer l'anniversaire de la réunification de Jérusalem sur "le Mont du temple".
Si il y a un début au conflit israélo-palestinien, que l'on peut dater de la création de l'Etat hébreu, en 1948, même si des affrontements et des attentats entre communautés survinrent
dans l'entre-deux-guerres, il n'y a apparemment pas de fin. Les derniers troubles graves à Jérusalem-Est relatifs à l'expropriation de quatre familles arabes, installées dans le quartier de
Cheikh Jarrah depuis le début du vingtième siècle, témoignent que sous la cendre d'une cohabitation improbable couve le feu d'un vivre-ensemble impossible (*). C'est du moins ce que l'on peut
observer à voir, d'une part, l'agitation expansionniste permanente des ultras-nationalistes et religieux, d'autre part, la complicité aveugle du gouvernement Netanyahu à ce qu'il faut
appeler une colonisation en bonne et due forme. Aucune explication biblique ne saurait tenir lieu de justification à ce déni du droit humanitaire international. Les Etats-Unis de Joe Biden,
l'Union européenne ont aujourd'hui la responsabilité de ramener Israël à une sensible désescalade tant dans ses propos que dans ses actes.
Que les choses soient claires. Israël existe et existera ! Tous les anti-sionistes et antisémites de droite, de gauche et islamistes doivent graver définitivement cette donnée
dans leur esprit tourmenté. La légitimité d'Israël, contrairement à ce que croient les religieux juifs, ne repose pas sur la Torah mais bien sur la résolution 181 de l'ONU du 29 novembre
1947, quant au plan de partage de la Palestine britannique. Si il n'y a pas eu simultanément d'Etat palestinien, ce fut par la seule volonté des Etats arabes qui ont refusé la création d'un Etat
juif, quitte à sacrifier le pendant palestinien. La sécurité et l'intégrité territoriale d'Israël sont d'autres paramètres incontournables. Tout le monde sait que certaines frontières d'avant
1967 sont caduques, particulièrement celles des collines du Golan, frontière-balcon-est avec la Syrie totalitaire. Le reste, l'intégrité de la Cisjordanie, la continuité territoriale entre cette
dernière et Gaza et Jérusalem doivent faire l'objet de compromis. La Ville Sainte fut certes fondée par les Hébreux et ils en firent le lieu sacré du Temple et de leurs croyances. Mais l'eau du
Jourdain a coulé depuis les destructions des royaumes d'Israël (- 720 par les Assyriens) et de Juda (-586 par les Babyloniens). De multiples peuples sémites y vécurent sous le vocable des
Cananéens. Les Philistins aussi, lointains ancêtres des Palestiniens (le nom de Palestine est attribué arbitrairement à la région, substitué au terme Judée, par l'empereur Hadrien, en 130,
pour punir les Juifs de leur seconde révolte contre l'occupation romaine, après celle de 70, sous Titus, racontée par Flavius Josèphe dans "La guerre des Juifs"). Il faut donc prendre en compte
l'existence sur ces terres de deux peuples que l'histoire politique et religieuse a façonné à l'image des frères ennemis. Nous en sommes toujours là.
C'est d'autant plus regrettable que le capital d'admiration et de sympathie engrangé par Israël ces dernières années et mois, grâce à son "soft power" (le succès mondial des
séries et films israéliens; le rapprochement diplomatique avec certains Etats arabes du Golfe; l'ampleur et l'efficacité exceptionnelles de la campagne vaccinale dans le cadre de la pandémie
Covid) risque de fondre comme neige au soleil et d'accroître l'incompréhension de la communauté internationale à l'égard d'un Etat qui a besoin d'alliés dans la région et d'amis dans le
monde. Qui peut affirmer que la bienveillance et l'aide européennes seront toujours au rendez-vous ? Qui peut garantir que le parapluie financier américain
protégera toujours Israël d'un déluge à venir ?
L'argument que développent les courants de pensée les plus conservateurs au sein des communautés juives israéliennes comme de la diaspora, selon lequel, "de toutes façons, on ne nous
aime pas ...", ne tient pas la route. Israël et le peuple juif ont encore beaucoup d'amis, de compagnons de route, de sympathisants et énormément de personnes soucieuses de leur avenir. Leurs
ennemis sont certes en nombre aussi, agressifs et menaçants, comme l'Iran des mollahs et ses succursales terroristes au Moyen-Orient. Mais leur influence et leur nocivité systémiques,
pour l'heure, restent relatives sur le cours des choses. Un isolement serait très dommageable pour Israël et ses soutiens. Outre le danger de la fascination pour la solitude - un récit qui
sert avant tout la propagande des ultras et qui constitue non-sens au regard des valeurs universalistes transmises par le judaïsme - une montée en puissance de la violence, des conflits
intérieurs et des guerres extérieures, ne peut servir les intérêts fondamentaux à moyen et long termes de l'Etat hébreu. Qui peut en douter ?
Ces derniers jours, Jérusalem est le théâtre de scènes d'Intifada qui rappellent de bien mauvais souvenirs. Des jeunes Palestiniens se déchaînent contre les forces de l'ordre, qui
répliquent sans ménagement, causant des centaines de blessés. Aujourd'hui même, une voiture de Juifs israéliens a été prise à partie par des émeutiers; les quatre occupants ont été lapidés et ne
doivent leur survie qu'à l'arrivée d'un policier. Des centaines de tirs de roquettes et de missiles en provenance de Gaza, revendiqués par le Hamas, ont été dirigés vers Jérusalem,
tirs interceptés par le Dôme de fer de Tsahal. En représailles, l'armée israélienne a bombardé les sites de lancement palestiniens et des installations militaires, faisant une vingtaine de
morts, dont l'un des chefs du groupe terroriste. Ce soir, un incendie s'est déclaré sur l'esplanade des mosquées. C'est dire le degré de violence atteint ces dernières heures dans la
Ville-Sainte. Le risque d'un embrasement général est désormais possible, au moment où Israël, les communautés juives les plus nationalistes, célèbrent l'anniversaire de la réunification de
la ville en 1967, en réalité, plus divisée que jamais ... ou comment l'expropriation de quatre maisons tourne au cauchemar.
A défaut de vouloir perpétuer ad vitam aeternam cette situation duale et mortelle, on peut retourner le problème dans tous les sens, les uns et les autres doivent à nouveau
s'orienter vers une phase de dialogue, suivie par des négociations et un accord. Nulle partie ne sortira indemne d'un compromis. C'est vrai. Abandonner une part de revendications est l'honneur
d'un humain, d'un Etat. La paix est une exigence. C'est l'unique manière de créer les conditions d'une coexistence si pas chaleureuse, du moins tiède, voire froide.
Le 10 mai 2021.
(*) Il apparaît que ces maisons du quartier de Cheikh Jarrah appartenaient en fait à des familles juives avant 1948, date de la rétrocession de la
Grand-Bretagne à la Jordanie du contrôle de Jérusalem-Est. Amman a expulsé les propriétaires juifs pour y installer des familles arabes, qui y sont restées jusqu'à présent, sans même être
délogées par Tsahal lorsqu'elle a réunifié la Ville-Sainte en juin 1967. Le présent litige oppose donc les représentants des familles juives spoliées en 1948 aux
familles arabes qui occupent actuellement ces biens. Ce sera à la Cour suprême d'Israël de trancher dans un conflit purement
juridique, un conflit qui n'aurait jamais dû prendre l'ampleur dramatique de ces derniers jours. A qui la faute, si ce n'est au Hamas, qui a pris prétexte du contentieux de Jérusalem pour
agresser massivement Israël, qui a répliqué durement ?
Le 21 mai 2021.
"Les affrontements entre manifestants palestiniens et forces de l’ordre israéliennes qui ont fait plus de 200 blessés vendredi soir sur l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, n’étaient pas
inattendus. L’escalade était amorcée depuis plusieurs jours. À l’échelle réduite du quartier de Cheikh Jarrah aux abords de la Vieille Ville, les mêmes scènes de jets de projectiles et de tirs de
lacrymogènes se produisaient tous les soirs depuis plus d’une semaine, et avaient déjà fait des dizaines de blessés parmi les Palestiniens. De nouveaux heurts ont eu lieu samedi soir, faisant une
centaine de blessés dans différents quartiers.
La tension était palpable chez les habitants palestiniens menacés d’expulsion et ainsi que chez les colons juifs extrémistes qui revendiquent la propriété des maisons du quartier, construites
au début du XXe siècle par des familles palestiniennes aisées cherchant à s’éloigner de l’agitation de la Vieille Ville. Car, selon la loi israélienne, si des Juifs peuvent prouver que leur
famille vivait à Jérusalem-Est avant la création de l’État d’Israël en 1948, ils peuvent demander que leur soit rendu leur "droit de propriété". Une telle loi n’existe pas pour les Palestiniens
ayant perdu leurs biens pendant la guerre.
L’imbroglio juridique, politique et historique remonte aux origines du conflit israélo-palestinien et aux documents de cadastre datant de l’Empire ottoman ou du mandat britannique, invoqués
par les uns ou les autres. Cette confrontation très localisée, impliquant une poignée de familles palestiniennes, rappelle toute l’histoire de Jérusalem et le statut disputé de sa Vieille Ville.
Les familles palestiniennes sont installées à Cheikh Jarrah depuis les années 1950, quand Jérusalem-Est était sous l’autorité de la Jordanie, avant d’être conquise par les Israéliens en
1967.
"Ma famille, comme les autres habitants, s’est installée ici en 1956. Le quartier était alors sous autorité jordanienne", explique Adel Bouderi, adossé au mur de son jardin et observant
placidement le jeu du chat et de la souris entre la police montée israélienne et de jeunes manifestants arabes. "Nous avons fui notre maison située dans un autre quartier de Jérusalem en
1948 lors de la première guerre israélo-arabe." La Jordanie, qui a récupéré à cette époque l’est de Jérusalem, reloge alors vingt-huit familles dans des maisons de cette rue de Cheikh
Jarrah. "Nous avons été locataires des Jordaniens", confirme de son côté Abdelatiff Escaffi, autre habitant de la rue. "Ils nous ont promis l’accès à terme à la propriété, mais la
guerre de 1967 a éclaté et le quartier est devenu israélien." Un jeune Juif sioniste-religieux originaire du Maroc l’interrompt en arabe : "Nous sommes propriétaires des terrains. Nous
avons un acte de propriété datant de 1910 délivré par les Turcs", indique-t-il, en référence au règne de l’Empire ottoman sur la région jusqu’en 1917.
La Cour suprême israélienne, qui devait se prononcer ce lundi sur ce dossier, a annoncé dimanche le report d’une audience clé précisant qu’une nouvelle date serait annoncée "d’ici les 30
prochains jours". Le tribunal de district de Jérusalem avait rendu en début d’année une décision favorable aux familles juives qui revendiquent des droits de propriété dans ce quartier du secteur
palestinien occupé et annexé par Israël. Pour les Palestiniens, l’affaire s’inscrit dans une campagne visant à les chasser de Jérusalem-Est. Ils sont aujourd’hui plus de 300 000 à y vivre, avec
210 000 colons israéliens dont la présence est jugée illégale par le droit international.
"Nous souhaitons souligner que Jérusalem-Est fait toujours partie du territoire palestinien occupé, sur lequel le droit humanitaire international s’applique", avait déclaré Rupert Colville,
porte-parole du Haut-Commissariat de l’Onu aux droits de l’homme, à Genève, vendredi matin, avant l’embrasement sur l’esplanade des Mosquées. Une réalité rappelée depuis de toutes parts, y
compris par les États-Unis, alliés les plus constants d’Israël. Le porte-parole du Département d’État américain, Ned Price, a averti qu’il était "essentiel" d’éviter toute action
susceptible d’aggraver la situation, comme les "expulsions à Jérusalem-Est, les activités de colonisation, les démolitions de maisons et les actes de terrorisme". De son côté, le
porte-parole de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a déclaré que "la violence et l’incitation sont inacceptables et les auteurs de chaque partie doivent être tenus pour responsables".
La Russie a également exprimé son "inquiétude" et appelé à "éviter une escalade des violences". Plusieurs pays du Golfe, qui ont normalisé récemment leurs relations avec Israël,
ont condamné les agissements de la police israélienne et se sont prononcés contre l’expulsion des Palestiniens de Cheikh Jarrah." La Libre Belgique, le 10 mai 2021.
LA SŒUR DE SARAH HALIMI VA PORTER PLAINTE
EN ISRAËL POUR TENTER D'OBTENIR UN PROCÈS
Cette annonce répond à l'arrêt de la Cour de cassation du 14 avril qui a entériné le caractère antisémite du crime, mais confirmé l'impossibilité de traduire en
justice le meurtrier, compte-tenu de "l'abolition de son discernement" lors des faits.
Cette décision a suscité une très forte émotion dans la communauté juive et au-delà, accompagnée d'un vif débat sur la responsabilité pénale des personnes
atteintes de troubles psychiatriques sur fond de consommation de drogues.
Maîtres Francis Szpiner et Gilles-William Goldnadel ont annoncé mercredi vouloir "saisir la justice israélienne d'une plainte à l'encontre de Kobili Traoré au
nom d'Esther Lekover, sœur de la victime"; la loi pénale d'Israël pouvant s'appliquer à des crimes antisémites commis à l'étranger et dénoncés par un citoyen israélien, ce qui est le cas de leur
cliente.
Mais la France n'extrade pas ses ressortissants
Le 4 avril 2017, Kobili Traoré, 27 ans, est en proie à une "bouffée délirante", selon les experts psychiatriques qui l'ont examiné, lorsqu'il fait irruption
chez sa voisine de 65 ans, Lucie Attal, aussi appelée Sarah Halimi, désignée par le tueur comme étant "le sheitan" (démon en arabe).
Aux cris de "Allah Akbar", le jeune homme musulman la roue de coups en récitant des versets du Coran avant de la jeter par-dessus le balcon de leur HLM de
Belleville, dans l'Est de Paris.
Le 19 décembre 2019, après un débat contradictoire lors d'une audience publique, la Cour d'appel de Paris a reconnu le caractère antisémite du crime, mais
déclaré Traoré "irresponsable pénalement" et ordonné son hospitalisation assortie de mesures de sûreté pour 20 ans.
Saisie d'un recours, la Cour de cassation a confirmé le 14 avril cette irresponsabilité pénale, estimant que la loi "ne distingue pas selon l'origine du trouble
mental qui a fait perdre à l'auteur la conscience de ses actes".
Faut-il rappeler que bon nombre de terroristes islamistes, ces "martyrs" d'une cause totalitaire, avant le passage à l'acte, prennent des substances diverses
afin de se mettre "en condition" ...
"Décider de prendre des stupéfiants et devenir alors "comme fou" ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale", a commenté le président de la
République, Emmanuel Macron, qui a demandé une évolution législative.
Pour la défense de Traoré, le soir des faits, le jeune homme vivait sa première crise psychiatrique, "imprévisible, contrairement aux effets habituels de
l'ivresse cannabique ou alcoolique".
Les avocats Goldnadel et Szpiner "déplorent d'être contraints de diligenter cette procédure, mais ils ne sauraient accepter un déni de justice qui heurte la
raison et l'équité bien au-delà de la communauté juive de France", ont-ils conclu dans un communiqué. Le 24 avril 2021.
>Ah bon, la prise de cannabis déresponsabilise de l'acte homicide ?
Le 4 avril 2017, Sarah Halimi dormait tranquillement dans son petit appartement du quartier populaire de Belleville, dans le XIème
arrondissement de Paris. Son voisin, Kobili Traoré, un musulman fréquentant une mosquée islamiste, suspectée de diffuser l'idéologie salafiste, via le balcon, fait irruption dans
la chambre de la sexagénaire, la roue de coups pendant un quart d'heure et la défenestre du troisième étage de l'immeuble. Voilà les faits. Ah oui, Sarah était juive.
Sarah était mère de trois enfants et exerça sa vie durant comme médecin, puis comme directrice de crèche. Après l'avoir massacrée, Traoré hurla: "J'ai tué le sheitan !" (le démon en arabe). La police tarde à intervenir. Une
information judiciaire est ouverte pour homicide volontaire. Une analyse toxicologique révélera la présence de cannabis dans le sang de l'assassin. Un médecin juge son
état psychiatrique "incompatible avec la garde à vue". Il est interné sans qu'il soit entendu par la police.
Le 7 avril 2017, le procureur de la République, François de Molins, déclare que ce drame "n'est pas un meurtre antisémite". Le 22 mai suivant, les avocats
de la famille de Sarah Halimi demandent la déqualification de l'acte d'accusation, en incluant le motif aggravant d'antisémitisme. Le 17 juin 2019, après plusieurs expertises
contradictoires, dont deux sur trois concluent à "une bouffée délirante aigüe d'origine exotique", le parquet de Paris demande tout de même le renvoi aux assises de Traoré pour meurtre à
caractère antisémite. Dans leur ordonnance du 12 juillet, les juges d'instruction estiment qu'il y a "des raisons plausibles de conclure à l'irresponsabilité pénale" du prévenu. Suit à un
appel du parquet, la Cour d'appel de Paris conclut, le 19 décembre 2019, que "le discernement de Kobili Taoré était aboli" au moment des faits. Les avocats de la partie civile introduisent un
pourvoi en cassation.
Le 14 avril 2021, la Cour de cassation a confirmé l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah. Ce 18 avril, le président de la
République, Emmanuel Macron, dit souhaiter un changement de la loi pour que la prise de stupéfiants ne supprime pas la responsabilité
pénale.
"Décider de prendre des stupéfiants et devenir alors "comme fou" ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale. Sur ce sujet, je souhaite que
le garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi", a-t-il déclaré au Figaro. "Il ne m'appartient pas de commenter une décision
de justice, mais je voudrais dire à la famille, aux proches de la victime et à tous nos concitoyensde confession juivequi attendaient ce procès, mon chaleureux soutien et la détermination de la République à les protéger", a ajouté Emmanuel Macron.
La décision de la Cour de cassation de mercredi dernier ne remet pas en cause l'hospitalisation psychiatrique du meurtrier, fort consommateur de cannabis depuis
l'adolescence. Mais elle signifie qu'il n'y aura pas de procès, ce qui a suscité déception et colère des représentants de la communauté juive de France. On peut aisément la comprendre. Au-delà de
la communauté juive meurtrie par cet arrêt, c'est toute la société française qui en est la victime. Avec Bernard-Henri Lévy, je dis aussi qu'il s'agit-là "d'une faillite du système judiciaire
(français) et de la morale". Le 19 avril 2021.
>Yom Hashoah célébré dans les pays musulmans du Golfe persique !
Regardez bien cette affiche, elle est incroyable. Voici un an à peine, cet événement n'aurait jamais pu se tenir. Ce 8 avril 2021, les communautés juives installées dans le Golfe persique,
avec les représentants musulmans des pays concernés (Bahrain, Koweit, Quatar, Arabie saoudite, Oman et les Emirats Arabes Unis) vont célébrer le jour de la Shoah, en souvenir du génocide juif de
la Seconde Guerre mondiale où furent massacrés six millions de Juifs. Les peuples musulmans du Golfe connaissent-ils l'existence de cette tragédie, qui aura vu près de la moitié du
peuple juif disparaître principalement dans les chambres à gaz nazies ? Pas sûr ! C'est dire l'importance de cette journée, qui marque une véritable rupture historique. Cette
commémoration s'inscrit dans le cadre du rapprochement politique, diplomatique, économique et culturel entre Israël et certains Etats arabes, non des moindres. Qui ne pourrait
s'en réjouir, à l'heure où des Juifs sont encore harcelés, voire persécutés pour ce qu'ils sont dans nombre de pays arabes, comme notamment en Tunisie en ce moment, et
d'autres sécularisés ?
ISRAËL ET EXTRËME DROITE
Lettre ouverte
au Président Rivlin !
Les représentants du Réseau J-Link.
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT RIVLIN
Voici une lettre ouverte que le Réseau J-Link adresse au Président de l’Etat d’Israël, Reuven Rivlin, pour dénoncer la présence de partis racistes à la Knesset, le parlement
israélien. Une telle présence est illégale au regard de la loi israélienne. J-Link est un réseau international d’organisations
juives progressistes, dont fait partie le CCLJ belge (Centre Communautaire Laïque Juif):
"Nous partageons l’amour d’Israël et un engagement en faveur de la démocratie, des droits humains, du pluralisme religieux et d’un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien.
Nous croyons aux valeurs inscrites dans la Déclaration d’indépendance d’Israël, qui promet l’égalité complète des droits sociaux et politiques à tous ses habitants sans distinction de religion,
de race ou de sexe." www.jlinknetwork.org
Lors des dernières élections générales israéliennes, une alliance d’extrême droite a fait son entrée à la Knesset. Au sein de ce groupe parlementaire, on retrouve, entre autres, Otzma
Yehudit (« Force juive »), un parti nationaliste religieux rassemblant des émules de feu le rabbin extrémiste Meïr Kahana, chassé de la Knesset par la Cour suprême pour cause de
racisme dans les années '80.
Avant que le pouvoir judiciaire ne règle son sort, il suffisait que Meïr Kahana, seul représentant de son parti Kach (« Ainsi »), monte à la tribune pour que le très à
droite Premier ministre d'alors, Yitzhak Shamir, et que tous les députés du Likoud quittent ostensiblement l’hémicycle. Il n’appartient qu’à Benjamin Netanyahou et les députés du Likoud de
reproduire le geste de leurs prédécesseurs.
Pour marquer notre profonde indignation face à la présence de ces députés racistes et homophobes au parlement israélien, nous publions ci-dessous une lettre ouverte que le réseau
international J-Link adresse au Président de l’Etat d’Israël. Le CCLJ a signé cette lettre ouverte.
Cher Président Rivlin,
J-Link, le réseau international d’organisations juives progressistes, ainsi que de nombreuses organisations juives à travers le monde,
considèrent avec gravité l’entrée à la Knesset des six députés de l’alliance d’extrême droite composée de trois formations (HaTzionut HaDatit, Otzma Yehudit et Noam) et de celui qu’on leur a
attribué en plus sur la liste du Likoud, qui soutiennent des opinions racistes, homophobes et fondamentalistes.
En 1995 la Knesset avait voté un amendement aux lois fondamentales stipulant qu’un parti ayant une plateforme raciste ne pouvait pas participer aux
élections.
Otzma Yehudit qui est composé d’anciens disciples et héritiers politiques de Meïr Kahana, dont le parti Kach avait été interdit de participer aux
élections en 1988, soutient l’annexion de la Cisjordanie, l’émigration des non-Juifs d’Israël et l’expulsion des Palestiniens et des Arabes israéliens qui refusent de déclarer leur fidélité au «
Grand Israël ».
La possibilité qu’un tel parti puisse devenir un partenaire de n’importe quelle coalition israélienne est une tache sur la démocratie israélienne. Elle
détériore la position d’Israël parmi les nations et les citoyens du monde. Elle choque et indigne les organisations juives et les personnes qui soutiennent les valeurs juives de tolérance, de
démocratie et de droits de l’homme.
Nous vous exhortons, Monsieur le Président, à ne pas prendre en considération ces partis dans vos délibérations pour former la future coalition
israélienne.
Respectueusement.
Le Comité de coordination de J-Link
Cyrus et les Hébreux, Jean Fouquet. Stèle de Merenptah dite aussi stèle d'Israël, Musée
égyptien du Caire.
Aux origines du peuple juif,
quand Bible et archéologie dialoguent !
Les fouilles archéologiques des vingt dernières années ont révélé que les habitants de Canaan, au IIème millénaire avant l'ère chrétienne, selon la Bible,
plus vraisemblablement entre -1500 et - 1200 av. JC, censés avoir été envahis et vaincus par les Israélites au terme de l'Exode (Livre de Josué, Les
Prophètes, § 1-12) ont constitué en fait la matrice sociale des Judéens monothéistes. Exploités et accablés d’impôts par une classe sociale cananéenne dominante et polythéiste, les
populations esclaves, serfs et modestes, se sont révoltées contre leurs oppresseurs. Ils incendièrent tour à tour, sur près d'un siècle, et non sur deux semaines comme le prétend la Bible, les
cités-Etats où ils vivaient, qui symbolisaient à leurs yeux servitude et pauvreté (Jokneam, Dor, Taanach, Mégiddo, Hazor, Tel Jéricho, Beth-Shean, Gezer ...).
Ils se réfugièrent dans les montagnes du centre et y développèrent une économie nouvelle basée sur la justice et la liberté. Un groupe de Cananéens venu du Sud,
du pays de Madian, Sud de l'actuelle Jordanie et Nord de l'Arabie saoudite contemporaine, fit halte dans ces villages, car il y furent bien accueillis et même adoptés par les habitants. Ces
étrangers racontèrent à leurs hôtes l'existence en la croyance d'un Dieu unique, celui du peuple chassou, dont le nom était Yahvou, tiré de l'endroit où ils résidaient auparavant et qui
s’écrivait YHW.
La plupart des historiens de l'Antiquité et des archéologues s'accordent à dire aujourd’hui que ce groupe est à l'origine de la conversion des Cananéens des
collines du centre au monothéisme, véritable révolution religieuse alors. Le tétragramme de la Bible, YHWH, manière imprononçable de désigner Dieu, puisque son nom ne peut être prononcé en vain,
donna Yahvé, très proche du Yahvou des Chassous. Ceci implique nécessairement que tout l’épisode de l’Exode et de la conquête de Josué appartiennent davantage au registre de la construction
théologique et mythologique qu’à la réalité historique. Cela ne signifie pas que de nombreux Hébreux, aux alentours de -1500, exilés en Egypte pour des raisons de crise alimentaire, aient été
soumis à l'esclavage avec d'autres populations.
Les Cananéens israélites avaient un besoin impératif d'exister: celui de se distinguer, tant à l’égard des autres groupes cananéens de la région, restés
fidèles aux pratiques anciennes, qu'à celui des grands empires de l'Ouest et de l'Est, égyptien et babylonien. Ils cherchaient et trouvèrent une identité, le Dieu unique le leur donna, d'autant
qu'ils y reconnurent l'idée, très audacieuse, de l'égalité. Ces premiers Israélites n'en continuèrent pas moins d’honorer pendant des siècles des idoles. En effet, de nombreuses statuettes et
figurines de déesses, notamment de la fertilité, furent retrouvées par les archéologues dans les ruines de leurs villages.
A noter que la stricte observance au Dieu unique n'intervint que bien plus tard, au terme de la destruction du royaume d’Israël par les Assyriens, en – 722, et
du royaume de Judée, en – 586, par les Babyloniens. En -538, l'empereur perse, Cyrus II, avec ses armées, prend Babylone et libère les Juifs, qui peuvent ainsi rentrer en Terre Promise,
alors province perse de Judée.
Entretemps, bénéficiant en déportation d’une toute relative tranquillité, les Juifs de Babylone achevèrent la rédaction de la Torah. Selon « la
Théorie documentaire », basée sur l’analyse chrono-sémantique des Textes, quatre sources différentes ont été identifiées pour la rédaction complète de la Torah: J = Jahwiste,
10ème siècle av. JC ; E = Elohiste, 8ème siècle av. JC ; P = document sacerdotal, 6ème siècle et D = fusion avec JEP, exil et post-exil. JEPD constitue donc le
Pantateuque, expression chrétienne pour désigner les Cinq premiers Livres de la Bible, c'est-à-dire, pour les Juifs, la Torah. Le Talmud, dit de Babylone, a lui aussi été écrit et codifié pendant
cette dernière période. Il tient toujours lieu de référence exégétique dans le judaïsme moderne.
Il y a ce passage biblique, dans Néhémie, § 8, 1-3, où Nesdra, de retour à Jérusalem des rives de l'Euphrate et du Tigre, déploie un rouleau de la Torah et lit
le Texte à une population en attente d'une nouvelle espérance. Comment mieux dire la beauté d'une renaissance et la force de la transmission ? Nul besoin de préciser que l'hypothèse documentaire
comme la déconstruction de l'épisode de l'Exode et de la conquête de Cananan, consolidés par le travail rigoureux et comparatif entre le Texte de la Bible et l'avancée des connaissances
scientifiques grâce aux fouilles archéologiques (*), l'un en dialogue permanent avec les autres, sont critiquées par les uns et réfutées par les autres.
A savoir, les Autorités religieuses juives, tant israéliennes que diasporiques.
Toujours est-il que le peuple juif est bien présent en ces lieux depuis plus de 3000 ans, présence attestée par les sources antiques égyptiennes (sur la stèle
du pharaon Mérenptah, 13ème av. JC, un bref passage indique la victoire des armées égyptiennes sur "Israël") et que le culte archaïque israélite est devenu une religion moderne, engendrant
beaucoup plus tard les deux autres monothéismes, pour le meilleur et le pire. La Loi mosaïque, avec les 10 Commandements, fort similaires aux 7 lois noahides, de Noé, à portée générale (les 613
mitsvoth sont imposées aux seuls Juifs) qu'elle soit reçue de Dieu par Moïse ou imaginée par de grands Sages israélites, nous enseigne un code de moralité et de justice universelle, aspiration
des peuples qui traverse les âges et les espaces. N'est-ce pas l'essentiel à retenir de cette saga extraordinaire, qui n'a pas fini de nous questionner, que nous soyons croyants ou non, sur notre
dimension spirituelle verticale vers le mystère et nos rapports culturels horizontaux avec la multitude ? RD, Jewish Post, no 109, décembre 2020 / Le 27
janvier 2021.
(*) - La Bible dévoilée, Israel Finkelstein et Neil Asher Silberman, archéologue israélien et historien américain.
- Les secrets révélés de la Bible, documentaire diffusé sur ARTE, WGHH, Educational Foundation, 2008.
>La sagesse de l'humour juif et de la démarche talmudique !
L'humour juif, ne l'oublions pas, s'est généralisé parmi les communautés juives afin de désamorcer l'agressivité à leur égard. Derrière ce message quant à
l'interdiction du portable dans ce lieu de culte, si vous lisez bien, il y a aussi l'expression de l'incertitude, du doute et même de l'absence. C'est l'une des interprétations possibles. Elle
nous permet de sourire face à la modestie qui devrait être la nôtre devant le mystère, mystère bien réel que nul ne peut nier. Tout est dans "il est possible" et dans "il est peu probable". Moi
qui suis agnostique, j'aime beaucoup cette double lecture d'une simple recommandation. C'est l'essence même du judaïsme que d'exprimer plusieurs assertions, parfois contradictoires, par les mêmes
mots. C'est toute la richesse de l'approche talmudique, démarche dialectique singulière dans les grandes traditions spirituelles. Il n'y a jamais une seule vérité. Bien sûr, chacun est libre de
proposer à la réflexion d'autrui son interprétation d'un texte, d'un passage, à la condition toutefois qu'elle soit en dialogue avec son semblable. Grande leçon de sagesse !Photo prise à l'entrée de la synagogue de La Roquette à Paris.
Le 19 décembre 2020.
La Fête de Hanoucca !
Appelée Fête des Lumières, Hanoucca célèbre le miracle de l'ultime fiole d'huile qui a permis aux prêtres du Temple profané de Jérusalem de la faire brûler pendant huit jours. Elle marque donc
la victoire des Maccabées et symbolise la résistance du judaïsme à l'assimilation grecque. Hanoucca se déroulera cette année du jeudi 10 au vendredi 18 décembre, soit du 25 de Kislev au 2 de
Tebeth.
"Plantons le décor…
Après des siècles de domination de différents peuples étrangers, ce sont les Perses qui occupent Sion. Ils sont vaincus en –333 par Alexandre le Grand qui dorénavant sera le maître d’un
immense empire comprenant le Moyen-Orient. De son vivant Alexandre ne s’en était jamais pris aux Juifs. Après sa mort (-323), son empire est divisé entre la dynastie des Ptolémée qui règnent en
Egypte et celle de Séleucides qui règnent en Syrie et dans les pays voisins. La Palestine passe alors sous la domination des Ptolémée. En 201 avant notre ère un roi Séleucide reprend le contrôle
de ce territoire et en chasse les Egyptiens.
Pendant toute cette longue période, les Juifs jouissent d’une autonomie administrative pour leurs affaires intérieures. Ils ne peuvent pas mener de politique étrangère, ils n’ont pas d’armée,
ils doivent verser de lourds impôts aux souverains étrangers, mais ceux-ci n’interviennent pas dans les relations des Juifs entre eux par exemple, la gestion de la société en conformité avec les
lois de la Torah ou le service du Temple…
Mais en –175 arrive au pouvoir Antiochos IV (nommé Epiphane) qui opte pour une nouvelle politique. Il cherche à réunir toutes les nations placées sous son pouvoir en un seul peuple, et pour
cela il interdit la pratique des commandements de la Torah aux Juifs et veut leur faire adopter les coutumes grecques par la force.
Hanoucca est une fête de libération nationale qui inclut la liberté religieuse, mais ne se limite pas à elle. Cette confusion des libertés provient du fait que, dans le monde antique, il n’y
avait pas de délimitation claire entre la religion et le reste de la culture.
La religion était si profondément ancrée dans la vie quotidienne et politique que celui qui voulait essayer de supprimer un groupe ethnique n’avait qu’à s’en prendre à sa religion pour le
détruire.
L’hellénisation
Depuis le règne d’Alexandre le Grand, tous les pays du Moyen-Orient ont subi l’influence de la culture grecque appelée aussi culture hellénistique. Les peuples de la région s’efforcent
d’imiter les mœurs de leurs dirigeants et certains s’assimilent totalement et disparaissent en tant qu’entités nationales.
Du côté juif, la situation n’est pas si tranchée. D’une part il y avait l’aristocratie juive de Judée était divisée en deux camps : l’un favorisait les Syriens, les autres,
les Egyptiens. Les premiers étaient des Juifs hellénisés qui acceptaient que la police syrienne force à l’assimilation tous les peuples qu’ils gouvernaient. Les
seconds étaient des Juifs plus traditionalistes qui préféraient donc supporter l’Egypte qui était plus tolérante en matière de religion.
Que ce soit dans l’une ou l’autre classe, l’aristocratie juive embrassait avec empressement les coutumes hellénistiques qui glorifiaient la beauté, l’art, la tragédie, l’athlétisme et la
nature.
Son assimilation fut spontanée car le prestige de la culture grecque était grand. Cette culture était un symbole de civilisation et dès lors, très attirante. Beaucoup s’hellénisèrent
facilement et de plein gré. Les garçons n’étaient plus circoncis. Les noms se modifiaient : Josué devint Jason. On portait le vêtement grec et on parlait la langue grecque y compris à
Jérusalem.
De l’autre côté il y avait le reste du peuple juif, les petits artisans, les paysans et les pauvres travailleurs qui formaient la majorité de la population de l’époque. C’est de ce milieu
rural et des classes moyennes ou défavorisées que surgit un nouveau mouvement national qui refusait l’assimilation.
Antiochos, voulant assurer l’hégémonie grecque, promulgua plusieurs édits lorsqu’il constata qu’une grande partie des Juifs n’adoptaient pas spontanément la culture grecque :
- Il fit placer dans le Temple une statue de Zeus et quant à l’autel du Temple, il ordonna qu’y soient offerts des sacrifices aux dieux païens ;
- Il interdit aux Juifs d’étudier les commandements de la Torah et de pratiquer le Shabbat, la circoncision ou toute autre coutume juive;
- Ceux qui violaient les édits, étaient punis de mort.
Les Juifs qui ne se soumettent pas sont persécutés. La révolte gronde et la résistance s’organise. Des fugitifs quittent les villes pour se réfugier dans le désert de Judée et mettent sur
pied un mouvement de rébellion. Le foyer de la révolte se trouve à Modi’in où Mattathias et ses fils (les Hasmonéens) refusent de se soumettre aux édits et combattent les hommes du roi. Ils
prennent le maquis dans les montagnes de Judée et mènent des actions de guérillas contre l’autorité séleucide et les hellénisants.
Après la mort de Mattathias, c’est son fils Judas Maccabée qui dirige la révolte. Celle-ci s’organise et c’est avec une véritable armée qu’il prend le contrôle de la Judée ainsi que de
Jérusalem. En 164 avant notre ère, le temple fut alors purifié et restauré. Shimon, le dernier fils de Mattathias prit le commandement, chassa les troupes occupantes et donna à la Judée son
indépendance.
La reconquête de Jérusalem. De la Menorah à la Hanoukiya
A leur entrée dans le Temple de Jérusalem, les Maccabim le trouvèrent dévasté. Les Grecs avaient profané toute l’huile sainte servant à alimenter le chandelier à 7 branches, la Menorah, qui
se trouvait dans le Temple et qui devint plus tard le symbole principal du judaïsme.
Ils ne trouvèrent qu’une seule fiole d’huile scellée du sceau du Grand Prêtre. Une quantité d’huile si réduite ne pouvait suffire à l’éclairage de la Menorah que pour une seule journée. C’est
alors que se produisit un miracle : de cette huile, la lumière se perpétua 8 jours. Voilà pourquoi Hanoucca s’appelle aussi Khag Hanissim, la fête des miracles.
Lors de la ré-inauguration du Temple, Juda institua la fête de Hanoucca en mémoire de ce miracle d’une part et d’autre part, pour rappeler l’inauguration du Premier Temple par Salomon qui
lui, avait duré 8 jours.
On fabriqua alors une Menorah spécifique pour Hanoucca, comportant 8 branches (+ le Shamash, donc 9), qu’on appelait la Hanoukiya.
Naturellement, Hanoucca devint aussi la Fête des Lumières et s’appelle donc Khag ha-Ourim.
La fin de l’histoire
On a coutume de dire que la révolte des Maccabim fut une guerre de libération. Mais elle fut aussi le théâtre d’une lutte entre deux conceptions opposées du judaïsme. Il y avait une véritable
fracture entre d’une part, des campagnards partisans de l’ancien ordre et du fondamentalisme religieux, pour qui la préservation du judaïsme était primordial, et d’autre part, des citadins
hellénisés qui préféraient la culture grecque nettement plus libérale et n’hésitaient pas à renier leurs origines et leur culture.
Malheureusement, une fois la victoire acquise, le passé fut vite oublié et les vainqueurs se transformèrent à leur tour en tyrans. Il ne fallut qu’une seule génération pour
faire oublier les valeurs défendues par les Maccabim et la dynastie qui fut créée à leur suite, les Hasmonéens, s’hellénisa rapidement. Non seulement, ils prirent des noms grecs,
imposèrent le grec comme langue officielle et transformèrent la Judée en un royaume hellénistique, mais en plus, ils tyrannisèrent leur propre peuple par des actes d’une cruauté inouïe.
De plus, lorsqu’ils gagnèrent des batailles, ils forcèrent les peuples conquis à se convertir au judaïsme. Les Hasmonéens devinrent des oppresseurs semblables à ceux qu’ils avaient
vaincus. Les Maccabim se sont battus pour la justice, la liberté et le droit à l’existence autant personnelle que nationale et religieuse.
Nous célébrons leur courage d’avoir agi, de s’être battus et d’avoir fait dépendre l’histoire et le destin, de la volonté et de la détermination humaine. Cependant leurs
descendants, qui sont aussi nos ancêtres, ont transformé leur position de dirigeants en oppression. Ils ont rapidement succombé à la vanité du pouvoir et se sont laissé prendre au piège de la
corruption.
L’histoire de Hanoucca nous apporte un double enseignement
Lorsque des tyrans surgissent, il faut tout faire pour se dresser contre eux et tenter de les renverser. C’est l’exemple que nous montrent les Maccabim. Mais ensuite, si vient le temps où
nous devons diriger, nous devons être très vigilants et ne pas devenir semblables à ceux que nous avons combattus.
La situation politique actuelle en Israël nous amène à faire des rapprochements avec l’histoire de Hanoucca : Nous Juifs, qui avons tant combattu pour obtenir un état, qui avons lutté de
toutes nos forces et depuis des milliers d’années pour notre droit à l’existence et à l’autodétermination, nous devons refuser de devenir à notre tour des oppresseurs.
C’est avec un courage sans faille qu’il faut lutter aujourd’hui pour la paix et le droit à chaque peuple de vivre dans des frontières sûres et reconnues. Espérons en allumant
les bougies de la hanoukiya que dans un avenir proche cesseront toutes les oppressions, en Israël et dans le monde."
Magazine Regards, CCLJ, 04 décembre 2020.
ROSH HASHANA &YOM KIPPOUR !
Rosh Hashana, qui signifie en hébreu "Tête de l'année", désigne le Nouvel An juif. Dans le calendrier hébraïque, la nouvelle année débute le jour de Rosh
Hashana, une fête qui célèbre l'anniversaire de la création du monde. L'idée de compter à partir de celle-ci est apparue tardivement dans le judaïsme. Elle émane d'une volonté des rabbins de se
démarquer du calendrier chrétien. Cette décision est pure convention; le judaïsme est évolutionniste et non créationniste, comme s'en réclame le dogme grotesque des protestants
évangéliques.
Cette fête, qui dure 2 jours, a généralement lieu entre septembre et octobre, soit entre la fin de l'été et le début de l'automne. Elle commence à la
tombée de la nuit la veille du premier jour et se termine 2 jours après - cette année, 5781, du vendredi 18 septembre au dimanche 20 -
Les dix jours suivants sont des jours de pénitence précédant la fête de Yom Kippour, du 27 au 28 septembre cette année, le Jour du Pardon, qui commémore
le don des Secondes Tables de la Loi (Torah) au peuple juif. Cette période est consacrée aux prières de repentance devant Dieu, aussi devant celles et ceux auxquels nous avons mal agi. Dieu,
toujours miséricorde, offre alors à l'Homme une seconde chance. Rosh Hashana est considéré comme le jour de jugement et donc Kippour comme celui du pardon. Face au Tout-Puissant et face à
nous-mêmes, il s'agit d'un salutaire retour sur soi, sur notre vie, sur le sens que nous donnons à nos paroles et à nos actes (Techouva). Il ne faut pas être nécessairement croyant pour opérer
cette introspection, ce "reset". Fêter Rosh Ashana et célébrer Kippour représentent pour tout Juif un temps bienvenu de pause dans un monde chronophage et souvent déréglé.
Du18 au 28 septembre 2020.
Marc Van Ranst, le trop influent virologue flamand ou la voix de son maître
!
ANTISIONISME
MARC VAN RANST, UNE HAINE INEXTINGUIBLE !
Virologue à la KULeuven et vedette médiatique en Belgique depuis l’apparition de la crise de la Covid-19, Marc Van Ranst se distingue depuis quelques
semaines par son agressivité tous azimuts. L’homme est de plus habité par une rage « antisioniste » extrême. Un virus que nous connaissons bien et qu'il s'est inoculé
...
Vendredi 11 septembre 2020, par Maurice Einhorn, ancien rédacteur en chef du Journal des médecins.
"La pandémie de coronavirus (Covid-19) a eu, entre nombreux autres effets, celui de projeter sur le devant de la scène des experts scientifiques et médicaux, dont la plupart, malgré leurs
titres universitaires, étaient jusque-là totalement inconnus du grand public et parfois du corps médical lui-même. La majorité d’entre eux sont devenus, de simples conseillers du politique qu’ils
étaient censés être au départ, les quasi-décideurs en matière de mesures à prendre pour lutter contre le coronavirus, nos ministres craignant de toute évidence qu’on leur attribue la
responsabilité entière si les choses devaient tourner mal.
Ils ont ainsi poussé les ministres dans le dos lorsqu’il s’est agi de mettre en œuvre des mesures souvent absurdes, comme la notion de bulle sociale et, pour certaines d’entre elles,
liberticides comme l’obligation de fournir ses coordonnées lorsque l’on se rend dans un café ou un restaurant (mesure qualifiée d’anticonstitutionnelle par Nicolas Thirion, professeur de droit à
l’Université de Liège).
Quelques-uns de ces experts sont devenus de véritables coqueluches des médias et étaient jour après jour invités sur les plateaux télévisés, sur les antennes nationales et dans les quotidiens
du pays.
Parmi ceux-ci, le professeur Marc Van Ranst, virologiste à la KULeuven fait figure de chouchou des médias flamands. Son comportement explosif et ses prises de position très peu nuancées dans
le domaine de la lutte contre le coronavirus lui ont procuré un véritable ascendant sur ses collègues dans ce petit monde des experts, au point que Rik Torfs, ancien recteur de la KULeuven
déclarait récemment que « les autres experts ont peur de Van Ranst ».
C’est que l’homme, par ailleurs brillant sur le plan scientifique, est redoutable et radical dans toutes prises de position et ses propos. Il a ainsi refusé que l’on élargisse la
fameuse bulle sociale au-delà de 5 personnes, qui doivent de plus être toujours les mêmes et il a réussi à imposer son point de vue. Son attitude extrémiste lui a valu de vives réactions de la
part de certains responsables politique de premier plan, comme Denis Ducarme, ministre fédéral des Classes moyenne, Georges-Louis Bouchez, président du MR ou David Clairinval, vice-Premier
ministre, qui lui ont rappelé qu’il n’avait jamais été élu. Mais à l’intérieur même du monde universitaire certains ont fini par l’attaquer de front.
Ainsi le Pr Jean-Luc Gala, directeur médical des Cliniques universitaires Saint-Luc parle-t-il à propos des décisions des politiques poussés par Van Ranst de mesures absurdes qui détruisent
l’économie et punissent arbitrairement la population.
Van Ranst aime cependant se présenter comme une victime. Qualifié à la télévision des Pays-Bas comme « le virologue le plus influent de Belgique », il y a récemment identifié à
l’extrême droite ceux qui respectent mal les gestes barrières. En ce qui concerne leur motivation, il est allé jusqu’à affirmer qu’ils le font parce qu’ils le détestent. Son comportement
autocratique et parfois virulent a fini par susciter des critiques dans tous les partis, particulièrement en Wallonie, à quoi il répond que tout cela ne « empêche pas de dormir. Il est aussi
de plus en plus attaqué dans le public.
« Antisioniste » extrême
Le profil politique du Pr Van Ranst est tout aussi remarquable. C’est encore Rik Torfs qui parle à son propos de « vision de société assez extrême », ce qui ne semble guère
perturber ses collègues. Marc Van Ranst, utilisateur frénétique des réseaux sociaux, est en effet maoïste, proche du PTB et du PVDA (communistes). Admirateur des dictateurs d’extrême-gauche à la
Chavez, il est surtout obsédé par l’antisionisme, qu’il a poussé jusqu’à l’extrême, notamment en tant que l’une des figures de proue du mouvement de boycott BDS et, pire encore, de BACBI (Belgian
Academic and Cultural Boycott of Israël), ces organisations dont la funeste action illustre à la perfection la pratique de ce que des universitaires appellent les 3 « D »
(diabolisation, délégitimation, double standard). On répétera une fois de plus que le boycott universitaire et culturel, prôné par BACBI, est d’autant plus absurde et inacceptable que l’on trouve
de très nombreux partisans de la paix avec les Palestiniens dans les universités israélienne.
Il explique sans vergogne que les Israéliens se prennent pour un peuple supérieur, « tout comme le clamaient à l’époque les nazis à propos du peuple allemand ». Plus extrémiste
encore que ses camarades des associations précitées, il a notamment osé utiliser, il y a quelques années déjà, le terme ignoble de « Gazacaust ». Un terme qui va bien au-delà des
critiques antisionistes, même les plus virulentes. Il n’est pas excessif de qualifier ces attaques de Van Ranst de négationniste, tant l’identification des événements du conflit de Gaza à la
Shoah, tend implicitement à minimiser le caractère génocidaire de celle-ci.
On ne peut qu’espérer que tous les excès auxquels se livre l’individu dans le débat sur le Covid-19 finiront par lui faire perdre son statut de vedette du petit écran et de la presse
quotidienne ou hebdomadaire, ce qui semble d’ailleurs déjà s’annoncer ces jours-ci." Le 11 septembre 2020. "Regards", Centre Communautaire Laïque Juif.
>"L’antisémitisme est bien vivant, comme la bêtise elle-même" !
"En Allemagne, les attaques et meurtres sont en recrudescence depuis un certain temps. Il n’y a pas d’explications rationnelles. L’antisémitisme ne peut
être vu que comme une folie. Avec LéNA, découvrez le meilleur du journalisme européen. Reuters, par Dirk Schümer (Die Welt)."
"Tous ces actes sont gratuits » : telle fut l’amère conclusion tirée par Theodor Mommsen, l’un des fondateurs de l’association de lutte contre
l’antisémitisme, en 1894. Cet historien allemand mondialement célèbre avait bien conscience que, vu la « terrible ignominie » que constituait la haine allemande des Juifs, il avait là
affaire à des esprits étroits : « Aucun antisémite n’obéit à des arguments logiques et moraux. Ils n’obéissent qu’à leur haine, leur jalousie et leurs instincts les plus
ignobles. » 126 ans plus tard, l’analyse de Mommsen est toujours d’actualité. Malgré plusieurs décennies de démocratie et une Constitution exemplaire, l’augmentation des menaces, des
actes terroristes et des meurtres à l’égard des Juifs en Allemagne laisse peu de place à l’espoir.
Etat fasciste ou état laxiste: une redoutable et démentielle convergence
Ronen Steinke, journaliste pour le Süddeutsche Zeitung, oscille lui aussi entre résignation et rébellion dans son livre Terror gegen Juden : Wie
antisemitische Gewalt erstarkt und der Staat versagt (Les Juifs et la terreur : l’échec de l’Etat face à la recrudescence de la violence antisémite – traduction libre) qui vient tout
juste de paraître. Son ouvrage parle de la peur avec laquelle doivent vivre les Juifs d’Allemagne. Quand on entend que la surveillance des 140 synagogues encore ouvertes à la prière engloutit
souvent la moitié du budget de la communauté, que cette surveillance n’est pas toujours un gage de protection et que les coûts associés ne sont bien évidemment pas pris en charge par l’Etat
allemand, on prend conscience qu’il s’agit d’une lecture incontournable, dont la concision est inversement proportionnelle à la stupeur qu’elle provoque chez le lecteur.
Une « douce tentation » de réduire la complexité sociale
D’où vient cette haine ? Telle est la question qu’on se pose face aux crimes commis par le meurtrier de Halle en 2019. L’individu avait pour intention de
pénétrer dans la synagogue locale pour y commettre un massacre, mais ne parvenant pas à faire céder la porte, il a abattu deux passants à la place. Il faut être incohérent pour faire une chose
pareille. Si l’on suit le raisonnement de Mommsen, l’auteur de ce qui est actuellement le dernier attentat commis contre une synagogue allemande n’a lui aussi obéi qu’à son propre sentiment de
haine et de jalousie.
Il voulait exécuter tous les fidèles de la synagogue de Halle
Ainsi, même s’il s’y essaie en passant, l’objectif premier de Ronen Steinke n’est pas de poser un diagnostic de l’antisémitisme en tant que maladie mentale – ce
qui ne l’empêche pas de taper dans le mille. L’impulsion viendrait simplement d’une « douce tentation » de réduire la complexité sociale, car l’antisémite, qui a pris non seulement le
citoyen juif mais également les institutions juives pour cible, s’élève « contre un groupe qui possède des moyens et des privilèges mystérieux ».
La demande antisémite : les Juifs figurent toujours au banc des accusés
Le fait qu’en tant qu’émigrants de l’Union soviétique, de nombreux Juifs allemands se sont vus refuser le droit à des allocations en Allemagne (contrairement
aux Allemands russes) et vivent donc de l’aide sociale n’y change rien pour leurs ennemis, tout comme la pauvreté des Juifs en Pologne n’a pas permis aux nazis de se défaire de leur image des
Rothschild tout-puissants.
La haine se propage aussi vite que l’épidémie, en Pologne
Aux yeux de leurs persécuteurs, si les Juifs sont pauvres, ils sapent la prospérité du pays. S’ils sont riches, ils sont suspects. S’ils cultivent des manières
différentes des leurs, ils se comportent comme une « race étrangère ». S’ils s’intègrent, comme au temps de l’empire germanique et de la république de Weimar, leur assimilation devient
prétexte à plusieurs millions de meurtres. Le moteur de ces crimes, ce ne sont pas les Juifs, mais les antisémites. « Et pourquoi », s’interroge Steinke de manière rhétorique, « un
antisémite devrait-il laisser les autres détruire son bien-être ? »
Ce « Bäder Antisemitismus » a des allures de rituel barbare
Le fait qu’aujourd’hui, de plus en plus de Juifs allemands fassent leurs valises ou envisagent d’émigrer en Israël, au Canada ou aux Etats-Unis – la France est
un triste précurseur en la matière – représente déjà une victoire des antisémites. Les arguments, formations, débats et connaissances scientifiques développés depuis plus de 150 ans, si l’on date
le début de l’antisémitisme militant et organisé à la période à laquelle est né le terme, n’ont servi à rien. Au contraire. Aujourd’hui, alors que le monde politique affiche publiquement son
soutien aux Juifs allemands, il est inconcevable que des fanfares jouent des hymnes antisémites pour célébrer la libération de Norderney ou de Borkum du fléau juif, comme ce fut le cas à l’époque
du redoutable empereur Guillaume II.
En Allemagne, une menace néonazie toujours sous-estimée
Ce « Bäder Antisemitismus » (antisémitisme de station balnéaire) a des allures de rituel barbare et semble presque aussi lointain que le massacre de
masse dont ont été victimes les Juifs allemands après l’épidémie de peste de 1348. Cependant, même en cette période troublée, marquée par une autre pandémie, fleurissent à nouveau des théories du
complot selon lesquelles le monde serait dominé par des cerveaux issus de la haute finance juive. Le magazine Bild a d’ailleurs mené une triste expérience. Le quotidien souhaitait
savoir combien de temps un drapeau orné de l’étoile de David pourrait tenir dans le quartier berlinois de Neukölln sans être profané. Il n’a pas fallu attendre des heures.
L’antisémitisme islamique, un phénomène plutôt récent
Dans son état des lieux de la persécution des Juifs, Steinke n’oublie pas non plus l’antisémitisme islamique. En Allemagne tout du moins, il s’agit d’un
phénomène plutôt récent comparé aux meurtres perpétrés par les néonazis. En 1980, par exemple, ces derniers ont abattu l’éditeur et chef de la communauté juive Shlomo Lewin ainsi que sa compagne,
à Erlangen. Alors que la police soupçonnait des membres de la communauté juive, l’auteur des faits n’a pas été inquiété. Les Juifs allemands ont longtemps craint pour leur vie, se méfiant même du
côté gauche du spectre politique.
Il ne faut pas oublier que le 9 novembre 1969, des membres des Tupamaros ont commis un attentat à la bombe contre le Centre communautaire juif de Berlin. Si
cette attaque n’a pas entraîné la mort de douzaines de survivants et proches de victimes de l’Holocauste, c’est simplement en raison d’une défaillance du détonateur.
En 1970, sept des résidents de la maison de retraite juive de Munich ont eu moins de chance : ils sont morts brûlés et asphyxiés (« Nous sommes
gazés », hurlaient-ils) dans un autre attentat attribué à des radicaux de gauche issus de l’entourage de Kunzelmann, mais l’affaire n’a jamais pu être tirée au clair. Et en 1976, lors du
détournement d’un avion dans la ville ougandaise d’Entebbe, Wilfried Böse, terroriste des Cellules révolutionnaires, a accepté de relâcher tous les otages sauf ceux de confession juive, opérant
ainsi une sélection comme il n’y en avait plus eu depuis les camps d’extermination ; il est resté impassible face aux numéros de matricule tatoués sur les bras des otages.
Les néonazis veulent achever l’œuvre initiée par Hitler
Dieter Kunzelmann, fier antisémite qui n’a jamais été jugé pour ses crimes, se plaisait à utiliser le terme de « Judensau » (truie des Juifs). Lors de
son décès en 2018, des hymnes ont été chantés à sa louange. C’est précisément dans ces parallèles droite-gauche, qui n’ont absolument rien de fortuits, que se manifeste toute la folie de
l’antisémitisme : les néonazis veulent achever l’œuvre initiée par Hitler, à savoir exterminer les Juifs.
«On ne connaît pas la raison de l’antisémitisme viscéral d’Hitler»
Les soixante-huitards antisémites, quant à eux, prétendaient se battre contre le sionisme de l’Etat d’Israël aux côtés des Arabes, mais ce faisant, ils
ciblaient précisément les Juifs allemands qui ne suivaient pas la doctrine du sionisme. Cette continuité antisémite a été décrite par des témoins de l’époque.
Steinke s’inscrit également dans cette tradition d’analyse. Il apporte ainsi la preuve que la combine de la gauche, qui consiste à édulcorer son antisémitisme
en le faisant passer pour une politique anti-Israël, fonctionne toujours à merveille. La différence, c’est que ceux qui crient impunément « Juden in Gas » (« Gazez les
Juifs ») lors des manifestations organisées en Allemagne aujourd’hui sont la plupart du temps des immigrés originaires de pays islamiques.
Même les trois Palestiniens qui ont mis le feu à la synagogue de Wuppertal à coup de cocktails Molotov en 2014 ont écopé de peines avec sursis scandaleusement
clémentes. L’un d’entre eux est même resté impuni, car les hommes n’auraient pas commis leur crime « pour des motifs intrinsèquement antisémites ». Le message véhiculé : on ne peut
pas en vouloir à ceux qui s’en prennent aux Juifs allemands en prétendu signe de protestation politique contre Israël.
Aujourd’hui, l’antisémitisme vient de toutes les directions
Le droit est malléable. Et un jugement comme celui rendu dans l’affaire de Wuppertal fait étrangement écho à la succession d’acquittements ou de peines de
complaisance que les tribunaux allemands ont accordés aux criminels nazis et à leur prétendue « obligation d’obéir » jusque dans les années 60 – lorsque ces criminels étaient inculpés,
bien sûr. Les Juifs allemands, qui sont de plus en plus souvent victimes d’humiliations et d’actes de violence de motivation islamique ou nationaliste au quotidien, comme le montre Seinke, sont
logés à la même enseigne. La peur est présente au quotidien et n’a peut-être jamais vraiment disparu. Pour Steinke, c’est le signe que l’Etat a échoué, et cet échec doit être combattu par des
actes, pas seulement par des mots.
L’épidémie ne disparaîtra jamais. Le terme d’« antisémitisme » n’existe certes que depuis le XIXe siècle, mais la première destruction d’un temple
juif par des voisins jaloux date de 411 av. J.-C., et les premiers chrétiens considéraient déjà la haine des Juifs comme un titre honorifique. L’historien Zvi Yavetz, qui a vécu personnellement
l’horreur des camps d’extermination allemands, indique qu’il existait déjà une « hostilité à l’égard des Juifs dans l’Antiquité », notamment chez des auteurs comme Sénèque, Cicéron ou
encore Tacite, alors que (ou peut-être précisément parce que) l’empire n’avait jamais été menacé par la minorité juive conquise. La « douce tentation » qu’ont les vainqueurs de s’en
prendre verbalement ou concrètement à ces victimes ne date pas d’hier.
Il s’agit probablement d’un simple malaise atavique vis-à-vis de l’autre, un malaise évoluant en haine dans lequel on peut facilement projeter tout ce qui est
décrié. Aujourd’hui, l’antisémitisme vient de toutes les directions, de droite, de gauche, d’autres religions, et est justifié de manière plus subtile et camouflé au besoin. Pourtant, le
phénomène est bien vivant. « Comme la bêtise elle-même », aurait déclaré Mommsen un jour."
L’antisémitisme en Belgique
Elodie Blogie
"Fin 2018, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne publiait sa seconde étude sur le vécu de l’antisémitisme par les populations juives en
Europe. Partout, les personnes juives se disaient inquiètes de l’augmentation de la haine à leur égard, et la Belgique apparaissait régulièrement comme l’un des pires Etats de ce point de vue.
Ainsi, 86 % des personnes juives considéraient que l’antisémitisme est un problème grave, urgent en Belgique. Les agressions y étaient aussi très présentes : dans les douze mois
précédant l’enquête, 25 % des personnes juives avaient subi des propos offensants ou menaçants en lien avec leur judéité, 26 % rapportaient des gestes menaçants ou des regards déplacés
et 12 % relevaient des commentaires antisémites sur les réseaux sociaux et les médias.
Jeunesse et conflit israélo-palestinien: points sensibles en Belgique
En 2019, l’agence européenne avait approfondi cette étude en sondant des jeunes de 18 à 34 ans. En Belgique, 44 % des personnes interrogées
avaient vécu au moins une expérience de harcèlement antisémite et 4 % avaient été victimes d’au moins un incident antisémite violent. 45 % des personnes interrogées disaient aussi
éviter de porter des symboles juifs en public pour des raisons de sécurité.
Dans son rapport chiffré de 2019, Unia, l’ex-Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, constatait par contre une diminution de
21 % des dossiers « antisémitisme », par rapport à l’année 2018 et de 7 % sur la moyenne des cinq années précédentes.
A noter que selon l’étude de l’Agence des droits fondamentaux, les personnes vivant en Belgique étaient parmi les moins promptes en Europe à dénoncer les actes
antisémites dont ils sont victimes."
Le 27 juillet 2020.
>"L'annexion est très dangereuse pour la sécurité d'Israël"
Alors que le gouvernement israélien a
annoncé qu’il procèdera à l’annexion des colonies de Cisjordanie à partir du 1er juillet, le mouvement "Commanders for Israel's security" (CIS), regroupant plus de 300 anciens
généraux de l’armée israélienne et des responsables des forces de sécurité (police, Shin Beth et Mossad), vient de lancer une campagne visant à sensibiliser les Israéliens contre les dangers de
l'annexion.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire « Le Point », Matan Vilnaï, chef de file actuel du mouvement des généraux, héros de la guerre de Kippour et ancien chef d'état-major adjoint de Tsahal, qui a
également servi, en 2007, comme vice-ministre de la Défense sous Ehoud Barak, puis en 2009, sous Benjamin Netanyahou, explique pourquoi l'annexion de la Cisjordanie est
contraire aux intérêts d'Israël. Résumé.
Quel est le but de votre campagne ?
Il s'agit d'avertir le public israélien contre le grand danger que représente l'annexion. Le Premier
ministre a beau l'avoir annoncée à partir du 1er juillet, à une semaine de cette date fatidique, personne en
Israël ne connaît vraiment le sens réel de ce mot. Les Commandants pour la sécurité d'Israël sont les seuls en Israël à avoir étudié toute sa signification.
Je vous rappelle que nous sommes composés de 300 généraux de l'armée israélienne, de leur équivalent au sein du Mossad et de la police. Nous
effectuons depuis plusieurs années des recherches sur le sujet, que nous avons compilés dans un document. Mais personne au sein du gouvernement ne
l'a lu. Notre but est donc de mettre en garde le Parlement, l'exécutif, ainsi que les citoyens israéliens, y compris ceux qui se promènent dans la rue. Nous souhaitons leur dire que, si
jusqu'ici il n'y avait aucun prix à payer (pour la colonisation israélienne en Cisjordanie, NDLR), ce ne sera pas le cas avec l'annexion.
Quel est, selon vous, ce prix à
payer ?
L'annexion est très dangereuse pour la sécurité d'Israël. Nous entretenons jusqu'ici une coordination sécuritaire
totale avec l'Autorité palestinienne afin de combattre le Hamas et le Djihad islamique (les Palestiniens ont annoncé la fin de cette coopération en cas d’annexion israélienne). Une
autre pierre angulaire de notre stratégie sécuritaire est la coordination antiterroriste avec la Jordanie qui permet d'éviter des attentats à notre frontière orientale. J'étais moi-même présent
aux côtés du Premier ministre Yitzhak Rabin lorsqu'il a signé les accords de paix avec le roi Hussein de Jordanie en 1994. Or, l'annexion annihilerait ces coopérations, ce qui mettrait en danger
la sécurité d'Israël, ainsi que celle de l'Autorité palestinienne. Cela profiterait aux militants du Hamas qui tenteraient alors de renverser Ramallah. Ce serait une tragédie pour nous tous.
En Jordanie, outre l'arrêt de la coordination sécuritaire, l'annexion placerait le roi Abdallah sous une énorme pression, d'autant que la majorité de la population jordanienne est palestinienne.
Cela poserait de grands risques pour notre sécurité dans un futur proche. Le 24 juin 2020.
> La WIZO lance l'opération "Ecoutons voir ..."
Présentation du projet !
Nous vous invitons à écouter de jolis textes en français, issus de la littérature internationale, et ceci pour votre plaisir, tout en soutenant
nos institutions WIZO dans ces moments difficiles.
Il s'agit d'un abonnement qui vous donne accès à ces écoutes, 3 jours par semaine (lundi - mercredi - vendredi) et vous permet de faire une pause
tranquille ou de vous accompagner dans vos occupations.
"Ecoutons voir", c'est un petit moment pour vous, de maximum 30 minutes, pour le bonheur de vos oreilles et de votre regard intérieur.
Comment ça marche ?
Nous mettons à votre disposition nos enregistrements via la plateforme Youtube au prix de 10 euros par semaine.
Pour y accéder, vous pouvez souscrire votre abonnement hebdomadaire ou pluri-hebdomadaire auprès du n° de compte bancaire de la Fédération WIZO Belgique-Luxembourg:BE85 2200 7840 2106, avec la communication "Ecoutons voir"
!
TRES IMPORTANT : inscrivez bien "Ecoutons voir" + votre adresse email, pour confirmer le paiement, à faire parvenir à Nathalie, via
l'adresse suivante: ecoutonsvoirnat@gmail.com
Dès le paiement et l'adresse électronique reçus, vous recevrez par email le lien Youtube qui vous donnera accès aux lectures de la
semaine.
Pour vous donner une idée, vous trouverez ci-après un aperçu de ce que nous vous proposons.
Les lectures débutent le lundi 8 juin 2020. Inscrivez-vous vite !
Il n'y a pas de mal à se faire du bien, alors rejoignez-nous dans cette nouvelle aventure, soutenez la WIZO, ses missions humanitaires, et
n'hésitez pas à transférer ce message et à en parler autour de vous !
En mars 2019, rencontre au Parlement européen, l'une des
activités de l'année de la WIZO Belgique-Luxembourg.
> Qu'est-ce que la WIZO, ses origines et ses missions ?
Le 15 mars dernier (2019), à l’initiative de la « Women’s International Zionist Organization »
Belgique/Luxembourg (WIZO), une septantaine de femmes juives et non-juives, pour la plupart belges, aussi en provenance de France, d’Allemagne, de Hollande, d’Angleterre et d’Israël, se sont
retrouvé(e)s à Bruxelles, au Parlement européen, à l’invitation de la députée européenne belge, Frédérique Ries. Le but était bien sûr de passer un agréable moment ensemble, ce qui fut le cas,
grâce à un excellent déjeuner. Mais également de débattre de la manière dont les femmes peuvent se réaliser dans un monde professionnel dominé par les hommes. Les témoignages de trois
participantes, Bénédicte Taymans d’Eypernon, psychologue et fondatrice du Bureau conseil Pulso Europe, Jeanne Briys, responsable Finance chez Havas Brussels/Benelux, et Sophie Laguesse,
chercheuse en neurosciences à l’Université de Liège, ont montré combien leur belle réussite professionnelle avait été possible grâce à des objectifs clairs, une énergie au travail redoublée ainsi
qu’une détermination constante. Les nombreux obstacles (clichés machistes, freins sociaux, charges familiales) rencontrés au long de leur parcours personnel ne leur ont pas facilité la tâche. Le
problème du « guett » dans le judaïsme, à savoir, le document détenu par l’homme qui lui permet, selon sa seule volonté, de divorcer de son épouse, a été pointé du
doigt. (*). En cas de demande de séparation de la femme, elle doit remettre son sort entre les mains de son mari. Si celui-ci refuse de
signer le guett, il lui interdit ainsi de se remarier. Bien qu’en Israël et dans la diaspora, suite à de nombreuses controverses quant à la validité juridique du guett sur le plan civil et du
fait que son allégeance soit ignorée ou contournée par une partie importante des couples juifs, laïques ou non, son respect n’en reste pas moins une prescription religieuse imposée par le
Grand-rabbinat d’Israël. Cela montre à quel point le combat pour l’émancipation des femmes notamment au sein du judaïsme orthodoxe et ultra est loin d’être une barrière franchie, encore moins
levée. A ce titre, WIZO Israël, selon Rivka Lazovsky, la présidente mondiale israélienne, partout où c’est possible, soutient les femmes en vue de trouver des solutions à ce problème autant
cultuel que culturel. La WIZO, organisation internationale de femmes sionistes, fondée à Londres en 1920, en tant que mouvement apolitique, pluraliste, comptant aujourd’hui 250.000 femmes membres
partout dans le monde, entend venir en aide aux familles vivant en Israël. C’est en effet en direction des catégories les plus défavorisées de la société israélienne, indépendamment de leur
origine religieuse et communautaire, que l’ONG WIZO œuvre dans les domaines éducatif et social. Accrochez-vous, voici ce que représente en Israël cette extraordianire organisation : 180
crèches, dont 19 pour enfants à risque, accueillent chaque année 15.000 bambins ; 25.000 bébés et enfants bénéficient plus largement de ses soins attentionnés ; 17 groupes « Les
Petites Perles » offrent un soutien scolaire aux élèves de l’école primaire ; 18 maisons d’accueil sont des havres protégés pour l’enfance en danger ; 2 centres parents/enfants
assistent les familles vulnérables ; 4 centres pédagogiques, spécialisés dans l’éducation de la petite enfance, proposent un suivi aux parents ; 56 centres thérapeutiques et éducatifs
sont ouverts après les heures de classe pour enfants à risque ; une hotline gratuite est mise à disposition des jeunes couples et 200 bénévoles prennent part au projet « Une heure avec
un enfant », en faveur de l’enfance à risque. Ce n’est pas tout. En ce qui concerne les jeunes, 7 foyers traitent des adolescents en danger et veillent à leur réhabilitation sociale ; 5
groupes d’autonomisation enseignent aux adolescents à gérer leur quotidien ; 5 villages, avec internats, accueillent les jeunes à risque ; 2 écoles professionnelles sont destinées aux
élèves déscolarisés ; 2 centres de traitement pour jeunes filles victimes de maltraitance et de violence leur viennent en aide ; 1 centre d’Excellence pour jeunes filles les forment
pour affirmer leur ambition professionnelle; 14 groupes spécialisés renforcent et responsabilisent l’estime de soi d’adolescents à risque ; 500 enfants démunis fêtent chaque année leur Bar
et Bat Mitzvah grâce à la WIZO. En direction des femmes, celle-ci a développé 3 programmes de leadership les incitant à occuper des postes de cadres et à s’impliquer dans la vie politique ;
16 programmes innovants les accompagnent tout au long de leur vie et veillent à leur épanouissement ; 30 bureaux de consultation juridique sont mis à disposition des femmes
israéliennes ; des dizaines de propositions de loi, qui visent à protéger les femmes, sont déposées auprès des élus de la Knesset ; 26 groupes de responsabilisation sont disponibles en
permanence ; une assistance téléphonique sur les droits des femmes au travail est active tous les jours, hors Shabbat ; 1 programme éducatif national contre la violence conjugale est
mis en œuvre ; 2 abris accueillent les femmes maltraitées et leurs enfants ; 3 centres de prévention et de traitement de la violence domestique et une hotline pour hommes violents, qui
sollicitent un traitement, sont consultables. Enfin, la WIZO, c’est encore une maison de retraite ; 55 boutiques de vêtements d’occasion pour familles démunies ; 24 groupes de seniors
de langues différentes aux activités diverses ; un centre d’enrichissement pour la famille et 46 sections de bénévoles à travers Israël. Que dire après cet inventaire aussi
riche qu’impressionnant ? La réponse est simple. Aider la WIZO, même modestement, c’est participer à une œuvre humaniste exceptionnelle, c’est rejoindre des épuipes de femmes engagées
ouvertes sur le monde et la modernité, des femmes qui aiment Israël, qui revendiquent sa légitimité et sa sécurité, mais des femmes pieds sur terre, réalistes, décloisonnées, qui voient dans le
projet sioniste une promesse de dignité et d’égalité à tenir pour tous et toutes, sans exception, en commençant par les plus vulnérables, les femmes et les enfants. Un 15 mars assurément bien
rempli, qui aura permis à un seul homme, très chanceux, de vivre une journée entière passionnante aux côtés de femmes magnifiques. "Jewish Post", no 103, Liège, le 08 avril 2019.
(*) « Quand un homme
aura pris une femme et cohabité avec elle ; si elle cesse de lui plaire, parce qu'il aura remarqué en elle quelque chose de malséant, il lui écrira un libelle de divorce, le lui mettra en
main et la renverra de chez lui. » … Deutéronome, 24, 1.
Le 06 juin
2020.
Benjamin Netanyahou et Benny Gantz, réunis plus qu'unis pour gérer la crise et annexer des territoires en Cisjordanie.
>Israël: 500 jours de crise, un nouveau gouvernement et des annexions !
Le Parlement israélien a approuvé ce dimanche un gouvernement d'union mené par le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son ex-rival Benny Gantz,
mettant ainsi fin à la plus longue crise politique de l'histoire moderne de l'Etat hébreu.
"Une bonne nouvelle qui pourrait vite retomber, car ce gouvernement hérite d'une économie mise à mal par la crise du nouveau coronavirus et doit se prononcer sur un projet d'annexion de pans
de la Cisjordanie occupée, un sujet explosif.
Après un report jeudi, les parlementaires ont été conviés pour un vote de confiance : 73 députés ont voté pour le gouvernement soit 12 de plus que le seuil
de la majorité.
« La population veut un gouvernement d'union et c'est ce qu'elle aura aujourd'hui », a assuré Benjamin Netanyahou, avant le vote de
confiance. Cette séance spéciale était marquée par des députés au visage recouverts de masques sanitaires aux couleurs d’Israël.
L'accord entre le Likoud (droite) de M. Netanyahou et la formation centriste « Bleu-Blanc » de son ex-rival électoral Benny Gantz prévoit un partage
équitable des ministères et permet à chaque camp de redistribuer des postes à leurs alliés politiques.
Avec à terme un total de 36 ministres, ce gouvernement sera le plus large gouvernement de l'histoire du pays, un paradoxe en pleine crise économique liée à la
pandémie, déplore une partie de la presse israélienne.
D'après les termes de l'accord, M. Netanyahou reste Premier ministre pendant 18 mois avant de céder sa place pour une période équivalente à Benny
Gantz.
Ce gouvernement « d'union et d'urgence » avait été promis en particulier pour défendre Israël face à la pandémie du Covid-19 qui a contaminé
officiellement plus de 16.500 personnes, incluant 268 décès.
Le pays d'environ neuf millions d'habitants a commencé le déconfinement en rouvrant la majorité des commerces et des écoles, mais en maintenant l'obligation du
port du masque.
Le défi est double pour le gouvernement : remettre sur les rails une économie qui a vu son taux de chômage technique bondir de 3,4% à 27% en raison de la
crise, tout en évitant une seconde vague de contamination.
Aussi le gouvernement doit se pencher sur l'application du projet américain pour le Proche-Orient qui prévoit l'annexion par Israël de la vallée du Jourdain et
des colonies juives en Cisjordanie.
« Ces territoires sont là où le peuple juif est né et a grandi. Il est temps d'écrire un nouveau chapitre glorieux dans l'histoire du sionisme », a
déclaré devant les parlementaires M. Netanyahou, en allusion à l'annexion des colonies.
Pendant la dernière décennie, la population des colonies juives en Cisjordanie a bondi de 50% pour dépasser les 450.000 habitants vivant souvent sous tensions
avec plus de 2,7 millions de Palestiniens.
« Les centaines de milliers de résidents de Judée-Samarie resteront toujours chez eux (...) Ce geste ne nous éloignera pas de la paix, il nous en
rapprochera », a assuré M. Netanyahou.
Certains, au sein du gouvernement, comme Benny Gantz semblent toutefois circonspects sur l'annexion. M. Gantz n'a rien dit à ce sujet dimanche à la
Knesset.
Les Palestiniens et la Jordanie voisine ont, eux, déjà mis en garde contre les conséquences d'un tel projet, comme la plupart des pays de l'Union
européenne.
Le gouvernement doit présenter à partir du 1er juillet sa stratégie précise sur ce dossier. D'ici là, Israël pourrait connaître un nouveau feuilleton,
judiciaire celui-là, avec l'ouverture prévue le 24 mai du procès de Benjamin Netanyahou, premier chef de gouvernement de l’Etat d’Israël à être jugé pour corruption durant son mandat. A moins
d'un report de l'audience." Regards, CCLJ. Le 17 mai 2020.
Benny Gantz, le leader de l'opposition israélienne, a finalement trouvé un accord avec Benjamin
Netanyahou.
LE CCLJ SALUE LA CONSTITUTION D'UN GOUVERNEMENT D'URGENCE
NATIONALE EN ISRAËL. MAIS IL DÉPLORE LA VOIe OUverte À L'ANNEXION DES COLONIES !
Le Centre communautaire laïc juif David Susskind (CCLJ) se réjouit qu’après 484 jours de blocage politique et
trois élections législatives, un gouvernement d’urgence nationale de plein exercice dirige enfin le pays et puisse ainsi poursuivre efficacement la lutte contre le coronavirus qui a été menée de
façon exemplaire jusqu’ici.
Nous regrettons toutefois que l’accord de gouvernement passé entre Benny Gantz et Benjamin Netanyahou permet à ce
dernier de demeurer Premier ministre alors que son procès pour corruption, fraude et abus de biens de sociaux doit commencer le 24 mai prochain.
En modifiant la composition de la commission de sélection des juges dans un sens très favorable à Benjamin
Netanyahou, l’accord de gouvernement permet à ce dernier de s’opposer à de futures nominations de magistrats jugés trop incommodants. En outre, l’accord de gouvernement laisse à Benjamin
Netanyahou des possibilités d’échapper à une condamnation à une peine de prison au terme d’un procès qui pourrait durer quatre ans.
Nous déplorons que cet accord de gouvernement ouvre très clairement la voie à l’annexion de la vallée du Jourdain
et des colonies israéliennes en Territoires palestiniens. Bien que Benny Gantz ne souhaite pas voir cette mesure s’appliquer, Benjamin Netanyahou et ses alliés entendent présenter dès le mois de
juillet un décret d’annexion au gouvernement et au parlement ensuite.
Ceci compromettra significativement le processus de paix construit sur la base de deux peuples deux Etats,
mais aussi la sécurité de l’Etat. Nous espérons que les voix d’experts incontestables en la matière puissent convaincre les responsables politiques des menaces existentielles que cette politique
annexionniste fait peser sur Israël. L’Etat-major de l’armée israélienne et de nombreux responsables de services de sécurité craignent que l’annexion remette en cause les accords conclus avec
l’Egypte et la Jordanie, provoque la chute de l’Autorité palestinienne et suscite une vague de violences portant gravement atteinte à la sécurité d’Israël.
Nous doutons donc que ce gouvernement d’urgence nationale puisse surmonter les fractures importantes qui
traversent aujourd’hui Israël. Ce n’est pas en sapant les fondements de l’Etat de droit ni en menant une politique d’annexion en Territoires palestiniens que ce gouvernement garantira la sécurité
des Israéliens ni ne renforcera la démocratie israélienne à laquelle nous sommes indéfectiblement attachés. 25 avril 2020.
>Israël: Une victoire personnelle, un échec pour le pays ?
Les Israéliens ont peur dans le contexte international actuel. Ils croient queNetanyahou leur
donnera la sécurité. Est-ce si sûr ?
En obtenant 36 sièges à la Knesset, le parlement israélien, le Likoud (droite) n’en remporte qu’un seul de plus qu’en avril 2019, mais il dépasse le
parti dit centriste Bleu-Blanc. Cette victoire personnelle de Benjamin Netanyahou est surtout celle du populisme. Il n'a eu de cesse que de surfer sur les peurs, la défiance de l'Etat de droit et
le nationalisme le plus étroit. Un cocktail délétère.
Après avoir mené une campagne où il s’est permis tous les coups bas contre Benny Gantz, son principal adversaire, Benjamin Netanyahou nourrit un sentiment
d’ivresse de la victoire auprès de ses électeurs. Bien qu’il lui manque deux sièges pour que le bloc de droite puisse obtenir la majorité absolue de 61 députés, il prétend avoir remporté une
victoire écrasante. A voire.
Durant toute la campagne électorale, Benjamin Netanyahou n’a cessé de s’attaquer à toutes les institutions garantissant l’Etat de droit en Israël. Sa cible
favorite : les magistrats. « Tous des gauchistes », a encore répété Netanyahou la semaine dernière. La presse indépendante ne s'en sort guère mieux. Et que dire des milieux
académiques et culturels, cibles récurrentes de cet homme ?
Ses soutiens les plus inconditionnels vont même jusqu’à prétendre que Netanyahou « a le sens de l’Etat » ! C’est vite oublier que leur homme
d’Etat doit être jugé pour plusieurs affaires graves de corruption. La justice est indépendante en Israël. Ehud Olmert, ancien premier ministre (2006 - 2009) en sait quelque chose. Benjamin
Natanyahou risque gros et sa victoire pourrait être de courte durée.
Sur les plateaux télévisés, des proches de Netanyahou ne retiennent que la légitimité des urnes au détriment de l’ensemble de l’édifice démocratique garanti par
la séparation des pouvoirs. « Le peuple a parlé », déclarent-ils. « A présent, il va falloir changer les choses ». Piétiner l’Etat de droit en votant une loi rétroactive sur
mesure pour empêcher toute condamnation de leur champion par exemple.
Il n’est pas sûr que ce type de mesure inconcevable dans un Etat de droit digne de ce nom ne préoccupe les électeurs du Likoud et des autres formations du bloc
de droite. Comme si le respect de l’Etat de droit ne leur parle plus du tout.
« Israël est devenu un véritable laboratoire du populisme », déplore Frédérique Schillo, correspondante de Regards à Jérusalem. « Non
seulement Benjamin Netanyahou recourt à la même rhétorique que les dirigeants populistes hongrois, polonais, brésiliens et américains, mais il s’est aussi imposé comme un modèle en la
matière ».
Mais ce scrutin est surtout une défaite majeure pour le centre et la gauche. Face aux attaques mensongères de Netanyahou, Benny Gantz n’a jamais répliqué avec
poigne. Par ailleurs, le leader de Bleu-Blanc a pensé qu’il pouvait se reposer sur ses lauriers en capitalisant sur le procès de son rival de droite. Son programme n'a jamais représenté une
véritable alternative, trop collé à celui de son adversaire, tétanisé aussi par tout rapprochement avec l'alliance des listes unies arabes.
« Bleu-Blanc a trop cherché à convoiter l’électorat du Likoud et de la droite sécuritaire », souligne Frédérique Schillo. « Ce qui a empêché
Gantz d’attaquer frontalement Benjamin Netanyahou, si ce n’est sur l’idée qu’il fallait un changement. Or, c’est insuffisant pour gagner une élection, d’autant plus que les gens ont peur du
changement dans une période aussi instable qu’aujourd’hui. Avec Netanyahou, ils ont le sentiment de savoir à quoi s’en tenir ».
Même s’il parle de victoire écrasante, Benjamin Netanyahou doit dès à présent attirer vers lui deux députés pour former sa majorité. Soit, il retourne comme un
gant des députés de l’aile droite de Bleu-Blanc, soit des députés du parti russophone laïque Israël Beitenou le rejoignent. Une tâche dont se serait passé un candidat parlant de la « plus
grande victoire de sa vie ». Israël a perdu une nouvelle fois une chance de remettre la perspective de
la paix sur les rails. Ce pourrait bien devenir un échec pour le pays. Qu'a-t-il a gagné en effet à s'isoler ainsi ? Avec Regards, CCLJ. Le 04
mars 2020.
David Susskind savait qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre l'affirmation d'une identité et
le regard fraternel sur la diversité.
La formidable histoire du judaïsme laïque en Belgique !
A travers les combats qu’il mène depuis 60 ans, le Centre Communautaire Laïque Juif a contribué au rayonnement de l’identité juive laïque. Ce 60ème anniversaire est l’occasion de dresser un bilan, mais aussi d’envisager les défis actuels et ceux des
soixante prochaines années. Pour ceux qui l'ignorent et pour ceux qui ne comprennent pas, voici pourquoi il est possible d'être juif et laïque.
"Au commencement il y a une bande d’amis. Des Juifs ayant survécu à la Shoah. Qu’ils soient sionistes de gauche, bundistes ou communistes en rupture avec le
parti, ils sont tous guidés par la foi en un avenir meilleur. Parmi eux, il y a un homme qui se distingue par son charisme, son énergie et surtout, sa formidable capacité de mobilisation : David
Susskind (« Suss »). « Même si la sociologie juive bruxelloise était propice à l’émergence d’une organisation juive laïque, le succès du CCLJ repose aussi sur la personnalité de Suss
», confirme sa femme Simone Susskind, présidente du CCLJ de 1985 à 1995. « Sa capacité à mobiliser des gens autour d’un projet fédérateur a permis à cette organisation de s’imposer
au sein de la communauté juive ».
En créant le CCLJ en 1959, Suss et ses camarades jettent un pavé dans la mare, car la vie juive bruxelloise rime encore avec synagogues et rabbins. « Ils
n’ont pas seulement créé un centre communautaire de plus, ils ont surtout proposé une nouvelle définition de l’identité juive qui permet aux Juifs de se revendiquer, de s’organiser et de
vivre en tant que Juifs, mais sous une forme laïque », insiste Henri Gutman, président du CCLJ entre 2010 et 2017.
Le projet du CCLJ repose sur un message clair : l’identité juive ne se réduit pas à la religion. On peut être athée, non pratiquant tout en étant un Juif
conscient appartenant au peuple juif. Par ailleurs, les militants du CCLJ expriment également leur attachement aux valeurs démocratiques et aux droits de l’homme : « La laïcité, l’humanisme,
le dialogue, la main tendue vers l’Autre sont les piliers sur lesquels le CCLJ fonde son action », précise Michèle Szwarcburt, la fille de David Susskind, présidente du CCLJ entre 1998
et 2010.
Le CCLJ propose des activités communautaires (conférences, cours d’hébreu, cercle de lecture, danses israéliennes, table de conversation yiddish, etc.), des
fêtes juives (Rosh Hashana, Hanoucca, Seder de Pessah), et un programme de Bar et Bat-Mitzva laïque dont le succès se vérifie chaque année. Avec sa crèche Nitzanim-Rachel Kemp, son école Shalom
Alehem pour les 3 à 7 ans, et son mouvement de jeunesse unique, la Jeunesse juive laïque (JJL), adressé aux 6-18 ans, les trois réunis dans la Maison des jeunes Irène et Charles Knoblauch,
le CCLJ assure à la jeunesse la transmission de valeurs juives et universelles. Sans oublier les nombreux combats auxquels il a toujours pris part : la lutte contre
l’antisémitisme, le négationnisme, la mémoire de la Shoah, la solidarité active envers les communautés en détresse (les Juifs d’URSS, les prisonniers juifs de Damas) et le règlement du conflit
israélo-palestinien. « Le conflit israélo-palestinien a évidemment accompagné le CCLJ depuis les années 1960, car la question qui se pose depuis le début de notre engagement en faveur d’une
solution négociée est précisément l’avenir d’Israël », résume Simone Susskind. « Et ce combat, nous l’avons mené en prônant l’ouverture et le dialogue parce que cela ne fait
qu’exprimer les valeurs humanistes sur lesquelles le CCLJ s’est construit ». Si ce combat est prioritaire, c’est surtout parce qu’il exprime l’attachement viscéral du CCLJ à l’existence
d’Israël. « C’est notre attachement à Israël, démontré tout au long de notre histoire, et notre intérêt pour tout ce qui s’y passe qui nous donnent le droit de nous préoccuper de son
avenir et de défendre la solution à deux Etats, soutenue par une majorité d’Israéliens, qui seule pourra assurer le maintien d’un Etat juif et démocratique », assure Menia Goldstein,
président du CCLJ entre 2017 et 2019.
En raison des valeurs qui le guident, le CCLJ s’investit aussi activement dans la lutte contre le racisme et l’extrême droite et exprime sa solidarité envers
les victimes des autres génocides du 20e siècle (Arméniens et Tutsi).
Institution communautaire
Aujourd’hui, le CCLJ est devenu une véritable institution communautaire. Cette légitimation du judaïsme laïque a permis à énormément de Juifs de s’affirmer
comme Juifs laïques, sans qu’ils ne soient marginalisés ni mis au ban de la communauté juive. Paradoxalement, cette évolution n’a pas placé le CCLJ au cœur de l’establishment communautaire. Le
combat qu’il mène pour la solution des deux Etats (Israël/ Palestine) l’en a toujours empêché. Et la conjonction de l’affirmation du judaïsme laïque et du combat pour les deux Etats contribue
même à l’éloigner de l’establishment. « Un ambassadeur des Etats-Unis à Bruxelles était enthousiasmé par notre engagement en faveur de la création d’un Etat palestinien aux côtés
d’Israël, mais ne comprenait pas pourquoi nous nous embarrassions avec le judaïsme laïque »,se souvient Henri Gutman. « Et inversement, une ambassadrice d’Israël saluait notre attachement à
l’identité juive laïque, mais nous reprochait nos positions critiques sur Israël ! ».
Dans l’éventail des différentes branches du judaïsme, le CCLJ est aujourd’hui celle qui représente le mieux les Juifs non croyants ou non pratiquants qui
veulent affirmer leur judéité, tout en exerçant
pleinement leur citoyenneté. « Dans sa programmation et les combats qu’il a menés, le CCLJ a réussi à concrétiser cette double affirmation
», observe Isi Halberthal, président du CCLJ depuis 2019. « Il s’inscrit ainsi dans la tradition talmudique selon laquelle la loi du pays est la loi (Dina malhouta dina)
». Le CCLJ doit surtout renforcer cette conception d’une identité juive qui s’appuie sur deux jambes (juive et citoyenne). « Lorsque la jambe juive se perd entre le nationalisme et le
souvenir de la Shoah, l’identité juive devient intolérante et mortifère », estime Isi Halberthal. « La jambe citoyenne doit aussi être renforcée en montrant que nous pouvons être
communautaires et impliqués dans la vie de la cité sans qu’il n’y ait la moindre contradiction. Nous devons donc combattre le communautaire lorsqu’il se transforme en communautarisme et
qu’il pousse au repli sur soi, sur des valeurs contraires à celles de la démocratie ».
Valeurs de respect et citoyenneté
Le programme d’éducation à la citoyenneté « La Haine, je dis non ! », créé sous la présidence de Michèle Szwarcburt, répond à cette double exigence. « La
Haine, je dis non ! témoigne de notre engagement citoyen au sein de la société belge », fait remarquer Michèle Szwarcburt. « Nous étions des enfants d’immigrés et aujourd’hui que nous
sommes pleinement intégrés à la Belgique, nous nous faisons un devoir de tendre la main vers l’autre, en transmettant des valeurs de respect et de citoyenneté à des jeunes de toutes les
écoles. Nombre de ces jeunes n’ont jamais vu un Juif de leur vie. C’est pourquoi cette réalisation, qui fait du CCLJ un centre ressources reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles, nous
permet de contribuer ici et maintenant au vivre-ensemble qui ne se construit qu’avec l’éducation et la jeunesse ».
Pour que le CCLJ puisse poursuivre ses activités dans les 60 prochaines années, il doit à la fois rester fidèle aux valeurs fondatrices et relever de nouveaux
défis. « Ce questionnement n’est pas nouveau », se souvient Michèle Szwarcburt. « Fin des années 1990, durant les années d’Oslo, nous avons entamé une réflexion en vue
d’envisager l’avenir du CCLJ quand la paix aboutira entre Israéliens et Palestiniens. Suss avait alors suggéré une profonde réflexion sur l’identité juive. Mais aujourd’hui, tout cela n’est
évidemment plus d’actualité puisque tous les efforts de paix se sont effondrés et le regain d’antisémitisme menace notre avenir en Europe. Nous avons donc le devoir de continuer nos combats, tout
en demeurant forts et ouverts. Nous devons surtout partager nos expériences avec les jeunes générations pour qu’elles puissent mener ces combats. Un jour, un journaliste belge m’a dit que le CCLJ
est un phare dans l’obscurité. Je ne peux que souhaiter une seule chose aux jeunes qui vont reprendre le flambeau, c’est qu’ils continuent de faire du CCLJ un phare qui éclaire la communauté
juive et la société belge ».
Un espace de convivialité
Le premier des défis est de faire en sorte que la tranche des 30 et 40 ans soit mieux représentée au CCLJ. Et pour ce faire, il reste une chose que les
instruments contemporains de communication ne remplaceront jamais : la convivialité. « On ne peut vivre toute la journée devant un écran et on ne peut pas être juif tout seul », fait
valoir Henri Gutman. « Bien qu’il porte des idées politiques, le CCLJ doit s’affirmer aussi et surtout comme un espace de convivialité. C’est d’autant plus nécessaire si nous voulons
transmettre un judaïsme synonyme de plaisir. Et d’ailleurs c’est conforme à l’histoire du CCLJ. Dans les années 1970 et 1980, les gens se réunissaient au CCLJ le vendredi soir, même
quand il n’y avait pas de conférence ».
Isi Halberthal, qui accorde beaucoup d’importance à la connaissance du judaïsme et à la transmission de la culture juive, ne néglige pas non plus cette
dimension de convivialité qu’il associe au rituel et aux fêtes. « La culture ou la connaissance doit êtreaccompagnée de rituels. Sinon c’est sec comme un vieux parchemin
», déplore-t-il. « Sans émotion, on s’identifie difficilement à une culture. Si la culture est injectée dès l’enfance avec l’émotion et les rituels, on ne l’oublie jamais et
on peut transmettre aux générations suivantes. A côté de nos conférences et nos débats, les fêtes juives et nos rites de passage doivent être célébrés avec la même importance
».
A l’heure des bilans, les plus critiques ne manqueront pas d'adresser des reproches au CCLJ. C’est inévitable, d’autant plus qu’une organisation comme le CCLJ
n’a jamais fait l’unanimité. Une chose est certaine. Même si le CCLJ n’a pas remporté le combat pour la paix entre Israéliens et Palestiniens et même si le judaïsme laïque n’a pas pu essaimé dans
d’autres pays européens, cette organisation continue de mobiliser un nombre considérable de Juifs de Belgique autour de valeurs juives
humanistes là où ceux qui ont prôné le repli sur soi ou une conception plus fermée du judaïsme ont été contraints de cesser leurs activités." CCLJ, Regards, 11 février 2020.
>Célébrer la fête d'Hanoukah est une résistance !
Du 22 au 30 décembre 2019, les Juifs du monde entier célèbrent la fête d'Hanoukah, celle des lumières. Il n'y a pas d'espace et pas de temps pour le souffle de la
vie sans la lumière. Dans la pénombre, l'ombre ou les ténèbres, elle est l'incarnation de l'espérance en des jours meilleurs, plus forte que toutes les puissances obscures qui nuisent aux êtres
humains et à la nature. En cette époque troublée, elles sont nombreuses à obscurcir l'horizon, comme pour rappeler que la liberté n'est pas acquise. Les Juifs ont plus d'une fois triomphé de
leurs ennemis. Au deuxième siècle avant l'ère chrétienne, ce fut le cas contre l'assimilation forcée des rois grecs séleucides, Antiochos IV et V. Bien d'autres, avant et après, ont tenté de les
anéantir. Le peuple juif a survécu alors que tout dans ses souffrances lui disait de renoncer. Jamais, depuis plus de 3000 ans, il n'a abandonné la vie et ses lueurs. Hanoukah est un
symbole pour toute l'humanité. Elle est un appel à la fraternité et à la résistance. Le 22 décembre 2019.
Judéité et laïcité: Qui sont les jeunes Juifs de Bruxelles ?
"La revue Regards (CCLJ), en collaboration avec l’Institut d’étude du judaïsme de l’ULB, et sous la supervision du sociologue Claude Javeau,
professeur émérite de l’ULB, publie les résultats de son enquête sur la jeunesse juive bruxelloise. Jusqu’à présent, aucune enquête de ce type n’a été menée en Belgique. Elle vient donc combler
une lacune en saisissant mieux la réalité des jeunes de cette communauté."
"Notre enquête s’est déroulée entre septembre et décembre 2018 et a été menée selon la technique du questionnaire standardisé. Le questionnaire a été soumis à
150 jeunes Juifs âgés de 14 à 18 ans, membres des mouvements de jeunesse juifs ou inscrits au cours de religion israélite dans une école non juive.
Nos répondants, légèrement plus féminins que masculins, habitent des communes situées dans la couronne méridionale de Bruxelles-Capitale, en y incluant
Rhode-St-Genèse. On les trouve tous dans les écoles secondaires, d’obédience juive ou non. La majorité des répondants ne fréquentent pas une école juive. Un dixième annonce même être inscrit dans
une école du réseau catholique.
A travers un questionnaire portant sur les grandes thématiques de l’identité juive contemporaine (pratique religieuse, rapport à Israël, mémoire de la Shoah,
antisémitisme, relations avec le monde non juif etc.), nous avons essayé de répondre à une question à la fois simple et très complexe : qui sont les jeunes Juifs de Bruxelles en ce début de
XXIème siècle ?
Cette enquête constitue sans doute le début d’une recherche plus approfondie sur les Juifs de Belgique, avec notamment des entretiens individuels pour éclaircir
la compréhension de certains concepts, ne serait-ce que le sionisme qui peut être interprété différemment par les uns et les autres. Elle nous permet cependant d’en savoir plus sur ceux qui sont
amenés à être les adultes de demain et de sortir de nombreux clichés qui entourent les Juifs en général. Ciblant des jeunes qui évoluent dans un cercle familial, lequel exerce inévitablement sur
eux une influence, elle nous apporte par la même occasion des informations sur leur entourage.
Du judaïsme à la judéité
Les résultats de notre enquête ne font que confirmer la poursuite du processus de sécularisation des Juifs entamée depuis leur entrée dans la modernité dans le
courant du XIXème siècle, processus qui ne se traduit pas par une rupture avec leur judéité.
A travers les réponses données, notre enquête montre bien que la majorité de ces jeunes Juifs définissent leur identité en des termes moins religieux ou non
religieux. Dans leur grande majorité, ils ne respectent pas les pratiques spécifiques des règles de la casherout (prescriptions alimentaires du judaïsme) ni celles du Shabbat (jour de repos dans
le judaïsme). Leur conscience juive s’exprime plutôt de manière culturelle et passe par leur fréquentation de l’école juive, du mouvement de jeunesse juif et de leur relation avec
Israël.
Leur attachement à la judéité ne va pas à l’encontre d’une intégration à la société majoritaire. Une minorité significative de ces jeunes est issue de couples
mixtes et une majorité d’entre eux cultive des relations avec des non-Juifs. Pour une majorité aussi, la mixité ne pose aucun problème : l’identité juive de leur futur conjoint ou partenaire
ne constitue nullement un critère dans leur choix.
Lorsqu’on observe leur rapport à la religion et à la pratique religieuse, on constate que le processus de sécularisation et de laïcisation de leur identité
juive ne s’est pas interrompu. Ce qui ne place pas ces jeunes Juifs en décalage avec les jeunes Belges non juifs. Cette réinterprétation du judaïsme évacuant le respect des prescriptions
religieuses se vérifie pleinement dans les réponses données.
Même pour les rites de passage, cette tendance se confirme lorsqu’ils se dirigent vers un centre communautaire, et non pas une synagogue, pour le célébrer. Et
s’ils sont amenés à se rendre dans une synagogue, ce n’est pas pour se conformer aux prescrits de la tradition religieuse. Dans cette configuration, l’école juive (qui n’est pas religieuse) et le
mouvement de jeunesse juif leur permettent d’exprimer leur judéité et de lui donner du sens.
Majoritairement ashkénaze, la mémoire de la Shoah se décline à la fois en famille et en collectivité. Il s’agit d’une mémoire qui leur a été transmise et qui
les influence dans leur éducation.
Contrairement à ce qui peut exister en France, le lien avec Israël n’est pas corrélé avec leur pratique religieuse. Cet attachement est fort, tout en étant
lucide et marqué par l’esprit critique. C’est ce qui explique que les jeunes interrogés considèrent Israël comme important (85%), qu’ils soutiennent unanimement son existence (95%), et qu’ils se
sentent sionistes (65%). Toutefois, cet amour d’Israël ne les aveugle pas puisqu’une majorité (74%) ne soutient pas inconditionnellement la politique du gouvernement israélien et ne souhaite pas
faire son alya, c’est-à-dire s’installer en Israël.
A la question « à quoi ressemble un jeune Juif bruxellois ? », on peut répondre qu’il n’accorde que très peu d’importance aux prescriptions
religieuses, qu’il ne croit pas en Dieu, et ce même s’il est encore attaché à certaines traditions et célébrations juives. Il est tolérant en ce qu’il est ouvert sur l’Autre et qu’il est
pleinement intégré à la société, même s’il fréquente une école juive et/ou un mouvement de jeunesse juif." Le 30 novembre 2019, Centre communautaire laïc juif
David Susskind - CCLJ.
>"Netanyahou, le début de la fin" !
Le premier ministre sortant, Benjamin Netanyahou, le président Reuven Rivlin,
Netanyahou a perdu son pari. Il a pourtant donné le meilleur, ou plutôt le pire de lui-même. Sa campagne a été
d’une violence et d’une bassesse dont même lui semblait incapable. Il a menti, ouvertement, sans vergogne. Il a occupé le terrain sans cesse, aux mépris des règles, des usages et de la loi. Il a
dénigré, insulté, diffamé adversaires réels et imaginés.
Par Elie Barnavi
Ancien ambassadeur
d'Israël
"Il a fait du scrutin un plébiscite sur sa personne, de ses rivaux des ennemis, des opposants à sa politique des traîtres à la patrie, de son parti une secte de
fanatiques. Lui qui s’était bâti une réputation de prudence miliaire, est allé jusqu’à planifier une opération d’envergure à Gaza afin de justifier le report d’un scrutin qu’il avait été le seul
à souhaiter et a dépêché un de ses acolytes sonder le président de la Commission électorale centrale à cet effet. Il a fallu pour lui faire lâcher prise la réticence des généraux et l’opposition
du conseiller juridique du gouvernement, qui lui a fait comprendre qu’il ne pouvait pas se lancer dans une guerre sans l’aval du cabinet de sécurité.
Rien n’y fit, il n’a pu franchir avec ses partenaires « naturels » -haredim et extrême droite- le seuil fatidique de 61 mandats. Benny Gantz, le falot
chef de Bleu Blanc, le dépasse d’une courte tête (33 sièges contre 32), de même que le « bloc » centriste de celui-ci fait légèrement mieux que le sien (57 contre 55). Six faits
saillants méritent d’être mentionnés.
1. Les Arabes. A chaque élection son stratagème privilégié, destiné à rallier sa base contre les traîtres –la presse, la gauche, les ONG– et, surtout, la
cinquième colonne des citoyens arabes d’Israël. En 2015, ce fut : « Les Arabes se rendent aux urnes en masse, transportés par les bus affrétés par les ONG de gauche ». Cette fois,
changement de musique : « On (entendez les Arabes, ndlr) nous vole les élections ». A l’époque, le mensonge avait fonctionné : écœurés par la scission au sein de leur parti,
la Liste unie, les Arabes ont majoritairement boudé le scrutin, cependant que la base du Likoud a afflué aux urnes. Six mois plus tard, la situation s’est renversée : les quatre formations
arabes ont retrouvé leur unité, et les électeurs arabes, rendus furieux par la propagande haineuse du Premier ministre, ont pris le chemin des urnes. En 1996, dans la foulée de l’assassinat de
Rabin, les Loubavitch avaient inventé le slogan gagnant « Netanyahou est bon pour les Juifs ». Aujourd’hui, constatant l’effet boomerang de sa campagne d’incitations, un journaliste
persifleur a suggéré le slogan « Netanyahou est bon pour les Arabes ».
Ce n’est pas tout. Rompant avec les vieux réflexes, la Liste unie affirme vouloir intégrer le jeu démocratique. Fort de ses 13 mandats qui en font la troisième
force au parlement, le chef de ce parti, Ayman Oudeh, revendique le rôle de chef de l’opposition au cas où les deux grands s’unissent dans une grande coalition. Or, le chef de l’opposition
bénéficie d’un statut officiel. Il faut donc imaginer cette incongruité : un politicien arabe doté d’une voiture blindée, gardé par des agents du Shin Beth, prenant la parole à la Knesset
immédiatement après le Premier ministre, rencontrant régulièrement ce dernier, recueillant de droit les secrets les mieux gardés de l’Etat, recevant les dignitaires étrangers… Incongruité ?
Non, une belle victoire de la démocratie israélienne.
2. La gauche. En refusant de s’allier avec le Meretz dans une formation large des forces de gauche et faisant alliance avec Gesher, un petit parti de droite,
mais au profil « social », Amir Peretz, le chef des Travaillistes, s’imaginait être en mesure de mordre sur la droite supposément modérée de la périphérie. Mauvais calcul : six
sièges, soit autant qu’en avril. Le Meretz, lui, s’est élargi au petit parti fondé pour l’occasion par Ehoud Barak et à des transfuges du Parti travailliste, mais, avec cinq misérables sièges, il
a franchi péniblement le seuil électoral. Ainsi, l’ensemble de la gauche sioniste pèse désormais 11% du corps électoral.
3. La droite extrême. Ses résultats ne sont pas bien reluisants non plus. Les fascistes d’Otzma Yehoudit sont restés en deçà du seuil électoral et donc en
dehors de la Knesset. Et, malgré l’aura de Ayelet Shaked, la flamboyante ex-ministre de la Justice, Yamina, son regroupement de sionistes religieux extrémistes, a récolté seulement sept sièges.
C’est beaucoup pour la démocratie israélienne, mais bien peu pour fomenter une révolution.
4. Liberman. Avec huit sièges, en doublant presque sa représentation par rapport au premier round d’avril, le chef de Isral Beitenou est plus que jamais le
faiseur de roi. Sans lui, Netanyahou n’a pas de gouvernement, du moins pas le gouvernement avec ses partenaires « naturels » qu’il voulait. Or, Liberman entend toujours imposer son
union nationale séculière, sans les orthodoxes de toute obédience donc. S’il tient bon, c’est la formule vers laquelle, volens nolens, on se dirige.
5. Netanyahou. C’est le grand perdant de cette double séquence électorale dont l’unique objet aura été de le mettre à l’abri des poursuites judiciaires. Comme
on sait, le plan consistait à obtenir une majorité à sa botte, d’en obtenir l’immunité, puis de faire une loi dite de « contournement » qui aurait privé la Cour suprême de la capacité à
invalider la décision de la Knesset de le soustraire à la justice. A moins qu’il réussisse à retourner au moins six députés du camp d’en face, ce qui semble tout de même peu probable, ce plan est
désormais compromis. Début octobre débutera la procédure d’audition de ses avocats, pour une inculpation prévue avant la fin de l’année. Le temps joue contre Netanyahou.
6. L’union nationale. Dans la situation qui est la nôtre, c’est la pire des solutions à l’exclusion de toutes les autres. Les grandes coalitions sont presque
toujours des formules d’immobilisme politique. En l’occurrence, la paralysie est garantie. Le Premier ministre putatif, Benny Gantz, un novice dépourvu de charisme, est le chef d’un parti fait de
bric et de broc qui va du centre mou à la droite dure, et dont les ténors vont nécessairement tirer à hue et à dia. Ses deux partenaires (Likoud et Israel Beitenou) sont de droite, voire
d’extrême droite. Le sort de Netanyahou est loin d’être réglé, et l’on peut compter sur lui et ses partisans les plus fanatiques pour agiter l’opinion.
Cela dit, on ne demande pas la lune, ni même de régler le problème palestinien. Il s'agit plus modestement de calmer les nerfs d’une nation hystérisée par
un politicien frénétique et immoral, d’assainir l’atmosphère empoisonnée qu’il aura, lui et sa famille, léguée au pays, et d’y affermir quelque peu les ressorts de la démocratie libérale. De
cela, Benny Gantz, homme intègre, est parfaitement capable. Mais l’union nationale, à laquelle le président Rivlin a poussé de toutes ses forces, a du plomb dans l’aile. Face au blocage, il a
chargé Netanyahou de former le gouvernement. Mission arithmétiquement impossible. Alors, il est probable que le pays se dirige vers une troisième séquence électorale en un an. D’ici là,
Netanyahou restera à son poste…
Pendant que les Israéliens contemplent, hypnotisés, les contorsions d’un personnage de roman, ou de cirque, comme l’on voudra, il se passe dans le Golfe des
choses qui devraient les préoccuper au moins autant."
Elie Barnavi, ancien ambassadeur d'Israël en France.
07 octobre 2019.
>Y-a-t-il un début à tout ?Pas à la lutte contre l'antisémitisme à Bruxelles !
ANTISÉMITISME
: LE TEMPS PRESSE !
Joël Kotek
L’antisémitisme est depuis toujours en Belgique une non-question, un angle mort. Le sujet ne divise pas, il est tout simplement occulté. Pour
preuve, l’accord régional de gouvernement PS, Ecolo et Défi conclu en juillet 2019 qui n’a pas jugé opportun de citer l’antisémitisme parmi les maux spécifiques bruxellois à la différence de la
stigmatisation à laquelle peut conduire le rappel des attentats islamistes (sic). Nos hommes politiques bruxellois ignorent-ils qu’à ce jour, seuls les lieux spécifiquement juifs -y
compris les crèches et les mouvements de jeunesse- sont l’objet d’une surveillance militaire quotidienne ?
Ce déni du réel touche aussi les médias et les institutions universitaires, et ce, quand bien même les sciences sociales se trouvent concernées
au premier chef par le racis-me, sous toutes ses formes. A l’exception du Vif et de quelques blogueurs fous (« fous » au sens où les antisémites n’hésitent plus à porter
plainte contre ces lanceurs d’alerte !), la presse se refuse de son côté à tout exercice de décryptage et de déconstruction, dès qu’il s’agit d’antisémitisme.
Einstein antisioniste ? Gainsbourg indifférent à ses racines juives ? Tsahal dépeceur de cadavres palestiniens ? Gaza équivalent à
Auschwitz ? Ben voyons ! Tout devient acceptable sous prétexte d’une soi-disant critique de la politique israélienne. Ces hommes et ces femmes qui fabriquent jour après jour l’opinion
publique ne savent-ils pas que la haine des Juifs n’est que le révélateur de l’état général d’une société. Car, si tout commence avec la stigmatisation des Juifs, tout finit par retomber sur
l’ensemble des citoyens. La Seconde Guerre mondiale qui anéantit la judaïcité européenne se solda par la mort de quelque 50 millions d’Européens, toutes religions confondues. Nos médias seraient
donc bien avisés de tenir la chronique de ces petits faits, de ces petits mots, de ces attitudes qui jour après jour revisitent l’antisémitisme d’avant la Shoah et qui annoncent, peut-être, de
nouvelles catastrophes qui nous concerneront tous.
Comment ne pas s’effrayer de l'ouvrage de cette ancienne candidate du CDH qui accrédite le mythe des hosties profanées de Bruxelles de 1370. Comment
interpréter le silence de nos médias, de notre Eglise, de notre Consistoire israélite de Belgique face à la monstration d’un mythe qui, tout absurde qu’il fut, conduisit au bûcher une vingtaine
de Juifs préalablement torturés et à l’expulsion des Juifs du Brabant, évidemment après confiscation de leurs biens.
Qu’attend donc le Président du Consistoire, dont les liens avec l’Episcopat sont connus de tous, pour exiger la condamnation ferme et définitive de
Mme Hargot-Deltrente qui se défend évidemment d’être antisémite et ce, de bien sotte manière. Comme le rapporte Marcel Sel à qui nous devons ce scoop, notre Dame n’a pas hésité à adopter, en
réponse à ses détracteurs, une ligne de défense pour le moins curieuse puisqu’elle en vient à accuser les Juifs de crimes anti-chrétiens. « Halte à cette auto-flagellation. Pourquoi ne pas
évoquer tout le bien fait aux juifs et dit des/aux juifs par l’Eglise et ses fidèles, même avant le concile ? Quid des persécutions juives contre des chrétiens ? Quid des attaques de juifs contre
des processions du Saint-Sacrement et des crucifix historiquement attestées au Moyen-Age ? » On croit rêver, sauf qu’on ne rêve pas.
Nous sommes bien en 2019 dans une Belgique qui ne craint plus de stigmatiser les Juifs et pas seulement du côté de la bonne vieille droite
conservatrice. A gauche (?) aussi, des intellectuels (?) se parent de la critique d’Israël pour mieux moquer les Juifs, leur prétendue Terre promise et leur physique repoussant. C’est ainsi qu’un
certain Dimitri Verhulst en est venu à dénoncer cet été dans une tribune confiée au Morgen, les soi-disant « chouchous de Dieu », Moïse, et le nez de Gainsbourg non sans en
appeler, pour conjurer à l’avance les critiques, à Hitler. Je le cite : « Je deviens même une moitié d’Hitler quand je reste ahuri suite aux berceuses que les dirigeants mondiaux se
chantent les uns aux autres, alors que, ces 17 dernières années, quelque 10.000 Palestiniens ont été assassinés. Les balles israéliennes ne connaissent pas les dix
commandements ».
La détestation des Juifs ne connaît aucune limite en Flandre. Elle est sans complexe, sans retenue ; retour de refoulé (collaborationniste)
oblige. Et si l’on s’offusque en Flandre, c’est que l’on puisse considérer comme antisémite de se moquer du physique des Juifs (Verhulst), de les associer à la laideur de l’argent (Carnaval
d’Alost), de comparer la Gaza à la Shoah (Ducal), de faire des sionistes les responsables de la crise migratoire (De Kauter), de participer à un concours de caricatures négationnistes
(Descheemaeker), d’accuser les Israéliens de pratiquer des infanticides ciblées (Vanderbeeken). A chaque fois, comme l’affaire Verhulst, nos amis flamands se parent de leur plus belle
vertu : « Il est clair que nous ne considérons pas le texte comme antisémite (…) L’antisémitisme est une allégation très sérieuse, qui, à notre avis, est utilisée trop facilement
dans ce cas-ci, pour faire taire le débat sur les politiques israéliennes », a répondu Bart Eeckhout, rédacteur en chef du Morgen. Ben voyons. « Jean XXIII, Emile Vandervelde,
réveillez-vous, ils sont devenus fous ! »
Joël Kotek, Directeur de publication du magazine Regards, professeur d'histoire, Université Libre de Bruxelles.
21 septembre 2019.
>Exodus versus Aquarius, l'Europe de la honte !
L'Aquarius vient de voir son pavillon dégradé, le privant de toute possibilité d'intervention humanitaire
!
La dégradation de son pavillon par le Panama
sonne le glas pour ce bateau de toute opération. J'ai soutenu sa campagne de sauvetage en mer. L'Aquarius est l'honneur de l'Europe. Mais sa présence quasi permanente sur zone constitue un
encouragement aux mafias de passeurs pour organiser leur sale business, aux migrants pour s'engager en Méditerranée et prendre tous les risques. On ne peut nier un appel d'air, espérons-le
involontaire, prétexte idéal pour les nationalistes et populistes de répandre leur fiel et d'inciter les peuples européens à se ranger sous leur sinistre bannière. La montée des partis d'extrême
droite en Europe est suffisamment inquiétante pour prendre ce problème sans se voiler la face, de manière coordonnée et solidaire au sein de l'Union européenne. Cette dégradation signe la faillite de la politique migratoire
de l'Europe. Une de plus, hélas ! 24 septembre 2018.
On pourrait dire que tout finit par là. Il ne serait pas stupide de dire aussi que tout commence par
là. 11 juillet 1947, le "President Warfield" quitte le port de Sète, en France, et met le cap officiellement sur la Colombie. 4500 personnes sont à bord. Il s'agit de rescapés juifs de la Shoah
qui, en réalité, veulent rejoindre la Palestine britannique pour y vivre et y contribuer à fonder le foyer que la déclaration Balfour leur a promis le 2 novembre 1917: "Le gouvernement de Sa
Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour les Juifs et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif". Arthur Balfour,
Foreign Secretary. La marinebritannique arraisonnele navire,
l'immobilise dans le port d'Haïfa et lui ordonne de faire demi-tour et de rejoindre un port d'Allemagne ... Le cynisme et la cruauté de Londres sont
sidérants et scandalisentlacommunauté internationale. Le
"President Warfield" est rebaptisé Exodus, référence directe au sort du peuple juif depuis plus de 3000 ans. Cet épisode favorisera grandement le vote aux Nations-Unies, le 29 novembre de la même
année, du plan de partage de la Palestine entre un Etat juif et un Etatarabe. Le premier fut crée le 14 mai 1948, le second jamais; les pays arabes refusant
celui-ci, carconditionné à celui-là. On connait la suite ... Le 11 juin 2018, 629 migrants venus d'Afrique, réduits à l'esclavage en Libye, dont 123 mineurs isolés, 11 enfants en bas âge et 7 femmes enceintes, ont été bloqués en Méditerranée, non loin des côtes maltaise et italienne. Ayant fait
naufrage, ils ont été sauvés par le navire Aquarius, appartenant à l'ONG SOS Méditerranée, qui, jusque-là, était chargée par le gouvernement italien, coordonnateur pour l'Union européenne, de
récupérer en mer lesmigrants en danger de
mort. Le navire devait accoster dans le port sicilien de Messine. Le nouveau gouvernement italien, populiste et d'extrême droite, du premier ministre, Giuseppe Conte, par la voix de son ministre
de l'intérieur, Matteo Salvini, chef de file du parti extrémiste et raciste de La Ligue du Nord, a fait savoir qu'il n'autoriserait pas L'Aquarius a jeter l'ancre sur son territoire. Rome
considère que l'Europe et les gouvernements européens n'ont rien fait pour aider l'Italie à gérer au mieux l'afflux massif de réfugiés sur son sol. On ne peut pas lui donner tort, non pas
sur le refus d'accueillir en urgence des centaines de migrants en perdition, mais sur le renvoi légitime à l'expéditeur, l'Europe, de la responsabilité d'une situation dramatique, devenue
ingérable par la seule Italie. L'absence desolidarité au sein de l'Union européenne est criante et scandaleuse. Le nouveau gouvernement socialiste espagnol de
Pedro Sanchez, honneur de l'Europe, a proposé d'accueillir L'Aquarius pour raison humanitaire. Le port de Valence devrait être l'hôte du navire. Leproblèmeest que le bateaufrançais se trouve à près de 1500 km des côtes ibériques. Plus fondamentalement, sans minimiser ce qui se passe,
on est abasourdi par le mutisme des grands pays européens, à commencer par la France d'Emmanuel Macron et l'Allemagne d'Angela Merkel,
bien quecette dernière a fait le job en matière d'intégration migratoire, sans oublier ceux qui se cachent derrière
leur doigt de déshonneur, comme la Belgique de Charles Michel et de Bart de Wever. Chacun le sait, la crise migratoire n'en est qu'à ses débuts. Elle est en soi un incipit. En Méditerranée, il y
aura encore beaucoup d'autres embarcations prêtes à chavirer à tout instant en provenance des côtes nord-africaines. Si rien n'est fait pour permettre à l'Afrique de se développer économiquement
et socialement, il faut craindre dans les années à venir, non pas des milliers, ni des dizaines ou des centaines de milliers de migrants, mais des millions de demandeursd'asile, qui, à défaut d'une existence décente et supportable chez eux, entreront en Europe sans crier gare, défonçant toutes les portes et verrous installés en vain à nos
frontières. La coopération internationale actuelle profite davantage aux clans des gouvernements africains en place, à leurs réseaux corrompus, ainsi qu'aux Européens, plus largement aux
Occidentaux, mais aussi aux Chinois, qui, à travers leurs nombreux programmes multilatéraux et bilatéraux, encouragent en réalité une armée de coopérants et d'experts en tous genres à pérenniser,
non pas les projets des "partenaires", mais leurs propres interventions, plutôt que de permettre aux peuples du continent noir, dont tous lesspécialistes
annoncent, avant la fin du siècle, une explosion démographique sans précédent, d'accéder à une relative autonomie économique et à une réelle liberté démocratique. Du côté de la Commission
européenne, on rappelle, pour la forme - car sans effet réel sur la majorité des Etats de l'Union - les principes de la Convention européenne des droits de l'Homme. Oui, le drame de l'Aquarius
m'a rappelé celui de l'Exodus. Les contextes historiques sont évidemment bien différents. Mais ce qui rapproche la situation des Juifs européens venus chercher en Palestine une terre, pour les
uns promise, pour les autres de survie, après tant de siècles de persécution, et les migrants africains, qui fuient la guerre, la famine, la
sécheresse et le réchauffement climatique, c'est précisément l'état de détresse absolue et de danger de mort de ces populations. Quand on est juif, on ne peut pas oublier ce que signifie qu'être
réfugié, migrant et parias des nations. En attendant que l'Europe veuille bien sortir desa zone de confort, par le report constant sur autrui et ailleurs de
ses propres responsabilités, il nous appartient de répondre présent face à une catastrophe annoncée. Ici comme dans d'autres domaines, par exemple, les rapports avec les Etats-Unis, la Chine ou
la Russie, l'Union européenne manque de visionstratégique. Quelles sont les solutions et dispositifs structurels qu'elle propose ? A
part l'ambitieux projet européen du président français, qui semble bien seul à se préoccuper de l'avenir de l'Europe, c'est un balbutiement embarrassé, un bruit de fond inaudible, voire un
silence assourdissant, qui tiennent lieu de politique européenne. En attendant, il y a aujourd'hui, en Méditerranée, une situation intolérable d'urgence. Il faut secourir et aider immédiatement
ces "damnés de la terre". Sans quoi, l'Europe d'Aristote, de Montesquieu et de Schuman, que nous chérissons parce qu'elle nous a construits en tant que
citoyens et démocrates, façonnés culturellement et protégés de la guerre, aura vécu, morte de sa lâcheté et de honte. Le 12 juin 2018.
Quelles seront les nouvelles trompettes de Jéricho ?
1er septembre 2018.
>Est-ce le commencement d'une prise de conscience ou un renoncement ?
Ce matin, sur les ondes de France Inter, Nicolas Hulot, ministre d'Etat et ministre de la Transition écologique et solidaire du
gouvernement français d'Edouard Philippe, en direct et sans que le président et le premier ministre n'en soient préalablement informés, ainsi que ses proches et collaborateurs, a annoncé qu'il
démissionnait de sa charge ministérielle. "Je ne peux plus me mentir", a-t-il déclaré. Face à l'urgence climatique et écologique, l'homme qui avait permis à Emmanuel Macron de colorer quelque peu
de vert son gouvernement ne peut plus se satisfaire de la politique des petits pas. Malgré l'amitié qu'il porte au chef de l'Etat, au chef du gouvernement et à l'équipe gouvernementale, il dit
qu'ils n'ont pas pris, que nous n'avons pas pris collectivement la réelle mesure des défis posés à l'humanité et de l'absolue nécessité de changer de paradigme culturel et politique. Le modèle
socio-économique sur lequel est fondé le développement de nos sociétés modernes est périmé, incapable de répondre à la crise climatique ainsi qu'aux menaces existentielles qui pèsent sur la
biodiversité. Les lobbys industriels et clientélistes sont omniprésents et exercent sur les responsables politiques, majorité et opposition confondues, des pressions telles qu'aucune avancée
structurelle majeure n'a été possible en matière de respect de l'environnement. Ces agents d'influence d'intérêts privés avancent parfois ouvertement, avec un certain aplomb, comme Thierry
Coste, lobbyeur au service des chasseurs, d'autres, installés dans des structures peu identifiables, de manière masquée et peu
transparente. Que ce soit sur le nucléaire, le glyphosate et les pesticides, le modèle d'agriculture, la réintroduction du loup et de l'ours, la
protection animale, la chasse, qui, pas plus tard qu'hier, s'est vue octroyer de nouveaux avantages douteux,
la lutte contre la pollution et, bien évidemment, le réchauffement climatique, même si, ces dernières années, on peut noter quelques progrès, malheureusement insuffisants, Nicolas Hulot juge sévèrement le bilan écologique du gouvernement auquel il a appartenu
pendant quinze mois. C'est pour lui une déception et un échec, dont il n'hésite pas à dire qu'il en prend
toute sa part: "Je n'ai peut-être pas été à la hauteur." Voilà un honnête homme qui tourne le dos au cynisme habituel du monde politique et à sa langue de bois mortifère. Le départ de ce
militant, engagé depuis longtemps dans la cause du développement durable, est regrettable et compréhensible. Regrettable, car sa démission va peut-être affaiblir l'objet de son combat.
Compréhensible, parce que la cohérence de sa décision n'est nullement alimentée par des calculspoliticiens, mais par des considérations éthiques, ontologiques et politiques, dans le sens de la défense de valeurs qui dépassent
largement les intérêts partisans. Il s'agit d'un tournant dans le quinquennat d'Emmanuel Macron. Peut-on espérer que ce choix intime et courageux soit
le début d'une prise de conscience partagée, loin des petits jeux minables et de toute récupération, et non d'un découragement et d'un renoncement ! Il est vrai que l'espoir fait vivre. Le 28
août 2018.
>Est-ce le début de la fin pour une Eglise malade ?
De retour de son voyage pontifical en Irlande, où il a dû affronter, une fois de plus, le scandale de la pédophilie au sein de son Eglise, dans l'avion qui
le ramenait à Rome, est-ce la conséquence des accusations de passivité dont il a été l'objet, le Pape François a déclaré, comme recommandation aux parents à propos de l'homosexualité: "Quand cela
se manifeste dès l'enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. C'est autre chose quand cela se manifeste après vingt ans". Cette sortie
médiatique est inquiétante, à l'opposé, faut-il le rappeler, d'une autre de ses expressions publiques sur le même sujet, de retour de Rio, toujours dans un avion, le 29 juillet 2013: "Si une
personne est gay, qui suis-je pour juger ?". Il avait même développé la réflexion sur la tolérance dans un essai intitulé précisément, "Qui suis-je pour juger ?", chez Michel Lafon, pour
l'édition en français. Jusqu'alors, l'homme était apprécié pour sa liberté de parole et ses combats contre la curie romaine et la mafia. Même si, il n'a jamais souhaité remettre en question la
doctrine d'une Eglise pourtant en grande difficulté, ses prises de position courageuses représentaient autant de signes d'ouverture vers une modernité sociétale bien comprise. Mais là, d'une part, en supposant couvrir les pratiques pédophiles d'un évêque américain - voir les graves accusations de l'archevêque conservateur, Carlo Maria
Vigano, ancien Nonce apostolique à Washington - et d'autre part, en rangeant ce qui n'est qu'une
orientation sexuelle, et non un dérèglement psychologique, dans la catégorie des maladies, voilà qu'il
détruit, d'un seul coup et d'un seul, tout le capital de sympathie qu'il avait acquis parmi les fidèles catholiques et les croyants des autres religions les plus éclairés et, au-delà, des
laïques sans confession. Faut-il rafraichir la mémoire de François en lui rappelant que depuis 1973, aux Etats-Unis, 1992, en France, l'homosexualité n'est plus considérée comme
une maladie, au même titre que la schizophrénie ou la dépression ? L'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS), le 17 mai 1990, a retiré l'homosexualité de la liste des pathologies. Il y a longtemps, en Grèce antique, que l'homosexualité n'était pas
comprise comme une erreur de la nature, pas plus qu'une déviance mentale. Le Pape semble touché par le grave problème de la pédophilie au sein de son institution. L'est-il par la pratique
elle-même, en totale contradiction avec les valeurs que Rome est sensée porter et défendre ou l'est-il parce que le scandale a été révélé au grand jour ? A l'heure qu'il est, je ne suis pas sûr
de la réponse, tant les actes plus que les paroles ont manqué à l'égard des victimes, de la justice et de l'opinion publique mondiale. Autre question, sa déclaration inconsidérée sur
l'homosexualité est-elle liée dans son esprit, sans doute fatigué, à la pédophilie ? Cette analogie écoeurante, qui n'est peut-être pas la sienne, est faite et assumée par les milieux les plus conservateurs de la société, de l'extrême droite et droite extrême catholique
ou non aux moralistes de tous bords croyants ou non. Il serait très problématique que ce rapprochement idéologique et dogmatique soit le fait d'un chef d'Eglise qui compte près d'1 milliard 300
millions de fidèles dans le monde. Ce ne sont pas les homosexuels qu'il faut soigner, mais les trop nombreux prêtres et évêques pédophiles qui ont détruit et détruisent des vies et qui salissent
tout ce que le véritable humanisme a de meilleur. Est-ce le début de la fin pour une Eglise malade ? Le 27 août 2018.
>Pape François, arrêtez le massacre !
Après le scandale de pédophilie qui vient de mettre en cause l’Eglise catholique de Pennsylvanie, l’écrivaine canadienne, Nancy Huston, dans une tribune que publie
« Le Monde », demande au souverain pontife de mettre fin au dogme du célibat des prêtres.
L'Eglise catholique, plus que toute autre, est malade d'une sexualité rentrée. Tant de siècles à culpabiliser le sexe a
forcément produit énormément de tension affective et physique au sein de la maison. Depuis des années, un peu partout dans le monde, ce ne sont pas quelques cas d'abus sexuel dont il s'agit, mais
de dizaines de milliers, aux Etats-Unis, au Chili, en Australie, en Irlande, en Italie, en France, en Belgique ... Les prêtres et les évêques ont foulé au pied toutes les valeurs chrétiennes,
toutes les valeurs humanistes et tous les principes de droit. Le Vatican a réagi mollement, pour ne pas dire indifféremment. La supplique, l'injonction de Nancy Huston est un appel de détresse
pour les nombreuses victimes innocentes, qui ont vu leur vie détruite pour le bon plaisir déviant des clercs. A
quand le début d'un commencement d'une réelle prise de conscience qui doit conduire l'Eglise romaine à prendre des mesures juridiques, doctrinales, canoniques pour faire cesser ce scandale
planétaire ? Les paroles éplorées ne suffisent plus, des actes !
"Cher François,
Je vous écris un 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge, ayant appris ce matin à mon réveil, en écoutant la
radio, le nouveau scandale de pédophilie qui, en Pennsylvanie cette fois, vient « éclabousser » l’Eglise catholique : sur une période de soixante-dix ans,
1 000 enfants abusés ou violés par des prêtres et, compte tenu de la célérité des intéressés à escamoter les preuves et de la honte des victimes à témoigner, on peut être certains que
ce chiffre est encore inférieur à la vérité. Pour nombreux qu’ils soient, les cas connus ne constituent sûrement que la pointe de l’iceberg.
Comme moi, comme d’autres, vous devez être frappé par la ressemblance entre cette salve de
révélations « scandaleuses » et une autre, qui défraie l’actualité depuis bientôt un an : celle des témoignages #metoo sur le harcèlement sexuel. Ici et là, même
propension des hommes à profiter de leur pouvoir pour satisfaire leurs besoins sexuels.
Si l’on mettait à la disposition des enfants du monde entier un site Internet sur lequel ils pourraient déposer leur
plainte en toute impunité, ce « balancetonpretre » provoquerait à coup sûr un tsunami mondial qui, par sa violence et son volume, dépasserait j’en suis certaine celui
de « balancetonporc ». Seraient encore reléguées au silence, il est vrai, les nombreuses victimes qui, en raison de leur jeune âge (18 mois, exemple entendu ce matin) ou
de leur misère (d’innombrables enfants du tiers-monde, illettrés et/ou non connectés) n’auraient pas accès au site.
Bien entendu, la dénonciation ne suffit pas. On peut s’égosiller jusqu’à en perdre la voix, si l’on ne change pas les
données qui « engendrent » ces gestes intempestifs, ils continueront à se produire. Pour les harceleurs de tout poil, il serait de la toute première importance de chercher les causes de
leur passage à l’acte machiste. Pour les prêtres catholiques, en revanche, point n’est besoin de chercher. La raison est là, évidente, flagrante commele nez au milieu du
visage.
François, c’est un massacre
Pourquoi s’en prennent-ils de façon si prépondérante aux enfants et aux adolescents ? Non parce qu’ils sont
pédophiles – la proportion de vrais pédophiles parmi les prêtres est sûrement aussi minuscule que dans la population générale – mais parce qu’ils ont peur, et que les plus jeunes sont les
plus faibles, les plus vulnérables, les plus faciles à intimider, les moins aptes donc à les dénoncer.
S’ils abordaient avec leur sexe tumescent – ce pauvre sexe nié, perpétuellement réprimé – des adultes de leur
paroisse, ou s’ils allaient rendre visite aux travailleurs et travailleuses du sexe, ils seraient « pris »tout de suite. Avec les enfants, ça peut durer des années… des décennies.
On prend les nouveaux enfants de chœur… On prend les fillettes qui viennent de faire leur première communion… On prend cette toute jeune femme, dans le secret du confessionnal… ce tout jeune
homme, pendant les vacances en colonie… On a sur elle, sur lui, sur eux, une ascendance, un pouvoir plus qu’humain, quasi divin… Et l’année d’après, on recommence, avec les mêmes ou d’autres…
François, ce n’est pas un sacre, c’est un massacre.
A moins de se dire que seuls les pédophiles et des pervers sont intéressés par le sacerdoce chrétien, le problème n’est ni
la pédophilie ni la perversion. Il faut abandonner ces clichés une fois pour toutes. Le problème, c’est que l’on demande à des individus normaux une chose anormale. C’est l’Eglise qui
est « perverse » dans son refus de reconnaître l’importance de la sexualité et les conséquences désastreuses de son refoulement.
Il est bien connu que Jésus n’a rien dit à ce sujet
Ces dernières décennies, nous autres, pays chrétiens, ou Etats laïques issus du christianisme, avons pris l’habitude de
dénoncer les coutumes d’autres cultures que nous considérons comme barbares ou injustes : je pense notamment à l’excision ou au port de la burqâ. A ceux qui les pratiquent, nous aimons à
faire remarquer que nulle part dans le Coran (par exemple) il n’est stipulé que l’on doit couper leur clitoris aux petites filles ou couvrir le visage des femmes, que ces pratiques ont commencé
pour des raisons précises, à un moment précis de l’Histoire, afin d’aider les sociétés à mieux organiser les mariages et gérer la distribution des richesses. Les jugeant foncièrement
incompatibles avec les valeurs universelles (liberté, égalité, fraternité) et les droits de l’individu - notamment le droit à l’intégrité corporelle, nous nous estimons en droit de les interdire
sous nos latitudes.
Or, ceux qui les pratiquent les considèrent comme irréfragables, constitutives de leur identité… de la même manière
exactement que l’Eglise catholique considère le dogme du célibat des prêtres ! N’entrons pas, ici, dans le débat byzantin des raisons plus ou moins avouables pour lesquelles, après la
scission des deux Eglises, orientale et latine, celle-ci a tenu à se distinguer de celle-là en rendant obligatoire le célibat de ses officiants. Il est bien connu que Jésus n’a rien dit à ce
sujet. Si lui-même n’a pas pris femme, il y avait parmi ses apôtres des hommes mariés et, à d’autres époques et sous d’autres formes, le christianisme a autorisé ses prêtres à se marier. Il
l’autorise encore. Le dogme du célibat ne remonte qu’au Moyen Age, un grand millier d’années après la mort du Christ.
Le rôle de l’Eglise est de protéger les faibles
Ce qu’il s’agit de souligner c’est que ce dogme, qui fait largement autant de dégâts que l’excision ou que la burqâ, est
lui aussi le résultat d’une certaine évolution historique. Cela veut dire qu’elle peut être annulée par une autre décision historique, décision que vous seul, cher François, êtes en mesure de
prendre. Oui, vous seul avez la possibilité de lever l’injonction au célibat sous toutes les latitudes, protégeant ainsi d’innombrables enfants, adolescents, hommes et femmes à travers
le monde.
La preuve a été refaite et refaite. Le célibat obligatoire des prêtres ne marche pas. La plupart des prêtres ne sont pas
chastes. Ils n’arrivent pas à l’être. Il faut en prendre acte et enterrer une fois pour toutes ce dogme inique. Il est criminel de tergiverser alors que, partout où il sévit, le massacre
continue. Vous le savez, François ; nous le savons tous. Le rôle de l’Église est de protéger non les forts mais les faibles, non les coupables mais les innocents. « Et Jésus
dit : Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Matthieu 19:14). Depuis mille ans,
combien de millions d’enfants ont été détournés de l’Église, dégoûtés de l’Eglise, empêchés de venir à Jésus, en raison de ce traumatisme ?
Alors, dites STOP, François. En tant qu’autorité suprême de l’Eglise catholique, ce serait de loin l’acte le plus important, le
plus courageux et le plus chrétien de tout votre mandat. Vous ne le feriez pas pour votre gloire personnelle… et pourtant, cela ne fait pas de doute, cette décision vous apporterait une
gloire immense. Pendant des siècles, les prêtres et leurs ouailles vous remercieraient de votre prescience, de votre humanité, de votre mansuétude.
Ayez ce courage, je vous en conjure. Le moment est venu. L’Église doit cesser de cautionner (et donc de perpétuer,
c’est-à-dire de perpétrer) des crimes qui, à travers le monde et les âges, ont bousillé des vies sans nombre. Dites BASTA, François.
Et si vous ne le faites pas, de grâce… expliquez-nous au moins pour quelles raisons vous ne voulez pas le
faire."
Nancy Huston, "Le Monde", le 20 août 2018.
>Il faudrait un début à une politique migratoire européenne coordonnée !
"A 73 ans, Daniel Cohn-Bendit continue à se battre pour une politique « équilibrée » d’accueil des réfugiés en Europe.
Proche du président de la République Emmanuel Macron, l’ex-député européen franco-allemand souhaite la fin du règlement de Dublin et épingle la politique du ministre de l’intérieur, Gérard
Collomb.
Malte a finalement accepté de laisser accoster l’« Aquarius », après des heures de tergiversations entre les capitales
européennes. Que vous inspire cette situation ?
J’étais favorable à ce que l’Aquarius débarque dans un port français. Si une telle situation se reproduit, il faut d’abord
que le gouvernement français accueille. Ensuite, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et les institutions d’accueil des autres pays européens doivent faire leur
travail, pour démontrer la capacité de coopération européenne.
Comment se fait-il que le même phénomène se répète ?
Tous les pays ont un problème avec les migrants. La majorité des populations est très sceptique. Quand le premier ministre
espagnol, Pedro Sanchez, accueille un premier bateau, puis un autre, au bout du troisième, ça coince. Le problème vient du fait que l’Europe n’a pas de stratégie sur cette
question.
Que préconisez-vous ?
Une agence européenne des réfugiés avec un budget conséquent qui pourrait organiser l’aiguillage des nouveaux arrivants. Je
préconise aussi l’organisation d’une conférence internationale par l’Union européenne (UE), sous l’égide des Nations unies (ONU), sur le sauvetage en mer pour réunir les ONG et
Frontex [l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures], qui ne se parlent pas.
Il faut également des centres d’accueil au début du parcours des migrants, à l’image de ce que l’Ofpra a mis en place au
Niger, pour éviter que ceux-ci n’aient à passer par la Libye. Il y a donc une multiplicité de stratégies complexes à mettre en place mais ni l’UE ni l’ONU n’ont la force de le
faire.
Certains gouvernements, comme celui de l’Italie, sont-ils en partie responsables de cette apathie ?
La position [du ministre italien de l’intérieur] Matteo Salvini repose sur quelque chose de juste – pas son racisme bien
sûr ! – : on a laissé l’Italie seule pendant trop d’années. On paie les pots cassés de dix ans d’absurdité. Le règlement de Dublin [qui délègue l’examen de la demande d’asile d’un
migrant au premier pays qui l’a accueilli] ne fonctionne pas. Mais il n’y a pas de solution toute faite. Les réfugiés sont des victimes. Il faut les aider en sachant que tout peut
arriver : le meilleur comme l’exécrable.
Qu’attendez-vous d’Emmanuel Macron ?
Le gouvernement et le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, auraient dû gérer l’accueil de l’Aquarius. Ce n’est pas au
président de la République – qui a bien droit à quelques jours de vacances – de tout faire et de parler tout le temps. Le gouvernement doit garder un équilibre entre rigueur d’un côté, souci
humanitaire de l’autre, comme pendant la campagne présidentielle. Or, la politique du ministre de l’intérieur ne va pas dans ce sens.
Que voulez-vous dire ?
Dans son langage, Gérard Collomb a dérapé à plusieurs reprises. Par exemple, quand il parle de « submersion ». Le projet
de loi asile et immigration aurait pu être l’occasion d’élargir les motifs d’accueil, d’y ajouter le motif humanitaire. Si des femmes violées ont traversé la Libye, elles doivent pouvoir
bénéficier du statut de réfugié.
Le chef de l’Etat est très discret sur la question des migrations…
Parce qu’il sait que c’est plus facile à dire qu’à faire. Il est isolé sur la scène européenne, notamment à cause de l’Allemagne.
Le moment est venu d’enterrer « Dublin ». Emmanuel Macron pourrait aller plus loin mais il dépend de la chancelière Angela Merkel qui est affaiblie.
Qu’attendez-vous concrètement d’Emmanuel Macron ?
Il essaie de démontrer qu’on a besoin d’une coopération entre pays. Quarante-sept réfugiés de l’Aquarius qui avaient été
débarqués dans le port de Valence (Espagne) sont allés à Lille : on s’est passé du règlement de Dublin et c’est une très bonne chose. Je suis pour que l’on poursuive ce processus et
j’attends de M. Macron qu’il l’accélère.
Comment vivez-vous personnellement cette situation ?
J’ai été adjoint au maire de Francfort chargé de l’immigration dans les années 1980 ; cela fait vingt ans que cela me fait
mal de voir que les pays européens ne sont pas capables de se coordonner. Ils ont trouvé la parade que j’ai toujours jugée ignoble avec le règlement de Dublin pour tout laisser reposer sur
l’Italie et l’Espagne.
Cette situation en apparence inextricable peut-elle se dénouer ?
Il ne faut pas être naïf. Si, politique-fiction, la Turquie s’allie avec Poutine et sort de l’OTAN, ce sont trois millions de
réfugiés syriens qui pourraient venir chez vous ; on sera très loin de l’Aquarius. Il faut donc se préparer. Sans oublier la reconstruction de la Syrie, mais, là encore, c’est extrêmement
difficile dans le cadre des institutions actuelles."
Le Monde, 15 août 2018.
>World Titanic Center ?
1912 / 2001, deux incipit. 89 ans séparent ces deux images. Elles se ressemblent et nous parlent de ce que
nous sommes.
J’ai la faiblessse de penser que l’histoire de l’humanité est jalonnée de symboles annonciateurs. Pourtant, je crois avant tout à la volonté des Hommes de
forger eux-mêmes leur destin. Mais il est arrivé plus d’une fois que le hasard et la nécessité se marient un temps pour le meilleur et le pire. Il en va ainsi de tous les siècles où des êtres
humains, des peuples, des Etats et des nations se sont confrontés aux défis de leur temps en y répondant avec les moyens disponibles, mais aussi grâce à d’improbables interventions. Je n’ai
jamais pu y voir un doigt céleste, un message d’un Dieu, envoyé aux atomes cosmiques que nous sommes. Trop raisonnable est mon cerveau. Je m’en suis souvent réjoui, en d’autres occasions, je l’ai
regretté. Car, je ne peux nier que l’irruption dans l’Histoire de personnages, de faits et de circonstances exceptionnels ont changé la face du monde. C’est évidemment le cas des grandes
invasions et guerres innombrables, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Ça l’est aussi dans le chef d’individus, souvent nés sous le signe du pouvoir, pas toujours, et capables d’en user avec
suffisamment de force et d’intensité pour faire de leur passage une légende, voire un mythe, heureux ou tragique, mais encore la trame de l’accouchement des âges.
Il en est ainsi de certains chefs militaires et conquérants. On peut citer Alexandre le Grand (356 av . JC – 323 av. JC) ; Hannibal (247 av. JC – 183
av. JC) ; Jules César (100 av. JC – 44 av. JC) ; Attila (395 – 453) ; Tamerlan (1336 – 1405) ; Jeanne d’Arc (1412 – 1431) ; Christophe Colomb (1451 – 1506) ;
Napoléon Bonaparte (1769 – 1821) ; Jéronimo (1829 – 1909) ; Hitler (1889 - 1945); Staline (1878 - 1953). D’autres encore. Il y eut également, dans le sillage de certains d’entre eux,
des figures emblématiques qui surent s’élever contre la tyrannie et qui expriment à eux seuls la résistance
et la liberté. Pour l’époque contemporaine, je ne citerai que le Général Charles de Gaulle, Winston Churchill et, dans un tout autre contexte, Nelson Mandela. Ils ont fait l’Histoire, ils ont
fait ce que nous sommes. Ce qui la détermine encore et toujours, qui l’inscrit dans le grand livre de la mémoire collective, c’est l’incroyable agencement des causes et des conséquences, malstrom
qui concoure, par hasard et par déterminisme, à une issue. Est-ce aussi simple ? Je ne saurai le dire, tant mes petites cogitations sont peu de choses dans l’extraordinaire complexité
dialectique entre les lois cosmiques, la nature et les êtres humains. Bien malin qui pourrait affirmer connaître le fin mot de l’histoire. En tout cas, pas moi. Mais qu’ai-je à perdre à
tenter de me tromper et de commettre des erreurs ? Ne suis-je pas un homme ?
Un fait me trouble et hante le songe de l’humanité depuis 106 ans : la décision du lieutenant William Murdoch, le 14 avril 1912, à 23 heures 40, de vouloir
éviter au Titanic le choc par tribord d’un iceberg. Question : cette décision est-t-elle née d’un dramatique concours de circonstances ou d’un dessein inévitable inscrit dès la construction
du « plus grand paquebot des mers » ? Après coup, les deux lectures me semblent légitimes, tant les contingences humaines, les conditions météorologiques couplées à
l’avènement d’un destin symbolique sont liés. Le Titanic est né à Belfast et fut lancé le 31 mai 1911. Pour son voyage inaugural, il partit de Southampton, le 10 avril 1912, via Cherbourg, et
n’atteignit jamais sa destination, New York. Comme chacun sait, il coula dans l’Atlantique Nord, au large de Terre-Neuve. 1500 passagers et membres d’équipage y laisseront la vie. 700 survivront,
sans plus jamais retrouver l’apaisement. Parmi ces personnes, de toutes nationalités, navigaient des membres de la grande bourgeoisie américaine et britannique, des couples de la classe moyenne
européenne et états-unienne ainsi que, dans les ponts inférieurs, de nombreuses familles de migrants européens venus chercher outre-atlantique l’espoir d’une vie meilleure. La plupart périront
dans le naufrage, contrairement à la majorité des femmes et des enfants du pont supérieur qui pourront être sauvés. Comme un microcosme de la société occidentale de ce début du XXème
siècle.
Un autre épisode me bouleverse et ne cesse de nous poursuivre : la décision, prise quelques mois plus tôt dans les montagnes de l’Afghanistan, de 19
terroristes de percuter, le 11 septembre 2001, à bord de quatre avions piratés et détournés, les deux tours jumelles, inaugurées le 4 avril 1973, du World Trade Center, à Manhattan, la façade du
Pentagone ainsi que le Capitol à Washington. Cette dernière cible, grâce à l’héroisme de passagers qui se sont sacrifiés, n’a jamais été atteinte. Question : cette décision est-elle le fruit
simplement, si je puis écrire, de cerveaux islamistes fanatisés ou est-elle en réalité la première pierre d’un conflit de civilisations majeur ? Ici encore, il semble que les deux hypothèses se
confondent. 3000 personnes périront directement dans l’effondrement des Twin towers. Elles étaient issues de tous les pays du monde, de sociétés et civilisations différentes. Le 11 septembre
2001, elles ont partagé une tragédie qui inaugura le XXIème siècle.
Je ne sais pas vous mais, pour moi, tout comme certains personnages incarnent à eux seuls un événement, je pense que certains événements incarnent à eux seuls
une époque et annoncent, par leur fracassant et unique déroulement, la suite d’un cycle historique. Ne fut-ce pas le cas du naufrage du Titanic ? Il fut le bébé de l’architecte naval Thomas
Andrews et le symbole de l’arrogance de la White Star Line, cette compagnie maritime britannique au faîte d’une gloire aveuglante, au point d’en perdre le sens des réalités météorologiques, à
l’instar de ce capitalisme industriel triomphant du XXème siècle, qui embarqua, dans son sillage compartimenté, toutes les classes et inégalités sociales dans deux guerres mondiales et de
mulitiples crises économiques. Ne fut-ce pas aussi le cas des tours jumelles new-yorkaises ? Elles furent d’abord le projet de David et Nelson Rockefeller, puis, sous la responsabilité des
autorités portuaires de la Grosse Pomme, la réalisation de l’architecte japonais Minoru Yamasaki. Elle fut surtout la fierté du peuple américain et le totem du capitalisme financier international
du XXIème sicèle, celui de World street, temple de l’argent roi et de la spéculation folle. Autre forme d’arrogance, qui n’entend rien céder à sa toute puissance et qui, pourtant, dès 1929 et en
2008, pour ne prendre que deux exemples représentatifs, précipita le monde au bord d’une faillite générale. Mais, dans le cas du World Trade Center, une autre dimension s'impose, celle d’une
possible guerre entre l’Occident, ses travers et ses qualités, et un certain monde musulman, celui de l’islamisme et du salafisme radical. Le 11 septembre 2001 ne fut sans doute qu’un prélude.
Depuis, bien d’autres attentats terroristes ont frappé les Etats-Unis et l’Europe, mais aussi, ne l’oublions pas, des pays musulmans eux-mêmes. Les cris des naufragés du Titanic n’étaient-ils pas
ceux des victimes innombrables d’un système économique déréglé, qui se joue des lois de l'Etat de droit, un peu comme l’armateur du Titanic, Joseph Ismay, crut pouvoir se passer du respect d’une
élémentaire prudence face à une mer de glace ? Les corps défenestrés et désarticulés, qui tombent sur les flancs des Twin Towers, ne sont-ils pas ceux des millions d’être humains ballotés et
sacrifiés d’une part, par le cynisme des marchés financiers, qui jouent les entreprises et les emplois comme d’autres les cartes de poker menteur, d’autre part, par l’idéologie nihiliste
islamiste, qui a décidé qu’être innocent, c’est être coupable d’aimer la vie ? Comment ne pas rapprocher ces deux tragédies, en tant que marqueurs de leur époque, de notre temps ?
Vivons-nous désormais à l'heure du World Titanic Center, le village global des terriens où la fraternité a cédé le pas à la haine ? Peut-être. Peut-être pas. C’est mon espoir, c’est notre espoir.
Si nous le voulons, ensemble et fortement, comme une prise en main de notre destin. 26 juin 2018.