>Sans attendre !

 

    "C'est une triste chose que de songer que la nature parle 

                   et que le genre humain n'écoute pas !"

                                             Victor Hugo  

 

"Je voudrais me faire l'avocat de la nature, de la liberté absolue et de la vie sauvage qu'on y trouve, par contraste avec la liberté et la culture simplement policées. Je souhaite considérer l'Homme comme un habitant ou une partie intégrante de la nature, plutôt que comme un membre de la société." Henry David Thoreau, Walking, 1851.   

 

Avant toute chose, avant même tout commencement, une urgence, l'obligation de faire face, de voir la réalité avec la lucidité et l'espoir de Pénélope, la reine esseulée d'Ithaque. Elle qui attend depuis des années le retour d'Ulysse, son roi, en sachant que ni les menaces et ni les épreuves ne manqueront à son époux avant que de pouvoir, par la patience, la souffrance et dans le sang, retrouver son île et son trône. Les dieux de l'Olympe n'entendent rien offrir sans le prix à payer. C'est une initiation. Elle imagine le stratagème de la tapisserie, tissée le jour, détissée la nuit. Ainsi ses prétendants, qui spéculent et veulent la mort d'Ulysse, pourront attendre. Il ne s'agit nullement d'un surplace, d'un pas en avant et d'un pas en arrière, mais d'une ligne de conduite, basée sur une force, un cap qu'elle se fixe, car elle sait, au fond de son amour, qu'espérer n'est donné qu'à ceux qui avancent et respectent le réel parce qu'il maîtrise le temps et l'espace. Pénélope voit sans oeillères et anticipe avec courage. A défaut, sa gloire et son bonheur plongeraient dans un inconnu universel, qui dira de son humanité qu'elle n'en valait pas la peine. Nous sommes comme elle, aussi puissants dans la vérité que vulnérables dans le mensonge. A bien des égards, l'humanité est en urgence, sociale, environnementale et climatique. Nourrir la planète sans l'épuiser, éradiquer la pauvreté dans le monde, décroître nos productions extravagantes de CO2 et inventer, par mille chemins, un nouveau mode de développement économique. Il est moins une, avant que l'île d'Ulysse et toutes les autres ainsi que nos illusions ne soient englouties. Nous en sommes là. A nous de changer profondément nos modes de vie. Les générations futures le demandent, l'exigent.

                                                                             Le 11 février 2018.  

 

 

                         COP28 / CAP 50 ?

 

Ainsi la Cop 28, qui s'est tenue du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, a accouché in fine (comme toujours) d'un compromis quant à l'objectif de parvenir à l'échelle mondiale (198 pays, 620 délégués, 100.000 participants) à la neutralité carbone en 2050. Les dernières 24 heures de négociation ont été particulièrement difficiles; les pays producteurs de pétrole, à commencer par l'hôte, les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite notamment, refusant tout accord mentionnant explicitement "la fin" des énergies fossiles pour la mi-siècle (gaz et pétrole). Rappelons que "la fin progressive du charbon" a été actée à la COP26 de Glasgow, en novembre 2021. Le compromis est intervenu cette nuit grâce au terme anglais "transitioning away", qui pourrait se traduire en français par "s'éloigner de". Pour certains, les déçus et les plus critiques, c'est une "auberge espagnole"; chacun pouvant traduire cette expression par ce qu'il souhaite comprendre. Ajoutons que le nucléaire est désormais considéré comme une "énergie propre". Selon nombre d'experts du climat, dont François Gemenne, il s'agit "incontestablement d'un succès inespéré". Pointons qu'aucune contrainte n'est imposée aux Etats signataires; chacun marchant à son rythme vers ce Cap 50 que l'on espère salutaire pour l'humanité. Tous seront évalués en cours de route sur leurs réels engagements.  Rappelons que l'année 2023 a été la plus chaude de l'histoire des relevés météo. La planète sera-t-elle épargnée d'une montée des températures incontrôlable ? Pas sûr du tout. 

(*) Professeur à l'Université de Liège et à l'Institut d'études politiques de Paris, co-auteur du sixième rapport du GIEC.  

 

Nous avons voulu en savoir davantage. Thibault Voïta, chercheur associé au Centre énergie & climat de l’Institut français des relations internationales, analyse l’accord pour "Le Monde". 

 

 

Comment qualifiez-vous l’accord conclu à la COP28 ?

 

Si la mention de "sortie" des fossiles a été exclue, le fait que les parties soient parvenues à s’entendre sur le fait de "s’éloigner" (transition away) des fossiles était assez inespéré. C’est certainement historique et cela constitue un signal très fort, d’autant plus lorsque l’on sait d’où il vient. Nous parlons des Emirats arabes unis [7e producteur de pétrole] et de Sultan Al-Jaber, le président de la COP28, qui est aussi à la tête de la compagnie nationale pétrolière. Et cette décision a été prise alors que, pendant tout l’automne, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, la Chine, les Etats-Unis, et bien sûr l’Arabie saoudite, n’avaient pas cessé de dire que sortir des fossiles était irréaliste.

 

Le signal vous paraît donc suffisamment clair ?

 

L’un des points les plus importants est le fait que l’accord parle d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cela implique notamment de sortir des fossiles, mais aussi que les plans de la Chine et de l’Inde, qui prévoient pour l’instant d’atteindre la neutralité carbone respectivement en 2060 et en 2070, soient révisés. Or en général, ces pays n’aiment pas se faire dicter leurs politiques nationales par des accords internationaux.

 

Comment expliquer que les parties soient parvenues à consensus en dépit de très fortes oppositions ?

 

D’abord, on a reproché beaucoup de choses à Sultan Al-Jaber, pour de très bonnes raisons. Mais on a aussi toujours dit qu’il était un excellent diplomate, qu’il connaissait très bien le système et qu’il savait naviguer dans ces négociations.

 

Un autre élément critique, c’est la pression de la communauté internationale, qui est de plus en plus forte. On parle beaucoup de l’Union européenne, qui pousse pour des positions ambitieuses, mais il y a aussi tous les petits Etats insulaires et en développement qui sont très actifs et de plus en plus en colère. Pour eux, c’est de survie qu’il s’agit. Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutierres, dont certains discours resteront dans l’histoire, a joué aussi un rôle important.

 

Est-ce donc un succès pour Al-Jaber ?

 

Si on considère qu’il a été extrêmement critiqué, encore une fois à juste titre, mais qu’il est parvenu à un résultat très positif, oui c’est un succès.

 

Les positions de certains Etats vous ont-elles surpris ?

 

Le rôle d’obstruction de l’Arabie saoudite n’est pas étonnant, c’est le fait qu’ils acceptent cet accord qui est une surprise ! J’ai plus de mal à cerner la position des Etats-Unis. D’un côté, John Kerry était dans son rôle classique de vétéran du climat, à pousser en faveur d’un accord ambitieux. Mais avant la COP, les signaux étaient beaucoup plus ambigus, sans doute parce qu’une élection se prépare. Et l’extraction de pétrole et de gaz n’a jamais été aussi importante sur le sol américain. Leur posture ne laissait pas penser qu’ils accepteraient un tel accord.

 

Maintenant, les Etats vont-ils le mettre en œuvre ?

 

C’est toute la question. A Glasgow en 2021, il a été décidé une réduction progressive de l’usage du charbon. Or la consommation, certes tirée par deux pays, la Chine et l’Inde, continue à augmenter chaque année, et devrait croître encore en 2024. Dans les COP, les négociateurs sont dans une bulle, et il y a donc une différence entre ce qu’ils décident et ce qui est fait au niveau national, ce qui n’est pas rassurant.

 

Mais alors, ces COP sont-elles utiles ?

 

Le discours sur l’inutilité des COP montre une réelle méconnaissance du système. D’abord, il faut rappeler qu’avant l’accord de Paris de 2015, nous étions sur une trajectoire de réchauffement de 5 °C. Nous sommes toujours sur une trajectoire catastrophique, mais plus modeste. Ensuite, dire que les COP sont inutiles me paraît être un point de vue très européano-centré. C’est oublier tout ce qu’elles apportent aux pays les moins développés, auxquelles elles permettent d’avoir une voix, mais aussi d’avoir accès à des ressources financières et matérielles. C’est extrêmement important pour ces pays qui sont les premiers à souffrir d’un réchauffement qu’ils n’ont pas provoqué. Enfin, c’est un exemple de multilatéralisme qui fonctionne. Bien sûr, il y aurait énormément de choses à réformer pour rendre les COP plus efficaces. Mais c’est un chantier très sensible politiquement. Le 13 décembre 2023. 

 

 

            Climat: dix-huit institutions internationales

                 s’adressent aux dirigeants du monde !

 

Un rapport coordonné par l’Organisation météorologique mondiale s’inquiète de la faiblesse des efforts de lutte contre le changement climatique, dont les impacts se manifestent dramatiquement dans les pays les plus pauvres, mais aussi dans les pays riches.

 

Le message a d’autant plus de poids qu’il est collectif. Jeudi 14 septembre, dix-huit institutions internationales réunies sous la coordination de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publient un rapport dont la conclusion est sans équivoque : les changements liés au réchauffement climatique et les efforts trop faibles pour les atténuer entravent les objectifs de développement durable (ODD) pour la planète. Seuls 15 % des ODD de l’Organisation des Nations unies sont en voie d’être atteints, indique ce document, United in Science.

 

"2023 a amplement démontré que le changement climatique était une réalité. Des températures records brûlent les terres et réchauffent les mers, tandis que des phénomènes météorologiques extrêmes font des ravages dans le monde entier. Nous savons que ce n’est qu’un début (…). A mi-parcours de l’horizon 2030, le monde accuse un terrible retard", y écrit en préambule le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui s’apprête à recevoir à New York les délégations du monde entier pour la session annuelle plénière. 

 

Cette publication intervient à quelques jours du sommet sur les objectifs de développement durable des 18 et 19 septembre à l’Assemblée générale des Nations unies. Le 20 se tiendra celui sur l’ambition climatique. Une sorte de round d’observation avant la 28e Conférence des parties (COP28) de Dubaï aux Emirats arabes unis, du 30 novembre au 12 décembre. Les institutions répètent le constat implacable de la réalité du changement climatique et s’inquiètent de l’aggravation de la situation.

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que le réchauffement à long terme pourrait atteindre le seuil fixé par l’accord de Paris, +1,5 °C par rapport au climat préindustriel, au début des années 2030, et 2,8 °C à la fin de ce siècle. Selon l’OMM, il y a 98 % de probabilité que l’une des cinq prochaines années soit la plus chaude jamais enregistrée.

 

Dans le même temps, les premières estimations montrent qu’entre janvier et juin 2023 les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 0,3 % par rapport à la même période en 2022. "Pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites respectivement de 45 % d’ici à 2030. (…) Cela va nécessiter des transformations à grande échelle, rapides et systémiques", estiment les experts, qui reprennent en partie les conclusions du "bilan mondial" de la Convention-cadre des Nations unies, publié vendredi 8 septembre.

 

Après un été 2023 marqué par une série d’événements extrêmes dont "l’intensité et la fréquence" sont augmentées par le réchauffement climatique, selon le GIEC, les scientifiques rappellent les risques encourus par les populations mondiales, notamment les habitants des pays les plus pauvres. Entre 1970 et 2021, "près de 12 000 catastrophes dues à des phénomènes météorologiques, climatiques et hydrologiques extrêmes ont été recensées, totalisant plus de deux millions de victimes et plus de 90 % des décès et 60 % des pertes matérielles ont eu lieu dans des économies en développement".

 

Au-delà de ce bilan global, les différentes institutions qui ont participé à ce travail - notamment l’Organisation mondiale de la santé, l’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, le Global Carbon Project - alertent sur la façon dont les changements climatiques entravent le développement des pays, secteur par secteur.

 

Près de 670 millions de personnes pourraient souffrir de la faim en 2030, en partie à cause d’événements climatiques ; les villes sont menacées par les canicules, certaines par une élévation du niveau de la mer, la pollution de l’air renforcée par les vagues de chaleur provoque près de 7 millions de décès prématurés par an… "Certains changements climatiques futurs sont inévitables et potentiellement irréversibles, mais chaque fraction de degré et de tonne de CO2 compte pour limiter le réchauffement et atteindre les ODD", analyse le rapport.

 

Le document est aussi un plaidoyer en faveur de l’utilité du travail scientifique dans de nombreux domaines : les systèmes d’alerte précoce pour aider les populations à se préparer aux phénomènes extrêmes ; les prévisions météorologiques de plus en plus fiables pour la production alimentaire ; les modèles climatiques pour mieux comprendre et anticiper l’évolution des bassins hydrologiques, des cultures ou des maladies… Dans un monde de plus en plus perturbé par la physique du climat, le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas, mise sur "des avancées scientifiques et technologiques révolutionnaires, telles que la modélisation climatique à haute résolution, l’intelligence artificielle" pour aider à assurer une transition plus juste. Nous sommes donc rassurés. Le 14 septembre 2023. 

 

 

  Pris les pieds dans le tapis de sa façon verticale de présider, le bilan climatique d'Emmanuel Macron est plutôt vert pâle. 

 

Avec Emmanuel Macron, le climat est à l’orage ... aussi ! 

 

"En moins de temps qu’il ne faut à un climatologue pour rappeler la concentration de CO2 – 420 ppm (de rien) –, la phrase est devenue virale : #QuiAuraitPuPrédire. Référence au dernier dérapage du président français Emmanuel Macron dans ses vœux de Nouvel An: "Qui aurait pu prédire la crise climatique aux effets spectaculaires dans notre pays ?", a-t-il lâché, en écho à la sécheresse et aux incendies qui ont frappé le pays. De quoi faire bouillir pas mal de scientifiques qui, entre gêne polie, grosse fatigue et colère froide, ont rappelé les alertes lancées par les experts et par le GIEC depuis des décennies et exhumé les études sur les impacts du réchauffement pour l’Hexagone. Et les explications poussives venues de la majorité n’ont pas éteint un chœur d’autant plus énervé qu'Emmanuel Macron a prétendu mettre le climat au centre de sa politique – ne cessant de décevoir à l’heure d’évaluer les mesures mises en œuvre. Et d’autant plus crispé, que de nombreux scientifiques ont dispensé des formations climatiques à l’attention des députés. Que certains experts ont été reçus par le président pour lui détailler la gravité de la situation. Beaucoup préfèrent voir une erreur de conseiller ou une bourde de com, n’osant imaginer que la phrase dénote l’ignorance qui régnerait à l’Elysée sur le climat ou, pire, l’ampleur du déni quant aux mesures à prendre pour y faire face. Mais qui sait ?…"

                                            "Le Soir", le 25 avril 2023, Michel De Muelenaere. 

 

 

La Conférence de Panama sur les océans et la délégation belge conduite par la ministre fédérale Zakia Khattabi.

                     

                   La Mer patrie un peu mieux protégée !

 

Il aura fallu 15 ans à une centaine d’Etats membres de l’ONU (sur 198)  pour accoucher à Panama d’un traité visant à mieux protéger 60% des océans et 45% de la planète. Ce sont les eaux situées à plus de 370 km des côtes d’un Etat qui sont concernées. Faut-il rappeler que toutes les mers du globe n’en font qu’une et que de leur survie dépend celle de l’humanité ?

 

Les Romains ont appelé la Méditerranée Mare Nostrum, signifiant le lien vital qui reliait la civilisation latine à la Grande Bleue. Si nous ne vivons pas (encore) sous les mers, elles nous font vivre. Elles sont notre Mer patrie, notre Mer sacrée. Que ferions-nous avec des eaux mortes car trop dégradées ? 

 

Le 5 mars 2023 restera la date d’un accord dit "historique". On ne peut évidemment que s’en réjouir. Mais la rapidité à laquelle les océans se gorgent de plastique, de produits chimiques, pétroliers et déchets divers, malgré leur extraordinaire capacité à digérer certains polluants, doit continuer à mobiliser les opinions publiques internationales, afin qu’elles fassent pression sur leurs responsables politiques et gouvernementaux. Car la partie n’est pas gagnée, même si le traité de sauvegarde de la biodiversité marine représente un pas important dans la bonne direction.

 

Le texte de Panama est juridiquement contraignant, ce qui en assure, en principe, l’application. Il prévoit les instruments pour la création d’espaces de protection de la nature. Il devrait permettre d’atteindre l’objectif 30x30; à savoir, protéger 30% des océans d’ici 2030. C’était l’un des buts recherchés par la Cop Biodiversité fin 2022. (*)

 

Sans le présent traité sur la haute mer, l'objectif affiché au Canada ne pouvait qu’échouer, car aucun mécanisme juridique n’existait jusqu’à présent pour créer des aires marines protégées. Il fournira ainsi le cadre juridique indispensable pour la mise en place de ces aires, de même que les règles de partage des ressources génétiques de la haute mer qui n’appartiennent à personne. 

 

Les pays en développement, pauvres en moyens pour financer des expéditions et des recherches, se sont mobilisés pour avoir des garanties d'accès aux ressources marines ainsi qu'au partage des futurs bénéfices de la commercialisation du matériel génétique issu des coraux, éponges ou bactéries, matériel fort recherché par les industries pharmaceutique et cosmétique.  

 

Le texte du traité onusien introduit par ailleurs l’obligation de réaliser des études d’impact  des activités humaines sur l’environnement. Il convoque aussi une conférence récurrente de toutes les parties signataires, sous forme de Cop, qui permettra aux Etats membres de rendre compte de leur gouvernance en la matière ainsi que des résultats engrangés ou non. 

 

La plupart des ONG environnementales ont salué l’accord comme étant "un tournant décisif pour la protection de la biodiversité", tout en demandant une mise en pratique la plus rapide possible.

 

Pour la délégation belge, représentée par la ministre fédérale de l’Environnement, Zakia Khattabi (Ecolo), il faut rester vigilant pour la suite: "Dans la perspective de la prochaine COP16 en Turquie, en 2024, plusieurs aspects doivent être approfondis. Par exemple, la stratégie de mobilisation des ressources doit être mieux alignée sur les besoins du cadre pour la biodiversité. Il faut mettre en place le fonds pour la biodiversité au sein du GEF (Global Environment Facility). Et le monitoring framework – le cadre par lequel nous entendons suivre les progrès – doit devenir plus concret."

 

"Pour chacun des 4 objectifs (goals) et des 23 cibles (targets), nous devons trouver des indicateurs permettant de mesurer la progression de l'objectif ou de la cible. L'élaboration sera poursuivie au sein de divers groupes de travail et lors des réunions intermédiaires." On l'espère bien. Le 07 mars 2023.

 

 (*) Ci-dessous, l'article sur la Cop 15 Biodiversité de Montréal, du 19 décembre 2022.  

 

 

      >Alleluia, pas de flop à la COP15 Biodiversité !

 

Parmi toutes les mauvaises nouvelles qui pleuvent sur nos têtes en cette année 2022, le lundi 19 décembre restera peut-être comme une date, si pas décisive, du moins cruciale dans la lutte que nous avons à menée contre la destruction de la biodiversité. Tant d'espèces végétales et animales, nos alter-ego sur terre et sous les océans, sont menacées de disparition pure et simple. Le bilan est déjà catastrophique. Si nous voulons éviter l'apocalypse biologique aux générations futures, alors, oui, comme pour le combat contre le réchauffement climatique, la vitalité de la biodiversité doit aussi s'imposer à l'humanité tout entière comme une priorité absolue. Plus le temps de tergiverser.   

 

Les pays du monde entier ont en effet adopté ce jour un accord dit "historique"  à Montréal pour tenter d’enrayer la destruction de la biodiversité et de ses ressources. Après quatre années de négociations laborieuses et dix jours et une nuit de marathon diplomatique et politique, 190 États sont parvenus à un accord sous présidence chinoise, malgré une opposition de la République démocratique du Congo, qui abrite, avec d'autres, rappelons-le, l'une des trois forêts primaires de la planète. 

 

Ce "pacte de paix avec la nature", appelé "accord de Kunming-Montréal", vise à protéger les terres, les océans et les espèces de la pollution, de la dégradation et de la crise climatique. Les pays se sont mis d’accord sur une feuille de route visant à protéger 30 % de la planète d’ici 2030 et à débloquer 30 milliards de dollars d’aide annuelle à la conservation pour les pays en développement. Le sujet de l'alimentation de ce fonds constituait jusqu'à aujourd'hui la pierre d'achoppement des négociations.  

 

L’accord a été adopté, a déclaré Huang Runqiu, le président chinois de la COP15, lors d’une séance plénière organisée en pleine nuit, avant de laisser retomber son marteau sous les applaudissements de délégués aussi satisfaits qu'épuisés. 

 

"Nous avons ensemble franchi un pas historique", s’est félicité Steven Guilbeault, le ministre de l’Environnement du Canada, pays hôte du Sommet. La création d’aires protégées sur 30 % de la planète, la plus connue de la vingtaine de mesures, a été présentée comme l’équivalent pour la biodiversité de l’objectif de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5º. A ce jour, 17 % des terres et 8 % des mers sont protégées.

 

Le texte donne également des garanties pour les peuples autochtones, gardiens de 80 % de la biodiversité subsistante sur terre. Il propose de restaurer 30 % des territoires dégradés et de réduire de moitié, c'est insuffisant, le risque lié aux pesticides. L'Amazonie fait l'objet d'un traitement particulier avec l'objectif, ambitieux mais nécessaire, de protéger 80% de sa surface d'ici 2030. 

 

Pour tenter de résoudre la question financière, toujours brûlante entre le Nord et le Sud, la Chine a proposé d’atteindre "au moins 20 milliards de dollars" d’aide internationale annuelle pour la biodiversité d’ici 2025 et "au moins 30 milliards d’ici 2030". C'est moins qu'attendu par les pays du Sud, mais ces objectifs indiquent la bonne direction. A défaut de grives ... 

 

Comme toujours, les discussions ont failli caler sur la question financière, qui est restée jusqu’au bout au coeur des débats; comme lors des négociations sur le climat en Egypte. 

 

En échange de leurs efforts, les pays les moins développés réclamaient aux pays riches 100 milliards de dollars par an. Soit au moins 10 fois l’aide internationale actuelle pour la biodiversité. Outre les subventions, les pays du Sud proposaient la création d’un Fonds mondial dédié à la biodiversité, à l’instar de celui obtenu à Charm el-Cheikh, pour les aider à affronter les dégâts climatiques.

 

Pour sortir de l'impasse, la Chine a sorti de son chapeau l'idée, dès 2023, d’établir une branche destinée à la biodiversité au sein de l’actuel Fonds mondial pour l’environnement (FEM), dont le fonctionnement actuel est cependant jugé déficient par les pays les moins développés.

 

L'accord de la COP15 Biodiversité est un succès sur le papier, contrairement à celui de la COP27 Climat. Il faut maintenant le concrétiser, l'adapter pays par pays et l'amplifier dans les années à venir. La paix avec la nature sera scellée le jour où les humains arrêteront pour de bon de la saccager.  

                                                                 Le 19 décembre 2022. 

 

            >COP27 Climat, bis repetita et caetara ? 

 

Cette 27ème conférence des Nations-Unies sur le climat, qui s'est ouverte au Caire ce 06 novembre 2022, en l'absence des présidents chinois et indien, a quelque chose d’intolérable. Selon le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le monde marche vers l'enfer si des solutions radicales ne sont pas adoptées et suivies d’effets. Cela rappelle la phrase du Président Jacques Chirac, devant l’assemblée plénière du IVème Sommet de la Terre, le 2 septembre 2002, à Johannesburg: "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs" ! 20 ans se sont écoulés depuis ...

 

Les objectifs adoptés par la COP21 de Paris, en décembre 2015, laissaient pourtant entrevoir un meilleur avenir possible. Parmi ceux-ci, empêcher que le réchauffement climatique, d’ici la fin du siècle, ne dépasse les 2 degrés et indemniser les pays du Sud, les plus pauvres, les moins pollueurs et les premières victimes, de la part des pays industrialisés, donc les plus pollueurs, et les plus riches. 

 

Le dernier rapport du GIEC d'avril 2022 (voir ci-après) se montrait critique quant aux faibles résultats engrangés, mais ambitieux sur les objectifs, tout en évitant un excès de pessimisme, car la communauté des experts ne veut pas désespérer les populations. Celles et ceux qu’on appelle les activistes tirent plus que jamais la sonnette d’alarme, en évoquant un réchauffement de la température médiane de la planète de 3 à 6 degrés si rien ne change. Ce qui serait apocalyptique. Elles et ils choisissent désormais des modes d’actions spectaculaires, dont le but est de choquer et d'attirer l'attention. A bien y réfléchir, pas sûr néanmoins que jeter de la soupe, de la couleur ou de l’huile sur des tableaux de grands peintres aide à renforcer la cause dans les opinions publiques.  

 

Quoi qu’il en soit, il faut s’attendre dans les années à venir à des sécheresses récurrentes et longues au Sud - comme c’est le cas actuellement dans la corne de l’Afrique - à des épisodes caniculaires entre 4 fois plus nombreux qu’aujourd’hui au Nord, à des méga-incendies, typhons et ouragans accompagnés d’inondations majeures, tant au Sud qu’au Nord de notre maison globale, si peu respectée. La montée des océans est inexorable et va engloutir nombre de territoires exposés, particulièrement dans l'hémisphère Sud. Au rythme actuel de la destruction de la biodiversité, nos petits-enfants hériteront un jour d'une nature morte. 

 

Chacun et chacune a pu observer ou vivre le déchaînement de ces événements climatiques au cours de l’année 2022. Nous-mêmes, en juillet 2021, dans les vallées de l’Ourthe et de la Vesdre, affluents de la Meuse à hauteur de Liège, nous avons été impactés par une inondation jamais connue auparavant, qui a fait 39 morts et des milliers d’habitations ravagées. Mais que dire des véritables marées fluviales au Pakistan, aux Philippines, des incendies massifs dans le Sud-Ouest de la France, en Espagne, en Australie et en Californie ? Ce ne sont que quelques exemples qui doivent nous faire réagir.    

 

Nous en sommes là. Si nous ne regardons plus ailleurs et qu’une prise de conscience semble se généraliser, nous continuons, dans bien des cas, à fléchir devant nos responsabilités et à résister à la nécessité de changements rapides et difficiles de nos comportements individuels et collectifs. 

 

Faut-il boycotter les conférences annuelles sur le climat, comme le fait la militante suédoise, Greta Thunberg, au titre qu’elles ne seraient que des grand-messes sans efficience ? Nous ne le croyons pas. Elles permettent aux Etats, aux ONG et aux citoyens du monde entier (196 pays sont représentés en Egypte) de s’écouter, d’échanger, de proposer et, tout de même, ici et là, d’arrêter des programmes, certes insuffisants, de réduction des émissions de CO2, de développement des énergies renouvelables, de préservation de la biodiversité et de vases communicants entre pollueurs/payeurs. 

 

Ne soyons pas naïfs, les COP sont aussi des occasions importantes pour les entreprises des énergies fossiles, agro-alimentaires et chimiques, les lobbys de secteurs privés de toutes sortes, d'user de leur influence économique et moyens substantiels pour obtenir des gouvernements des concessions, voire des avantages qui n'apparaissent pas toujours au grand jour dans la foulée de ces forums.   

 

Le point faible des résolutions climatiques internationales, ce n’est pas l’absence d’évaluations statistiques - elles existent - mais l’absence de contrôles sanctionnels pour toute entité qui ne les respecte pas ou plus. Beaucoup d'acteurs publics se retranchent derrière une souveraineté bien commode et des intérêts nationaux pour justifier, a posteriori, le manque de courage et de traduction dans les législations et les faits des décisions arrêtées lors des COP et des Sommets de la Terre. 

 

Il reste à espérer que cette COP27 sur le continent africain ne soit pas un barnum, un bis repetita et caetara, où "d’autres choses manquent" ... La communauté internationale ne peut plus se satisfaire de textes ronflants trop peu appliqués, elle ne peut plus tergiverser; elle doit s'engager sur un compromis - passage obligé pour faire avancer les choses - à la fois exigeant et tenable, oxymore incontournable. 

 

Exigeant, car l’heure est grave, nous n’avons plus guère de temps pour, si pas inverser le mouvement tectonique du réchauffement d’ici le 22ème siècle, du moins réduire sensiblement sa progression, afin de permettre à l’humanité de s’adapter sans fracture irréparable. Tenable, car rien ne serait pire que d’afficher des objectifs inatteignables, irréalistes, qui auraient pour conséquences de décourager les peuples dans un "à-quoi-bon" mortifère et d’inciter les nations et les grandes puissances, que sont les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Union européenne, à donner l’illusion d’avancer plus que d’avancer réellement, par manque d’espoir et de détermination.

 

L'Europe, plutôt "bon élève" dans une classe mondiale de faible niveau, doit continuer à montrer le chemin en intensifiant ses efforts financiers, technologiques et réglementaires au travers un "Green deal" plus ambitieux encore qu'il ne l'est, appelé à devenir un véritable étalon vert pour l'humanité.   

                                                                     Le 07 novembre 2022.  

 

                            Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Gutterez, sonne l'alerte climatique !

 

>Le dernier rapport du GIEC flèche des dispositifs en fait incontournables !

 

Le dernier rapport du GIEC salue d’une certaine manière les efforts réalisés en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Mais il souligne, à gros traits verts, l’insuffisance actuelle des moyens. Les solutions existent; elles nécessitent d'être déployées à grande échelle de toute urgence.

 

Après une première partie consacrée à l'évolution du réchauffement climatique et une deuxième traitant des conséquences désastreuses et en partie irréversibles de ces bouleversements, le Giec vient de rendre public le troisième volet de son sixième rapport d'évaluation.

 

Ce travail de synthèse devait répondre à deux questions : où en sont les réductions d’émissions de gaz à effet de serre de la communauté internationale ? Quels sont les scénarios possibles pour enrayer ce processus qui nous mène à un désastre planétaire?

 

A la première interrogation, la réponse est claire pour le Secrétaire général de l'Onu, Antonio Gutteres: "Nous marchons les yeux fermés vers la catastrophe climatique". En l'état actuel, les efforts de réduction engagés à l'échelle mondiale sont loin de nous permettre de limiter la hausse de la température moyenne à 1,5°C. Un seuil au-delà duquel les impacts deviendront très difficilement gérables, selon la communauté scientifique.

 

Pour la seconde, les choses sont plus compliquées, comme en témoigne la difficulté à aboutir à un consensus sur ce nouveau rapport. Notons que les 278 auteur(e)s principaux ont passé en revue quelque 18 000 études scientifiques. Un travail au long cours entamé il y a quatre ans.

 

Des discussions difficiles

 

Évidente sur papier, l’équation à résoudre est en pratique super complexe. La nécessité de tourner le dos aux énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) se heurte à la réalité du monde. Insistant sur le principe d’équité, les pays en développement défendent leur droit à utiliser ces ressources pour continuer à faire croître leurs économies comme l’ont fait les pays riches ; les pays producteurs d’énergies fossiles ne sont pas pressés d’abandonner la poule aux œufs d’or et les pays les plus pauvres – qui sont aussi les principales victimes du réchauffement – demandent un soutien financier. La tentation est grande de miser sur des solutions technologiques aléatoires pour tenter de neutraliser les émissions de CO2, plutôt que de renoncer aux sources de ces rejets polluants est grande.

 

Des progrès réels mais insuffisants

 

Au cours de la dernière décennie (2010-2019), les émissions nettes de gaz à effet de serre ont continué à progresser dans tous les secteurs (agriculture, énergie, industrie, transports, bâtiments…). Leur taux de croissance a néanmoins ralenti par rapport à la période 2000-2009. Les émissions sont en progression dans les zones urbaines où des gains significatifs sont pourtant à portée de main en agissant sur l’urbanisme, l’aménagement du territoire et l’électrification des transports.

 

Selon les auteurs du rapport, cette croissance des émissions n’est pas homogène. Elle varie d’une région à l’autre en fonction du niveau de développement et au sein même de chaque pays. Les 10 % des ménages les plus riches ont une empreinte carbone disproportionnée, pesant entre 36 % et 45 % des émissions totales de gaz à effet de serre - contre une quinzaine de % pour les plus pauvres.

 

Les politiques d’encouragement de l’innovation ont permis de réduire sensiblement le coût des technologies "vertes". Depuis 2010, le prix de l’électricité solaire, éolienne et des batteries n’a cessé de diminuer (parfois jusqu’à des niveaux de -85 %). Mais la généralisation de ces innovations se heurte à des goulots d’étranglement, notamment dans les pays en développement qui ne disposent pas des moyens nécessaires à leur déploiement. Le transfert des aides financières promises dans le cadre de l’accord de Paris reste trop lent, inégalement réparti entre régions et secteurs, déplore le rapport.

 

Bien que les processus industriels utilisent l’énergie de façon plus efficace (à production égale, on en utilise moins et on émet moins de CO2), ces gains sont annulés par la hausse globale des activités mondiales.

 

Plus une minute à perdre

 

Pour avoir une chance de limiter la poussée du thermomètre planétaire à 1,5°C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devraient culminer, en 2025, et être réduites de 43 % à l’horizon 2030 (par rapport à 2019). Dans le même temps, les émissions de méthane doivent être amputées d’un tiers. Aucun secteur n’y échappera, soulignent les auteurs. Même si ce scénario se réalise, un dépassement temporaire de ce seuil de température est inévitable. D’autant que l’on ne se trouve pas du tout sur cette trajectoire à ce stade. Selon l’ONU, les engagements supplémentaires annoncés lors de la COP 26 à Glasgow, s’ils sont intégralement mis en œuvre, nous mènent à une hausse de 2,7°C.

 

Dans tous les cas, une stabilisation de la température mondiale à + 1,5°C ne pourra se faire que si le niveau des émissions nettes de dioxyde de carbone est ramené à zéro au début de la décennie 2050 (c'est à dire en équilibre avec la capacité d’absorption des forêts, des océans et celle fournie par d’éventuels dispositifs techniques).

 

A noter qu’un scénario de +2°C nécessiterait d’atteindre un pic des émissions en 2025 et de ramener le compteur à zéro en 2070. Quelle que soit l'option retenue, il n'y a donc plus une minute à perdre.  "Toutes les trajectoires modélisées impliquent des réductions rapides et profondes et, dans la plupart des cas, immédiates des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs."

 

Les solutions existent

 

"Des options d'atténuation sont disponibles aujourd'hui dans tous les secteurs, qui peuvent permettre de réduire les émissions de moitié d'ici à 2030", commente Céline Guivarch, directrice de recherche au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement et coautrice de ce rapport. Des solutions qui sont de plusieurs types allant de "l'adoption de nouvelles technologies plus performantes (véhicules électriques ou panneaux solaires, par exemple), mais aussi des transformations de nos modes de production et de consommation (revoir nos régimes alimentaires, nos modes de déplacement…), de nos infrastructures et de nos organisations sociales."

 

Pour aboutir, cette mutation de nos sociétés nécessite "un ensemble de politiques publiques cohérentes qui entraînent les changements systémiques nécessaires", complète Raphaël Jachnik, spécialiste de la finance climat à l'OCDE. Ce n'est pas une question d'argent, puisque toutes les études montrent que les moyens financiers sont disponibles. Mais là encore des signaux politiques ambitieux sont nécessaires pour accélérer une réorientation massive de ces investissements vers les technologies et les mesures climatiques vertueuses plutôt que vers les énergies fossiles, comme c'est encore trop le cas. Entre 2020 et 2030, ces investissements devraient être trois à six fois supérieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui.

 

L’urgence est telle que le recours à des solutions considérées il y a 15 ans encore comme ne devant être envisagées « qu’en dernière extrémité» est désormais incontournable. Il faudra « pomper » une fraction du CO2 rejeté dans l’atmosphère pour le stocker durablement dans des « réservoirs » terrestres. Diverses approches sont déjà à l’étude et parfois mises en pratique à plus ou moins grande échelle : reboisement, restauration d’écosystèmes "puits de carbone" naturels, pratiques d’agroforesterie, système de capture et de stockage du CO2 sur les installations industrielles ou dans l’air ambiant, production de bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone, renforcement de l’alcalinité des océans… Mais leur coût, leur efficacité, l’ampleur de leur déploiement et leurs potentiels effets négatifs sont variables et pas toujours bien évalués.

 

Dans tous les cas, celles-ci ne pourront pas se substituer à une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre à la source, c’est-à-dire en abandonnant le recours aux énergies fossiles. Elles ne viendront qu’en complément du gros des efforts à accomplir.

 

L’ampleur du défi est considérable. Ce challenge ne pourra être relevé que dans le cadre d’une coopération internationale, en s’appuyant sur des partenariats et des initiatives menées par différents acteurs, tant à l’échelle locale que plus globale, rappelle le GIEC. Le 05 avril 2022.

 

>Le GIEC: Nous nous dirigeons vers un désastre !

 

"Le dernier rapport du Giec publié hier insiste sur les effets présents et à venir du changement climatique. Certains d’entre eux sont inévitables et irréversibles. Deux manières de réagir : réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et prendre des mesures d’adaptation.

 

C’est un rapport plus puissant, plus sophistiqué et plus alarmiste que le Giec a rendu public ce lundi 28 février. Plus de 34.000 publications relatives aux impacts présents et futurs du changement climatique ont été étudiées pendant des mois par des centaines de chercheurs. Leurs conclusions sont dans la ligne des précédentes synthèses produites par le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat: les impacts du changement climatique, déjà sensibles aujourd’hui, vont inévitablement s’aggraver.

 

A l’heure actuelle 3,3 à 3,6 milliards d’êtres humains vivent dans des régions hautement vulnérables au changement climatique. Pour les humains et la nature, la dégradation du climat signifie des chaleurs plus extrêmes, des pluies plus fortes, des sécheresses et des incendies plus intenses et plus fréquents, l’élévation du niveau de la mer, l’acidification des océans et l’intensité des cyclones tropicaux. Autant de phénomènes qui tuent, qui blessent, qui nuisent à la santé et qui détruisent la biodiversité. Celle-ci est non seulement essentielle pour la vie sur Terre, mais elle l’est aussi pour l’humanité qu’elle protège de nombreux maux, dont le changement climatique lui-même.

 

L’action climatique doit marcher sur deux jambes, l’une ne va pas sans l’autre : d’une part une réduction très forte des émissions de gaz à effet (idéalement -45 % en 2030, pour arriver à des émissions nettes égales à zéro à la moitié du siècle), et, dans le même temps, un approfondissement et une accélération des efforts pour s’adapter. En limitant autant que faire se peut l’élévation de la température, la réduction des émissions de gaz à effet de serre permettra d’éviter les pires impacts du changement climatique. Mais il est tout autant nécessaire et urgent de faire face et de se protéger contre les impacts déjà sensibles du changement climatique ainsi qu’à ceux qui nous affecteront inévitablement, quoi qu’on fasse.

 

C’est simple, dit le Giec, « tout nouveau retard dans la mise en œuvre d’une action préventive concertée et mondiale nous fera rater une fenêtre d’opportunité brève et qui se referme rapidement, permettant de sécuriser un avenir vivable et durable pour tous ». « Bientôt les blessures seront trop profondes et trop catastrophiques pour qu’on puisse espérer en guérir, traduit Inge Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). Nous sommes dans une situation d’urgence, nous nous dirigeons vers un désastre. »

 

Au-delà de ce constat connu (mais qu’il convient de rappeler sans cesse), le volumineux rapport du deuxième groupe de travail apporte de nouveaux éléments. D’abord le ton : plus ferme et plus inquiet. Certains systèmes humains et certains écosystèmes sont déjà poussés « au-delà de leur capacité à s’adapter ». Dit autrement : des espèces, des écosystèmes sont déjà tellement altérés qu’il ne sera pas possible de les sauver. On pense à certains récifs coralliens, à des zones humides côtières et des forêts tropicales, à des écosystèmes de montagnes ou situés dans les régions polaires. Et des communautés humaines sont tellement vulnérables qu’elles vont devoir radicalement changer ou être délocalisées.

 

Et même avec l’augmentation de la température de 1,5ºC qui devrait advenir au cours des vingt prochaines années, on assistera à « une augmentation inévitable de nombreux risques climatiques ». Le rapport 2022 étudie le scénario d’un dépassement du seuil de 1,5ºC suivi – en cas de réduction drastique des émissions de CO2 – par un retour à la « normale ». Pas de quoi se réjouir : des impacts irréversibles seront de toute manière enregistrés pendant « des décennies voire des siècles », indique Hans-Otto Pörtner, un des coprésidents du groupe de travail. Particulièrement exposés : les écosystèmes polaires, montagneux et côtiers, ainsi que les régions touchées par la fonte des calottes glaciaires et des glaciers.

 

La nature, meilleure alliée !

 

Le Giec est également davantage préoccupé par la situation des populations les plus vulnérables. Ce sont elles qui sont en première ligne du changement climatique, alerte-t-il. Ainsi, une tempête, une sécheresse ou une inondation a 15 fois plus de chances de tuer les habitants des régions les plus vulnérables que ceux des régions moins vulnérables. Par ailleurs, ce sont aussi les populations qui disposent du moins de ressources financières et technologiques pour s’adapter. « Il y a des efforts d’adaptation, relève Debra Roberts, l’autre coprésidente. Mais les progrès sont inégaux et trop lents. Le fossé entre les efforts d’adaptation et ce qui est requis au vu de la situation se creuse, particulièrement auprès des populations les plus pauvres. »

 

Le Giec souligne l’imbrication et la grande complexité des questions liées au climat. Parce que des aléas se produiront en même temps, parce que risques climatiques et non climatiques sont mélangés et interagissent, et parce qu’ils peuvent s’accumuler ou se produire en cascade. Le dossier est donc de plus en plus complexe à gérer : les politiques doivent englober tous les secteurs de la société, tous les systèmes, humains et naturels, avec une préoccupation forte pour la justice sociale. En insistant sur l’interdépendance entre les humains et la nature, les experts mettent notamment en avant le rôle que cette dernière peut jouer dans l’adaptation aux impacts climatiques. Elle apporte des solutions : que ce soit la végétalisation et le retour de la nature dans les villes, la biodiversité qui nourrit et protège, les forêts qui sécurisent, la nature qui atténue les tempêtes et les inondations… Or, tout en affectant le climat, « l’homme brise aussi certaines lois de la nature », s’inquiète Pörtner, alors que celle-ci est pourtant sa meilleure alliée.

 

S’adapter ...

 

La mobilisation et l’action doivent être renforcées, insiste le Giec. « Et même dans les compromis de court terme, il faut avoir le long terme à l’esprit, poursuit Roberts. Toute décision aujourd’hui va avoir des conséquences à long terme ». Gare donc à la « maladaptation » : des décisions qui règlent un problème de court terme mais qui ont des impacts adverses pendant des décennies voire des siècles. Construire une digue ou des protections en dur n’est ainsi pas toujours le meilleur moyen de se préserver contre l’élévation de la mer. « Le monde dans lequel on vit aujourd’hui ne sera pas le même dans 5 ou 10 ans, dit Roberts. On doit être vigilant. Ce qui semble être une solution aujourd’hui peut ne pas l’être dans 10 ou 20 ans. On doit contrôler, s’adapter sans cesse ; adapter l’adaptation. »

 

En atteignant prochainement 1,5ºC, le réchauffement « entraînera une augmentation inévitable de multiples aléas climatiques et présente de nombreux multiples risques pour les écosystèmes et les humains », conclut le Giec. « Le retard c’est la mort. Chaque seconde compte », traduit de son côté le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres." Information "Le Soir", le 1er mars 2022.

 

 

Photo issue de son profil Facebook. Elio Di Rupo a été Ministre-Président de la Wallonie dès 1999 et 2005. Il l'est à nouveau depuis 2019. En plus de 20 ans de présence socialiste au pouvoir régional wallon, et même 40 ans, si l'on compte à partir du premier ministre-président wallon, Jean-Maurice Dehousse, on ne peut dire qu'il s'agit-là d'une grande réussite socialiste ...   

>Aux Wallons, nous disons, réveillez-vous, il est moins cinq ! 

Dans les colonnes du jour du quotidien francophone belge, "Le Soir", le Ministre-Président de la Wallonie, le socialiste Elio Di Rupo, déclare:

 

"Nous avons besoin d’un soutien, j’en appelle aux patrons et aux syndicats". Il s’adresse au patronat, aux syndicats et aux associations environnementales : "Ce n’est plus l’heure des “il n’y a qu’à”. Avec vous seulement, nous pouvons faire en sorte que les milliards du plan de relance européen (1,5 milliard d'euros pour la Wallonie) aillent dans nos entreprises, pour nos travailleurs, et ne filent pas à l’étranger. Il faut garantir l’ancrage wallon".

 

Il en aura fallu du temps avant que le discours socialiste wallon se plie aux dures réalités, préférant jusque-là l'absence de courage politique et l'abondance tous azimuts d'un discours hors sol. 

 

Vu l'état financier et de la dette de la Wallonie, parmi les régions les plus pauvres de l'Union européenne, il est grand temps que ses forces vives se mobilisent pour faire face aux nombreux défis qui menacent à terme son intégrité politique et sa viabilité économique. 

 

En 2021, les dépenses inscrites au budget initial de la Wallonie s'élevaient à 17,8 milliards d'euros, pour des recettes de 13,8 milliards d'euros ... Le décors est planté. La dette wallonne  était de 27 milliards d'euros, soit près de deux fois le montant annuel des recettes régionales. La Wallonie dépense actuellement 600 millions d'euros par an rien que pour financer sa charge d'intérêts. Et si rien n'est fait, à savoir, au grand minimum, un effort annuel de réduction des dépenses de 150 millions d'euros, la dette wallonne sera de 50 milliards d'euros à l'horizon 2030. Intenable.

 

En 2019, à prix constants, le PIB de la Wallonie était de 110 milliards d'euros, soit seulement 23% du total belge, avec 87 milliards d'euros pour Bruxelles et 280 milliards d'euros pour la Flandre. Par habitant, le PIB wallon était de 30.132 euros, sous la moyenne belge de 41.449 euros. Le PIB wallon est à 85,7%, alors que la moyenne du PIB européen est à 100%; renvoyant le niveau wallon au seuil de celui de l'Estonie et de la Slovénie, tandis que la Flandre rivalise avec celui de l'Allemagne ...    

 

Le discours du Ministre-Président socialiste wallon est enfin lucide, qui en appelle au consensus entre les forces sociales wallonnes, un "en même temps" nécessaire et bienvenu. L'entreprise n'est donc pas l'ennemi, comme certains l'ont laissé entendre ou dit depuis trop longtemps dans des discours aussi primaires que démagogiques. Les 1er mai devraient faire entendre ce son de cloche, plutôt que les rodomontades populistes de "la lutte finale" ...

 

Cela va exiger des syndicats, de la FGTB en particulier, force plus conservatrice que réformiste, une véritable révolution culturelle - on peut en douter dans l'état où elle se trouve - avec l'abandon de son idéologie crypto-communiste et le renoncement à certaines actions de grève, trop souvent en décalage avec la réalité économique. La grève, qui est un droit fondamental, ne peut plus être la norme, mais l'exception; le dialogue social devrait davantage s'institutionnaliser et devenir pérenne et constant, à l'image du modèle allemand.

 

L'appel du Ministre-Président wallon va aussi demander au patronat wallon, belge plus largement, de jouer cartes sur table, en intégrant à ses déclarations et actes, aux côtés des impératifs de compétitivité incontournables, l'équité d'une saine redistribution des richesses ainsi que l'intérêt commun. L'heure n'est plus aux guerres de tranchées, si préjudiciables aux entreprises comme aux travailleurs et citoyens.

 

L'alerte n'est-elle pas générale ?

 

Outre une réforme institutionnelle urgente, avec la suppression de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des provinces, en faillite pour l'une, superfétatoires pour les autres, simplifiant et rendant plus efficace et moins coûteuse l'architecture des institutions publiques francophones, la Wallonie est au pied du mur, trois ans avant l'arrêt financier des transferts Nord-Sud, à savoir de la Flandre vers la Wallonie et Bruxelles, de 7 à 8 milliards d'euros par an, sous le coup d'une gestion nécessaire mais catastrophique sur le plan budgétaire d'une crise sanitaire doublée d'une crise environnementale, inondations (1 milliard d'euros depuis le 15 juillet 2021) et transition énergétique (6 milliards d'euros sur deux ans, pour des recettes annuelles de moins de 14 milliards d'euros).

 

Avec le mince espoir que l'explosion des coûts des matières premières et des tensions géopolitiques internationales, de l'inflation dans leur sillage, n'entraîne pas trop rapidement une montée des taux d'intérêts, qui constituerait un coup systémique dramatique porté aux finances des Etats surendettés, à une Wallonie déjà indigente et alors, sans plus aucune marge de manoeuvre, condamnée pour de longues années à une perte d'autonomie et de souveraineté politique, financière et économique. Un scénario à la grec est tout-à-fait envisageable, le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne aux commandes à Namur, plans drastiques de réduction des dépenses dans le viseur de la Troïka ... Aux Wallons, nous disons, réveillez-vous, retroussez vos manches, il est moins cinq !

                                                                       Le 21 février 2022. 

 

 

                         A l'initiative d'Emmanuel Macron, un Sommet sur l'océan qui aurait pu et dû mieux faire !

 

Un "One Ocean Summit" en manque de souffle et d'ambition ! 

 

Le 11 février dernier, à l'initiative du Président français, Emmanuel Macron, une trentaine de Chefs d’Etat et de gouvernements se sont engagé à mieux protéger l'océan, indispensable à la régulation du climat et riche en biodiversité. 

 

Pourvoyeur de ressources, vecteur majeur d’échanges économiques, régulateur des grands équilibres environnementaux, l’océan couvre 70% de notre planète. Il est menacé par les activités humaines, les pollutions et les effets du changement climatique.

 

Dans la continuité de son engagement pour la planète depuis cinq ans et dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, le Président de la République a organisé, du 9 au 11 février, à Brest, un "One Planet Summit" dédié à l’océan (très) malade.

 

Une responsabilité partagée sur l’océan !

 

Chefs d'Etat et de gouvernements, responsables d’institutions, représentants de l’ONU, chefs d’entreprises, décideurs de la société civile, ONG ... tous acteurs et actrices internationaux de la  "diplomatie bleue" réunis pour une session manquant de souffle et d'ambition.  

 

Parmi eux, la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’émissaire américain pour le climat, John Kerry, ou encore le Président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont on ne savait pas le penchant écologique ... 

 

Emmanuel Macron a annoncé l’objectif international de supprimer les subventions publiques qui contribuent à la surpêche et à la pêche illicite, ou encore faire de l’Union européenne le chef de file d’une coalition pour un Traité de la Haute Mer. Il va falloir ramer ... 

 

Le Chef de l’Etat français a aussi annoncé le dépassement de l’objectif visant à protéger 30% des terres et des mers d’ici à 2030 : "Nous avons dépassé cet objectif des 30% cette année. 33% de la superficie française est classée en aire protégée." C'est bien mais peut mieux faire ...

 

Si les travaux ont porté sur l'exploitation et le pillage de l'océan, en revanche, et c'est regrettable, le grave problème du 6ème continent des déchets plastiques - la pollution marine ne s'arrête évidemment pas à ces derniers - celle de la contagion carbonée en est une autre - n'a pas été abordé, alors qu'il constitue, pour la biodiversité ainsi que la chaîne alimentaire, un sujet majeur de l'humanité.

 

Comme si la pollution systémique de plus des deux-tiers aqueux de notre planète n'avait pas de lien avec la menace de leur surexploitation commerciale. Un "One Ocean Summit" décevant.

                                                                    Le 14 février 2022.  

 

 

Glasgow / Cop26: Bla Bla Bla ?

                                                                                    

>C'est à une civilisation biocide qu'il nous faut renoncer !

 

Ok, les énergies fossiles sont désormais mentionnées dans le texte péniblement négocié de la Cop26. C'est un progrès ... tout relatif. Il est vrai que mettre d'accord 140 pays sur des objectifs exigeants n'est évidemment pas chose aisée. Ce fut tellement difficile qu'il n'en a pas été ainsi. Pourtant, l'urgence climatique est là, elle s'est engouffrée dans notre maison commune, la planète, avec son cortège de catastrophes dites naturelles: incendies gigantesques suite aux sécheresses récurrentes; inondations diluviennes et ravageuses, dont nous avons été nous-mêmes victimes le 15 juillet 2021; conséquence d'une pluviométrie apocalyptique; destruction majeure de la biodiversité et des grandes forêts primaires, maladies respiratoires et cancers dans nos cités, réfugiés climatiques aux abois ...

 

Le réchauffement climatique est-il encore contrôlable ? Certains disent oui, les plus optimistes des scientifiques, mais pas en dessous de 1,5 degré d'ici 2050. D'autres disent non, car il faudrait désormais se préparer à gérer au mieux le monde d'après; la fonte des glaces de l'Arctique, en attendant l'Antarctique, du permafrost, avec son lot de libération massive de CO2, la montée inexorable et meurtrière des océans, l'engloutissement marin d'îles entières et de territoires trop exposés et fragilisés, comme les atolls du Pacifique, plus près de nous, les Pays-Bas, et, dans la foulée, réguler une crise démographique, sociale, économique et sanitaire systémique.

 

Quel avenir pour les jeunes générations ? Quoi qu'il en soit, on doit s'attendre à un changement fondamental de nos modes de vie: dans nos déplacements, nos approvisionnements énergétiques, nos modes de production et d'échange, d'alimentation - de la production à la consommation en passant par la distribution - dans notre conception même du monde, dans nos représentations de notre place.   

 

Il faut non pas s'y préparer, c'est trop tard, mais s'y investir totalement. Que le réchauffement d'ici la fin du siècle soit de 2 degrés ou plus, à moins d'un suicide collectif, ce qui revient à perdre tout espoir, l'humanité est bel et bien au pied du mur; un mur que nous aurons à gravir si nous voulons vivre encore sur une planète bienveillante et habitable. Nous avons et aurons à affronter des défis redoutables et, sans le courage et la détermination, nous n'y arriverons pas. Il revient à l'humanité présente, tout entière, de changer radicalement son rapport aux ressources, à la nature et à l'Autre, à commencer par les pays les plus riches, notamment ceux qui ont enfanté la révolution industrielle au XIXème et XXème siècles, responsables de la majeure partie des gaz tueurs à effet de serre.

 

L'humanité est UNE et il n'y a pas de planète B. Nous ne faisons qu'UN avec le vivant, animal et végétal. Comment ne pas voir et s'approprier dans nos vies que nul ne s'en sortira seul, sans solidarité, sans une vision lucide et transversale qui transcende nos appartenances sociales, culturelles et biologiques. Que chaque Etat et chaque citoyen de notre petite planète fasse sa part, fonction de leurs situation, possibilités et moyens. Mais si les plus pollueurs d'entre nous ne passent pas à la vitesse supérieure, alors les efforts des autres ne seront que de la cosmétique sur un corps malade et dégradé.

 

Les humains sont frères et soeurs, embarqués sur le même bateau. C'est l'Arche de Noé, à la veille d'une catastrophe annoncée si nous ne faisons rien. Le grand singe d'Afrique centrale, la baleine de l'Atlantique, l'ours polaire, la gazelle de Pzewalski et le passereau européen sont nos frères et soeurs aussi, bien d'autres encore, à commencer par l'abeille nourricière en voie d'extinction (*)

 

Dans l'accord final de Glasgow, l'Inde, soutenue par la Chine, a fait modifier le passage du texte qui mentionnait l'objectif, d'ici 2050, de "la suppression" de l'exploitation du charbon, source première de pollution globale, pour le remplacer par celui de "la diminution". C'est évidemment un recul qualitatif dramatique qu'il faut imputer directement à ces deux puissances. Mais tout de suite, ajoutons à ce constat en forme de jugement, le fait que ces deux immenses et très peuplés pays produisent et exportent énormément de biens de consommation achetés, souvent gaspillés, par les pays riches, soumis à une fièvre acheteuse délirante, cause d'atteintes majeures à l'environnement, la nature et la biodiversité. La responsabilité de l'échec ou du semi-échec de la Cop26 est donc partagée, tout comme est partagé le destin commun des peuples, des nations et du monde vivant.  

 

Alors, Bla Bla Bla à Glasgow ? Reportez-vous au texte de l'accord, disponible sur le Net, et faites-vous votre religion. Une leçon tout de même: aidons-nous urgemment nous-mêmes et le ciel nous aidera certainement. C'est à une civilisation biocide à laquelle nous devons renoncer, sans tarder. 

 

(*) Lire le roman passionnant de Bernard Werber, "La prophétie des abeilles", chez Albin Michel, 2021. 

 

                                                                    Le 16 novembre 2021. 

 

 

                                 Dernière chance !

           1ère partie du dernier rapport du GIEC août 2021 !

           Sciences2Sylvestre Huet, journaliste, spécialisé en sciences depuis 1986. 

"Plus précis. Plus alarmant. Plus fiable. Plus pédagogique. Le groupe-1 du GIEC vient de publier son rapport dans le cadre de la préparation du 6ème rapport de ce Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Le premier fut publié en 1990. Il servit de base scientifique à l’élaboration de la Convention Climat de l’ONU, signée à Rio de Janeiro en 1992.

Le GIEC se divise en trois groupes de travail. Le premier s’occupe de la physique du climat – comment il fut, est et sera dans le futur en fonction des différents scénarios possibles d’émissions de gaz à effet de serre par l’Humanité. Le second analyse les conséquences de ce changement climatique sur les écosystèmes naturels et agricoles et sur les sociétés humaines ainsi que sur les adaptations possibles de ces dernières à ces menaces. Le troisième s’interroge sur les politiques à conduire pour diminuer ces menaces en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

Les groupes 2 et 3 doivent approuver leurs rapports en février et mars 2022. Le rapport de synthèse est prévu pour fin septembre 2022.

Cette note présente le résumé pour décideurs du groupe 1 et son document « réponses aux questions fréquentes » (FAQ en anglais) à travers une sélection de graphiques rapidement commentés. Elle ne porte donc que sur la physique du climat.

1. Ce que l’on savait en 1990, ce que l’on sait en 2021

 

Ce graphique est une sorte de réponse à une thèse aujourd’hui fréquente « on savait tout déjà en 1990, voire en 1979 ». Il souligne qu’en 1990 la légère hausse des températures était « suspectée » de trouver son origine dans les émissions de GES, mais sans pouvoir être démontrée. Que les observations climatiques et les données paléoclimatiques étaient certes déjà importantes mais qu’elles ont été considérablement améliorées depuis. Que les modèles numériques du climat utilisés pour simuler le futur devaient se contenter de mailles de calcul de 500 km de côté (donc effaçant nombre de reliefs) et ne comportaient ni chimie atmosphérique, ni l’usage des sols et leurs transformations, ni la biogéochimie terrestre et marine, ni les interactions entre nuages et aérosols. En 2021, les faits climatiques sont bien mieux établis, la cause du réchauffement prouvée, le niveau marin surveillé par satellites, les modèles plus précis, plus complets. Si le rapport de 1990 était suffisant pour répondre positivement à la question des gouvernements à l’origine de la création du GIEC – « est-ce que le changement climatique est suffisamment menaçant pour nos sociétés pour justifier une politique drastique de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et donc de privation volontaire de l’usage des énergies fossiles qui représentent 80% des énergies utilisées pour subvenir à nos besoins ?  » – les rapports qui ont suivi ont considérablement amélioré la précision de la réponse. Le 6ème rapport s’inscrit dans cette évolution du savoir.

2. Comment le climat évolue t-il ?

 

Les températures 

La température moyenne de la planète (mesurée à un mètre au dessus des sols (stations météorologique) et à la surface des océans) depuis 1850 et la reconstruction de ces températures par des études paléoclimatiques remontant à 2000 ans montre l’amplitude et la rapidité du réchauffement observé. Au secours, vont crier les climatosceptique, la courbe en crosse de hockey revient ! Logique, puisque c’est de la bonne science.

Les signes du changement climatique 

 

La Terre montre dans toute sa géographie et dans toutes les composantes de ses écosystèmes les signes du changement climatique, causé par son réchauffement.

Les vagues de chaleur se multiplient

L’augmentation de la température ne se manifeste pas seulement sur les moyennes mais également par la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur dont les effets peuvent être dévastateurs pour les écosystèmes, l’agriculture ou la santé humaine.

La banquise arctique se rétrécit 

En 30 ans, la surface moyenne de la banquise arctique en fin d’été a diminué de 2 millions de km². Les projections climatiques montre qu’elle pourrait presque disparaître certaines années en fin d’été à partir de 2050.

3. La cause du changement 

 

L’intensification de l’effet de serre atmosphérique par nos émissions de gaz à effet de serre – la plupart dues à l’usage des énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole – est la cause du réchauffement climatique. Cette intensification a bousculé l’équilibre entre l’énergie solaire qui entre dans le système climatique planétaire et l’énergie que la Terre rayonne vers l’espace. L’énergie supplémentaire ainsi acquise par la planète se distribue surtout vers les océans (91%), la surface des continents (5%), est utilisée pour la fonte des glaces (3%) et seulement 1% est stockée dans l’atmosphère.

La preuve de la cause anthropique du réchauffement 

Lorsque les climatologues simulent par modèles et calculs le climat depuis 1850, seules les simulations qui tiennent compte du changement de la composition chimique de l’atmosphère par nos émissions de gaz à effet de serre parviennent à reproduire les températures observées. Les simulations qui ne tiennent compte que des facteurs naturels simulent un climat stable, très éloigné du réel observé.

4. Les climats futurs possibles

 

Le rapport focalise son résumé sur trois futurs possibles. Un premier où le réchauffement est limité à 1,5°C, un second où il monte à 2°C, un troisième où il grimpe jusqu’à 4°C. Cette présentation pédagogique ne doit pas induire en erreur : ces trois scénarios ne sont pas du tout équiprobables. Le premier supposerait une diminution drastique des émissions mondiales dès aujourd’hui à un rythme très élevé. Sa probabilité économique, sociale et politique est nulle. Le second suppose l’engagement de politiques très sévères de restriction de l’usage des énergies fossiles et de nombreux autres éléments d’une politique climatique efficace. Sa probabilité est faible, mais si ces politiques étaient engagées dans les 10 ans qui viennent au plan mondial, ce scénario ne peut être écarté. Le troisième correspond… à la trajectoire historique des émissions des gaz à effet de serre depuis 1992, l’année de Convention Climat de l’ONU. Autrement dit, pour le réaliser, il suffit de continuer comme aujourd’hui.

Les cartes des températures de ces trois simulations (les cartes montrent des moyennes de l’ensemble des simulations réalisées par les équipes scientifiques) :

Echelle des températures 

Et voici les simulations pour les précipitations selon les trois cas

Les moyennes de températures ou de précipitations vont changer, mais les fréquences et intensités des épisodes météo ou climatiques extrêmes également.

La relation entre moyennes et extrêmes climatiques et météorologique est différente pour les températures et les précipitations. Similarité pour les premières mais parfois opposition pour les secondes.

Ainsi, les zones qui risquent le plus d’être affectées par des sécheresses sont très inégalement distribuées à la surface de la Terre

Le pourtour de la Méditerranée et de la Mer Noire, l’Amérique centrale et le sud-est des USA, le Chili, le sud de l’Afrique, la côte ouest (entre Sénégal et Côte d’Ivoire), Madagascar, l’Amazonie sont les régions les plus menacées par des sécheresses fréquentes et intenses. En Amazonie, cela pourrait déclencher une transformation profonde de l’écosystème forestier.

Des vagues de chaleurs beaucoup plus fréquentes et intenses

Une vague de chaleur dont la fréquence dans le climat d’il y a 50 ans était d’une fois tous les 50 ans surviendra beaucoup plus souvent (14 fois pour un réchauffement de 2°C, 40 fois pour un réchauffement de 4°C) et la température sera de 2,7°C et de 5,3°C plus élevée. Pour la France, cela signifie des canicules à 50°C, sur une vaste partie du territoire dans ce dernier cas.

Le niveau marin futur

La montée du niveau marin est inéluctable. Mais son évolution à court terme dépend peu de nos émissions actuelles. En revanche, à l’horizon 2100, ces émissions peuvent en changer considérablement l’amplitude. A plus long terme (3 siècles) un scénario à 4°C en 2100 peut aboutir à une hausse de plusieurs mètres.

L’acidification des océans

La diminution du pH moyen de l’océan, en raison de dissolution du CO2 dans l’eau, est en cours et va s’accentuer. Elle menace de nombreuses espèces du plancton marin, la base de la chaîne alimentaire océanique, qui  ne parviennent plus à former leur squelette calcaire.

Et le Gulf Stream ?

Le gulf stream risque t-il de s’arrêter ? Non répond le rapport du GIEC, mais il pourrait ralentir. Cela provoquerait un moindre réchauffement de l’Europe du Nord-Ouest.

5. Le budget carbone de l’Humanité

 

Alors que l’Humanité a émis 2 560 milliards de CO2 depuis 1750, il faudrait n’en émettre que 500 de plus pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Pour le limiter à 2°C, 1150 milliards de tonnes. Ces objectifs supposent de ne pas utiliser la majeure partie des énergies fossiles disponibles en sous-sol. Et donc des transformations technologiques, économiques, sociales, culturelles et politiques majeures.

Les auteurs du résumé pour décideurs :

Origine des graphiques tirés de la FAQ

IPCC, 2021: Frequently Asked questions. In: Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S. L. Connors, C. Péan, S. Berger, N.
Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M. I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T. K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu and B. Zhou (eds.)]. In Press."

                                                                                                Le 09 août 2021.

 

>Vaccination: pourquoi n'a-t-on pas anticipé ce qui était prévisible ?

 

  En Israël, plus d'un million de personnes ont été vaccinées en une semaine. En Belgique, on est fier d'une latence injustifiée. 

 

Hier, j’ai lu dans la presse belge que nous retrouverons une vie normale vers l’été, campagne vaccinale aidant. J’ai regardé les chiffres de programmation de vaccination et les bras m’en sont tombés. Au plus fort de cette campagne – les maisons de retraite étant prioritaires, avant les personnels soignants des hôpitaux – 100.000 doses par semaine seront injectées. Comme il faut deux injections par personne sur trois semaines, il n’y aura donc que 50.000 personnes vaccinées tous les sept jours. A ce rythme-là, l’immunité collective en Belgique (il faut qu’au moins 60 à 70% de la population se fassent vacciner, soit, sur 11 millions d’habitants, pas moins de 7 millions de personnes …) ne sera pas atteinte avant longtemps, à la Saint-Glinglin pour tout dire … 

 

"La montée en puissance" de la vaccination que les autorités et la presse nous vendent en ce moment est une énorme baudruche. Cette lenteur organisée, tout comme en France, et non assumée en Belgique, est regrettable, car les informations sur les variants du coronavirus (britannique et sud-africain) sont alarmantes. 

 

Face à une explosion des contaminations due à la nouvelle souche du virus, le Royaume-Uni est au bord d'une catastrophe majeure, d'où le changement précipité et radical de stratégie, en ne recourant plus, pour l'heure, qu'à une seule dose. Mais avaient-ils le choix ? L’Allemagne vaccine massivement, aidé en cela par une planification arrêtée dès le début décembre. On nous dit dans le même temps que chaque pays européen a reçu un nombre égal de doses, au prorata de sa population. Cherchez l’erreur. A cinq heures d’avion, en Israël, après une semaine de vaccination, plus d’un million de personnes ont été vaccinées. Il est vrai que l’Etat hébreu y a mis le paquet. D’abord en finançant ses laboratoires, sans certitude de réussite, afin de disposer le plus tôt possible d'un vaccin national. Ensuite, en les payant 40% plus chers que ceux disponibles sur le marché international. 

 

Il est donc vraisemblable qu'une troisième vague, sans certitude absolue, plus dangereuse et plus mortelle, nous arrive d'ici quelques semaines. Aux dires des virologues, les vaccins actuels seraient efficaces face à ces mutations. J'ai confiance en la science, alors je les crois, même si l'incertitude est la seule certitude que nous ayons en ce moment. Nos populations, nos économies, entreprises, petits et gros commerces, lieux culturels, salles de spectacle et événementielles ne résisteront pas longtemps à un tel scénario. 

 

Des rapports circulent en ce moment émanant de différents services, scientifiques et de renseignements. Ils alertent les autorités sanitaires et politiques du danger qui risque d'advenir. Le véritable problème, qui explique sans doute le malaise perceptible à la tête des Etats européens et de la fébrilité qui caractérise le début de la campagne de vaccination, semble être la pénurie de vaccins, une carence qui rappelle celle des masques en mars 2020; la production actuelle étant en sous-capacité pour répondre à la demande. Bonne nouvelle, une nouvelle unité de production du vaccin de Pfizer/BioNTech, en plus de celle de Puurs, en Belgique, devrait voir le jour en février. Mais quid des autres vaccins, Moderna, AstraZenecca, déjà validés par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais encore dans les limbes du côté de l'Agence européenne des médicaments et de la Commission ? 

 

Pourquoi donc n’a-t-on pas anticipé ce qui était prévisible ?

 

Alors, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les responsables politiques et experts scientifiques, magnez-vous le train; ce qui nous fonce probablement dessus ressemble davantage à un tsunami qu'à une vague ... J'espère vraiment me tromper. Le 05 janvier 2021. 

 

 

                                        Carpe diem !

Lorsque la vaccination sera disponible en fonction des groupes de personnes prioritaires, lorsque mon tour viendra, je choisirai les plaisirs des piqûres:

"Il faut donc consacrer ses soins à ce qui produit le bonheur, tant il est vrai que, lorsqu'il est présent, nous avons tout, et que, lorsqu'il est absent, nous faisons tout pour l'avoir. (...) Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs des voluptueux inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées, ainsi que l'écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l'âme, à être sans trouble". Lettre à Ménécée.

Notre cher Epicure (-342 / - 270) nous propose de jouir, certes, mais avec sagesse ... Le 21 décembre 2020.

 

 

>La deuxième vague de la pandémie impose de nouvelles mesures ! 

 

Je ne peux que rappeler à chacune et chacun à vraiment, mais vraiment se conformer aux mesures, protocoles et dispositifs sanitaires présents et à venir. La période est dramatique, tous les chiffres d’infections, d’hospitalisations et de décès s’affolent. Tous les témoignages de la part des soignants proches que je reçois, notamment de ma fille, médecin interniste en unité covid à Charleroi, et de mon beau-fils, chirurgien à Liège, quant à la situation réelle dans les hôpitaux, sont poignants et très inquiétants. 26/10/20.

 

Je crois malheureusement que les nouvelles mesures du jour prises par le comité de concertation (gouvernement fédéral et gouvernements régionaux et communautaires) seront insuffisantes pour faire face à l’explosion des contaminations, des hospitalisations et des décès. La Wallonie, les provinces de Liège et du Hainaut en particulier, est très impactée. Son gouvernement devrait prendre des dispositions additionnelles. A défaut, selon tous les chiffres et témoignages à notre disposition et les faits, oui, les faits sont têtus, nous courons à la catastrophe. Il ne serait pas étonnant que le gouvernement fédéral fasse un rétropédalage d’ici quelques jours.

23/10/20.

 

Je ne suis ni médecin ni virologue, mais je vis dans une famille qui compte deux soignants, un chirurgien et une médecin interniste en unité covid. Tout ce que mon beau-fils et ma fille nous disent de la situation dans les hôpitaux, l’un à Liège, l’autre à Charleroi, fait froid dans le dos. Nous avons pris la mesure de ce qui s’y passe. C’est dramatique. Je me permets d’inviter chacun et chacune à accepter les faits: oui, des mesures strictes individuelles et collectives s’imposent. Nous devrions toutes et tous respecter rigoureusement les règles sanitaires actuelles et celles malheureusement qui s’annoncent. J’en suis aujourd’hui persuadé. 22/10/20. 

 

 

>Le nouveau chemin fixé par Emmanuel Macron et tracé par Jean Castex !

 

 

Le nouveau premier ministre français, dans la foulée de l'interview présidentielle du 14 juillet, lors de laquelle Emmanuel Macron a fixé les grandes lignes de son "nouveau chemin", a présenté, à peine 24 heures plus tard, un programme pour le moins chargé, alors qu'il ne reste que 600 petits jours au quinquennat en cours. D'emblée, devant l'Assemblée nationale, Jean Castex s'est posé en homme des territoires et du dialogue. N'oublions pas qu'il est maire, désormais empêché, de la petite ville de Prades, sous-préfecture des Pyrénées-Orientales. Aux grandes envolées lyriques et souvent creuses, il a préféré, nécessité oblige, des annonces concrètes et de terrain. On le dit "le négatif de Macron", sans doute choisi pour ce profil, le nouvel hôte de Matignon prend sa mission à coeur et à corps, même s’il sait que son horizon est limité. Mai 2022 est désormais dans le viseur de l'Elysée ... 

 

 

Accent du sud-ouest à la bouche, sans les cailloux pour autant, Jean Castex est doté d'une bonhommie à la Raymond Barre, qu'il serait hasardeux de ne pas prendre au sérieux, tant l'homme est travailleur, compétent et expérimenté, comme pour rappeler une manière d'être à l'ancienne, un goût de IIIème République. Mais méfiez-vous, ce n'est pas un retour en arrière. Les Français ont découvert  un premier ministre dissemblable de la norme actuelle, certes, mais totalement ancré dans le présent et le regard droit fixé sur les mois et années à venir. Ne perdre de vue ni le sol ni l'horizon. 

 

Est-ce le nouveau « collaborateur » d’Emmanuel Macron ? Allons donc, ne vous méprenez pas sur ce rôle secondaire qui pourrait prendre bientôt tout l'écran. Durant la crise sanitaire, les Français ont apprécié la gestion sérieuse et vigilante d’Édouard Philippe, inspirée précisément par Jean Castex, aux manettes de la lutte contre la Covid 19. Ils devraient adorer le style pragmatique de Jean Castex. Tel est l'espoir non secret d'Emmanuel Macron pour tenir face aux nombreux et menaçants défis qui attendent la France et l'Europe. La crise économique et sociale qui pointe le nez sera sans précédent depuis 1929. La gestion de la dette publique et des déficits abyssaux n'en sera pas moins redoutable. 

 

Avec le nouveau premier ministre, c’est le retour du bon sens près de chez vous. Il aime tant parler de la « France d’en bas », de la France « des territoires » qu’il entend réconcilier avec celle des villes, des banlieues et de l’Outre-Mer. À Emmanuel Macron les concepts et la complexité, à lui la simplicité. « Dans cette France des grands débats d’idées, parler d’efficacité opérationnelle peut sembler trivial », a-t-il lancé. Pourquoi s’abstiendrait-il, puisque tel est la mission qui lui est assignée ?

 

Au président, on a reproché une forme de froideur et d'arrogance, parfois à juste titre. Jean Castex arrive dès son premier discours avec des repas de cantine à un euro pour les étudiants boursiers et une hausse de l’allocation de rentrée scolaire pour les plus modestes. La leçon de la baisse des aides personnalisées au logement, premier gros faux pas du début de mandat en 2017, a été retenue.

 

 

Jean Castex signe le retour de la France des terroirs et de la décentralisation. Se limite-t-il à cela ? À 55 ans, l’élu des Pyrénées-Orientales prétend intégrer tout autant le nouveau monde. « L’écologie n’appartient pas qu’à un parti », assène-t-il. Avec, au-delà de la formule, du sonnant et trébuchant. Il promet un moratoire sur la construction des centres commerciaux dans les zones périphériques et propose de faire de la France le pays « le plus décarboné d’Europe ». Rien de moins ... 

 

Ce discours de politique générale était pour le moins balisé. La veille, Emmanuel Macron avait fixé le « nouveau chemin » du pays. Mettant les mains dans le cambouis au point d’évoquer les principales perspectives : une priorité donnée à l’emploi, surtout celui des jeunes (700.000 d'entre eux rentreront en septembre sur le marché du travail), alors que la France pourrait compter dans un an, a-t-il dit, entre 800.000 et un million de chômeurs de plus. Restait au premier ministre la feuille de route, le tracé du chemin, le contour concret des réformes que l’exécutif entend poursuivre ou lancer. Certes, il s’est exécuté, non sans imprimer sa marque, lui dont le président vantait la veille « la pâte humaine ». « Le dialogue, l’écoute, le compromis : voilà les leviers d’une démocratie apaisée », a-t-il professé.

 

Avec Jean Castex, voici les corps intermédiaires, longtemps quasi ignorés par Emmanuel Macron, puissamment réhabilités. Avec lui, voici l’État central habillé pour l’hiver, mais un Etat plus décentralisé et donc plus fluide aussi. Toutes les prochaines recrues seront affectées à la fonction publique territoriale. « Une révolution », se félicite-t-il. Avec lui, voici le souci des petits, des précaires, remis au centre du jeu. Les Gilets jaunes apprécieront-ils ? La formation, les baisses de charges devront permettre aux plus jeunes de décrocher un emploi, priorité des priorités. 

 

Demain, le premier ministre recevra à Matignon les partenaires sociaux pour évoquer le sujet explosif de la réforme des retraites, maintenue mais certainement "adaptée". On se souvient que la fixation d’un âge pivot à 64 ans (l’âge actuel de départ est de 62 ans), défendu bec et ongles par Édouard Philippe, avait suscité un mouvement social sans précédent dans les transports l’hiver dernier. Jean Castex confirme qu’un système de retraite universel « par points » sera mis en place. Mais il sera négocié indépendamment de toute mesure d’âge. Voilà qui devrait rassurer les syndicat réformistes. 

 

Le premier ministre prend visiblement sa mission à coeur et à corps, même s’il sait déjà que sa perspective réelle ne dépassera pas 600 jours. Après avoir multiplié les déplacements de terrain, il a pris langue avec les parlementaires de la majorité. Comme si cet amateur de rugby savait d’autant plus l’importance d’un « pack » collectif maintenant que les troupes se sont fissurées au point pour le parti présidentiel de perdre sa majorité absolue. Il a cependant des alliés au centre et à droite.

 

A-t-il réussi cet exercice obligé de déclaration de politique générale ? Tous les yeux étaient rivés sur les compteurs de l’Assemblée à l’heure du vote. Sans surprise, la confiance a été accordée au nouveau premier ministre, avec un score de 345 voix pour et 177 voix contre. À l’été 2017, juste après l’arrivée à l’Elysée d’Emmanuel Macron et le déferlement des « Marcheurs » à l’Assemblée, Edouard Philippe avait recueilli 345 voix pour, 177 contre et 43 abstentions. Un vote de confiance confortable qui ne dit rien cependant de la suite des événements. En politique, 600 jours, c'est court, c'est aussi une éternité.

 

Les principales mesures annoncées

 

- Près de 130 milliards d'euros pour assurer le plan de relance:

 

 ° 40 milliards pour financer la réindustrialisation (relocalisation de productions essentielles, dont 20

   milliards de baisse des impôts de production pour les petites, moyennes et grosses entreprises);

 ° 38 milliards pour garantir la continuité du chômage et de l'activité partiels;

 ° 20 milliards dans la transition écologique (isolation des bâtiments publics et logements privés, 

   énergies vertes, dont les batteries électriques et la technologie hydrogène, modes doux de transport);

 ° 25 milliards pour insuffler à la recherche (fondamentale et appliquée) une nouvelle dynamique;

 ° 6 milliards pour le système de santé en plus des 13 milliards de reprise des dettes de l'hôpital public;

 ° 1,5 milliard pour la formation des jeunes demandeurs d'emploi sous-qualifiés. 

 

- Lutte contre le chômage, priorité des priorités. La réduction du coût du travail des jeunes actée;

 

- Création d’un commissariat au Plan, sorte de planificateur et d'analyste en temps réel des impacts et retombées du plan de relance. Le poste devrait échoir au président du MoDem, François Bayrou;

 

- Ecologie, politique centrale et transversale désormais de la gouvernance d'Emmanuel Macron. Dans tous les territoires devra être élaboré un « contrat de développement écologique », où toutes les priorités seront chiffrées et évaluées. « Je crois à la croissance écologique, pas à la décroissance verte », a martelé Jean Castex;

 

- Réconciliation les France: France des banlieues, France rurale, France des Outre-mer, France dite périphérique, France de la réussite. Le premier ministre veut les réconcilier;

 

- Loi contre le séparatisme (le communautarisme). Le texte devrait être présenté à la rentrée. « Il faut éviter que certains groupes se referment autour d’appartenances ethniques ou religieuses », a indiqué le premier ministre, qui veut défendre la laïcité avec intransigeance et faire de la lutte contre l’islamisme radical une priorité. Cela devrait fortement déplaire à l'extrême gauche;

 

- Création ou plutôt recréation des juges de proximité, chargés de lutter contre toutes les incivilités du quotidien, la délinquance dans les quartiers ainsi que la violence urbaine. Le 16 juillet 2020. 

 

  >Nicolas Revel, nouveau Dircab de Jean Castex, n'est pas n'importe qui !

La nomination de ce très proche d'Emmanuel Macron, fils de Jean-François Revel et de Claude Sarraute, auprès du premier ministre français, marque l’emprise de l’Élysée sur Matignon. 

Le président français y est parvenu. Il a placé Nicolas Revel, un de ses fidèles lieutenants, comme directeur de cabinet du nouveau premier ministre Jean Castex. Il avait tenté le coup en 2017, mais Édouard Philippe, pas né de la dernière pluie, avait refusé.

 

Avec Nicolas Revel, 54 ans, Emmanuel Macron a désormais des yeux et des oreilles à Matignon. Les deux hommes ont appris à se connaître au cabinet de l’ancien président socialiste, François Hollande, entre 2012 et 2014. Ils y occupent le même poste : secrétaire général adjoint. Emmanuel Macron est en charge des questions économiques ; Nicolas Revel, des affaires sociales et sociétales. Les deux hommes deviennent proches. Il y a entre eux de la complicité intellectuelle et un grand respect.  

 

Même s’il n’a jamais eu la carte du Parti socialiste, Nicolas Revel trace sa voie à gauche. Étudiant modèle à Sciences-Po, puis à l’École nationale d’administration (ENA), il passe quelques années à la Cour des comptes avant d’intégrer, en 2000, un ministère sous l’ère Jospin (PS). Même si la santé est son dada, il rejoint l’équipe de Jean Glavany (PS), ministre de l’Agriculture et de la Pêche. Quelques années plus tard, il devient directeur-adjoint puis directeur de cabinet de Bertrand Delanoë (PS) à la mairie de Paris, avant de rallier l’équipe du président Hollande, d’en être déçu, c'est un euphémisme, puis de diriger la Caisse nationale d’assurance maladie de 2014 jusqu’à ce 2 juillet 2020. 

 

Comme le premier ministre Jean Castex, son Dircab, comme on dit dans le milieu, est un inconnu du grand public. Nicolas Revel est pourtant issu d’une famille d’intellectuels renommés. Il est le fils de l’écrivain et académicien Jean-François Revel et de la romancière et journaliste au "Monde" Claude Sarraute. Il est aussi le petit-fils de l’écrivaine Nathalie Sarraute et le demi-frère de Matthieu Ricard, moine bouddhiste et proche conseiller du Dalaï Lama.  

 

Nicolas Revel est donc entouré de personnes célèbres, mais lui aime la discrétion. L’ombre lui convient parfaitement. C’est exactement ce qu’Emmanuel Macron attend de lui, qu’il devienne l’ombre de Jean Castex, pour toujours avoir un coup d'avance ... Du pur jus macronien. Le 14 juillet 2020.  

                                                                    

 

>Le gouvernement de Jean Castex devra convaincre !

 

 

 

Emmanuel Macron a donc nommé Jean Castex au poste de Premier ministre, en remplacement d'Edouard Philippe, et l'a chargé de former un nouveau gouvernement. Ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy, Jean Castex, 55 ans, maire Les Républicains (LR) de Prades (Pyrénées orientales), est depuis avril le délégué interministériel chargé du déconfinement. "Il est un haut fonctionnaire complet et polyvalent qui aura à coeur de réformer l'Etat et de conduire un dialogue apaisé avec les territoires", a expliqué l'Elysée. "Il est l'homme de la situation" car, "connu pour travailler par le dialogue et dans un esprit de rassemblement", il "saura mettre en oeuvre les reconstructions évoquées par le chef de l'Etat dans ses dernières expressions dans le cadre du nouveau chemin" du quinquennat. La présidence présente Jean Castex comme "l'homme du déconfinement réussi" qui "est appelé à un moment critique de la crise sanitaire".

 

Quelles sont les surprises du gouvernement du nouveau Premier ministre français dévoilé le 6 juillet ? Dès la nomination de Jean Castex à Matignon, l'ancrage à droite semblait se dessiner. Ce cap a été confirmé ce mercredi avec la nomination ou la promotion de personnalités comme Gérald Darmanin à l'Intérieur, ancien protégé de Nicolas Sarkozy. Ce troisième gouvernement d'Emmanuel Macron aurait pu être l'un de ceux de l'ancien président à droite toute.  

 

Ce nouvel exécutif, voulu comme un "gouvernement de mission et de rassemblement", selon les mots du président Macron, n'affiche que peu de ralliements venus de la droite ou de la gauche. L'Ecologie, pourtant présentée comme l'un des portefeuilles les plus importants, a été ainsi attribuée à Barbara Pompili, qui, après avoir pris ses distances avec son ancienne famille politique, Europe Ecologie Les Verts (EELV), s'était déjà rapprochée de la majorité présidentielle. De là à voir dans ce choix une réelle marque verte pour les deux petites années qui restent du quinquennat ? A vérifier sur actes.

 

Les seuls grands "coups" de la composition de cette équipe sont l'arrivée à la Justice du sulfureux Eric Dupond-Moretti, avocat pénaliste, spécialiste des effets de manche et des attaques frontales contre la magistrature (les magistrats n'ont d'ailleurs pas tardé à réagir en dénonçant "cette provocation") et de la fringante Roselyne Bachelot à la Culture. Cette dernière avait pourtant assuré avoir tourné la page de la politique, après avoir été ministre de la Santé (2007-2010) et des Solidarités (2010-2012) dans les gouvernements dirigés par François Fillon. Elle a été depuis chroniqueuse télé et récemment réhabilitée dans le dossier de la réserve stratégique de masques qu'elle avait constituée comme ministre de la Santé, réserve "coûteuse" qui lui avait été injustement reprochée. 

 

En tout, l'équipe de Jean Castex comprend 16 ministres, 14 ministres délégués et un secrétaire d'Etat, à savoir le nouveau Porte-parole du gouvernement, le jeune Gabriel Attal, qui nous changera de l'inénarrable Silbeth Ndiaye. Les autres secrétaires d'Etat seront désignés ultérieurement. 

 

Ils incarnent les surprises du remaniement ministériel. A une époque où la communication présidentielle est plus verrouillée que jamais, ceux qui avaient prédit l’arrivée de Roselyne Bachelot, Eric Dupond-Moretti et Barbara Pompili se comptent sur les doigts d’une main.  Depuis la démission d’Edouard Philippe, il n’aura fallu qu’un week-end pour former ce nouveau gouvernement et vérifier les actifs de chacun auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 

Outre les nouvelles prises, un choix cristallisait encore les critiques des associations et responsables politiques ce mardi : la nomination de Gérald Darmanin, anciennement ministre de l’Action et des Comptes publics, au ministère de l’Intérieur. Réélu brillamment maire de Tourcoing (Nord) dès le premier tour des élections municipales, il reste visé par une plainte pour viol, harcèlement sexuel et abus de confiance. Une décision, jugent ses détracteurs, à contre-sens de la volonté du président de faire de la lutte contre les violences sexuelles une « grande cause du quinquennat ». L’entourage d'Emmanuel Macron estime que la présomption d'innocence doit prévaloir pour tous, que la plainte pour viol évolue « dans le bon sens » et qu’elle ne fait pas obstacle à la désignation de l'intéressé. 

 

Emmanuel Macron a réuni, mardi 7 juillet, un premier Conseil des ministres. Le gouvernement  de Jean Castex, renouvelé à hauteur d’un tiers par rapport à celui d’Edouard Philippe, ne fait donc pas dans la révolution. Il est là pour rassurer un électorat centriste et de droite, sans tenter de perdre de vue le "en même temps" macronien", par le maintien d'un pilier social-démocrate en la personne de Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de François Hollande, aux Affaires étrangères. Ce troisième gouvernement Macron est là aussi pour préparer la prochaine élection présidentielle ... 

 

En attendant le discours du Président le 14 juillet, qui sera suivi dans la foulée de la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant l’Assemblée nationale, le gouvernement veut faire passer le message qu’il se remonte déjà les manches : crise économique, chômage, réforme des retraites, dépendance et réchauffement climatique, les dossiers ne manquent pas. En pleine gestion des conséquences dramatiques de la crise sanitaire, l’été ne manquera pas d'apporter son lot de défis aux nouveaux venus.

 

Eric Dupond-Moretti, « garder le meilleur, changer le pire » !

 

La nomination de l’avocat pénaliste a secoué le monde de la magistrature. Après la nomination de ce tonitruant ténor du barreau, très critique envers les juges et le Parquet, l’Union Syndicale de la Magistrature (USM), principal syndicat de magistrats, a dénoncé, dès lundi 6 juillet, une « déclaration de guerre à la magistrature ». « Je ne ferai de guerre à personne, s’est défendu Dupont-Moretti, lors de la passation de pouvoir avec Nicole Belloubet, l'ancienne Garde des Sceaux. " Je veux avec vous garder le meilleur et changer le pire". Ses prises de position passées ne laissent guère place au doute : l’ancien avocat est entré en guerre contre le Parquet national financier, créé fin 2013, sous l’impulsion de François Hollande, après le scandale Jérôme Cahuzac, qui fut son client.

 

Il y a encore quelques jours, Dupont-Moretti pointait « une clique de juges qui s’autorise tout », réagissant à la révélation d’une procédure lancée, il y a six ans, par le Pôle National Financier (PNF), pour identifier une éventuelle taupe dans l’affaire des écoutes téléphoniques de Nicolas Sarkozy. Paul Bismuth doit être rassuré d'avoir un tel défenseur à la Justice. Les listes d’appels de plusieurs journalistes et avocats, dont le nouveau Garde des sceaux, avaient été épluchées par les magistrats, sans succès. Eric Dupond-Moretti avait alors décidé de porter plainte contre X pour « violation de l’intimité de la vie privée et du secret des correspondances ». La plainte a finalement été retirée, a fait savoir l’Elysée, quelques heures après l’annonce de sa nomination ...

 

Les chantiers sont nombreux pour le nouveau Garde des sceaux : de la réforme du Parquet aux conditions de détention des prisonniers, en passant par la justice des mineurs : les défis seront difficiles pour l’ex-avocat, qui promet « une justice plus proche des citoyens ». Le hic, il sera en charge de l’application de la vaste et contestée réforme Belloubet (du nom de sa prédécesseure), à laquelle il s’était vivement opposé. Pour son premier déplacement, le Garde des Sceaux s'est rendu symboliquement à la prison de Fresnes. Les prisons françaises sont surpeuplées et insalubres ...

 

Roselyne Bachelot, le défi du ministère maudit

 

Ex-ministre de Jacques Chirac, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, sociétaire des « Grosses têtes » sur RTL, chroniqueuse sur une chaîne d'info en continu. Dorénavant, ministre de la culture. Si la nomination de Roselyne Bachelot à la Culture n’était pas écrite, personne ne faisait grand cas du sort de son prédécesseur, Franck Riester. Il y a un an, plusieurs syndicats s’inquiétaient déjà de « l’absence d’ambition politique » de son Cabinet. Même Roselyne Bachelot, n’a pas été particulièrement enjouée au moment d’évoquer le bilan de celui qui s’empare aujourd’hui du Commerce extérieur et de l’Attractivité : « il faut le poursuivre, le consolider, le repenser parfois » ...

 

La nouvelle ministre de la culture a dit vouloir « mettre la culture au cœur du plan de reconstruction [de la France] après la crise sanitaire. « Je sais que le temps m’est compté », a-t-elle souligné. Et pour cause, après Françoise Nyssen, partie après juste 17 mois à ce poste, et Franck Riester, le ministère de la Culture a vu se succéder 12 ministres depuis Jack Lang, sans imprimer leur style et avec un mandat ne dépassant pas en moyenne les deux ans ...

 

« L’urgence absolue en ce début d’été sera d’aider à la remise en route et en état des lieux de culture : festivals, musées, cinémas, monuments historiques », a assuré l’ancienne ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, elle qui avait laissé la politique de côté depuis 2012. « C’est quasiment une question de vie ou de mort pour tant de personnes, emplois directs et emplois dérivés », a-t-elle ajouté, après avoir souligné que le monde de la culture avait « pris en pleine face la dévastation de la crise pandémique ».

 

Barbara Pompili et la malédiction Hulot

 

Dire de Barbara Pompili qu’elle est attendue au tournant est un euphémisme. Elle est la quatrième ministre de l’Environnement d’Emmanuel Macron et succède à Elisabeth Borne, qui devient ministre du Travail et lui laisse une tâche doublement ardue. L’écologiste, ralliée à la Macronie, devra transcrire dans la loi et la politique gouvernementale les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, remises à Emmanuel Macron le 21 juin dernier. Elle aura à faire de la transition écologique une dynamique vertueuse de la fin du quinquennat afin de répondre à la volonté des urnes. A voir.

 

Les défenseurs de la transition écologique, qui saluent son engagement, doutent de sa capacité à peser pour faire réellement de l’écologie le « moteur essentiel » de la relance. « Barbara Pompili, on la connaît bien, elle a un vrai engagement écolo, de vraies convictions personnelles », commente Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France. Mais « on a plus de doutes sur sa capacité à peser au sein de ce gouvernement et sur la place réelle que vont lui faire le Premier ministre, pas vraiment connu pour son engagement vert, et le Président », indique-t-il à l’AFP. Réussira-t-elle là où Nicolas Hulot a échoué ?

 

 

Par ailleurs, la ministre de l’Écologie devra trouver sa place auprès de ministres avec lesquels elle n’a pas toujours entretenu de bons rapports. En témoigne cette attaque de Gérald Darmanin, en 2005, qui prend une tout autre saveur aujourd’hui : « Les Khmers verts au pouvoir : on a bien vu, on n’en veut plus ! » La référence à peine voilée au génocide commis par le régime des Khmers rouges au Cambodge dans les années '70, n’avait pas beaucoup plu à Barbara Pompili qui l’avait notamment accusé en retour de placer le débat au niveau du « caniveau » ... 

 

En conclusion, nous demandons à voir sur pièces. Le tropisme de droite du nouveau gouvernement d'Emmanuel Macron et le vert pâle qu'il peine à afficher ne nous disent rien qui vaille. En face, à droite comme à gauche, il n'y a certes pas grand-chose, si ce n'est un Rassemblement National (RN) et une France insoumise (LFI) qui cultivent le populisme comme d'autres propagent les virus et les mensonges. Voilà les vrais dangers, ces forces obscures qui minent obstinément nos démocraties.

 

Mais la posture de séduction d'un électorat globalement conservateur, qui ne goûte guère, en général, la politique sociale, indispensable pourtant avec la crise économique majeure qui s'annonce, ainsi que les choix inévitablement contraignants qui nous attendent en matière d'environnement, de protection de la biodiversité et de développement durable, pour le dire clairement, ne séduit pas. Sur le papier, le gouvernement de Jean Castex interpelle. Dans les actes, saura-t-il convaincre ? Le 8 juillet 2020. 

                                                                       

 

>France: La diagonale verte BLS, un symbole pour l'Europe ?

 

Alphonse Allais disait qu'il fallait mettre la ville à la campagne. En tout cas, la rendre humaine, en harmonie avec un développement durable.

 

Ce n’est pas une vaguelette, pas plus un tsunami – plus de 60% d’abstention, ce n’est guère rassurant – mais le second tour des élections municipales françaises marque un tournant majeur dans le paysage politique et social de la France du XXIème siècle.  Sur les 36.000 communes que compte l’Hexagone, 5000 devaient encore en passer par là ce dimanche. Trois mois et demi après le premier tour, crise de Covid oblige, les électeurs qui se sont déplacés ce dimanche ont voulu envoyer un message clair : assez de paroles, il faut maintenant des actes forts et concrets pour assurer la transition énergétique. 

 

Le président de la République, Emmanuel Macron, devrait entendre la demande verte qui s’est ainsi exprimée dans les urnes. Les villes et communes ne sont-elles pas le lieu idéal pour faire des choix clairs au plus près des citoyens ? Le chef de l’Etat, tout en haut des institutions verticales françaises, a la responsabilité historique de soumettre les deux années du quinquennat qui lui reste, peut-être cinq autres, si il se représente en 2022 et est élu, à l’aune d'un filtre dédié au développement durable, transition énergétique et préservation de la biodiversité comme lignes directrices.     

 

Le chef de l'Etat aura l’occasion, dès aujourd'hui, en recevant ce matin à l’Elysée les 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, qu’il a lui-même mise en place en octobre 2019, de montrer qu'il passe au vert. Ces femmes et ces hommes, tirés au sort et constitués en assemblée de citoyens, lui remettront des propositions tangibles qui devraient permettre d’enclencher une bascule vertueuse. Probablement 146 sur 149 de ces propositions devraient être avalisées par Emmanuel Macron et traduites sous forme de projet de loi à court terme. On ne peut que s'en féliciter.

 

On ne peut pas dire que le gouvernement d’Edouard Philippe, personnellement réélu haut la main à la tête de l’équipe municipale de la ville du Havre, n’ait rien fait en matière d’écologie. Pour ne prendre que quelques exemples, c’est sous son autorité, validée par décisions présidentielles, que l'anachronique projet d’aéroport de Notre-Dame-Des Landes, non loin de Nantes, a été abandonné ; que les centrales à charbon ferment les unes après les autres ; que la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace, arrête définitivement son dernier réacteur cette semaine ; qu’un très ambitieux programme d’isolation thermique des habitations a été lancé récemment  et qu’un autre encourage par des primes substantielles l’achat de véhicules propres. Tout cela est bien mais visiblement insuffisant aux yeux de Français en attente d'accélération verte. 

 

Il y eut l’incompréhensible décision sur le glyphosate, avec son cortège de concessions faites au lobby chimique, reportant de trois ans l’interdiction de ce dangereux pesticide (voir notre article ici même, rubrique Fenêtre sur jour, du 3 juin 2018, « A tort et à Travert » (*). Il y eut le pas de deux, puis le recul du 80 km/heure sur les nationales à trois voies.  Il y eu l'absence de décision sur la taxation du kérosène des avions et du mazout des bateaux. Décision probablement reportée sine die avec le sinistre économique des secteurs aéronautique et de la navigation lié à la crise sanitaire. Il y eut surtout, le 28 août 2018, la démission fracassante de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, démontrant à tous que la gestion de ces missions stratégiques par le gouvernement français était trop faible, trop lente, trop limitée. Tout un symbole ! Bref, un manque d’ambition et de courage politique aux yeux du chantre du combat pour un monde vivable et respectueux des écosystèmes. 

 

Hier, les électeurs ont reconduit confortablement la maire de Paris, Anne Hidalgo, à la tête de la capitale, majorité municipale très engagée notamment dans la lutte contre « le-tout-à-l’auto » dans la ville. La maire de Lilles, Martine Aubry, a senti passer le vent du boulet vert, en remportant l’élection de justesse, avec un peu plus de 200 voix d’écart, sur le candidat d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), Stéphane Baly. Nul doute que la ville du nord devra faire plus en matière d'environnement à l'avenir.

 

Bien sûr, il y beaucoup de municipalités dont on ne parle pas et qui ont renouvelé leur confiance aux maires sortants, une prime leur étant accordée en général. Plus de la moitié des 36.000 communes françaises demeure à droite, divers droite et intérêts communaux. Le parti de Christian Jacob, le président Les Républicains (LR) peut légitimement revendiquer un certain succès, pourtant aucune gloriole ne lui est autorisée. 

 

Le parti socialiste (PS), allié la plupart du temps avec les écologistes, parfois avec les communistes et l’extrême gauche de La France insoumise (LFI), conserve quelques bastions, dont Paris, Lilles, Clermont-Ferrand, Le Mans, Rouen et gagne Nancy. Satisfecit pour un parti qu’on annonçait à l’agonie. Les dinosaures ne meurent qu'à coup de météorites. 

 

Les extrêmes droite et gauche de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon ne peuvent vraiment pavoiser. Le parti nationaliste perd 600 postes, sur 1400, de conseillers municipaux par rapport à 2014. A part le gain de Perpignan et Moissac, victoire étonnante dans le sud-ouest, radical socialiste depuis des lustres, pour le Rassemblement national (RN) et la première place, en voix, du "Printemps marseillais" (rassemblement des gauches, y compris les extrêmes), de Michèle Rubirola. Par le système des votes par secteurs, elle n'est pas assurée d'accéder au fauteuil de maire face à sa rivale de droite, Martine Vassal (LR) ). L'élection marseillaise se jouera lors d'un troisième tour où chaque conseiller municipal pourra présenter sa candidature au poste de maire  Rien n'indique nationalement une poussée des partis populistes lepenniste et mélenchoniste. Il est vrai que le scrutin local ne les favorise pas traditionnellement. 

 

Le parti d’Emmanuel Macron, plus écurie présidentielle que parti, qui entend cependant être un laboratoire d’idées, échoue totalement dans son objectif de s’implanter durablement sur le terrain. Sur les 400.000 élus, il en aura à peine 5000 … Il sera quand même présent dans certaines équipes municipales grâce à ses alliances locales, souvent avec la droite, parfois avec la gauche. C’est donc un échec pour le président, qui sait que l’arbre Philippe du Havre, dont il se réjouit, laisse désormais voir une impressionnante forêt verte. 

 

Car il est bien là, l’événement du 28 juin 2020, une vague verte qui, malgré la relativité des résultats avec un taux d’abstention record, donne à ces élections un caractère national et historique indéniable.

Imaginez un peu, derrière le maillage écologiste sur tout le territoire (de Poitiers à Besançon), la diagonale verte BLS (de Bordeaux à Strasbourg, en passant par Lyon), qui traverse la France d'ouest en est, offre un autre visage au pays, celui d’une nation en demande d'appel d’air frais, tant dans la classe politique que dans les projets stratégiques. Un effet coronavirus, la peur d'aller voter ? Certes, mais pas que. L'abstention populaire et la verdurisation des esprits, bien que sociologiquement différentes, entraînent la France, aux côtés d'autres Etats européens, vers une nouvelle frontière qu'il est aujourd'hui  mal aisé de cerner précisément. Les défis sont nombreux et les solutions complexes ...   

 

A l’ouest, Bordeaux, la belle ville du charismatique Jacques Chaban-Delmas, du chiraquien Alain Juppé et du maire sortant de droite Nicolas Florian, pourtant soutenu par La République en marche (LREM) macroniste, voit arriver à sa tête un candidat écolo sorti de nulle part, Pierre Hurmic, si ce n’est du travail de terrain des mouvements associatifs qu'il incarne.

 

Au centre-est, la fière capitale des Gaules, Lyon, voit le pitoyable maire sortant, ex-ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, ex-ami aussi, car en rupture affective avec son mentor, éjecté de son siège césarien par un inconnu, qui ne le restera pas longtemps, l’écologiste Grégory Doucet.  

 

A l’est, Strasbourg, siège du parlement européen, en rejetant sèchement l’ancienne maire socialiste, Catherine Trautman, usée à force de vouloir exister, offre son cœur à une femme verte, Jeanne Barseghian, et frappe ainsi un grand coup symbolique au sein de Union européenne en marche vers le "Green Deal", ambitieux programme des 27 annoncé, en décembre 2019, par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel.

 

A Grenoble, depuis 2014, Eric Piolle, maire écologiste, n'a pas démérité en matière de bilan. Loin de l'image de "Khmer vert" ou "d'Ayatollah vert" qui lui fut accolée par les esprits chagrins, la majorité écologiste sortante a plutôt géré la cité alpine en alliant audace, en matière de mobilité douce, et prudence, sans engager de grand chambardement. Si elle a accru le déficit public de la ville en augmentant les impôts locaux, c'est vrai, c'était pour financer des dépenses d'investissements structurels et donc durables. La liste "Grenoble ensemble", conduite par Eric Piolle, regroupant EELV, le PS et LFI, a été reconduite à la tête de la municipalité dès le premier tour du 15 mars dernier. On dit du maire grenoblois qu'il serait pris de temps à autre de démangeaisons présidentielles ...         

 

La diagonale verte est un symbole. Elle n’incarne pas toute la France et toute l’Europe, loin s'en faut. Mais elle ouvre une voie nouvelle : au pied du mur du réchauffement climatique et de  conséquences dramatiques si nous ne faisons rien, elle montre le chemin à une intégration horizontale de l’étalon vert dans toutes les politiques économiques, sociales, de santé publique et culturelles, tant à l'échelon local qu'à celui des Etats et du continent. Notre Europe peut devenir un modèle du genre.

 

La diagonale verte est un signe des temps: garder le meilleur du passé - le modèle d'un Etat protecteur, non-bureaucratique et proactif - et entamer une page nouvelle de l'histoire commune des Européens, alliant un social libéralisme exigeant sur le plan des droits, ouvert sur le monde, sans naïveté, et garant d'une gouvernance pour un développement humaniste et durable. Le 29 juin 2020.

 

(*) Il y a quelques jours, la firme allemande Bayer/Monsanto a accepté de payer la somme de 10 milliards de dollars à des 

     victimes de cancers provoqués par son produit phare, le Roundup. Pourquoi le fait-elle, si ce n'est pour éviter un procès

     retentissant et ravageur qui la mettrait face à sa culpabilité chimique ainsi qu'à sa responsabilité pénale ? 

  George Floyd restera un symbole. La statue de Léopold II trône encore non loin du Palais royal. La mort de Patrice Lumumba est oubliée.  

 

>Le meurtre de George Floyd rappelle qu'il faut décoloniser les esprits !

 

La mort de George Floyd, quasi en direct, provoquée par un policier blanc de la ville américaine de Minneapolis, Minnesata, le 25 mai dernier, a révolté la planète. Cette "bavure", plutôt banale jusqu'ici aux Etats-Unis, ne passe pas. Ils n'en ont pas l'exclusivité, la France et la Belgique doivent aussi réfléchir à leur histoire ainsi qu'au comportement problématique de certains de ses policiers lors des manifestations de rue. Des dizaines de milliers de personnes dans le monde manifestent pour ne plus revoir une telle violence et pour exiger une réelle égalité de traitement entre les personnes, quelle que soit leur couleur de peau. Il est vrai qu'aux Etats-Unis, la communauté noire est en première ligne.

 

Le racisme, avec l'antisémitisme, sont une lèpre qui ne touche malheureusement pas que les communautés d'origine africaine. Du ras-le-bol antiraciste, on est passé maintenant à une demande de révision des mémoires collectives. Le travail de mémoire sur le passé colonial n'a pas été fait dans la plupart des anciennes puissances métropolitaines. La Belgique, peut-être plus que tout autre, a rangé cette page peu glorieuse dans un placard, comme d'autres mettent la poussière sous le tapis.

 

Des statues d'anciens coloniaux et chefs d'Etat responsables sont déboulonnées un peu partout. Il ne faudrait pas que cette lessive trop rapide efface en même temps les horribles taches de ce qui fut finalement une entreprise institutionnelle et privée de pillages, de meurtres et d'évangélisation.

 

Le quotidien belge, "Le Soir", titre aujourd'hui: "Léopold II, le roi qui crée un malaise jusqu'au Palais". Bigre ! Le "malaise" au sein de la famille royale belge n'a pas toujours été de mise. En 1960, le roi Baudouin n'évoque-t-il pas "le génie" de Léopold II, passant sous silence les innombrables crimes perpétrés par les mercenaires du monarque colonial ? Rappelons que ce même Baudouin, élevé lui-même sous l'autorité d'un père pas vraiment net avec l'occupation allemande, s'est étranglé lorsque le jeune premier ministre d'un Congo devenu indépendant, Patrice Lumumba, a dénoncé avec force et sans faiblesse, depuis une tribune du Palais royal, l'héritage sanglant de la Belgique dans son pays. Cette dynastie - en réalité, la Belgique institutionnelle tout entière - n'a pas été non plus très affectée, c'est un euphémisme, par l'assassinat de ce même Lumumba, sous les auspices de qui l'on sait.

 

Tout cela en dit long sur le rapport, qui va du paternalisme le plus intéressé à la cruauté la plus sauvage, que "ce petit pays" aux grandes ambitions a entretenu avec son ex-colonie. Il n'est évidemment pas le seul, les empires britannique et français n'ont pas fait dans la dentelle non plus, c'est le moins qu'on puisse en dire. Indiens et Algériens, parmi bien d'autres, peuvent en témoigner.

 

Pour en connaître davantage, puisque la plupart des historiens belges ainsi que les autorités en charge de l'enseignement n'ont pas voulu que la Belgique fasse un véritable travail de mémoire, il faut se tourner vers l'historiographie anglo-saxonne. Les ouvrages à vocation scientifique et enquêtes journalistiques crédibles sont nombreux à avoir jeté une lumière assassine sur le pillage, l'esclavage et les massacres du roi Léopold II dans ce qui relevait alors de sa propriété personnelle.

 

De la Conférence de Berlin, 1884-1885, sur le partage de l'Afrique entre puissances coloniales, à la rétrocession du Congo léopoldiste à la Belgique, en 1908, sous l'énorme pression internationale, scandalisée par les crimes du roi des Belges (Léopolod II devient roi de "l'Etat indépendant du Congo" en 1885), selon les études historiques suffisamment documentées (en Belgique, elles se font rares), sous le règne du bon monarque, on estime le nombre de morts entre 500.000 et 10.000.000.

 

Un remarquable documentaire de Peter Bate, de 2004, diffusé par la BBC, dont le sérieux en la matière n'est plus à démontrer, et notamment la RTBF, mais oui, "Le roi blanc, le caoutchouc rouge et la mort noire", analyse et commente les nombreuses sources disponibles, entre autres, les registres coloniaux des "mains coupées". Ce travail de recherche audiovisuel permet à tout le moins d'estimer les victimes à plusieurs millions. Ce qui ferait de Léopold II, dont les nombreux bustes et statues trônent encore, sans plus d'explications historiques, dans nos villes et parcs (avant le génocide allemand des Héréros et des Namas en Namibie, à partir de 1904), le précurseur européen d'une forme moderne d'épuration ethnique pour raison commerciale et économique.

 

Un ouvrage accablant et remarquablement documenté, d'Adam Hochschild, historien, écrivain et professeur à l'université américaine de Berkeley (formation à Harvard), "Les Fantômes du roi Léopold II, la terreur coloniale dans l'Etat du Congo, 1884-1908" permettra à chacun de se faire une idée plus précise du bilan léopoldiste au Congo. Enfin, lire ou relire "Le coeur des ténèbres", de Joseph Conrad, ne fera de tort à personne, si ce n'est au mensonge d'Etat entretenu par la Belgique officielle depuis trop longtemps. A l'évidence, il nous faut à présent organiser dans les écoles et dans les médias un travail nécessaire: décoloniser les esprits, sous peine de rendre impossible la cohabitation pacifique et harmonieuse entre les communautés culturelles qui vivent en Belgique. Le 12 juin 2020.

 

                                                                         

                            Pour un confédéralisme belge réaliste !

 

  La Wallonie de Paul Magnette, président du PS, est aux antipodes de la Flandre nationaliste et de droite de Bart de Wever.

 

Dès le 27 mai 2019, ici même, en rubrique "Europe", nous relevions au lendemain des élections législatives combien la Belgique fédérale était "menacée d'ingouvernable". Le 11 décembre 2019, nous publions l'article ci-dessous. Les événements qui se sont produits ensuite nous confortent davantage encore dans notre analyse. Le Roi a nommé depuis deux informateurs, l'un francophone et libéral, l'autre flamand et démocrate-chrétien. Georges-Louis Bouchez, nouveau président du MR, et Joachim Coens, nouveau président du CD&V, ont tout tenté en deux mois. Sans résultat. De la coalition dite "Vivaldi" (les partis traditionnels, plus les écolos et sans les nationalistes flamands de la N-VA) à une coalition PS - N-VA (avec les autres partis traditionnels), en passant par des solutions plus improbables les unes que les autres. Puis Philippe en son palais a sorti sa carte maîtresse, du moins, le croyait-il, en la personne de l'actuel ministre de la Justice, fin connaisseur des arcanes politiciennes du pays, Koen Geens, le social-chrétien flamand. Echec et mat sur toute la ligne des deux semaines de palabres. Tout cela pour arriver à la conclusion, que l'on connaissait déjà en novembre 2019, depuis la mission confiée au président du PS, Paul Magnette, qu'un mariage entre les socialistes francophones et les nationalistes flamands est impossible, tant les programmes des uns et des autres appartiennent à des systèmes solaires différents. Quant à la "Vivaldi", les partis flamands, allergiques aux quatre saisons, n'en veulent à aucun prix, y compris, semble-t-il, celui d'une crise de régime. Quel est le constat ? La Flandre, qui vote à droite et même très à droite et qui rêve de son émancipation, et la Wallonie, qui vote à gauche et qui craint son ombre, avec Bruxelles comme spectatrice, ne s'entendent plus. Cela fait près de 300 jours que les élections ont eu lieu. Et toujours pas de gouvernement fédéral, si ce n'est un exécutif en affaires courantes depuis près de deux ans (il était tombé un an auparavant avec le départ de la N-VA), dans l'impossibilité juridique de prendre des décisions stratégiques et structurelles. Le déficit public de la Belgique a quadruplé depuis. Fin 2020, il sera au bas mot de plus de 12 milliards 500 millions d'euros. Intenable à terme. L'incapacité des partis flamands et francophones, non seulement de se comprendre, mais simplement de se parler, rend la viabilité de la Belgique fédérale caduque. Il faut donc trouver autre chose. Comme les Flamands sont majoritairement en faveur de plus d'autonomie pour leur nation, voire davantage, eh bien, chiche, mais aux conditions des francophones. C'est la Flandre, riche et puissante, qui doit faire des concessions, puisque ses principaux représentants sont demandeurs d'une plus grande régionalisation. L'heure tourne et le temps travaille pour la Flandre, qui sait que, dès 2023, ses transferts financiers (7 à 8 milliards d'euros par an) vers le Sud du pays commenceront à fondre comme neige au soleil. Il y a une fenêtre d'opportunité qui s'ouvre pour les francophones. Ils devraient y songer. A défaut, les Flamands les attendront au coin du bois pour leur imposer un rapport de force déséquilibré. La dynamique, l'unité, sur l'essentiel, et l'argent sont au Nord. Les atermoiements, l'improvisation et la peur sont au Sud. Les Wallons ont-ils encore le choix ? Non, bien sûr. Il n'y a que les imbéciles, les hypocrites et les menteurs pour nier la machine de guerre qui leur fait face. La Belgique de papa a vécu, tout le monde le reconnait, mais la Belgique fédérale actuelle est en mort cérébrale. Beaucoup le taisent. Rien ne sert de pleurer sur le lait répandu. De la lucidité et du courage, avec l'espoir au bout d'une nouvelle Belgique. Sinon, du sang et des larmes. Voilà le programme. 18 février 2020.

 

         Pour un confédéralisme à la belge plutôt qu'une lente agonie !

 

Les citoyens de Belgique ont voté le 26 mai 2019. Cela faisait déjà six mois que le gouvernement fédéral, à la suite de la démission des ministres nationalistes flamands de la N-VA, était minoritaire et en affaires courantes. Dès le lendemain du scrutin, le Roi Philippe a désigné deux informateurs, le francophone libéral, Didier Reynders, et le socialiste flamand, Johan Vande Lanotte. Sans résultat. Ils ont fait le spectacle en sachant pertinemment que l'échec était au bout du tunnel.

 

Ensuite, le Palais a choisi un autre duo, avec l'espoir que le nationaliste flamand, Geert Bourgeois, de la N-VA (Niew-Vlaams Alliantie) et le socialiste wallon, Rudy Demotte, en mission d'information, pourraient débloquer les choses. En vain. Chacun est reparti vers sa communauté en désignant l'autre comme le grand responsable du blocage. Tout cela a duré plus de cinq mois ...

 

Ce fut alors au tour du président du parti socialiste francophone, Paul Magnette, de tenter de mettre sur les rails une coalition, dite arc-en-ciel, regroupant les socialistes, les libéraux et les écologistes du Sud et du Nord du pays. Cette formule ne regrouperait que 76 sièges à la Chambre des représentants sur un total de 150 membres, majorité beaucoup trop étroite et fragile pour gouverner dans la stabilité.

 

Du coup, l'informateur royal a tenté d'ouvrir la discussion aux sociaux-chrétiens flamands du CD&V, voire aux sociaux-chrétiens francophones du CDH. Ces derniers pourraient apporter leur appui depuis l'extérieur d'une majorité arc-en-ciel. L'accueil a été glacial. Car du côté des partis flamands libéraux et surtout sociaux-chrétiens, on ne veut absolument pas laisser la N-VA, aux côtés du Vlaams Belang, l'extrême droite flamande, seule dans l'opposition. Ces deux formations nationalistes, indépendantistes et ulta-libérales ont recueilli près de la moitié des votes en Flandre le 26 mai dernier. Tandis que la Wallonie et Bruxelles faisaient plutôt confiance à la gauche et à l'extrême gauche, du PS, des Ecolos et du PTB (Parti du travail).

 

Le 9 décembre, Paul Magnette a remis au Roi son troisième et ultime rapport. Malgré beaucoup de pugnacité et de responsabilité, le président du PS n'a pu recommander formellement au souverain la mise en place d'une coalition rouge/bleue/verte. Il s'est fendu d'une vidéo juste pour dire qu'il a ouvert des pistes intéressantes. Ça ne mange pas de pain. Alors que tous les observateurs s'attendaient à ce que le Roi Philippe se tourne soit vers la tête de la N-VA, le président Bart de Wever, demandeur insistant d'une nouvelle réforme de l'Etat en profondeur, à savoir le choix d'un confédéralisme accompli, soit vers le CD&V. Pour d'aucuns, les sociaux-chrétiens flamands, ombre de ce qu'ils furent jadis, pourraient représenter une porte de sortie à la crise; crise institutionnelle, voire de régime, bien davantage qu'une crise politique additionnelle. Finalement, le Palais a quelque peu déjoué tous les pronostics en désigné un troisième duo dans les personnes des tout nouveaux et jeunes présidents du CD&V et du MR (libéraux francophones), le discret Joachim Coens et l'ambitieux Georges-Louis Bouchez. Ils ont dix jours pour réussir là où cinq autres politiciens chevronnés ont échoué. Mais qui sait ?

 

Pendant ce temps, l'inénarrable Bart de Wever soufflait le chaud et le froid sur le destin de la Belgique. Se présentant sur tous les médias comme le nouvel informateur royal potentiel, au même moment, il insultait Paul Magnette, en parlant de "sa bouillie (buccale) rouge et verte ... qu'un bon dentifrice flamand devra nettoyer" ... et en posant avec arrogance devant le Palais royal. Tout un programme. L'homme est grossier et grotesque et sait comment s'y prendre pour perdre toute crédibilité. Du coup, ironie du sort, l'hypothèse d'une relance par ses plus proches alliés, CD&V et MR, d'une coalition ar-en-ciel, sous la plume de nombre d'observateurs, a repris de la vigueur. Un pas en arrière, selon nous, pour mieux sauter, lors des prochaines élections fédérales, dans quelques semaines ou en 2024. A n'en pas douter, le rapport de forces Nord/Sud qui sortira des urnes aura de fortes chances d'être beaucoup moins favorable aux francophones.     

 

L'enjeu pour une majorité de Flamands n'est autre que d'accentuer la séparation communautaire, en vue d'un divorce à terme, en régionalisant ce qui ne l'est pas encore, à savoir, essentiellement, la sécurité sociale, la justice, la police (la défense est appelée dans le futur à s'articuler de plus en plus au sein d'une coordination européenne), afin de constituer un paquet homogène de compétences au niveau des régions et communautés. Ce serait aussi l'occasion pour eux d'alléger les finances d'une Flandre déjà prospère, mais qui ne supporte plus "le boulet wallon". 

 

La Fédération Wallonie-Bruxelles, excroissance de la Wallonie et des francophones de la région Bruxelles-Capitale (Cocof), aux compétences coûteuses (enseignement, audiovisuel, culture, petite enfance, protection de la jeunesse, éducation permanente, prévention de la santé) est corsetée par une enveloppe fermée, sans possibilité de lever l'impôt. Son étranglement budgétaire est donc inscrit dans les astres. La Wallonie n'est guère mieux lotie, avec une dette et un déficit public impressionnants et tout cela au son de la chanson: "Dormez tranquilles, bonnes gens, on veille ..." !

 

Selon des accords passés, dès 2023, les francophones devront vivre progressivement sans les transferts financiers Nord/Sud, à savoir 7 à 8 milliards d'euros annuels que la Flandre paie aux Wallons et Bruxellois francophones. Leurs politiciens, tous partis confondus, évitent soigneusement de dire la vérité à leurs concitoyens; la vérité est indigeste et n'est pas rentable électoralement.

 

Mais comment comprendre une classe politique qui choisit de laisser pourrir la situation, en gelant toutes négociations institutionnelles, qui, tôt ou tard, seront à l'agenda d'une Belgique malade ? 

 

Les temps à venir pour la Wallonie et Bruxelles seront difficiles. La Flandre le sait et voit loin, bien plus loin que beaucoup de Wallons le nez sur l'événement. La Flandre est majoritairement en demande d'une réforme de l'Etat Belgique qui accoucherait d'un confédéralisme. Ne nous voilons pas la face, des éléments confédéraux coexistent déjà au sein des institutions fédérales du pays, comme la compétence dévolue aux entités fédérées, les régions et communautés, de signer des accords de coopération bilatéraux avec d'autres Etats dans le monde.

 

Ne vaudrait-il pas mieux de s'assurer des temps futurs en les préparant, d'abord, en faisant le ménage au sein des institutions francophones (1), que de se voir imposer, tôt ou tard, le revolver sur la tempe, les termes d'une séparation qui pourraient s'avérer catastrophiques pour la Wallonie et les Bruxellois francophones ? Ces derniers auront toujours le choix d'opter pour une adhésion citoyenne à la Flandre, choix dicter par le portefeuille, ce qui ne pourra pas être le cas des Wallons. Bruxelles est une région enclavée en Flandre, il n'y a donc pas de continuité territoriale avec la Wallonie. Les Flamands ont veillé au grain et ce, dès 1963, lors de la fixation de la frontière linguistique. Certains ont de la suite dans les idées, d'autres végètent dans l'improvisation ...

 

Pour l'heure, un rattachement de la Wallonie à la France (les Flamands ne lâcheront jamais Bruxelles), que certains prédisent depuis des lustres, a peu de chance de séduire l'Hexagone, lui-même en proie à des difficultés économiques, sociales, financières et budgétaires.

 

En revanche, un confédéralisme âprement négocié avec une partie flamande sur les startings blocks, doté de quatre régions (Flandre, Bruxelles-Capitale, Wallonie, Ostbelgien (2), pourrait se présenter comme une porte de sortie, certes douloureuse, mais honorable et nécessaire, pour un Etat Belgique à l'agonie.

 

Les Wallons et les francophones bruxellois, en position de force, car ils accéderaient à une Flandre demanderesse - ce qui ne serait pas le cas dans l'hypothèse du pourrissement; situation profitable qu'aux Flamands - pourraient exiger des délais suffisants pour préparer l'avenir. A savoir, le report d'une dizaine d'années de la cessation des transferts Nord/Sud, via la sécurité sociale, ainsi que le report, à échéance déterminée d'un commun accord, de la régionalisation de la dette fédérale. Il faut savoir que les recettes de TVA, appelées en ce cas à être défédéralisées, ne pourront pas couvrir dans le sud du pays la charge d'une dette trop lourde pour les finances d'une Wallonie autonome. La géopolitique, n'est-ce pas l'art de comprendre le réel, sa complexité, même si ils sont redoutés ?  

Le 11 décembre 2019.

 

(*) La Fédération Wallonie-Bruxelles est une institution superflue, gourmande sur le plan budgétaire. Ce "trait

     d'union" entre la Wallonie et Bruxelles pourrait faire place à des accords de coopération bilatéraux entre

     francophones des deux régions. En régionalisant ses compétences, cela permettrait d'éviter l'effet mille

     feuilles sur un aussi petit territoire, de rationaliser une administration peu performante, armée mexicaine 

     avec autant de chefs que de soldats, d'adapter ses interventions aux spécificités de chaque bassin régional 

     et donc de faire des économies. D'autant que les régions disposent d'une capacité fiscale nécessaire.

     On peut également s'interroger sur la persistance des provinces, institutions héritières de l'Ancien régime,

     pourvues de compétences et de budgets importants, en doublons avec les attributions de régions devenues

     pleinement autonomes au sein d'un Etat belge confédéral. Là encore de substantielles économies sont

     possibles. Les Wallons doivent prendre leur destin en main et ne pas attendre une catastrophe annoncée.

     La Flandre nationaliste, riche et arrogante ne serait plus un pourvoyeur méprisant mais un partenaire.

 

(*) L'Ostbelgien ou Belgique de l'Est est la dénomination faitière de la petite Communauté germanophone dotée,

     depuis la loi du 31 décembre 1983, de compétences dites de "communauté", à savoir enseignement, audiovisuel, 

     culture, protection de l'enfance et de la jeunesse. Les germanophones belges (78.000 habitants) sont demandeurs 

     de davantage de compétences, celles, des provinces redondantes, et celles des régions, pour plus tard. 

 

 

     La réforme des retraites passera par le réalisme et la responsabilité !

 

 

Le premier ministre français, Edouard Philippe, a enfin dévoilé le projet de réforme des retraites. Nul ne conteste que le système actuel, qui compte pas moins de 42 régimes spéciaux, majoritairement dans la fonction publique, n'est plus tenable. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu'il ne sera plus finançable dans les décades qui viennent. Le système actuel coûte beaucoup trop cher aux finances publiques, c'est-à-dire à l'ensemble des Français qui travaillent. Le régime par répartition garantit le paiement des retraites pour autant que les cotisations des salariés, fonctionnaires et indépendants suffisent à couvrir le paiement de l'ensemble des retraités. A situation égale, ce ne sera plus possible dès 2025. Faut-il dès lors sacrifier les générations de travailleurs qui viennent pour satisfaire plus longtemps, non pas des acquis, comme le prétendent certains syndicats, mais ce qui relève aujourd'hui de statuts privilégiés. Est-il normal qu'un conducteur de la SNCF, qui ne met tout de même plus dans sa locomotive du charbon, puisse partir à la retraite à 52 ou 55 ans, alors qu'un maçon, une infirmière, un agriculteur doivent attendre 62, voire 65 ans ou davantage pour ce dernier ? Non. Qu'a dit Edouard Philippe ? Le temps est venu d'un régime des retraites universel. A savoir, quel que soit le statut de la personne, à un euro cotisé correspondra le même droit pour tous. C'est un principe fondamental d'équité sociale, notamment pour les travailleurs à temps partiel, qui, sous le régime actuel, pour chaque période d'interruption salariale, doivent prester au moins 150 jours d'occupation professionnelle avant de pouvoir cotiser pour leur retraite. Pour les femmes à carrières hachées aussi, qui désormais verront intégrer au calcul de leur retraite les temps passés à élever leurs enfants. Pour les agriculteurs, qui, aujourd'hui, perçoivent des pensions de misère et qui pourront recevoir une retraite de 1000 euros minimum. Ces catégories sociales, croyez-nous, sont satisfaites de la réforme. Chaque heure, chaque jour, chaque mois et chaque année travaillés donneront accès à des points de retraite, dont la valeur unitaire, fixée dans la loi, ne pourra être diminuée, mais bien indexée sur l'évolution des salaires, et non des prix, ce qui est plus avantageux, car les rémunérations augmentent plus vite que l'inflation. L'âge officiel du départ à la retraite sera maintenu à 62 ans (en Belgique, il va passer à 67 ans ...), mais un âge pivot, un âge d'équilibre coexistera à 64 ans. A savoir qu'une personne désirant partir à la retraite dès 62 ans le pourra toujours, mais se verra pénalisée d'un malus jusqu'à ses 64 ans. Pas au-delà. Toute personne qui partira à 64 ans et davantage, ce sera toujours possible, comme aujourd'hui, se verra gratifiée d'un bonus sur le montant de sa retraite. Les tranches d'âge concernées sont celles nées après 1975. Ce sont 60% des travailleurs en activité actuellement qui ne seront pas impactés par la réforme. Les syndicats les plus radicalisés, CGT, FO, Sud notamment, annoncent la couleur: ils veulent ni plus ni moins l'abandon par le gouvernement de la réforme. Il ne peut en être question et chacun le sait. C'est pourquoi, ils veulent maintenir une pression maximale sur l'Exécutif en tentant de paralyser le pays par une grève dite illimitée. La population est partagée, fatiguée et exaspérée. En face ou à côté, les syndicats réformistes, comme la CFDT, CFTC, UNSA, soutiennent depuis longtemps une réforme par points, mais le patron du principal syndicat français, Laurent Berger, de la CFDT, avec près de 800.000 adhérents, avait fixé ce qu'il a appelé sa ligne rouge. Il n'entend pas accepter l'idée d'un âge pivot, qui, dit-il, est injuste et ne veut d'aucun objectif budgétaire et financier pour justifier cet âge d'équilibre. Sauf qu'il faudra bien que l'ensemble de la réforme tienne la route financièrement, sans quoi, ce sont les plus jeunes générations, les enfants et petits-enfants qui devront faire face à l'impéritie de catégories sociales qui ont ou qui vont, encore pour un certain temps, bénéficier de pensions sanctuarisées au travers les régimes spéciaux inégalitaires. Avec tout le respect que nous devons avoir pour le paritarisme, pour la CFDT, syndicat responsable, les lignes rouges ainsi brandies sont en réalité déterminées par des organisations, en France, bien peu représentatives des travailleurs, encore moins de l'ensemble des Français. La France détient en effet l'un des records du plus bas taux de syndicalisation en Europe. Les syndicats corporatistes et radicaux, abonnés à la gréviculture, c'est dans leur ADN, la CGT communiste en tête, pratiquent à l'échelle nationale un syndicalisme de pure contestation  et de confrontation. Ils sont incapables de regarder le réel en face, avec lucidité, car l'idéologie y règne en maître, alors que le pragmatisme et le constructivisme devraient conduire leurs actions. Ils sont incapables de proposer quoi que ce soit de sérieux, de crédible et de positif. Il est très regrettable de voir Laurent Berger et son syndicat foncer à leur tour tête baissée, tel un taureau, pour éventrer le gouvernement français. Les syndicats réformistes risquent de tout perdre à ce jeu-là. En tuant Edouard Philippe, cela semble désormais leur but, voire Emmanuel Macron, dont les légitimités démocratiques ne sont pas contestables - le candidat Macron avait annoncé clairement sa volonté de réformer les retraites - ils feraient les affaires des courants les plus nihilistes de la société française, ils feraient en sorte que le chaos, que d'aucuns souhaitent imposer à la France, s'installe durablement. Nous leur conseillons vivement de bien y réfléchir et de reprendre dès que possible le chemin de la négociation. Le premier ministre n'a-t-il pas laisser la porte ouverte à toute autre proposition de substitution de l'âge d'équilibre, proposition qui permettrait d'atteindre tout autant l'objectif d'assurer un système de retraite universel par points financièrement viable ? Il reste des marges de manoeuvre. Il faut à présent ne pas les laisser filer. Le temps presse et la France ne peut attendre davantage. Le 14 décembre 2019.        

 

 

>Expliquons l'indispensable réforme des retraites en France !

 

 

I- Comment expliquer la retraite par points ? 

 

1. Qu’est-ce qu’un point ? 

 

Quand vous travaillez, vous payez des cotisations. Votre employeur, si vous êtes salarié, en paye aussi pour vous. Et le montant total de ces cotisations est converti en points. Vous cumulez ainsi des points tout au long de votre carrière. Au moment de partir à la retraite, le nombre total est converti en pension calculée en fonction d’une “valeur du point” valable pour tous. 

 

2. Le système par points est-il une nouveauté en France ? 

 

Non, il existe déjà. Aujourd’hui 2 types de régimes de retraite existent en France : ceux qui calculent la retraite en fonction des trimestres acquis; ceux qui calculent en fonction des points cumulés tout au long de la carrière grâce aux cotisations versées. Ce second type de régime est la retraite par points. De nombreux Français et Françaises sont concernés par ce système. Exemples: la retraite complémentaire des salariés du secteur privé, celle des travailleurs indépendants, la retraite des professions libérales... 

 

3. Le système par points est-il un système par capitalisation ? 

 

Non, il ne s’agit pas d’un système par capitalisation. Les régimes de retraite obligatoires en France fonctionnent par répartition: les cotisations versées chaque année servent à payer les pensions des personnes actuellement retraitées. Le Gouvernement souhaite conserver ce principe de solidarité entre les générations. 

 

4. Quel est donc l'intérêt de généraliser une retraite par points ? 

 

L’objectif du gouvernement français est de mettre en place un système universel, qui soit le même pour tous les Français et les Françaises. La généralisation du système par points permettra d’avoir un système plus juste et plus équitable. Les travailleurs et travailleuses seront soumis aux mêmes règles, quel que soit leur statut. Chaque jour travaillé permettra d’acquérir des points et d’améliorer sa pension. Chaque Français et chaque Française aura accès à son compte de points, et pourra savoir à tout moment où il en est de sa retraite future. 

 

5. Combien vaudra un point ? 

 

Au départ de la réforme, 10 euros cotisés permettront d’acquérir 1 point. Les points cumulés seront indexés sur l’évolution des salaires et non pas sur l’inflation. L’hypothèse actuelle de la valeur de service du point, serait une valeur fixée à 0,55 euro. Donc 100 euros cotisés garantiraient 5,50 euros de pension par an pendant toute la retraite. 

 

6. Quels pays en Europe appliquent un système par points comme régime de base ? 

 

On retrouve ce système dans 5 Etats membres de l’Union Européenne: l’Allemagne, la Roumanie, La Croatie, Chypre et la Slovaquie. 

 

 

II- Comment expliquer le passage de 42 régimes à un système universel ? 

 

1. Combien notre système actuel comporte de régimes ?

 

Aujourd’hui, il existe 42 régimes de retraite différents parmi lesquels les régimes dits “spéciaux” (ex: RATP, SNCF, industries électriques et gazières, Comédie Française, Opéra National de Paris). Ces régimes sont organisés par profession et par statut,

c’est à dire qu’appartenir à l’institution procure des

droits quelque soit la nature de l’emploi. Chaque régime possède sa propre règle de calcul des cotisations et des pensions, ce qui crée des différences de traitement et des inégalités. Les spécificités de ces régimes sont héritées

de particularismes professionnels qui ne sont parfois

plus d’actualité. Un système universel de retraite proposera des règles communes à tous. 

 

2. Quelles sont les failles d’un système de régimes différenciés ? 

 

Ce système crée des inégalités ?

C’est vrai entre les régimes spéciaux et le régime général. Prenons un exemple: aujourd’hui, un responsable administratif de la SNCF peut partir à la retraite à 57 ans, le même responsable administratif, salarié dans le privé, peut partir à 62 ans. Mais aussi entre fonctionnaires et salariés dans le privé. La retraite des uns est calculée sur les 25 meilleures années d’activité tandis que la retraite des autres l’est sur les 6 derniers mois. Autre exemple: les salariés du privé voient leurs primes comptabilisées dans le calcul de leur retraite tandis que ce n’est pas le cas pour ceux du public.

 

3. Pourquoi avions-nous mis en place des régimes spéciaux ?

 

À l’origine, ils avaient été créés pour offrir une protection sociale adaptée aux spécificités de certains secteurs d’activités, et notamment pour compenser la pénibilité de certaines professions, souvent avant que la Sécurité Sociale n’existe. Parmi les avantages garantis à ces métiers dit pénibles : la possibilité de partir plus tôt à la retraite et le calcul des pensions sur une base plus élevée. Mais ces régimes spéciaux posent 2 problèmes : Ils créent des inégalités dans le traitement même de la pénibilité. Le saviez vous: un conducteur de métro à la RATP peut partir à 52 ans contre 62 ans pour un conducteur de métro à Lyon. Les conditions de travail sont pourtant similaires. Ils sont déficitaires. Aujourd’hui, les cotisations des travailleurs qui bénéficient de régimes spéciaux ne couvrent pas le montant des pensions versées, même en prenant en compte l’évolution de la démographie. Résultat: c’est l’ensemble des contribuables qui financent en partie ces régimes. 

 

4. Pourquoi nous devons aujourd’hui harmoniser ces régimes ? 

 

Pour créer un système plus simple et plus juste pour tous. Si nous supprimons les 42 régimes actuels, nous profiterons d’un système plus équitable où 1 euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour chaque Français et chaque Française. Les points accumulés tout au long de la vie seront enregistrés dans un compte unique où chaque jour travaillé sera pris en compte. Les départs anticipés des régimes spéciaux et de la fonction publique seront progressivement fermés. Toutefois, le système reconnaîtra la pénibilité et les spécificités de certains métiers (ex: policiers, gendarmes, pompiers). 

 

5. Que pensent les Français et Françaises des régimes spéciaux en 3 chiffres clés ? 

 

79 % des Français et des Françaises déclarent que l’existence de différents régimes de retraites n’est pas justifiée (sondage IFOP 2018) 

85 % trouvent le système actuel inégalitaire (IFOP 2018) 69 % sont pour la suppression des régimes spéciaux (BVA 2019). 

 

6. Quel est le calendrier de cette harmonisation ?

 

La transformation sera progressive. Le rapport Delevoye prévoit que seul(e)s les Français et les Françaises né(e)s après 1963 seront concerné(e)s par cette évolution. Aucun(e) retraité(e) actuel(le) ne serait donc impacté(e) par ces changements. Toutefois, ces questions restent ouvertes à discussion dans le cadre de la consultation en cours. Plusieurs scénarios alternatifs pourraient être envisagés. 

 

 

III- L’âge de départ à la retraite ?

 

1. Quel est l’âge moyen de départ à la retraite aujourd’hui ? 

 

En France, les actifs qui appartiennent au régime général partent aujourd’hui en moyenne à la retraite à 63 ans (hors départ anticipé). Ils sont 27 % à partir avant 62 ans, 60% entre 62 et 65 ans et 13% après 65 ans. Cet âge de départ est différent pour les régimes spéciaux. Par exemple, un responsable 

administratif de la SNCF partait en 2018 à 58 ans et 2 mois. Le même responsable administratif salarié dans le privé partait lui en moyenne à 63 ans en 2018. 

 

2. Comment avoir une retraite à taux plein aujourd’hui ? 

 

Actuellement, si vous commencez votre carrière à 22 ans, il vous faut en moyenne 42 ans de cotisation(*). Votre âge à taux plein est à 64 ans. Si vous partez à 62 ans (âge plancher), vous avez non seulement une décote, 5 % par an, soit 10 %, et une proratisation, environ 5 %. Soit un total de 15 % de perte. Il faut travailler jusqu’à 67 ans pour voir s’annuler la décôte et toucher sa retraite à taux plein, même lorsque l’on n’a pas assez cotisé. 

 

(*) Pour la génération 1957, il faut valider une durée de 41 ans et 2 trimestres. Les personnes nées entre 1973 et après doivent, elles, valider une durée de 43 ans. 

 

3. Le Gouvernement va-t-il mettre en place un âge pivot ? 

 

Le débat reste ouvert. 2 hypothèses sont proposées dans le cadre de la concertation menée par le Gouvernement jusqu’à fin décembre : 

- Un âge de retraite à taux plein défini par rapport à la durée de cotisation, comme aujourd’hui ; 

- Un âge de retraite à taux plein fixé selon l’année de naissance, soit le même âge de départ pour tous.

 

Remis en juillet dernier, le rapport Delevoye préconisait la seconde solution avec une mise en place d’un âge pivot aussi appelé âge d’équilibre fixé à 64 ans. Mais, une nouvelle fois, la consultation est en cours. Seule certitude: pour que le système soit à l’équilibre et pérenne, les Françaises et les Français vont devoir travailler plus longtemps. Une réalité qu’impose notre évolution démographique. 

 

4. Passe-t-on plus de temps à la retraite aujourd’hui qu’hier ? 

 

La réponse est oui ! Le temps passé à la retraite a doublé par rapport au siècle dernier : en 1950, on passait 12 ans à la retraite contre 23 années de nos jours. Un allongement du temps passé à la retraite qu’il faut mettre en perspective avec le coût des pensions versées chaque année: 308 milliards d’euros. 

Un coût assumé par 1,7 actif cotisant par retraité, contre 4 actifs cotisants par retraité de 1950 à 2000.

 

5. La pénibilité sera-t-elle prise en compte dans le calcul de l’âge de départ ? 

 

Dans le système universel, l’ensemble des droits à un départ anticipé au titre de la pénibilité devra être harmonisé. Les dérogations des régimes spéciaux et de la fonction publique seront donc supprimées. A métier identique, les règles de prise en compte de la pénibilité seront les mêmes pour tous. 

Le compte professionnel de prévention (C2P) sera ouvert à tous : fonctionnaires et régimes spéciaux compris. Il permettra ainsi à tous les Français concernés par la pénibilité de partir à la retraite jusqu’à 2 ans plus tôt. 

 

6. Le cumul emploi-retraite sera-t-il toujours possible ? 

 

Absolument ! Comme aujourd’hui, le cumul emploi- retraite permettra aux retraités de reprendre un métier et de cumuler l’intégralité de sa pension (si l’âge de retraite à taux plein est atteint). La différence ? Aujourd’hui, le salaire perçu n’est pas comptabilisé dans les droits retraite. Demain, il le sera et permettra d’augmenter sa retraite une fois l’activité terminée. 

 

 

IV- Comment le futur système de retraites protègera les personnes actives les plus fragiles ? 

 

1. Quelles sont les personnes qui sont perdantes actuellement ? 

 

Nous l’avons évoqué la semaine dernière, aujourd’hui, pour bénéficier d’une retraite à taux plein, il faut cotiser en moyenne 42 ans. Une réalité qui pénalise les personnes qui ont connu des interruptions dans leur activité (chômage, maladie, invalidité, maternité), qui ont travaillé à temps partiel ou ont perçu des revenus modestes. Les femmes sont particulièrement concernées par ces situations. 

Le nouveau système sera plus favorable que le système actuel pour toutes ces personnes. 

 

2. Comment assurer une retraite décente aux carrières hachées ? 

 

Le système de retraite par points prévoit que chaque euro cotisé conduira à l’acquisition du même nombre de points pour tous les actifs (cf. fiche n°1). Il permettra aussi d’acquérir d’autres points au titre de la solidarité qui compenseront les interruptions de carrières liées à l’arrivée d’un enfant, une période de chômage ou encore un arrêt maladie. 

D’autre part, dans l’hypothèse, toujours en discussion, d’un âge du taux plein fixé par année de naissance, la durée de cotisation n’étant plus prise en compte elle ne serait plus pénalisante pour les carrières hachées.

 

3. Comment remédier à la différence de traitement entre les femmes et les hommes ? 

 

Le système universel réduira l’écart entre les niveaux de retraite des hommes et des femmes. Aujourd’hui, les femmes ont en moyenne une retraite inférieure de 42% (source : Insee). Pour preuve, 70% des bénéficiaires du minimum de retraite sont des femmes. Elles sont également plus sujettes à devoir travailler jusqu’à 67 ans* pour toucher leur retraite à taux plein (*âge limite à partir duquel les décotes ne s’appliquent plus).

 

Le rapport Delevoye prévoit plusieurs ajustements pour permettre de lutter contre ces inégalités : 

Des points de retraite pour les interruptions de carrière liées aux enfants : ils seront attribués pour le congé maternité et auront la même valeur que les points liés au travail. Une augmentation de la retraite liée aux enfants : 5% d’augmentation du montant de la retraite dès le 1er enfant (le système actuel prévoit 10% au bout de 3 enfants et plus). Le couple pourra décider de partager ou d’attribuer la totalité de l’augmentation de la retraite au parent le plus pénalisé dans sa carrière (le plus souvent il s’agit de la mère). 

 

4. Et concernant les bas salaires ? 

 

Un minimum de retraite est versé aux personnes ayant travaillé longtemps mais avec des salaires modestes. Dans le système actuel, le minimum de retraite ne dépasse pas les 1000 euros par mois et n’est pas le même en fonction des profils: un salarié du privé touchera 973 euros par mois contre

900 euros pour un agriculteur. Dans le futur système universel, la solidarité sera davantage tournée vers les plus désavantagés du système actuel notamment via la garantie “pour tous” d’un minimum de retraite fixé à 85% du SMIC net, cette garantie étant indexée sur le SMIC au fil des générations.

 

5. Un effort est-il demandé aux personnes les plus privilégiées ? 

 

Oui. Emmanuel Macron a présenté ce futur système de retraite comme une mesure d’équité. Chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à tous. C’est également une demande des Français et des Françaises qui jugent à 90% que le système actuel est fragile et à 85% qu’il est inégalitaire (source : IFOP). 

 

Force est de reconnaître que cette réforme est ambitieuse (c’est d’ailleurs pourquoi la transition se veut très progressive). Il y aura des gagnants, les plus défavorisés aujourd’hui pour lesquels il était impératif d’agir - et des professions qui devront participer à l’effort collectif pour un système plus juste et plus équilibré, pour tous. C’est notamment le cas des professions libérales et des régimes spéciaux. A noter : des compensations sont prévues pour certaines professions notamment les enseignants qui bénéficieront d’une revalorisation salariale. 

 

V- Comment fonctionnera le nouveau système de réversion ? 

 

1. Qu’est qu’une pension de réversion ? 

 

Dans un couple, quand l’un des deux conjoints vient à mourir, dans certaines conditions, le conjoint survivant peut bénéficier d’une partie de la retraite dont aurait dû bénéficier son conjoint 

s’il n’était pas décédé. Mais aujourd’hui tout le

monde n’est pas à la même enseigne. Les conditions varient en effet selon les régimes: taux de réversion différents (50%, 54% ou 60%) et existence ou non de conditions de ressources, d’âge ou de non-remariage. 

 

2. Les pensions de réversion seront-elles maintenues dans un système universel de retraite ? 

 

Oui ! Les pensions de réversion sont bien maintenues et réservées, comme aujourd’hui aux couples mariés.Toutefois une nouvelle formule garantissant un mode de calcul unifié pour tous

est actuellement en discussion dans le cadre de la concertation, souhaitée par Emmanuel Macron et menée jusqu’en décembre par Jean-Paul Delevoye

et les partenaires sociaux.

 Cette nouvelle formule ne s’appliquera qu’aux nouveaux retraités après 2025. 

 

3. Que prévoit la nouvelle formule préconisée dans le rapport Delevoye ? 

 

Aujourd’hui, il existe 13 systèmes différents de pensions de réversion. Et autant d’inégalités, nous l’avons démontré. Demain, le système universel de retraite prévoit un système de calcul unifié pour les pensions de réversion. 

 

Les objectifs ? 

 

• Garantir, pour tous, que le conjoint survivant aura un niveau de vie égal à 70% du total des pensions perçues par le couple;

• Permettre aux salariés du privé de ne plus avoir à justifier de revenus inférieurs à 20 862 € pour bénéficier d’une pension de réversion. Aucune condition de ressources ne sera imposée. 

• Enfin, dans l’objectif de construire un système équilibré et pérenne, instaurer, pour tous, un âge minimum de 62 ans pour pouvoir percevoir les pensions de réversion (aujourd’hui on peut toucher une pension de réversion dès 55 ans). 

 

4. Que se passe t-il dans le cas des couples divorcés ? 

 

Rien n’est tranché sur le sujet. Aujourd’hui le droit à la réversion est ouvert à tous les couples ayant été mariés un jour. Dans les préconisations du nouveau système, les droits des ex-conjoints à une pension de réversion seraient fermés pour les divorces qui interviendraient après l’entrée en vigueur du système universel. 

 

Cette évolution est une demande d’équité formulée à de nombreuses reprises par les citoyens participants aux ateliers débats organisés sur le territoire (ainsi que sur la consultation en ligne). 

En discussion : la nature de la compensation qui viendrait remplacer la pension de réversion. Celle-ci pourrait être en euros ou en points. 

 

Le 8 décembre 2019.

               

> "La planète bascule vers un désastre irréversible !"                       

 

La moitié des points de basculements qui pourraient entraîner la planète vers un désastre irréversible ont été activés, ont averti des scientifiques dans un article publié dans la prestigieuse revue "Nature". Neuf de ces étapes du changement climatique pourraient entraîner un effet boule de neige.

 

"Dès qu'un ou deux dominos climatiques sont renversés, ils poussent la terre vers d'autres points de basculement", déclare le professeur Will Steffen, de la "Australian National University", à Canberra (Australie), dans un communiqué diffusé le 28 novembre. "Nous craignons qu'il ne devienne impossible d'empêcher cette rangée de dominos de tomber, ce qui pourrait menacer l'existence des civilisations humaines." Parmi ces points de basculement activés, les scientifiques pointent la perte des glaces de mer de l'Arctique ainsi que des nappes de glace au Groenland et en Antarctique, le dégel du pergélisol (ou permafrost) et la destruction des forêts boréale et amazonienne. 

 

"Ces points de basculement de la biosphère pourraient déclencher une libération incontrôlée de carbone dans l'atmosphère qui était auparavant stocké par la Terre. Cela accélérerait le réchauffement et déstabiliserait davantage les nappes glaciaires", selon M. Steffen. "La fonte des calottes glaciaires entraînerait une "élévation irréversible du niveau de la mer" d'environ 10 mètres".

 

Les scientifiques appellent à une action urgente pour prévenir ces effets en cascade et à réduire les émissions polluantes bien au-delà des objectifs de l'accord de Paris. "Le temps commence à manquer cruellement", préviennent-ils. Bien que la plupart des pays aient signé l'accord de maintien du réchauffement climatique en dessous de deux degrés Celsius, le monde est sur la bonne et dramatique voie pour se réchauffer d'au moins trois degrés Celsius ... Le 28 novembre 2019.

 

 

 

 

 

 

On ne parlait pas encore de      

           féminicides !

 

 

 

   Barbara avait 25 ans, massacrée par son compagnon.

        

En cette journée internationale contre les violences faites aux femmes, je voudrais vous faire partager un événement qui a bouleversé nos vies. A l'époque, nul ne parlait encore de "féminicides", le mot lui-même n'existait pas. La presse et un certain milieu politique parlaient de "faits divers", renvoyant la gravité des actes aux marges anecdotiques des classes sociales. Ce qui comptait vraiment, c'était l'exploitation de l'ouvrier, du salarié par le patron, pas l'agression de la femme par l'homme. En 2006, je me souviens en avoir discuté avec des représentants du parti écologiste à Watermaël-Boitsfort, qui, du haut de leur suffisance idéologique, déniaient à l'assassinat d'une jeune femme le droit de figurer dans la colonne des faits de société. Au parti socialiste, à part quelques exceptions, dont mon amie, Laurette Onkelinx, alors ministre de la justice, l'aveuglement dogmatique était tout aussi systémique. Non, ils ne voulaient pas voir dans la violence faite aux femmes autre chose qu'un brouhaha dérangeant et secondaire. Ils avaient oublié la phrase de Friedrich Engels: "La femme n'est autre que le prolétaire de l'homme". Les politiques, les magistrats, les policiers et l'opinion publique ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour qu'enfin les droits de l'homme soient aussi ceux de la femme. 

 

Barbara avait 25 ans et la vie devant elle. Elle était la soeur de mon ex-épouse, Nathalie, et donc la tante de ma fille, Sarah, qui n'avait que 5 ans au moment des faits. Elle était surtout la fille de Nicole et Willy, mes ex-beaux-parents. Qui dira la souffrance indicible derrière la pudeur de ces deux êtres détruits ? Leur vie a basculé le 1er mai 2001, se sentant désormais comme étrangers à la vie. Je ne les ai plus jamais vu rire ou sourire, ils n'ont plus jamais pris de vacances, ne sont allés au cinéma ou au restaurant. Ils ont enterré la joie dans le cimetière de Linkebeek, aux portes de Bruxelles, l'abandonnant aux souvenirs des jours heureux. Qui dira la dignité dont ils ont fait preuve tout au long de l'enquête, du procès et de l'après ? Qui dira le courage et la force de Nathalie, envahie par la douleur et la révolte, et pourtant toujours en première ligne pour protéger de son amour Sarah, pour réconforter sa maman et son beau-père et faire face à l'événement qui bouleversa nos vies ?

 

Ma jeune belle-soeur était comédienne et aimait le théâtre, qui, tôt ou tard, j'en étais persuadé, l'aurait fait éclore. Son petit ami de l'époque, un certain N. G, qui la présentait comme un trophée dans sa communauté, en a décidé autrement. Dans la nuit du 1er au 2 mai 2001, il l'a massacrée, égorgée et décapitée. Lorsque les policiers sont arrivés sur les lieux, le 3 mai en fin de matinée,, avertit par un grutier, la scène du crime était insupportable. Barbara, le corps dénudé par un peignoir ouvert, gisait les bras en croix au pied d'un canapé vert et rougi. Le sang maculait le parquet et les murs jusqu'à hauteur d'homme. La tête était décollée des épaules, reliée par des lambeaux de chair. Un des rares droits donnés aux victimes dans les procès d'assises en Belgique est de pouvoir consulter le dossier d'instruction, dès lors qu'elles se sont constituées parties civiles, et de découvrir les photographies de la scène du crime. Le prix à payer du système judiciaire est d'assister, anéanti, à la projection de ces images sur grand écran au cours d'un procès public. Qui dira cet enfer ?    

 

Barbara est morte une deuxième fois, en octobre 2003, lors du verdict d'acquittement de son assassin, en dépit des preuves ADN, de ses nombreux mensonges sur son emploi du temps et des attitudes complices de sa famille. Elle fut détruite une troisième fois, cinq ans plus tard, lors de déclarations écoeurantes au quotidien flamand, "De Morgen", du 6ème juré de la cour d'assises de Bruxelles, un sinistre personnage nommé Siegfried D., aujourd'hui Siegfried M. Un tel acharnement est peu commun. Celui-là même qui siégea aux côtés des onze autres citoyens membres du jury populaire avait "une revanche" à prendre sur la justice.  C'est ce qu'il déclara au journaliste venu entendre son témoignage dans une brasserie du Sablon, en présence, eh oui, de l'une des avocats du meurtrier ... Mes ex-beaux-parents, mon ex-femme et moi-même, partie civile, après la tragédie de la perte et de l'absence, nous  avions espéré un procès équitable, éclairant et sans faiblesse. Plus que par la présomption, basée souvent sur des indices, avec les enquêteurs, qui ont fait un travail remarquable mais sans doute incomplet, nos avocats et le procureur général, nous étions habités par la conviction de la culpabilité de l'accusé; les faits et les preuves scientifiques abondaient dans le dossier. Rien ne s'est passé comme attendu, dans un procès qu'un avocat, pas étranger à l'affaire, qualifia de "biaisé". 

 

En 2006, j'ai participé à un débat sur la cour d'assises à la RTBF pour avoir siégé au sein de la commission de réforme de cette juridiction mise en place par Laurette Onkelinx. Le débat était animé par le journaliste Olivier Maroy, aujourd'hui député wallon MR. Sont présents à mes côtés, la ministre de la justice, Christian Panier, président du tribunal de première instance de Namur, et Bruno Dayez, premier avocat de l'accusé, qui renonça, pour raison inconnue et restée mystérieuse, à défendre son client (Maîtres Didier De Quévy et Nathalie Gallant ont repris ensuite sa défense). Ce Bruno Dayez, actuel avocat de Marc Dutroux, n'hésita pas à me confier à la volée, profitant d'un verre que nous prenions au bar de la télévision publique, boulevard Reyers, que, dans notre procès, je cite: "Il s'était passé des faits graves ... et qu'il était biaisé ...". Je lui ai demandé de m'en dire davantage, de s'expliquer, car il m'en disait trop et pas assez. Il refusa. Et se réfugia derrière le secret professionnel. Oui, mais, pourquoi alors m'avoir balancé tout à trac une phrase aussi lourde de sous-entendus ? En mars 2018, je lui ai téléphoné pour lui rappeler sa sortie, que je n'oserais qualifier de témoignage, sa provocation gratuite et méchante. Je réitérai ma demande, en vain. Une nouvelle fois, l'avocat, qui n'aura jamais été aussi digne de l'expression argotique de "bavard", assez satisfait de son coup, me renvoya dans les cordes d'un tourment qui ne m'a plus quitté. Je ne peux m'empêcher de penser que ce personnage trouble, qui aime se faire mousser et faire son cinéma, on le voit dans son opération d'instrumentalisation pour faire libérer Marc Dutroux - ce qui n'arrivera pas avant longtemps - a eu connaissance de déclarations et de faits tels que le verdict n'aurait pas été le même ou que le procès aurait été renvoyé en cassation, si la cour et nos avocats en avaient été informés.

 

Aujourd'hui, nous savons que ce procès d'assises a été gravement manipulé. La vérité judiciaire s'arrange parfois avec la vérité tout court. Ce n'est guère une surprise. Mais lorsque le mensonge, la duplicité et la manipulation sont à ce point avérés, alors, rien ne devrait entraver le travail d'une justice réellement au service du droit, des justiciables et des victimes. Willy nous a quittés le 1er juillet dernier, mon ex-épouse et notre fille, elles n'ont que le silence embarrassé de la justice, une tombe discrète dans la périphérie bruxelloise et l'absence de Barbara pour ne pas comprendre et faire un deuil impossible. Malheureusement, le destin de Barbara n'est pas unique. Elles ont été très nombreuses et sont encore trop nombreuses à être victimes au quotidien d'un mari, d'un compagnon ou d'un petit ami lâche et violent. Certaines s'en sortent cabossées, détruites à l'intérieur par les gestes d'un homme qu'elles croyaient aimer, par le père de leurs enfants. Mais aussi oubliées par un système judiciaire inadapté et incapable aujourd'hui de répondre à la détresse qui monte des gorges de femmes écorchées. D'autres en meurent, une mort intolérable qu'une société de droit, à la hauteur des enjeux, devrait éviter et empêcher. Il serait temps, grand temps. 25 mars 2019.

 

  

> Le procès du meurtrier de Barbara a fait un peu bouger les lignes !

 

Le 20 octobre 2010, soit 9 ans après la mort de Barbara, la RTBF a consacré un "Devoir d'enquête" de 55 minutes à son assassinat ainsi qu'au procès d'assises qui s'est tenu en octobre 2003, au palais de justice de Bruxelles.  Il est apparu que le 6ème n'a eu de cesse, par une manipulation écoeurante, que de déstabiliser le délibéré qui a suivi les débats et les témoignages lors de la procédure orale. Bien que les enquêteurs, l'avocat général, tous les experts et nous-mêmes, partie civile, avions la certitude de la culpabilité de l'accusé, car tant son ADN que ses nombreux mensonges l'accablaient, le verdict prononcé, à l'époque, sans motivation, le reconnut non coupable. Barbara gît six pieds sous terre et l'assassin est en liberté. Sur Dailymotion, le documentaire de la RTBF est disponible sur le lien Reportage - Devoir d'enquête - Le 6ème juré.

 

La justice bricole les verdicts !

 

"Récemment, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait l’Etat belge, considérant qu’en l’absence de motivation du verdict rendu par le jury de la cour d’assises de Liège, Richard Taxquet, condamné dans le cadre de l’assassinat d’André Cools, l'ex-président du parti socialiste francophone belge, n’avait pas bénéficié d’un procès équitable.

 

Depuis, les autorités judiciaires belges ont cherché à répondre tant bien que mal aux considérations de la Cour de Strasbourg, modifiant la loi réglant le fonctionnement de la cour d’assises, en particulier quant aux conditions de la rédaction d'une motivation. Toujours rien en revanche d'un appel possible sur le fond et bien peu de choses concernant la place et les droits des victimes.

 

Chaque juridiction agit à sa façon, ce qui fait plutôt désordre. Récemment, dans le quotidien flamand "Gazet van Antwerpen", des membres du Conseil supérieur de la Justice estimaient que la manière dont le jury motive son verdict à Gand était plus appropriée que celle dont il œuvre à Anvers. A Gand, les juges professionnels transcrivent la motivation avec le jury populaire lorsqu’ils se concertent ensemble sur la peine à infliger après la déclaration de culpabilité. A Anvers, la cour pose beaucoup de questions complémentaires. D’après certains juristes, ce ne serait pas la meilleure des formules.

 

Quoi qu’il en soit, le débat actuel a entraîné une réaction de Willy et Nicole VO., Nathalie W. et Roland D., parties civiles dans le procès d’assises qui a fait suite à l’assassinat de Barbara VO., égorgée dans la nuit du premier au deux mai 2001.

 

Ce procès, devant la cour d’assises de Bruxelles-Capitale, avait donné lieu, à la surprise de nombreux observateurs, à l’acquittement de l’accusé. La famille de la victime (Roland D. fut membre de la commission de réflexion sur la réforme de la cour d’assises mise sur pied par Laurette Onkelinx, alors ministre de la Justice) avait regretté, en son temps, que le jury ne motive pas ses verdicts et qu’aucun appel ne soit possible après un arrêt de cour d’assises.

 

Elle revient à la charge, à la lueur de l’arrêt de la Cour européenne, mais aussi à la suite de confidences faites voici quelques jours au "Morgen" par un des jurés du procès, lequel a reconnu avoir "instrumentalisé" ses collègues jurés à l’occasion des délibérations. Des rumeurs avaient déjà couru à ce sujet à l’époque, qui semblent donc se confirmer.

 

Quoi qu’il en soit, la famille VO. prend la défense de l’institution du jury populaire mais plaide, comme d’autres, pour une réforme en profondeur de la cour d’assises "réceptacle de bien des fantasmes démocratiques".

 

"Une loterie"

 

Selon elle, la cour d’assises est d’abord une loterie, qui fait appel à des jurés la plupart du temps issus des mêmes milieux socio-professionnels et présentant les mêmes profils, auxquels on demande de devenir, en une petite semaine, de quasi professionnels de la justice, amenés à juger les crimes les plus graves sans en avoir les moyens, ni en termes de connaissances, ni en termes de compétences. La famille se plaint surtout que le verdict ne soit point motivé, ce qui implique que ni l’accusé, ni les parties civiles ne savent pourquoi on en arrive à un acquittement ou à une condamnation. Elle regrette aussi l’absence de possibilité d’appel. "Imaginons que l’appel n’ait pas existé en France. Dans le procès d’Outreau, les personnes condamnées en première instance n’auraient jamais retrouvé l’honneur et la liberté", relèvent les membres de la famille VO., qui ont demandé audience au ministre de la Justice. Pour elle, il est temps de mettre la justice belge en conformité "avec les droits des justiciables, la transparence des procédures et la vitalité d’une authentique démocratie".

"La Libre Belgique", 10 février 2009.

 

 

                                                     Etre à New York, c'est embrasser la cause du monde.

 

>Ce serait pure folie que d'ignorer le message de Greta Thunberg !

 

La 74ème session de l'Assemblée générale des Nations-Unies s'est ouverte le 17 septembre à New York. Le forum sera consacré cette année à la lutte pour le climat, dont chacun voit dans sa vie quotidienne et dans l'actualité mondiale les effets nocifs et dévastateurs. Une jeune personne incarne aujourd'hui ce combat, la Suédoise Greta Thunberg, qui n'a pas hésité à traverser l'Atlantique en voilier zéro émission carbone pour participer, aux côtés de beaucoup d'autres, à l'alerte générale new-yorkaise.

 

 

C'est par des mots forts que Greta Thunberg a interpellé les dirigeants de la planète (voir la vidéo en page Accueil): "Je ne devrais pas être là, je devrais être à l'école, de l'autre côté de l'océan. (...) Comment osez-vous ? Vous avez volé mes rêves et mon enfance avec vos paroles creuses. Les gens souffrent, les gens meurent. Des écosystèmes entiers s'effondrent, nous sommes au début d'une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c'est de l'argent et du conte de fée d'une croissance économique éternelle. Comment osez-vous ? Depuis plus de 40 ans, la science est claire comme du cristal. Comment osez-vous regarder ailleurs et venir ici en prétendant que vous en faites assez ? (...) Vous dites que vous nous entendez et que vous comprenez, mais je ne veux pas le croire." Cela ne plaît pas à tout le monde. Les climats-sceptiques et une certaine droite, sans parler de l'extrême droite, s'en donnent à coeur joie. Pour ne prendre qu'un exemple récent, le très conservateur hebdomadaire français, "Le Figaro Magazine" de cette semaine, sous la plume d'un certain Jean-Louis Tremblais, se permet de la traiter de "Sainte Greta, venue sauver la Terre. Gourelle suédoise, cornaquée par papa et maman" ... Rien que ça. Le mépris ainsi exprimé est proprement affligeant.  Que fait de mal cette jeune fille de 16 ans si dérangeante ? En l'absence de prise en main du problème climatique par les générations de l'après-guerre, qui ont totalement failli (1), elle s'est sentie dans l'obligation de réagir et d'agiter la sonnette d'alarme. Quel gap abyssal entre la réalité du réchauffement climatique, la fonte des glaciers, les menaces sur la biodiversité, la mort lente des océans, étouffés par les plastiques et autres polluants, la mise à feu des forêts primaires, et l'amorphisme hautain et mortifère d'une classe politique et médiatique larguée, aveuglée par son idéologie ultra-libérale ! L'ouverture des débats de ce matin à l'ONU, dont on attend une batterie de propositions concrètes, dans la lignée des résolutions (non suivies d'effets) de la Cop21 de Paris, en présence d'une soixantaine de chefs d'Etat et de gouvernements, ne règlera évidemment pas la crise environnementale. Mais elle devrait permettre d'user de cette conférence comme d'une gigantesque caisse de résonance ainsi que d'échanger entre pays le fruit des différentes politiques et expériences. On en conviendra, ceci est désormais indispensable afin de forcer les Etats à changer de paradigme, d'amener les entreprises à intégrer le paramètre environnemental dans leurs activités et d'encourager les citoyens à modifier, à leur échelle respective, leur mode de production, de consommation et de déplacement. Qui s'étonnera de l'absence aujourd'hui au siège des Nations-Unies d'esprits aussi éclairés que ceux de Donald Trump (2) et Jaïr Bolsonaro ? Ils démontrent ainsi leur incapacité intellectuelle, morale et politique à respecter l'humanité et la nature, à faire face au réel ainsi qu'à assumer leurs responsabilités. Depuis le vendredi 20 septembre, des millions de personnes dans le monde manifestent pour le climat, pour qu'enfin nos politiques prennent les mesures qui s'imposent. Il y faudra du dialogue, de la pédagogie et beaucoup de courage, car les décisions qui devront être prises d'ici les mois et années à venir seront difficiles, impopulaires et douloureuses pour nos modes de vie habituels. Toutes les études récentes de la communauté scientifique, du GIEC, confirment l'augmentation sensible du réchauffement climatique et mettent en garde contre ses conséquences dramatiques pour la planète. Les canicules de l'été, un peu partout dans le monde, les catastrophes naturelles qui ont affolé les populations et qui les menacent sont autant de signaux qu'il serait suicidaire de sous-estimer. A l'horizon de la fin du XXIème siècle, si rien n'est fait de véritablement sérieux, du local à l'international, alors, disent les analystes, la température moyenne globale sur terre croîtra entre 4, projection basse, et 7 degrés. En ce cas, il ne s'agira plus de sauver les êtres humains et la biodiversité, mais de retarder l'extinction des espèces du vivant. Oui, nous en sommes là, n'en déplaise aux réactionnaires et aux irresponsables de tous bords. Avec leur cynisme et leur suffisance, ils fabriquent le cercueil de nos enfants et petits enfants. Ce serait pure folie que de voir l'indifférence et le scepticisme l'emporter sur le message fort et vrai de Greta Thunberg. Le 23 septembre 2019.

 

(1) Dès les années '70, le Club de Rome alertait sur l'épuisement de la planète et le danger du tout aux énergies fossiles. René

     Dumont, ingénieur agronome et premier candidat écologiste à l'élection présidentielle française en 1974, a été un lanceur 

     d'alerte, comme on dit aujourd'hui, en expliquant les conséquences de ce qui ne s'appelait pas encore la mondialisation:

     explosion démographique, productivisme, gaspillage, pollution, bidonvilles, inégalités sociales Nord/Nord et Nord/Sud. 

(2) Surprise, Donald Trump est apparu en coup de vent dans l'enceinte de l'ONU, mais pour y dire quoi et y faire quoi ? Rien.

 

 

 

>Un G7 en rupture avec sa traditionnelle évanescence !

 

On ne peut pas parler de résultats, concernant le bilan du G7, mais d'avancées, ce qui est beaucoup, vu la tradition évanescente de ce genre de rencontre précédemment. Sur le climat et la biodiversité, rien, si ce n'est l'annonce de mesures fortes qui seront déclinées en septembre lors de la session plénière annuelle de l'ONU à New York. 20 millions de dollars ont été proposé au Brésil pour l'aider dans sa lutte contre les incendies et 30 millions pour reboiser. Ce n'est guère suffisant mais de toute façon Bolsonaro a fait savoir qu'il ne voulait pas du soutien de la communauté internationale. Non seulement orgueilleux mais stupide. Sur l'accord nucléaire avec l'Iran, la venue, non inopinée, du ministre iranien des Affaires étrangères à Biarritz, Mohammad Javad Zarif, et l'ouverture du président américain quant à la possibilité d'une rencontre avec son homologue iranien, Hassan Rohani, représente une réussite diplomatique du président français. Rien n'est fait, encore moins acquis, mais il semble que l'emballement du conflit entre les deux nations soit stoppé et que la perspective d'un nouvel accord, qui interdirait formellement à l'Iran de détenir l'arme nucléaire, se profile. Il est vrai que pour faire plier Téhéran les sanctions économiques et financières pèsent lourdement dans la balance du compromis. Pour la taxe sur les GAFA, ces grandes sociétés multinationales du numérique qui ne paient quasi aucun impôt, pas seulement américaines, il a été décidé de renvoyer cette taxation, pour l'heure, uniquement française, à l'OCDE, l'organisation de coopération et de développement économiques. Ce juste impôt deviendrait ainsi international. On ne sait rien quant aux modalités de son application. En ce qui concerne la guerre commerciale Etats-Unis/Chine, qui pénalise l'ensemble des économies mondiales, le président Macron a insisté pour qu'il revienne dans le giron de l'OMC, l'organisation mondiale du commerce, aujourd'hui sur la touche, instance habilitée à arbitrer les tensions liées aux intérêts nationaux dans les échanges commerciaux internationaux. A une confrontation bilatérale dangereuse devrait se substituer une régulation multilatérale aux règles communes pour tous, y compris pour Pékin. Voilà, en résumé, ce qui ressort d'essentiel du G7. A remarquer qu'étaient aussi présents à Biarritz, mais en marge, un certain nombre de chefs d'Etat et de gouvernements non membres, de représentants de grandes ONG, directement concernés par les sujets traités. Il s'agissait simplement de les consulter. Espérons qu'à l'avenir, ils seront  présents eux aussi autour de la table, avec d'autres grands absents, Chine en tête, dans un tout nouveau G, réellement représentatif du monde multipolaire qui est le nôtre et de ses citoyens. Oui, ce G7 a été utile, en rupture avec sa tradition. Il va dans le bon sens, mais peut mieux faire encore. 27 août 2019.  

 

 

>L'écocide de l'Amazonie et un G7 si peu citoyen !

 

  Pendant que les chefs d'Etat et de gouvernements se réunissent bunkérisés à Biarritz, l'Amazonie, comme le monde, flambe.

 

Les chefs d’Etat et de gouvernements du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada) se réunissent, du 24 au 26 août, à Biarritz, sur la Côte basque. Et l’Amazonie, poumon principal de la planète et régulateur majeur d'eau douce, flambe de toutes parts: « Notre maison brûle. Littéralement. » a déclaré Emmanuel Macron, l’hôte de ce club trop fermé. Ce à quoi a répondu le président brésilien, Jaïr Bolsonaro, pyromane en chef, « colonialisme … ». Le président français a répliqué en accusant Bolsonaro "de lui avoir menti" quant à ses engagements pour respecter l'accord de Paris sur le climat, parlant d'un "écocide", car le premier brésilien, depuis son élection, en octobre 2018, par une politique ultra-libérale insensée, encourage les industriels de l'agro-business à intensifier la déforestation de l'Amazonie. Aussi, la France s'opposera à l'accord commercial de l'Union européenne avec le Mercosur, qui regroupe directement et indirectement les pays d'Amérique latine, dont le Brésil en est le pays phare. Et c'est une bonne chose. Qu'ils gardent leur viande aux hormones, aux OGM, leur huile de palme, soja et bois exotiques dévastateurs. Outre le fait que le sort de la forêt amazonienne concerne le monde entier, n'oublions pas non plus que le président français est d'autant plus légitime à s'exprimer sur le sujet que la France, par La Guyane, a une frontière commune de 730 kilomètres avec le Brésil (1). L'ancien militaire, adepte des dictatures sud-américaines, regarde ailleurs, à l’extrême droite, trouvant dans les modèles de Trump, Poutine, Erdogan, Duterte, Salvini, Orban de quoi conforter ses délires idéologiques et de se rassurer. Quant à la rencontre de Biarritz, notons qu'il y a une contradiction de fond entre un G7, qui ne représente à lui seul que 40% de l'économie mondiale - il manque la Chine, l’Inde, le Brésil, l'Indonésie, le Nigéria, l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Chili, l'Australie, la Russie (toujours exclue du G8, depuis son annexion de la Crimée et son intervention dans l’Est de l’Ukraine) - et la volonté affichée de mondialiser les échanges, entre présidents et premiers ministres, relatifs aux grands problèmes de l’heure, comme le réchauffement climatique, les migrations, les inégalités de richesse, la guerre au Levant, l’accord nucléaire avec l’Iran, le terrorisme, les crises monétaire et économique. Le G7 doit mourir, en tout cas se réformer structurellement pour faire place à une instance réellement représentative des puissances qui comptent mais aussi de la société civile. L’Union européenne (UE) ainsi que l'Organisation de l'unité africaine (OUA) doivent en être (2); ce qui pose évidemment la question de la place des intérêts strictement nationaux dans ces enceintes multilatérales. Il en va de même du Conseil de sécurité de l’ONU où siègent de manière permanente la France et le Royaume-Uni (ce dernier devrait quitter l'Union soit, comme prévu, le 31 octobre, soit un peu plus tard). A quelque 30 kilomètres de Biarritz, à Hendaye, un contre-G7 altermondialiste y est organisé simultanément. Les ONG, associations et citoyens qui y prennent part, espérons de manière pacifique, n’entendent pas laisser les « Grands de ce monde » avoir le monopole de la parole et de la décision (encore faudrait-il qu’un tel groupe ait une utilité avérée). On peut douter en tout cas de la volonté de Donald Trump, de Boris Johnson aussi, de jouer le jeu et d’accepter le principe d’une délibération collégiale. Le président américain a déjà montré tout son mépris pour les communiqués communs, qui ont le gros défaut de ne pas être ses tweets personnels. Chacun connait son aversion pour le partage et son obsession de l’unilatéralisme et du protectionnisme. America first, la planète attendra des jours meilleurs ... A part le fait qu’un G7 sert sans doute à rendre les relations entre chefs d'Etat et de gouvernements plus étroites, pas nécessairement plus chaleureuses, nous ne voyons aucune raison au maintien, tel quel, d'un barnum peu efficient et coûteux. Il faut autre chose. Nous pensons qu’aux côtés des Etats et des organisations multilatérales participant à un nouveau G20, devraient désormais prendre part les grandes ONG représentatives des problématiques internationales, comme le climat, la biodiversité, la gestion des océans, des pôles et des forêts primaires, les droits humains, la santé, la pauvreté et l'éducation de base, la coopération, les migrations, la condition animale. Le défi n'est autre que la régulation mondiale des enjeux stratégiques qui sont posés à l'humanité. Il ne faut pas avoir fait Bac + 10 pour s'apercevoir qu'ils sont liés et interagissent les uns sur les autres. Il s'agit donc de les aborder globalement, tout en traitant leur résolution de manière concrète, efficace et spécifique. Lorsqu'on voyage sur la planète, l'idée qu'elle est finalement petite vient à l'esprit. Et si on la regarde depuis l'espace, perdue dans l'infini, c'est sa vulnérabilité qui s'impose. Le temps des caucus entre-soi, derrière les murs de sites bunkérisés, est révolu. Les responsables politiques, au-delà d'une prise de conscience, passage obligé mais insuffisant, doivent se rallier à ce qui s’annonce comme une grande révolution démocratique indispensable, celle d'une gouvernance mondiale plus citoyenne, sous peine d'asphyxier littéralement les générations futures. Il est moins cinq ! Le 24 août 2019. 

 

(1) Pour être vraiment cohérente, la France devrait renoncer à autoriser l'industrie aurifère à exploiter la forêt guyanaise.

(2) L'ASEAN (les nations d'Asie du Sud-Est) est trop fragmenté par les rivalités géo-politiques pour parler d'une seule voix.

 

>Rapport du GIEC: Alerte en sous-sol, l'humanité épuise la terre !

 

"Nous vivons sur une Terre nourricière, tempérante, protectrice. Mais à épuiser ses ressources, à exploiter trop intensivement ses sols et ses forêts, nous mettons en péril non seulement notre capacité à faire face au réchauffement, mais aussi nos conditions de vie et de subsistance. Il est donc urgent d’adopter, à l’échelle mondiale, une gestion des terres plus durable.

 

Tel est l’avertissement qu’adresse le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans un rapport spécial, présenté jeudi 8 août, sur « les changements climatiques, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres ».

 

Cette analyse s’insère dans un ensemble de trois rapports, avec celui, rendu public en octobre 2018, sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C, et celui, attendu en septembre, sur les océans et la cryosphère (calottes polaires, glaciers de montagne et banquises).

 

Comme il est de règle avec le GIEC, son rapport scientifique de 1 200 pages, établi par une centaine de chercheurs de 52 pays – dont, pour la première fois, une majorité d’auteurs de pays en développement –, est assorti d’un « résumé à l’intention des décideurs ». Sa rédaction finale a été négociée terme à terme par les représentants des 196 « parties » (195 pays et l’Union européenne), membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, réunies depuis le 2 août à Genève (Suisse) dans une session marathon, qui s’est prolongée jusqu’au 7 août, dans la matinée, pour parvenir à un consensus.

 

Coprésidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC, la paléoclimatologue française Valérie Masson-Delmotte retient « l’intérêt et la qualité du travail, empreint de gravité, réalisé par les délégués de tous les pays, sans aucune tension, crise ou clash ». Elle y voit le signe de « la prise de conscience, partout dans le monde, des enjeux d’une transformation profonde de l’usage des terres ».

 

Ce rapport délivre quelques grands messages, indique-t-elle. « Il montre à quel point les terres sont sous pression humaine, le changement climatique ajoutant une pression supplémentaire. Il montre aussi que notre gestion des terres fait à la fois partie des problèmes et des solutions. Mais il insiste également sur le fait que ces solutions ont des limites : elles ne peuvent remplacer une action rapide et ambitieuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans tous les autres secteurs. »

 

Exploitation des terres sans précédent

 

« Les données disponibles depuis 1961 [les Nations unies tiennent depuis cette date des statistiques homogénéisées] montrent que la croissance de la population mondiale et la consommation par habitant de denrées, d’aliments pour animaux, de fibres, de bois et d’énergie ont entraîné des taux sans précédent d’usage de terres et d’eau douce », souligne le résumé. Sur les quelque 130 millions de km2 de terres émergées libres de glace, plus de 70 % sont sous l’emprise d’activités humaines, agriculture, élevage ou exploitation forestière, l’agriculture à elle seule comptant pour 70 % dans la consommation d’eau. Environ un quart de la surface des terres est aujourd’hui dégradé du fait de cette exploitation de la nature.

 

Environ 500 millions de personnes vivent déjà dans des régions en cours de désertification, les populations les plus touchées étant celles de l’Asie du Sud et de l’Est, de la zone saharienne et du Moyen-Orient. A cette pression humaine s’ajoute l’impact du réchauffement climatique, plus accentué sur les terres émergées (+ 1,53 °C par rapport à la deuxième moitié du XIXe siècle) qu’en moyenne planétaire, océans compris (+ 0,87 °C).

 

La montée du thermomètre va encore amplifier ce phénomène, du fait de l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des précipitations, des inondations, des vagues de chaleur et des sécheresses, « exacerbant les risques sur les moyens de subsistance, la biodiversité, la santé humaine et celle des écosystèmes, les infrastructures et la sécurité alimentaire ». Il s’agit donc d’un enjeu vital, spécialement pour les populations les plus vulnérables qui« seront les plus sévèrement affectées », en particulier sur les continents africain et asiatique.

 

Avec leur couvert végétal et boisé, les sols absorbent près de 30 % de la totalité des émissions humaines de CO2. Or, rappellent les chercheurs, les sols sont à la fois un puits et une source de carbone. Avec leur couvert végétal et boisé, ils absorbent près de 30 % de la totalité des émissions humaines de CO2. Ils jouent donc un rôle irremplaçable pour piéger le carbone et atténuer le dérèglement climatique, un rôle dont la persistance est rendue « incertaine » par le changement climatique. Mais leur usage est aussi fortement émetteur de gaz à effet de serre. Près du quart des émissions (23 %) sont aujourd’hui imputables à l’exploitation forestière et à l’agriculture. Celles-ci sont responsables de 13 % des émissions totales de CO2 (du fait de la déforestation), de 44 % de celles de méthane (produit notamment par l’élevage du bétail et les rizières) et de 82 % de celles d’oxyde nitreux (généré par les engrais azotés).

 

Pour renforcer leur fonction de puits de carbone, différentes voies sont théoriquement envisageables. Par exemple, de vastes programmes de boisement, ou encore le recours à la « bioénergie », c’est-à-dire aux biocarburants ou à des cultures destinées à pomper dans l’atmosphère du CO2, qui serait ensuite récupéré et stocké sous terre.

 

Gaspillage et régime alimentaire

 

Mais, mettent en garde les scientifiques, ces options, si elles étaient mises en œuvre à très grande échelle, sur des millions de kilomètres carrés, pourraient« accroître les risques de désertification et de dégradation des terres ». Elles mettraient aussi en danger la sécurité alimentaire, par une compétition accrue sur les sols, en même temps que la biodiversité. Elles pourraient aussi compromettre les objectifs de développement durable des Nations unies, à commencer par le premier d’entre eux, l’élimination de la pauvreté dans le monde.

 

L’un des leviers est un changement de régime alimentaire, réduisant la demande en produits animaux au profit de céréales, de légumineuses, de fruits et de légumes

Le rapport met donc en avant une « gestion durable des terres », reposant sur la réduction de la déforestation, mais aussi la promotion de l’agroforesterie (mode d’exploitation combinant production agricole et arbres), l’amélioration de la productivité, la diversification des cultures, l’optimisation de l’usage de l’eau, la restauration des écosystèmes et de la capacité des sols à stocker du carbone… Une démarche fondée sur des solutions naturelles dont peuvent découler « des bénéfices immédiats et à long terme ».

 

L’une des clés est la transformation du « système alimentaire mondial », celui-ci étant aujourd’hui à l’origine – en prenant en compte l’ensemble de la chaîne de production, de transformation, de distribution et de consommation – de 21 % à 37 % du total des émissions de gaz à effet de serre. Deux leviers apparaissent comme prioritaires. D’abord, la lutte contre les pertes et le gaspillage, qui représentent entre 25 % et 30 % de la production de denrées. Ensuite, un changement de régime alimentaire, réduisant la demande en produits animaux au profit de céréales, de légumineuses, de fruits et de légumes.

 

Agir dans tous les secteurs

 

La durabilité de l’usage des sols passe aussi, ajoute le document de synthèse dans une approche plus politique, par la sécurisation des droits fonciers et de l’accès aux terres, notamment pour « les femmes, les peuples autochtones et les communautés locales », par l’implication de ces populations, y compris les personnes « pauvres et marginalisées » dans la prise de décision et la gouvernance, et par la prise en compte des pratiques et des savoirs de ces peuples.

 

 

« Il existe aujourd’hui un mouvement de fond pour reconnaître que, sur le climat et la biodiversité, il faut hybrider l’héritage des connaissances traditionnelles avec les connaissances techniques modernes ainsi qu’avec la connaissance des implications du changement climatique région par région », commente Valérie Masson-Delmotte.

 

Le résumé à l’intention des décideurs le souligne, il y a urgence si l’on veut« réduire le risque, pour des millions de personnes, d’événements climatiques extrêmes, de désertification, de dégradation des terres et d’insécurité alimentaire ».

 

Il reste qu’à lui seul un meilleur usage des terres ne suffira pas à empêcher l’emballement climatique. Surtout si l’humanité veut garder l’espoir, aussi ténu soit-il au regard de la hausse persistante des émissions de gaz à effet de serre, qu’il est encore possible de limiter à 1,5 °C la montée du mercure, comme s’y sont engagés les Etats dans l’accord de Paris scellé en 2016.

 

Un « petit nombre » seulement de trajectoires modélisées atteint cet objectif sans qu’il soit nécessaire de convertir des surfaces importantes à des cultures de bioénergie, préviennent les experts. Toutes supposent des changements importants de modes de vie, de consommation et d’alimentation, mais aussi « une baisse rapide des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine dans tous les secteurs ». Autrement dit, la réduction drastique de l’usage des énergies fossiles, dans la production d’énergie, les transports et l’habitat, demeure la condition incontournable d’une planète vivable."

Le Monde, 08 août 2019. 

 

 

>Alerte biodiversité: "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs !"

 

 

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », avait lancé Jacques Chirac lors du sommet mondial de la Terre de Johannesburg, en 2002, pointant ainsi la menace du réchauffement climatique. Il faudrait aujourd’hui ajouter : la vie sauvage s’effondre, et nous fermons les yeux. C’est avec l’espoir de provoquer un sursaut international que se réunissent à Paris, depuis lundi 29 avril et pour une semaine, les experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

 

Créée en 2012, sous l’égide des Nations-Unies et fédérant aujourd’hui 132 pays, cette structure peut être considérée comme le « GIEC de la biodiversité », en référence au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dont elle a repris, dans son domaine, le mode de travail. Les délégués présents à Paris vont d’abord adopter un rapport scientifique de plus de 1 700 pages, élaboré par 150 chercheurs de cinquante pays, avec des contributions fournies par 250 spécialistes des sciences naturelles, mais aussi économiques et sociales.

 

Cette somme constituera la première évaluation mondiale de l’état de la biodiversité depuis le Millennium Ecosystem Assessment, l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire, réalisé en 2005. Surtout, elle sera la première à revêtir un caractère intergouvernemental, ce qui en fera le socle commun des connaissances sur lequel s’appuieront les futures négociations internationales.

 

« Le tissu de la vie » en péril

 

Au terme de cette session de l’IPBES, les représentants des gouvernements devront aussi approuver mot par mot, comme il en va des travaux du GIEC sur le climat, un « résumé pour les décideurs » d’une trentaine de pages, synthétisant les principaux messages, qui sera rendu public lundi 6 mai. C’est ce document politique qui, bien qu’il n’ait pas de caractère contraignant, devra ensuite guider l’action des Etats.

 

Sans préjuger de sa rédaction finale, on sait déjà que sa teneur sera « une alerte maximum, une alerte rouge, sur l’état de la biodiversité dans le monde ». La sixième extinction de masse des espèces est bel et bien en cours. Et la terrible nouveauté, par rapport aux précédentes comme la disparition des dinosaures, voilà 65 millions d’années, est qu’elle se produit en quelques décennies seulement, et qu’une espèce parmi toutes les autres, l’homme, en est responsable.

 

Le constat a déjà été dressé à de multiples reprises. Fin 2017, dans la revue BioScience, plus de 15.000 scientifiques avaient adressé une mise en garde solennelle contre « la destruction de l’environnement », qui pousse les écosystèmes « au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie ». Ils soulignaient qu’en un quart de siècle l’abondance des mammifères, des reptiles, des amphibiens, des oiseaux et des poissons a chuté de près d’un tiers. Et que sur la même période, le couvert forestier mondial a perdu 12 millions de kilomètres carrés, soit plus de 20 % de sa superficie. Fin 2018, dans son rapport « Planète vivante », le Fonds mondial pour la nature (WWF) annonçait pour sa part que, depuis 1970, les populations de vertébrés ont baissé de 60 %.

 

« Nouvelle approche »

 

Le rapport de l’IPBES actualisera les données sur un phénomène massif que l’on ne peut plus qualifier de simple « érosion de la biodiversité », au regard de l’accélération vertigineuse de la disparition d’espèces sauvages, qui s’opère aujourd’hui à un rythme sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Il en pointera également les causes, toutes d’origine humaine : destruction des habitats terrestres et marins, surexploitation des ressources, pollutions de toute nature, prolifération d’espèces envahissantes, mais aussi changement climatique.

 

Dans son dernier rapport, le GIEC a lui aussi mis en évidence le lien entre réchauffement et perte de biodiversité, en montrant les impacts désastreux, pour le vivant, d’une hausse globale des températures de 2 °C plutôt que de 1,5 °C.

 

Dans le premier cas, deux fois plus d’animaux vertébrés (8 %), trois fois plus d’insectes (18 %) et deux fois plus de plantes (16 %) perdront plus de la moitié de leur aire naturelle de vie que dans le second scénario. Autre projection : entre 70 % et 90 % des récifs coralliens risquent d’avoir disparu des océans à la fin du siècle dans un monde plus chaud de 1,5 °C, et jusqu’à 99 % avec 2 °C.

 

L’IPBES devra aussi proposer des pistes, des solutions ou des exemples à suivre pour tenter d’enrayer ce déclin. Car l’enjeu est la survie de la vie sauvage, mais aussi celle de l’humanité elle-même. C’est bien pourquoi, dans son intitulé, l’organisme onusien fait mention des « services écosystémiques », c’est-à-dire des services rendus par la nature à l’homme, qu’il s’agisse de la fourniture de matières premières, de la pollinisation dont dépendent 75 % des cultures mondiales, de l’approvisionnement en eau ou de la qualité de l’air.

 

A la notion de « services », les scientifiques préfèrent désormais celle de « contributions de la nature aux sociétés ». « Cette nouvelle approche met en avant le fait que ces contributions ne sont pas seulement matérielles, mais revêtent aussi une dimension culturelle et sociale, qui contribue au bien-être et à la qualité de vie », explique Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES et spécialiste des rapports entre biodiversité et changement climatique.

 

« La disparition des espèces et des écosystèmes et la perte de diversité génétique représentent déjà une menace mondiale et intergénérationnelle pour le bien-être humain, ajoute Robert Watson, président de l’IPBES. La protection des contributions inestimables que la nature rend aux populations sera le grand défi des prochaines décennies. »

 

« Constitution d’un consensus »

 

Le cri d’alarme que lanceront les experts, le 6 mai, à l’intention des décideurs de la planète sera-t-il entendu ? « La session de l’IPBES est une première étape, qui vise à la constitution d’un consensus scientifique, commente Arnaud Gauffier, porte-parole du WWF France. Le rendez-vous décisif sera la conférence de la Convention sur la diversité biologique qui se tiendra, en décembre 2020, en Chine. Sur la base de ce consensus, il faudra alors adopter un accord international contraignant, qui mette en œuvre un “new deal” pour la nature et pour l’homme. On ne pourra pas sauver la biodiversité sans changer de modèle économique. » 

 

L’objectif des gouvernements devra être ainsi de parvenir, en 2020, à un accord comparable, pour la biodiversité, à celui scellé en décembre 2015, à Paris, lors de la COP21, sur le climat. Encore faudra-t-il, pour espérer endiguer la perte du vivant, que les Etats agissent alors plus efficacement qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent pour contenir le réchauffement planétaire. Ce qui n'est pas gagné. Pour les rappeler à l’urgence, le WWF invite, samedi 4 mai à Paris, sur le modèle des récentes manifestations pour le climat, à une « mobilisation citoyenne pour la nature ». Le Monde. Le 30 avril 2019.

 

 

 >Emmanuel Macron: être profondément humain et à hauteur de l'histoire !

 

 

Ce jeudi 25 avril à 18 heures, le président français, Emmanuel Macron, pendant plus de deux heures, a présenté à la presse, aux médias et aux Français les conclusions qu’il tire du mouvement des Gilets jaunes ainsi que du grand débat national. Disons tout de suite l’étonnement qui est toujours le nôtre de voir à quel point les institutions françaises, taillées sur mesure par et pour de Gaulle, consacrent à ce point le statut de clé de voûte, pièce sans laquelle l’édifice ne tient pas, de la présidence. Là-haut, le président est seul et tout le monde semble attendre de lui la solution à tout problème, le remède à ses tracas et soucis personnels. Ainsi va la Vème République, dont un jour, il faudra bien faire évoluer son caractère monarchique vers davantage de démocratie parlementaire et participative. 

 

En résumé, le président a annoncé, non pas un changement de cap de sa politique, mais un changement de méthode. Il n’entend nullement renoncer, encore moins renier ses promesses et engagements électoraux ; il veut accélérer le rythme de ses réformes, en les rendant plus proches de la vie concrète des citoyens, plus visibles et compréhensibles. Il souhaite mettre l’humain au cœur des transformations profondes qui doivent être mises en œuvre d’ici les semaines, mois et années à venir. 

 

En chiffres, après les 10 milliards d’euros débloqués en décembre dernier, si on additionne les coûts de l’ensemble des mesures nouvelles, on arrive à un total qui approche les 11 milliards d’euros, soit près de 21 millards en à peine cinq mois. C'est qu'il faudra la financer cette enveloppe. Rappelons que les annonces de décembre ont bénéficié, selon l’Institut des politiques publiques (IPP), organisme de recherche indépendant, à 72% des ménages, surtout ceux dont les revenus sont compris entre 830 et 1730 euros par mois. L’augmentation de leur pouvoir d’achat, en 2019, est évalué par les chercheurs à plus de 1% net, toutes charges payées. Les principales dispositions de la fin 2018 concernaient la revalorisation de la prime d’activité; l’annulation de la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée), pour les retraités dont le revenu fiscal est inférieur à 2000 euros par mois; l’annulation de la taxe carbone; l’extension du chèque énergie; la défiscalisation des heures supplémentaires. 

 

Hier, le président s’est engagé à diminuer les impôts de 15 millions de foyers fiscaux, essentiellement les classes moyennes, pour un montant de 5 milliards d'euros. Il entend supprimer les nombreuses niches fiscales, non celles pour les ménages, mais celles qui profitent excessivement aux grandes entreprises. Le patronat est évidemment contre. Emmanuel Macron veut diminuer globalement la dépense publique, afin de maintenir le déficit et la dette sous contrôle, sans préciser cependant dans quels départements les coupes claires interviendront. Ce sera au gouvernement à trancher. Concernant l’Impôt sur la fortune (ISF), il refuse tout retour en sa partie biens mobiliers, dès lors que les sommes non imposées servent l’investissement dans l’économie. L’impôt sur la fortune immobilière est toujours maintenu. La suppression partielle de l’ISF fera l’objet d’une évaluation en 2020. Il annonce qu’il ne touchera pas à l’âge légal de la retraite à 62 ans, tout en précisant que le montant perçu par les retraités dépendra des points obtenus en fonction du nombre d’annuités acquises tout au long de la carrière. Emmanuel Macron a confirmé, et c'est important, la réindexation des retraites sur l’inflation, au 1er janvier 2020, pour celles qui atteignent maximum 2000 euros par mois, au 1er janvier 2021, pour toutes les autres. Il souhaite porter le seuil minimum pour les petites retraites à 1000 euros par mois, ce qui reste très faible. Pour les mères seules avec enfant(s),  dont les époux ou compagnons ne paient pas la rente alimentaire, la Caisse d’allocation familiale se verra dotée de la puissance publique formelle, donc juridique, pour récupérer les sommes dues. Cette mesure concerne 315.000 parents et 500.000 enfants. Le président a aussi fixé l'objectif du plein emploi, à savoir 5% de chômeurs par rapport aux actifs, à l'horizon 2025. Il est vrai que le chômage baisse et que la croissance est à nouveau là mais de façon encore insuffisante pour marquer un changement radical des indicateurs économiques. 2025, c'est au-delà de la fin du quinquennat présent, en mai 2022. Emmanuel Macron pointe-t-il ainsi le bout du nez sur un second mandat ? Nul ne le sait. Il a dit qu'il s'en fichait. On va faire semblant de le croire. La Haute fonction publique, qui ne repose pas suffisamment sur la méritocratie, se verra réformée avec la suppression de l’Ecole nationale d’administration (ENA), dont les filières de recrutement, basées surtout sur l'argent, l’origine sociale, et la carrière garantie à vie dans les grands corps d'Etat, statut souvent coupé des réalités de terrain, ne sont plus en phase avec les attentes des citoyens. Le président a avoué à demi-mot qu'il ne pourra pas tenir l'engagement de supprimer 120.000 postes de fonctionnaires, soit 2% de l'ensemble. L'état de nécessité et d'urgence de l'hôpital public, la revalorisation de la fonction enseignante ainsi que la promesse de décentralisation d'agents publics expliquent ce renoncement. Le Chef d'Etat a demandé au gouvernement d’Edouard Philippe de préparer une réforme de la constitution en vue d’instaurer, pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale, une dose de proportionnelle de 20% dans le système majoritaire, la limite dans le temps des mandats, la réduction de 25% du nombre de parlementaires ainsi que l’évaluation à échéance régulière de leur travail. Le président a renoncé, comme le demandent les Gilets jaunes, à la mise en place du Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Il pense qu’une démocratie participative permanente nuirait à la démocratie représentative. Mais il a souhaité encourager le Référendum d’initiative partagée (RIP), qui existe déjà mais peu utilisé, en baissant le nombre nécessaire de signataires de 4 à 1 million de personnes. Au niveau local, il considère que les citoyens doivent avoir le droit d’interpellation. Aussi, il s’est prononcé pour l’adjonction, dès juin prochain, de 150 citoyens tirés au sort au sein du Conseil économique, social et environnemental. Pour ce faire, il y a lieu rapidement de créer un Conseil de la participation citoyenne. Il a aussi refusé d'inscrire dans la constitution le vote obligatoire et le vote blanc, tous deux considérés comme des repoussoirs d’une démocratie vivante. Il veut recréer de la proximité sur le terrain, en définissant un nouveau pacte de la territorialité. A savoir, remettre de la présence humaine, avec l’ouverture, dans les 2000 cantons que compte la France, de maisons multi-services, appelées « France Services », appelées à aider les citoyens éloignés ou isolés dans toutes leurs démarches administratives et sociales, via les fonctionnaires qui vont être décentralisés et une connectivité numérique renforcée. La décision du doublement des classes, passant de 24 à 12 élèves, dans l’enseignement fondamental et primaire des zones prioritaires, sera généralisée dès la rentrée 2020. En 2018, près de 190.000 élèves en ont bénéficié et 10.800 classes ont été créées. Pour le président, c’est dès la petite enfance que tout se joue en ce qui concerne les inégalités. Aux côtés des filières classiques, encore trop discriminatoires, il veut construire un enseignement supérieur tout au long de la carrière, qui permette à tout un chacun, qui n’a pas eu la chance ou la possibilité de décrocher un diplôme supérieur ou une qualification professionnelle, de pouvoir réorienter sa vie en accédant à des emplois plus attractifs et mieux rémunérés. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, dont l’efficacité ne peut être atteinte que par une articulation entre les politiques nationales, européennes et mondiales, une convention citoyenne sera mise sur pied, avec la mission de redéfinir concrètement toutes les aides et ressources pour les économies d’énergie dans un esprit de simplification et de lisibilité. La problématique de la transition climatique entraînera la création d’un Conseil de défense écologique, qui verra le jour dès cette année. Ce conseil sera présidé par le président de la République. A l’échelle européenne, la France veut convaincre ses partenaires d’instaurer aux frontières de l’Union une taxe carbone commune, pour l’aviation civile et commerciale, les transports maritime et routier, ainsi qu’un prix intérieur unique du carbone, évitant le dumping fiscal d’un pays comme le Luxembourg, par exemple. Il s’agit aussi d’établir une réelle souveraineté aux frontières extérieures de l’Europe, non encore suffisamment protégées, et, par la réforme du traité de Schengen, de renforcer les contrôles aux frontières nationales. La France entend accueillir les migrants victimes des guerres et de violence, mais refuse d’ouvrir grandes ses portes à toute immigration qui ne rentre pas dans les critères de la convention internationale sur le droit d’asile. Voilà, pour l’essentiel, la teneur des annonces et des objectifs  présidentiels. L'application technique sera à charge, et c'est normal, du gouvernement.

 

Le projet politique d’Emmanuel Macron, loin de ses envolées imprudentes sur les apports d’une mondialisation heureuse, peut se résumer désormais par l’expression, employée lors de sa conférence de presse, « L’art d’être français ». A la fois, une France ouverte sur le monde, fidèle aux valeurs humanistes des Lumières, protectrice et généreuse (il suffit pour s'en convaincre de comparer avec beaucoup d’autres pays sur la planète), mais une France qui n’est pas naïve, qui fait valoir sa vison propre et ses droits en Europe et ailleurs. Une France qui défend son propre modèle, sa façon d’être au monde, de penser le rapport de l’Homme à la culture, à la spiritualité, à l’économie et au commerce, à la nature, à l'Etat, quitte à être parfois, mais pas toujours, minoritaire, voire à s'opposer avec le partenaire allemand, en pleine transition politique et ralentissement économique. Un modèle qui n’est pas celui des Anglo-saxons, Américains et Britanniques, des Chinois ou des Russes.  

 

Nous n’avons aucun doute sur le fait que le projet présidentiel sera critiqué, contesté, voire démoli par les oppositions de toutes sortes, toujours aussi prolixes sans responsabilité immédiate. 

 

La gauche dira qu’il n’y a pas assez de dépenses publiques en direction des catégories sociales les plus fragiles, pas assez de redistribution, pas assez d’Etat régulateur et interventionniste, sans rien dire de l’augmentation sensible de la fiscalité, pour ne pas dire du matraquage fiscal, qui sous-tendrait de telles largesses, sans rien révéler de la boursoufflure étatique qu'elle aime enfanter lorsqu'elle est au pouvoir. L’endettement perpétuel comme seul remède ...  

 

La droite, au contraire, ne manquera pas de dénoncer le manque de courage du président, les déficits publics qu’il laisse filer, la dette dont il favorise l’explosion, l’excès de sa fiscalité, y compris pour les plus nantis, son trop d’Etat gaspilleur, sans reconnaître que les conséquences d’une politique de droite sans complexe seraient de sabrer dans les programmes sociaux, dans les postes de nombreux fonctionnaires, de permettre aux plus riches de continuer à s’enrichir, pendant que les plus pauvres devraient s’en remettre à leur seul courage pour s’en sortir, et donc sans avouer que les inégalités, qui minent le vivre ensemble français depuis si longtemps, ne feraient que s’aggraver. Le désordre social au bout du tunnel ... 

 

Il va de soi que les syndicats dits « révolutionnaires » et leurs copains gauchistes, qui ne veulent rien entendre d’un dialogue social en amont des conflits, qui détournent le regard à la vue du mot réformisme, vont tirer à boulets rouges sur les annonces d’hier. C’est leur droit mais un peu court. Que proposent-ils, sinon de vider les caisses de l’Etat et d’accroître la dépendance financière et budgétaire du pays vis-à-vis de l’étranger. Pire, d’hypothéquer l’avenir des générations futures. Un Etat bureaucratique comme réponse aux défis de la modernité ...

 

Il ne fait aucun doute non plus que les Gilets jaunes, dont les revendications partent dans tous les sens, sans porte-parole, sans volonté de négocier mais avec le vent de la violence, qui s’étranglent parce que la reconstruction de Notre-Dame a permis de récolter un milliard d’euros en une semaine, mais qui disent que les propositions d’Emmanuel Macron, une enveloppe totale de près de 21 milliards d’euros, sont, je cite, « des cacahuètes et de l’enfumage ». Le chaos général comme flambeau ...

 

Quant aux Français, ils seront certainement partagés sur les engagements déclinés hier soir. On note cependant, dès aujourd'hui, dans les premiers sondages, un certain mouvement de soutien, à près de 40%. Ce qui n'est pas si mal compte tenu de l'impopularité actuelle d'Emmanuel Macron. Les résultats concrets de sa politique seront à coup sûr l'arbitre intransigeant des prochaines échéances électorales, européennes cette année, municipales en 2020, présidentielles et législatives en 2022. 

 

Bien sûr, le président n’est pas sans défauts. Il l’a d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises. Nous lui conseillons modestement d’éviter les petites phrases maladroites et l’excès de verticalité dans l’exercice du pouvoir. Bien sûr qu’une politique qui entend, « en même temps », répondre de manière réaliste aux exigences sociales et citoyennes du moment sans perdre de vue les défis majeurs sociétaux,  économiques et environnementaux, est une politique qui mécontente les différentes clientèles plus qu’elle ne les récompense. Mais c’est, nous semble-t-il, la seule qui tienne la route aujourd’hui.  

 

Nous aussi, nous aurions bien des choses à dire et à redire, notamment sur la timidité élyséenne à l'égard de l'ampleur du défi climatique comme des menaces qui pèsent sur la biodiversité. Le départ de Nicolas Hulot ne semble pas avoir changé la donne. Les grandes ONG écologiques ne s'y sont d'ailleurs pas trompées, en critiquant sévèrement l'absence de souffle des propositions macroniennes. Nous l'écrivons ici même depuis deux ans. Mais soyons sérieux. Voyez-vous une alternative à Emmanuel Macron ? Nous, non. Ce n’est certainement pas Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, Olivier Faure ou Jean-Luc Mélenchon, leurs politiques déséquilibrées, d'un autre temps, en blanc ou noir, qui feraient l’affaire. Imaginez-les à la présidence. L’exercice est salutaire, tant il déconstruit toute crédibilité à chacune de ces hypothèses effractives. 

 

Le président Emmanuel Macron a dit qu’il souhaitait « être profondément humain et à bonne hauteur de l’histoire ». Nous voulons y croire, parce que tout autre perspective serait une trop grande prise de risque pour la France et l’Europe.  26 avril 2019.

 

 

>Grand débat ou grand écart national ?

 

Le premier ministre français, Edouard Philippe, a présenté ce 8 avril, sous les voûtes du Grand Palais à Paris, les lignes force de ce qui ressort du grand débat national. Près de trois mois après son lancement, voulu par Emmanuel Macron pour répondre à la crise des Gilets jaunes, le gouvernement a entamé la difficile séquence de restitution de la consultation, qui doit aboutir à l’annonce de premières mesures à la mi-avril et ce, jusqu’aux vacances d’été.

 

Edouard Philippe avait réuni quelque 500 personnes, parmi lesquelles la quasi-totalité du gouvernement mais aussi les directeurs d’administration centrale et des représentants syndicaux ou d’associations. L’objectif était de donner les premiers éléments de ce que l’exécutif entend retenir de l’exercice.

 

"Ce succès du grand débat n’est pas celui du gouvernement, c’est celui de tous les Français", s’est réjoui le chef du gouvernement, dans une brève intervention faite à l’issue de la présentation des résultats. "Ce temps que nous avons consacré à un grand débat national, il était nécessaire, pour laisser à chacun la possibilité de s’exprimer, et il était nécessaire pour écouter", a-t-il ajouté, estimant que "si on ne prend pas le temps d’écouter, en général, on n’entend pas bien".

 

Les pistes ouvertes par les Français qui se sont exprimé lors des discussions sont nombreuses. Aux quatre thèmes posés par le président (transition écologique, fiscalité et dépense publique, démocratie et citoyenneté, organisation de l’Etat et des finances publiques), se sont ajoutés d’autres items, comme la santé, une "angoisse sourde" qu’il faut "entendre".. "Quel que soit son format, toute synthèse paraîtra toujours un peu réductrice", a reconnu le premier ministre.

 

Pour périlleux que soit l’exercice, Edouard Philippe a dit tirer plusieurs enseignements de la consultation, qui lèvent un peu le voile sur la forme que le pouvoir entend donner aux doléances citoyennes. Le premier est celui d’"une immense exaspération fiscale". "Notre pays atteint aujourd’hui une forme de tolérance fiscale zéro", a-t-il expliqué. "Dès notre arrivée, nous avons baissé les cotisations sociales, baissé la taxe d’habitation, baissé l’impôt sur les sociétés", a-t-il ajouté, mais 

"sans doute pas assez vite, sans doute pas assez fortement, sans doute pas assez clairement" ...

 

Pour y remédier, une solution : "Nous devons baisser et baisser plus vite les impôts." Les Français 

"ne veulent plus que des taxes leur disent ce qu’ils doivent faire », référence à la taxe carbone. Un message qu’il dit avoir reçu « cinq sur cinq, fort et clair". 

 

Pour répondre aux fractures territoriales mises en lumière par la crise des ronds-points, ces Gilets jaunes plutôt tranquilles par rapport aux casseurs, Edouard Philippe s’est dit  déterminé à "rétablir l’équilibre entre les métropoles et les communes qui se trouvent à l’extérieur des logiques métropolitaines". Il souhaite "revoir les règles de l’urbanisme qui ont bien souvent poussé à l’étalement" mais aussi de "réorienter les efforts d’investissement vers les transports du quotidien".

 

S’il n’a pas voulu  en dire davantage sur les mesures que devrait annoncer Emmanuel Macron dans les jours et semaines à venir, le premier ministre a dit avoir retenu deux sujets importants des réunions auxquelles il a participé : la détresse des femmes élevant seules leurs enfants et privées de pension alimentaire, ainsi que la situation des femmes travaillant dans le secteur de la dépendance, notamment dans les maisons de retraite. 

 

L’ancien maire du Havre a entamé un début d’autocritique sur les 80 km/h, une mesure prise à son initiative et souvent présentée comme le premier signe du divorce avec la France dite périphérique. 

"Je voulais sauver des vies et on m’a accusé de vouloir remplir des caisses". "Je ne me résigne pas à abandonner cette ambition en matière de sécurité routière; je dois apprendre à composer avec l’incompréhension ou le rejet". 

 

Selon les chiffres officiels, environ 1,5 million de personnes ont participé au Grand débat national. 

98 % de la population a eu une réunion ou un cahier de doléances à moins de vingt minutes de voiture.

 

Chacun sait que ce bel exercice démocratique, unique en son genre dans l’histoire et dans le monde, n’a pas la valeur d’un sondage. Il ne représente pas tous les Français. C’est vrai, mais il signifie tout de même quelque chose des tréfonds de la nation française.

 

Si le grand débat, qui pourrait s’appeler aussi le grand écart, tant les demandes des uns et des autres sont parfois contradictoires – il faut diminuer la pression fiscale sans réduire le train de vie de l’Etat et donc sans supprimer des postes de fonctionnaires – a donné lieu à des propositions précises. Il a en effet mis en lumière beaucoup de divergences. "Il n’y a pas forcément unanimité entre ce qui se dit sur les cahiers, sur la plate-forme et dans les débats", a reconnu Emmanuelle Wargon, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire. C'est la quadrature du cercle que la majorité macronniste devra résoudre. Une autre version du "en même temps". 

 

"Ce que le grand débat a aussi montré, c’est la propension à l’individualisme dans la société. La majorité de ceux qui ont participé ont réagi par rapport à leur situation personnelle. Il est difficile d’y voir un projet national", dit-on, dans l’entourage de Matignon. Cela montre que gouverner est un art de plus en plus hasardeux. Pas besoin d’un tel événement pour s’en apercevoir.

 

L’exécutif devrait poursuivre la restitution du grand débat tout au long de la semaine. Edouard Philippe doit donner un premier aperçu de la méthode et du calendrier lors de deux intrventions devant l’Assemblée nationale et le Sénat. La semaine prochaine, ce sera au tour du président, avec les premières mesures. Les uns espèrent tourner la page de cet épisode casse-gueule, entamé avec la révolte des Gilets jaunes, et poursuivre leur tâche de modernisation de la France et de refondation de l'Europe. Les autres veulent poursuivre leur entreprise de démolition nationale. Wait and see ! 

09 avril 2019.

 

>Le gouvernement italien souhaite-t-il l'implosion de l'Europe ?

                     Un attelage populiste italien qui fait la course à la vulgarité, à la démagogie et au nationalisme.

 

La France vient de rappeler son ambassadeur en Italie. Paris dénonce des attaques "sans précédent depuis la fin de la guerre". Le gouvernement de Rome a été élu sur un lit de mensonges et d'insultes. Il gouverne avec cet héritage. C'est la population, abusée par ces populistes et ces extrémistes, qui en fait déjà les frais. L'Italie va mal, son économie est en perte de vitesse, elle perd chaque année des parts de marché, le chômage augmente avec la pauvreté, son déficit et sa dette publique explosent, ses infrastructures sont dans un état calamiteux. Pas de quoi pavoiser. Le président Macron représente tout ce qu'ils ne sont pas et incarne l'Europe qu'ils exècrent. Trafiquer les chiffres des indicateurs économiques, tourner le dos au principe de réalité, abuser l'électeur en le flattant grossièrement, faire imploser l'Europe, voilà leur potion funeste, voilà leur poison. La France doit se faire respecter. Le rappel de son ambassadeur est légitime, sans doute insuffisant pour faire entendre raison au Premier ministre, Giuseppe Conte, au ministre du Travail du mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, et au grotesque ministre de l'Intérieur du parti fasciste de la Ligue du Nord, Matteo Salvini. Il faut rappeler cependant que l'Europe, excepté l'Allemagne, et donc la France, n'a pas été à la hauteur de la crise migratoire ces dernières années, laissant l'Italie gérer seule les flux continus de demandeurs d'asile. C'est un fait incontestable. Cela n'est évidemment pas une raison pour que le gouvernement italien se lance dans une campagne de dénigrement, d'attaques verbales et d'immixtion dans la politique intérieure de la France. La récente rencontre quasi clandestine du ministre italien du Travail avec des Gilets jaunes français d'extrême droite est inacceptable et dangereuse. Souffler sur les braises ne permet pas d'éteindre un feu qui menace. Il est donc légitime de s'interroger sur les réelles intentions de Rome. Le gouvernement italien souhaite-t-il l'implosion de l'Europe ? Nécessairement partenaires - la France et l'Italie représentent chacune l'une pour l'autre le deuxième marché de leur balance commerciale - les Etats européens doivent retrouver le sens des responsabilités, du dialogue et de l'intégration plus poussée de politiques communes, comme la défense, la sécurité aux frontières, la diplomatie, la couverture sociale, la fiscalité et la lutte contre le réchauffement climatique. Nous savons qu'un certain nombre de pays sont davantage tournés aujourd'hui vers la défense musclée de leurs intérêts propres, piochant et accaparant dans le modèle européen ce qu'ils veulent et rejetant toute contrainte de solidarité; celle-ci ne pouvant s'exercer selon eux qu'en sens unique. C'est pour cette raison qu'ils ne suivront pas la proposition macronienne de refonder l'Union vers plus de fédéralisme. Il faudra donc s'orienter vers une Europe à plusieurs cercles concentriques, organisés selon le degré d'adhésion à cet aggiornamento institutionnel et politique. Nous l'avons maintes fois affirmé ici, il faut désormais doter l'Union européenne d'une force de frappe économique et politique significative, tout ce qu'il y a de plus démocratique, qui lui permettra de rivaliser d'égal à égal avec les grandes puissances de la planète. Nous n'en prenons pas le chemin. C'est très regrettable et dommageable. Après l'invraisemblable tragi-comédie du Brexit, dont les effets, quoi que soit la voie choisie après le 29 mars prochainavec ou sans accord, seront lourds de conséquences surtout pour le Royaume Uni, aussi pour l'Union, s'il fallait encore une preuve que l'Europe est bien malade, la sérieuse crise diplomatique et politique entre la France et l'Italie vient malheureusement à point nommé. C'est assurément un symptôme, c'est aussi un marqueur de l'impuissance européenne d'exister vraiment. 08 février 2019.

>No way pour une Europe-puissance ?

 

Le 6 janvier 2019 restera dans l’histoire économique et commerciale de l’Union européenne comme une date flétrie. La Commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, d’habitude mieux inspirée, a annoncé qu’elle s’opposait au rapprochement des sociétés française, Alstom, et allemande, Siemens, constructeurs des trains à grande vitesse TGV et ICE. Toutes deux sont confrontées à la machine de guerre chinoise de « La China Railroad Rolling Stock Corporation » (CRRC). Celle-ci est largement financée par l’Etat chinois, qui ne s’embarasse aucunement des situations de mal-concurrence et de monopole, ce qui lui permet de pratiquer des offres à ses nombreux clients dans le monde 30% moins chères que ses challengers européens. Elle est donc leader mondial sur ce marché. Les gouvernements français et allemand ont tous deux exprimé fortement leur désaccord et leur incompréhension de la décision de Bruxelles. A contrario, les syndicats français, ceux d’Outre-Rhin sont restés silencieux, ont fait savoir leur satifaction, sans doute dans l’attente du jour où leur entreprise se fera engloutir par CRRC. Le cas de la société électronique Huawei, productrice des smartphones homonymes, suspectée de recourir aux Etats-Unis et en Europe, au travers ses installations de réseaux 5G, à de l’espionnage industriel au profit de la Chine communiste, n’a pas l’air d’inquiéter outre mesure une Commission européenne chargée de faire respecter des règles à la concurrence totalement obsolètes, car désarmées face aux stratégies agressives et sans contrainte des multinationales chinoises et américaines. Les directives européennes en la matière datent d’une bonne vingtaine d’années, époque où la concurrence pouvait encore se jauger à la seule enceinte européenne. Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, avec l’arrivée massive sur les marchés technologiques de pointe d’une nouvelle puissance mondiale comme la Chine. Au-delà de la Commission, qui traduit en pratique plus qu’elle n'exécute formellement; à savoir qu’elle détient et utilise une marge non négligeable d’interprétation juridique des traités, les décisions du Conseil européen, les Chefs d’Etat et de gouvernement, et les votes du Parlement, l’Europe est-elle consciente qu’elle scie la branche fragile sur laquelle nous, ses citoyens, sommes assis ? Car si nous ne changeons pas nos logiciels, si nous n’adaptons pas urgemment les législations européennes au paradigme d’une mondialisation de plus en plus sauvage, de moins en moins multilatérale, régulée et démocratique, alors, il ne faudra pas une génération pour être sous la coupe réglée de Pékin, désormais première puissance économique de la planète, et de Washington, qui n’est pas en reste d’un protectionnisme unilatéral, d’ingéniérie et de fraudes fiscales, via ses grandes sociétés de services installées sur notre sol. L’interdiction de fusionner Alstom et Siemens sonne comme un avertissement. D’autres secteurs économiques déterminants sont d’ores et déjà l’enjeu d’une suprématie mondiale sans limite. L’intelligence artificielle et la numérisation intégrale de nos vies, par la maîtrise du Big Data, sont au cœur des guerres électroniques, économiques et politiques qui se mènent actuellement. A l’occasion des élections européennes du 26 mai prochain, les Européens convaincus, dont nous sommes, devront mettre sur la table, sans faux-fuyant, car notre Europe est malade de ses incapacités, la refondation d’un projet fort, bâti sur sa souveraineté, son inter-solidarité et sa compétitivité tous azimuts. Ne soyons plus les dindons de la farce de l’industrie et du commerce. La concurrence doit évidemment être équitable, mais elle est aujourd’hui réduite à un ornement trompeur dans la guerre économique que nous mènent Chinois, Américains, Indiens. Quant à la Russie, véritable nain économique, elle doit se contenter de nous pourrir l’existence démocratique par ses actions nuisibles aux frontières de l’Union, ses infiltrations troyennes dans le cyber-espace, ses intoxications politiques et fake news, via ses nombreux réseaux d’influence. Une stratégie globale qui allie son hard power, sa menace militaire et électronique, à son soft power, ses relais alliés. Voilà nos concurrents, voilà nos adversaires. Devons-nous dire voilà nos ennemis ? Ils ont des amis au sein même de la Maison Europe, les populistes, les extrémistes de gauche et de droite, les nationalistes attardés, anti-européens et anti-système. Nous les connaissons. Face à cette alliance inédite, qui œuvre à la destruction d’une Europe unie, forte et résolument ambitieuse en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique, d’une Europe-puissance, une alliance qui rêve de notre implosion, osons être pleinement nous-mêmes, des Européens lucides et déterminés, des Européens qui auront changé leur vision naïve des relations internationales pour un projet citoyen revivifié, religitimé, sans complexe face aux puissances mondiales qui espèrent nous vassaliser et transformer notre magnifique continent en terre touristique exotique. Nous aussi, nous sonnons le tocsin. 07 février 2019.

 

>Climat: les jeunes nous rappellent à nos responsabilités ! 

 

Après la marche pour le climat dans les rues de Bruxelles du 2 décembre, qui a réuni 65.000 personnes, le 17 janvier, ils étaient 12.500 jeunes et ce 24 janvier ... 35.000, dans la capitale européenne, à sécher les cours pour manifester en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique (*). La presse internationale a été impressionnée par l'ampleur de la mobilisation des jeunes belges. A ce jour, c'est en effet la plus importante manifestation du genre dans le monde. L'un d'eux a parfaitement résumé le pourquoi de cette action: "A quoi sert d'aller à l'école si nous n'avons pas d'avenir ?". Répondre à cette question revient à juger sévèrement les générations plus âgées. Malgré les mises en garde dans les années '70 du Club de Rome, dont la littérature scientifique a circulé à l'époque jusque dans les lycées, nous n'avons pas imprimé dans nos petites têtes la gravité de la menace. Nous avons continué à vivre en consommateurs avides d'énergie et de biens de consommation massifs. La Bible, dès ses premières paroles, rapporte que Dieu, auquel on croit ou pas, peu importe ici, avait assigné aux êtres humains un travail et une mission, Genèse, chapitre 1, verset 15: "L'Eternel-Dieu prit donc l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le soigner". Le cultiver et le soigner ! Qu'en avons-nous fait ? Sans doute inconsciemment, pensions-nous que la terre avait des ressources naturelles inépuisables et que nos modes de vie individuels et collectifs n'avaient aucun impact global sur sa capacité à supporter le poids de nos activités. Nous ne sommes propriétaires de rien, locataires des bienfaits mis à notre disposition, passagers furtifs en devoir de responsabilité. Le grand Descartes s'est fourvoyé et nous a trompé. La maîtrise totale de la nature qu'il ambitionnait pour l'humanité accrédita l'idée fausse et dangereuse qu'elle nous appartenait. La raison peut être déraisonnable. L'unique maîtrise accessible et en même temps vitale est celle d'assurer au développement des sciences, des techniques et de l'éthique universelle une durabilité. On sait que notre société a réussi à faire de la croissance économique l'ennemi de la biodiversité et de l'humanité tout entière. Le climat se réchauffe de manière sensible à l'échelle de nos existences quotidiennes. Bientôt, le phénomène a déjà commencé, des dizaines de millions d'êtres humains, voire davantage, deviendront des migrants climatiques, chassés de leurs maisons et de leurs territoires par la montée des eaux des océans et les catastrophes en tous genres. Il est moins UNE ! Faut-il que ce soit la jeunesse, en première ligne, qui nous somme d'assumer nos responsabilités ? Il s'agit ni plus ni moins que de changer de paradigme, car l'équation de notre survie est désormais sans inconnue: nous avons 12 ans pour rendre réversible la tendance systémique actuelle. Le GIEC est formel et base ses projections sur des milliers d'études scientifiques, plus fiables les unes que les autres. On ne peut plus continuer ainsi tout simplement. Les gouvernements du monde ne peuvent plus se contenter d'annoncer des engagements théoriques au travers les "Conférences des parties de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques". Rappelons que les objectifs de la Cop21 de Paris, qui s'est tenue dans la capitale française du 30 novembre au 12 décembre 2015, à ce jour, pour l'immense majorité des pays participants, ne sont toujours pas respectés en terme de trajectoires et que plusieurs d'entre eux, dont les Etats-Unis, se sont retirés de cette instance multilatérale, forum international indispensable au dialogue, à la prise de décisions ainsi qu'à leur monitoring. De même, chacun d'entre nous ne peut plus tout attendre des pouvoirs publics. Danser sur un volcan, en faisant semblant de ne rien voir et de ne rien savoir, est une folie que nous payons cher et qui sera bientôt hors de prix. L'emballement des températures, relevées sur notre belle planète bleue, de moins en moins verte, lui, n'attend pas pour produire ses effets dévastateurs. Sacrifier délibérément la jeunesse et les générations futures sur l'autel de nos habitudes et de notre confort est un crime contre la terre et l'humanité. Alors quoi ? 24 janvier 2019.

 

(*). Le jeudi 24 janvier 2019, sur la place du Marché à Liège, devant l'Hôtel de Ville de la Cité ardente, 2000 lycéens, essentiellement issus des écoles secondaires du réseau de l'enseignement libre catholique, ont manifesté avec une belle énergie pour le climat. D'autres événements plus conséquents sont attendus dans les jours et les semaines à venir. Réjouissant. En revanche, l'absence des athénées de l'enseignement officiel est à déplorer. Triste.

 

 

>Urgence sociale: calmer les esprits, apaiser les coeurs, réconforter les corps !

 

Henry Fonda incarna avec une grande justesse Tom Joad, poussé à l'exode et à la révolte par la misère et l'exploitation, dans l'adaptation cinématographique de John Ford du roman de John Steinbeck, The Grapes of Wrath, Les raisins de la colère ... 

>"Les mesures d'urgence de Macron ont dopé le pouvoir d'achat" !

                                                72% des ménages vont gagner en pouvoir d’achat.

 

"Après des semaines de tergiversations, ce fut la réponse politique et sociale à la crise des « gilets jaunes ». Les mesures d’urgence annoncées le 10 décembre par Emmanuel Macron vont-elles modifier la physionomie du quinquennat en matière de pouvoir d’achat, alors que le chef de l’Etat traîne depuis plus d’un an l’étiquette de « président des riches » ? C’est ce que laisse à penser une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), un organisme de recherche indépendant, publiée mercredi 23 janvier.

 

Comme ils l’avaient fait en octobre, les chercheurs ont évalué les conséquences, pour les ménages, des réformes fiscales et sociales contenues dans les deux premiers budgets de l’ère Macron. Mais ils les ont actualisées avec les mesures présentées en décembre 2018 : revalorisation de la prime d’activité, annulation de la hausse de CSG pour les retraités dont le revenu fiscal est inférieur à 2 000 euros, annulation de la taxe carbone, extension du chèque énergie, défiscalisation des heures supplémentaires.

 

Premier constat : les 8,3 milliards d’euros de mesures qui concernent les particuliers (sur 10 milliards d’annonces au total) ont soutenu le pouvoir d’achat. Elles ont en moyenne augmenté de 0,8 % le revenu disponible – c’est-à-dire après paiement des impôts et cotisations, et réception des prestations sociales. Elles ont surtout profité aux ménages compris entre 830 euros par mois et 1 730 euros par mois. Un effet de la revalorisation de la prime d’activité, qui a été ciblée sur les revenus à partir d’un demi-smic. Autre mesure forte, l’annulation de la hausse de CSG pour davantage de retraités améliore les revenus des ménages compris entre 1 120 euros à 2 190 euros par mois.

 

Les mesures d’urgence ont également modifié la cartographie des gagnants et des perdants du début du quinquennat. Alors qu’à l’automne, les moins bien lotis étaient d’une part les 20 % de ménages les plus modestes, de l’autre les 20 % les plus aisés (à l’exception des 1 % très riches), la prime d’activité réduit le nombre de perdants. Ceux-ci sont tout de même les 10 % les plus pauvres, qui ne touchent pas la prime d’activité ni ne bénéficient des heures supplémentaires. Les 20 % les plus aisés (à l’exception des 1 % très riches) sont toujours perdants, notamment les retraités.

 

« Les mesures Macron ont fait une différence : on a désormais des gains de pouvoir d’achat plus importants (qu’avant la crise des « gilets jaunes ») pour une partie plus large de la population. Les grands gagnants sont les actifs à faible revenus, notamment autour du smic », résume Brice Fabre, économiste à l’IPP et l’un des auteurs de l’étude.

 

Des effets cohérents avec la volonté affichée par l’exécutif de désamorcer la crise, mais aussi avec le profil de la majorité des manifestants des ronds-points. La revendication de meilleure répartition des richesses n’a toutefois pas été satisfaite. « Ces mesures n’ont pas consisté à déplacer des gains destinés à une catégorie de la population pour les réinjecter ailleurs : on a augmenté la dépense publique. On ne sait pas comment ces mesures seront financées à long terme. Et, à court terme, le déficit va se creuser », remarque M. Fabre.

 

En effet, tout en haut de l’échelle de revenus, le sort des 1 % les plus riches n’a pas changé depuis la crise des « gilets jaunes » : ils gagnent toujours plus de 6 % de pouvoir d’achat depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, sous l’effet des deux réformes de la fiscalité du capital (suppression de l’impôt sur la fortune et « flat tax »). Des mesures qui « demanderont une évaluation à part entière », rappelle M. Fabre. En octobre déjà, les chercheurs de l’IPP se disaient incapables de démontrer, en l’état actuel des données disponibles, si ces mesures ont, ou non, des effets importants sur l’emploi et l’investissement". Le Monde, 24 janvier 2019.

>Un exercice démocratique salutaire qui n'est qu'un début !

 

Pour lancer le grand débat national, le président Emmanuel Macron s'est livré, ces mardi 15 et vendredi 18 janvier, pendant près de 7 heures, dans la petite ville de l'Eure de Bourgtheroulde et à Souillac, dans le Lot, à un salutaire exercice démocratique avec, dans les deux cas, la participation de 600 élus municipaux. Cette démarche est la première du genre sous la Vème République. A entendre les maires qui ont participé à ce premier débat, le président a beaucoup écouté, prenant constamment des notes, et a répondu à toutes les questions, faisant preuve d'une connaissance hors du commun de chaque dossier, même les plus liés à la vie concrète des communes. Ce n'est guère étonnant, vu son obsession de la maîtrise de toute chose. L'exercice fut donc une réussite, tant du point de vue démocratique que de la communication. Mais ce n'est qu'un début. Séduire et convaincre des maires et adjoints est une chose, en faire autant avec les Gilets jaunes et les Français en est une autre. C'est en tout cas une saine entame républicaine, dont l'horizontalité bienvenue tranche sur les décisions verticales jupiteriennes de ces derniers mois. Lorsque Emmanuel Macron a lancé son mouvement En Marche, en 2016, duquel est né le parti La République En Marche, tout avait été pensé et fait en fonction et avec les citoyens, précisément dans le souci du dialogue et de l'échange. C'est ainsi que les marcheurs ont recueilli dans toute la France des dizaines de milliers de doléances, dont la synthèse a constitué le socle du projet présidentiel macronien lors de la campagne électorale. Pourquoi alors, dès la victoire et l'installation au pouvoir, avoir abandonné toute démarche citoyenne et donner à penser qu'une fois le président élu et sa majorité parlementaire en place, le peuple français n'avait plus qu'à regarder passer le train des réformes et applaudir si possible ? Pourquoi avoir marginalisé, voire ignoré les corps intermédiaires, élus territoriaux, syndicats, journalistes, associations, qui, précisément, au sein d'une démocratie vivante, peuvent et doivent faire la jonction et le relai avec les citoyens ? La faute est faite et il ne faut pas pleurer sur le lait répandu. Il est évidemment encore temps de renouer le dialogue avec l'opinion publique et de restaurer un minimum de confiance entre "les élites" de la République et le peuple français dans toutes ses composantes. Ce sera notamment la mission du grand débat national régionalisé. Cela ne suffira pas. Après un énorme travail d'explication des situations vécues par les citoyens et l'origine de leurs difficultés, le moment déterminant sera la remontée des doléances, leur cristallisation  en terme de synthèse. Le respect également par l'exécutif des propositions qui en découleront, ainsi que le président l'a lui-même affirmé, à l'exception des acquis sociétaux et démocratiques que sont la dépénalisation de l'avortement, la suppression de la peine de mort et le mariage pour tous. Une fois l'évaluation de l'impact sur les investissements et sur l'emploi de la suppression de l'ISF réalisée, si son retour figure de manière majoritaire dans les cartons de doléances et si cette évaluation, fin 2019, n'est pas concluante, alors, il faudra que le président et le premier ministre en tirent la conséquence: le rétablir. Certes, il ne rapporte pas plus de 2 à 3 milliards par an, ce qui ne pèse pas lourd dans le budget de l'Etat, mais sa charge symbolique est telle qu'il s'imposera. Quant au référendum d'initiative citoyenne (RIC), qui ne manquera pas non plus d'apparaître dans les demandes des Français, si son principe est d'évidence une avancée démocratique et participative, les modalités de son recours ainsi que les questions posées devront faire l'objet d'une réflexion murie et de préventions, tant certaines dérives populistes pourraient en détourner le sens et en altérer gravement la valeur. Voyons d'abord ce que donne dans les deux mois à venir le nécessaire débat républicain. 17 janvier 2019.

 

>Emmanuel le Magnifique et Macron le maladroit ?

    Brigitte Macron a joué un rôle déterminant dans l'ascension de son époux. Une histoire romantique en porte-à-faux avec la présidence.

 

 

Elever sa propre conception de la morale citoyenne au rang d’étalon universel est une erreur. Le jeune flamboyant Emmanuel ne peut cohabiter avec le président Macron.

 

Samedi 12 janvier 2019, des Gilets jaunes, estimés par le ministère de l’Intérieur à 82.000 pour toute la France, manifestaient leur colère pour la neuvième fois. Plus question de la suppression de la taxe carbone, son augmentation est abandonnée pour 2019. Ce qui mobilise le mouvement jaune, c’est désormais le retour à l’impôt sur la fortune (ISF), le référendum d’initiative citoyenne, RIC, la contestation globale des institutions, confisquées par « les élites », et, cerise sur le rond-point, la démission du président. De semaine en semaine, il faut s’en réjouir, les actes de vandalisme, de saccage et d'incendie ont diminué. Cependant, cela est grave et inacceptable, la violence semble désormais se tourner vers l’agression des personnes. Ainsi, samedi 5 janvier, on a vu un ancien  professionnel des rings tabasser un policier à terre et boxer sauvagement un autre. Les coups portés auraient pu tuer. Ce samedi 12, dans plusieurs villes françaises, ce sont des journalistes qui ont été menacés, frappés et lynchés par des foules déchaînées. Les médias et la presse, avec les élites rejetées, les Juifs haïs et le « système », concept cher à l’extrême droite, étaient devenus les ennemis à abattre pour cause de diffusion d’informations et d’images gênantes. Rapporter les faits, et non les déformer ou les manipuler comme sur les réseaux sociaux, est devenu un délit aux yeux d’un certain nombre de Gilets jaunes. On en est là et c’est très inquiétant. La veille de cette dernière démonstration de force - le mouvement ne semble pas faiblir et recueille encore, malgré un recul, plus de 50% de soutien au sein de l’opinion publique – lors de la remise traditionnelle de la galette des rois par les pâtissiers français au président de la République, Emmanuel Macron n’a pu s’empêcher, une nouvelle fois, de faire la leçon morale. C’est ainsi qu’il a voulu s’adresser à la jeunesse et, dans un second temps, au peuple français, en leur rappelant qu’on obtenait rien dans la vie sans efforts : « Trop de nos concitoyens oublient le sens de l’effort ». Du coup, beaucoup de personnes, qui mènent des vies difficiles, qui se lèvent tôt pour des salaires modestes, des retraités qui ne savent pas boucler les fins de mois et qui ont travaillé dur toute leur vie se sont sentis visées. Le tollé n’a pas tardé.  Sans doute est-il vrai que l’Etat providence a trop longtemps donné l’impression qu’il suffisait d’attendre les aides publiques, en évitant ainsi de se démener personnellement, pour s’en sortir. Il n’en reste pas moins, que dire cela, à 24 heures des manifestations des Gilets jaunes, ressemble à une énième provocation inutile et maladroite du président. Il en est coutumier (1). Patrick Rambaud, auteur d’une savoureuse série pamphlétaire sur les présidents Sarkozy et Hollande, Nicolas Ier et François IV, publie ce mois-ci son premier opus sur le nouvel hôte de l’Elysée, Emmanuel le Magnifique, chez Grasset. C'est en effet le mot juste, « magnifique ». Jusqu’à son élection présidentielle, le 7 mai 2017, tout semblait rouler sur l’or pour le jeune provincial d’Amiens. Ce « Petit Prince », choyé par ses parents, malgré des difficultés de compréhension mutuelles, et gâté par la vie, grandira, au sens propre comme au figuré, dans la tendre affection et l'initiation exigeante et romanesque de sa grand-mère maternelle. Occitane d'origine modeste, Germaine Noguès-Arribet, dit Manette, enseignante brillante, apprendra à son petit-fils le sens du travail et de l'amour des livres. Elle comptera plus que tout et tous à ses yeux. Il est doué, un peu pour chaque chose. Chez les Jésuites, au lycée La Providence à Amiens, où il fera ses classes, il fait ses gammes, forme son caractère et apprend la dialectique du « en même temps ». Elle lui servira plus tard de couteau suisse et de compagne intellectuelle pour aborder la complexité du monde dans un univers pour lui trop manichéen. Du coup, si vous l'écoutez et surtout le lisez, il ne s'exprimera plus qu'au travers de concepts souvent savants et sophistiqués, dont on peut regretter l'inaccessibilité d'accès pour le plus grand nombre. Car l’adolescent aime agréger en lui une solide culture classique, nourrie au sein des grands auteurs de la littérature et de la philosophie, à une existence baroque et romantique. Il aime notamment citer René Char: "Impose ta chance, sers ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront." Il lit beaucoup, littérature, poésie, histoire et philosophie, qui sont ses amies de la nuit. Il écrit aussi, des poèmes, une pièce de théâtre et un roman, "Babylone, Babylone", une fresque sur la conquête de l'Amérique latine au temps de Cortès, qu’il fait lire à quelques personnes, puis qu'il laisse dormir dans un tiroir. Il sait tôt qu’il ne sera pas Edmond Rostand, pas plus que Cyrano; il est beau et ne cède rien à la tentation de l'absolu. Aujourd'hui, nombreux sont ses ennemis qui aiment le portraiturer en Lucien de Rubempré, voire en Eugène de Rastignac, pire, en Julien Sorel, bref, en provincial trop ambitieux, prêt à tout pour conquérir le sommet. Il est vrai que tout lui réussit. Il régale son entourage de ses savoirs comme de ses saillies littéraires. Il séduit autant par son bel esprit que par son visage avenant. Ceux-là ne regardent pas son regard bleu métal. Il tombe amoureux et ne trouve rien à redire à convoiter sa professeure de français et de latin, Brigitte Auzière Trogneux. Il ne s’embarrasse ni de son âge, elle a 24 ans de plus que lui,  ni du fait qu’elle est mariée et mère de trois enfants de sa génération, deux filles, un garçon. Il est follement amoureux. A Amiens, comme à Angoulême, tout se sait, les Trogneux, la famille d’origine de Brigitte, pâtissiers célèbres dans le Nord, et les Macron, qui font profession de grands médecins, appartiennent à la bourgeoisie. En province, même les alcôves manquent de discrétion et la sortie des églises sert de gazette à la bonne société. La rumeur gonfle en même temps que la méchanceté enfle. Emmanuel finira ses secondaires à Paris, dans le célèbre lycée Henri-IV, voisin direct des "Grands hommes" du Panthéon. Cela n’empêchera nullement les amoureux, car ils le sont tous deux - Brigitte divorcera en 2006 – de se téléphoner chaque jour et de se voir dans la capitale ou lors des retours du fils prodigue dans la Somme. « Je t’épouserai lorsque j’en aurai fini avec mes études », voilà la promesse qu’il fait à sa promise. Brigitte, femme intelligente et autonome grâce à son métier d’enseignante, est totalement sous le charme du bel Emmanuel. Ils attendront. Après un DEA d’études approfondies en philosophie à l’université de Paris X-Nanterre, où il sera le collaborateur de Paul Ricoeur, un diplôme en sciences politiques à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et pour clore le cursus, l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), promotion Sédar Senghor 2002-2004, comme à son habitude tenant ses engagements, il épouse Brigitte, le 20 octobre 2007 au Touquet. Jusque-là, malgré des batailles morales, éthiques à ses yeux, des combats personnels et beaucoup de travail, souvent le prix à payer pour atteindre le Graal, tout lui réussit ou presque. Presque, car le futur président échouera au concours d’entrée de la prestigieuse Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm. Il dira plus tard que la cause en fut l’accaparement de son amour pour Brigitte. Promu de la non moins prestigieuse ENA, il débute sa carrière comme haut-fonctionnaire. Le jeune homme est vite remarqué par les élites de la République, dont l’hyperactif et omniscient, Jacques Attali. Pendant ce temps, pressé sans doute de croquer davantage le monde, il choisit d’élargir son horizon par l’apprentissage du métier de banquier chez Rothschild. Il y excelle. Cet engagement auprès de « la finance juive », ensuite le parrainage de l’ancien sherpa (juif) de François Mitterrand, auteur de très nombreux essais à succès, le catalogue rapidement aux yeux de certains milieux, comme un instrument au service « des intérêts apatrides », comprenez ceux du lobby israélite … N’y prêtant guère attention, Emmanuel Macron se retrouve rapidement happé par la sphère politique. Grâce à la recommandation de Jacques Attali, le 15 mai 2012, le président Hollande le fait entrer par la grande porte à l’Elysée, comme Secrétaire général adjoint. En désaccord probablement avec la techno-structure élyséenne et le président lui-même, il en démissionne deux ans plus tard, le 15 juillet 2014. Il compte reprendre sa vie de banquier d’affaires, voire lancer sa propre startup. Mais suite à la révocation par le président Hollande du ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, trop absorbé par un égo surdimensionné et prisonnier de ses phrases assassines, la "cuvée du redressement", dès le 26 août 2014, Emmanuel Macron est nommé ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. Après avoir tenté de libérer quelque peu l’économie française de ses carcans bureaucratiques, avec la loi dite Macron, sur les cars éponymes et l’ouverture des commerces le dimanche, puis la loi Travail, improprement appelée loi El Khomri – en fait, création du ministre de l’Economie – puis donner suite à une guerre de tranchée du premier ministre, Manuel Valls, qui voit un lui, après l’avoir encensé, un rival, le 30 août 2016, juché sur son vaisseau de Bercy, Emmanuel le Magnifique annonce qu'il largue les amarres et qu'il démissionne. François Hollande est K.O. Entretemps, depuis le 6 avril, date de la fondation, à Amiens, du mouvement citoyen En Marche, les observateurs attentifs auront remarqué le tropisme du jeune ministre à s’affranchir chaque jour un peu plus de la tutelle hollandaise. Le président n’y voit que du feu, le feu filial qu’il nourrit aveuglément pour son protégé. « Il sait ce qu’il me doit … », mi-avril 2016. Réponse de l’intéressé : « Un ministre n’est l’obligé de personne … », mi-avril 2017. Qui aurait misé un euro sur la réussite d’En Marche et sur celle d’une candidature macronienne à l’Elysée ? Personne. On connaît la suite. Un alignement incroyable des planètes lui permet de réaliser son ambition; la défaite aux primaires de la droite et de la gauche de Nicolas Sarkozy et de Manuel Valls, les démêlés judiciaires de François et Pénélope Fillon, enfin, last but not least, le renoncement de François IV, dit le Petit, à une seconde candidature et l’alliance plus qu'opportune avec François Bayrou. Tout cela, boosté par une énergie exceptionnelle et une détermination sans faille, aura finalement permis au jeune provincial d’Henri-IV de rejoindre la cohorte des « Grands hommes ». Cette irrésistible conquête, telle une femme que l’on prend à la hussarde à son époux et contre toutes les convenances, lorsque l'on est sur le toit de la France, en dépit des pronostics des « experts » et autres politologues, signe la victoire incontestable de la volonté sur la réalité, chose redoutable à concilier avec l’humilité, qui sied à l’esprit pragmatique, dont la devise pourrait être « le réel est mon maître ». Nous retrouvons ici le fil conducteur macronien. Forcer le destin, c’est bien ce qu’il a fait, et proclamer à tous vents, il ne cessa de le dire pendant sa campagne électorale, sa défiance quasi ontologique à l’égard des idéologies, qui méconnaissent ou ignorent par dogmatisme le sens du vrai, notamment économique et financier. Quel parcours, tels César au-delà du Rubicon, Bonaparte le 18 Brumaire ! Mais choisit-on vraiment son destin ? Tout dépend-t-il uniquement de notre volonté ? Les nombreuses contingences de l’existence, souvent inconnues et improbables, ne viennent-t-elles pas un jour ou l’autre bouleverser nos trajectoires tant désirées ? Comment l'oublier, César a eu son Brutus et Napoléon son Waterloo ? Dès l’été 2017, le président Macron fait face à ses premières difficultés. Bien que ses ordonnances pour réformer le code du travail mécontentent les syndicats et atomisent un peu plus les oppositions à l'Assemblée nationale, il finit par les faire voter sans trop de difficulté. C’est plutôt du côté de la défense qu’il affronte une résistance. Le budget des armées de 2017 se voit amputé de 850 millions d’euros, qui seront suivis d’une augmentation substantielle dans la loi de programmation 2018-2023. Rien n’y fait. Le chef d’état-major, Pierre de Villiers, le frère de Gérard, critique ouvertement le choix présidentiel et gouvernemantal. Sur les marches du perron de l’Elysée, le président recadre sévèrement le général impertinent et par la même ses cadres militaires. Celui-ci ne rentre pas dans le rang, puisqu'il démissionne quelques jours plus tard. Cet épisode restera comme un marqueur des premiers pas d’Emmanuel Macron à la présidence. Un pouvoir qu'il qualifie lui-même de « jupiterien ». Mal lui en prit. Puis viendront les soucis avec la loi sur le code du travail, toujours recommencé; la réforme de la SNCF, ses grèves en chapelet; l’augmentation de la CSG pour les retraités qui perçoivent une pension de plus de 1200 euros par mois; la diminution de 5 euros/mois de l’Allocation Logement (APL) des étudiants; Parcours Sup, réforme nécessaire, qui ouvre aux lycéens davantage de choix et de voies dans l’enseignement supérieur, mais dont l’organisation algorithmique désoriente parents et jeunes; la suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF), du moins pour sa partie biens mobiliers, non pour celle touchant les biens immobiliers; la taxe carbone, qui pénalise les revenus faibles. Bref, un ensemble de mesures qui donne à penser, contrairement à ce qui avait été compris par beaucoup de personnes pendant la campagne présidentielle, que le nouvel exécutif entend privilégier les riches au détriment des classes moyennes et modestes. Le sentiment aussi que le président et son gouvernement n’entendent pas la souffrance sociale, ne comprennent pas les nombreuses difficultés économiques et financières dans lesquelles se débattent beaucoup de Français. Pour eux, en cela relayés par les médias d’info en continu, une presse critique, qui jouent tous deux l’effet de loupe comme à satiété, et des réseaux sociaux gangrénés par les manipulations extérieures, les fake news ainsi que les forums sur Internet complotistes et délirants, Emmanuel Macron, la marionnette politique de la finance internationale, implicitement ou explicitement qualifiée de juive par d’aucuns, est devenu « le président des riches ». La suite s’étalera sur nos écrans depuis trois mois avec la colère des Gilets jaunes. Le mal vient de loin. Qu’ont fait tous les anciens présidents de la République pour répondre à la détresse sociale, jusque-là silencieuse, à la fracture sociale que dénonçait, en son temps et en campagne électorale, l’un des leurs ? Sous diverses variantes, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande en ont beaucoup parlé, mais qu’ont-ils fait ? Emmanuel Macron paie aujourd’hui l’inertie, la lâcheté et l’échec en la matière d’une droite et d’une gauche toujours promptes à exiger des autres ce qu’elles ont été incapables de réaliser. Pour les Gilets jaunes et nombre de Français qui se reconnaissent dans leur combat, quand la transition écologique nous renvoie au spectre de la fin du monde, il s’agit d’abord de pouvoir assurer la fin du mois. Tout est dit du gap qui sépare l’urgence du changement de paradigme quant à notre modèle de société – le GIEC nous laisse 12 ans pour réagir et éviter l’irréversibilité du réchauffement climatique et les tragiques menaces qui pèsent sur la biodiversité et sur l’humanité – et la question sociale pour laquelle, en résumé, manger bio, consommer mieux et rouler tout électrique, voire hybride sont un luxe inaccessible, voire absurde. Il faut donc répondre rapidement au défi climatique. Veiller à traiter positivement et par le dialogue la demande sociale, sans pour autant mettre en danger les contraintes budgétaires et financières. Notre responsabilité collective est de protéger autant que possible les générations futures des effets catastrophiques de l'enchevêtrement de ces dérèglements. Contrairement à ce que croit ou feint de croire une partie de la gauche, la dette et les déficits publics ne sont pas que "des écritures comptables". En somme, comment vivre mieux, dans la justice fiscale et sociale, sans hypothéquer l’avenir ? Ce ne sera pas une mince affaire. Certains Gilets jaunes, entraînés par les casseurs de l’extrême droite et de l’extrême gauche, mais également par une frange radicalisée dans leurs propres rangs, n’entendent plus raison. Tout en détruisant et violentant  policiers et journalistes, ils crient leur défiance des politiques, leur haine du président. La dernière enquête du CEVIPOF, de Sciences Po Paris, réalisée le 25 octobre 2018 sur un échantillon représentatif de la population française de 2251 personnes, révèle dans toute son ampleur le rejet massif des politiques. Marine Le Pen sourit et engrange ... C'est même la première fois qu'est mesuré ainsi "le dégoût" des Français de leurs représentants. Il y a là l'expression d'une véritable crise de régime qu'il ne faudrait pas sous-estimer. Elle exige d'y répondre par le haut. « Macron démission » et « RIC » sont devenus les obsessions d’un peuple ou plutôt d’une foule, qui n’est pas majoritaire dans le pays mais soutenue, rapellons-le, par une majorité de citoyens, aux abois et donc violente et potentiellement dangereuse. L'insurrection n'est pas à l'ordre du jour mais elle pourrait le devenir dans un avenir pas si lointain. Le 10 décembre 2018, le président a annoncé plus de 10 milliards d’aide en direction des plus démunis. On pourrait discuter sur cette louable décision qui rate en partie son objectif. Il faudra d’abord la financer. Et, si on y regarde de près, cette enveloppe budgétaire importante n’est pas directement destinée aux plus démunis, à savoir, SDF, femmes seules avec enfant(s), retraités pauvres. La plupart des Gilets jaunes considère que cela n’est pas suffisant. Il est vrai que la prime d’activité, qui doit être demandée et qui alimente en partie l’augmentation de 100 euros du SMIC, ne sera pas octroyée à tous les smicards, eu égard au montant des revenus de chaque ménage. Le président a aussi annoncé le lancement d’un grand débat national, en partenariat avec les mairies, en vue de recueillir les doléances des citoyens. Beaucoup de Gilets jaunes interrogés disent qu’ils ne se rendront pas à ces rendez-vous républicains, ce serait dommage, dont les thèmes ont été arrêtés par le gouvernement d’Edouard Philippe : Logement, transport, énergie (transition écologique) ; dépenses publiques (fiscalité) ; citoyenneté et immigration (démocratie) ; services publics (organisation de l’Etat). Seront exclus, des sujets sociétaux, considérés comme de véritables acquis, aussi inflammables que l’IVG, la peine de mort et le mariage pour tous. Ce 14 janvier 2019, le président de la République publie et diffuse largement sa « Lettre aux Français », comme jadis, en avril 1988, François Mitterrand, et Nicolas Sarkozy, en avril 2012. Ceux-ci souhaitaient obtenir un second mandat. Comme chacun sait, seul François Mitterrand a vu son septennat renouvelé. Emmanuel Macron n’en est pas là, obligé, après 19 mois de présidence, à demander en quelque sorte au peuple français un nouveau contrat de confiance. Nous assistons donc à un tournent de son quinquennat. Nous publions ci-après intégralement sa "Lettre aux Français". Sur six pages, il y développe sa vision du débat national, pendant lequel, écrit-il, aucun sujet ne sera interdit, tout en précisant qu’il ne sera pas question de revenir sur les réformes engagées et réalisées, comprenez  la suppression de l’ISF. Dès lors, comment comprendre la cohérence de ce « en même temps », un oui suivi d'un non au libre débat sans tabou ? Ouvrir celui-ci en le corsetant a priori relève d’un exercice d’équilibriste, pour les plus modérés, de manipulateur, pour les plus intransigeants. Car ils sont nombreux à penser que le président veut ainsi les "embrouiller" et faire de "l'enfumage". Emmanuel Macron est un gagnant, on l'a vu, dans son jeune passé, il a connu peu d’échecs et, avant que de devenir président, il n’a jamais été en situation de se présenter à une élection locale, régionale ou nationale. D'où le procès qui lui est fait d'inexpérience politique. Pourtant, il aime le contact avec les gens, il en a fait maintes fois la démonstration, allant même jusqu’à la confrontation directe. Pendant la campagne présidentielle, cela lui a plutôt réussi. En revanche, depuis près d’un an et surtout depuis l’émergence du mouvement des Gilets jaunes, ses sorties en public sont comptées, de plus en plus encadrées par un service d’ordre sur les nerfs. Faut dire que les menaces sur sa personne ne manquent pas. Même devant les objectifs des chaînes de télévision et sur les réseaux sociaux, beaucoup de personnes n’hésitent pas à lui exprimer leur haine, d’autres simulent sa décapitation islamiste et rêvent de marcher sur l’Elysée. Le 6 février 1934 est dans beaucoup de têtes. Face à l’adversité, il n’a jamais faibli. Face à la guerre qui lui est menée, si il accepte au détour d’une phrase de reconnaître des erreurs, jamais de fautes, il ne renonce pas à son mode de fonctionnement : " Ma force, dit-il à Philippe Besson, l’un de ses amis, c’est que les gens perçoivent une sincérité, une volonté de faire, une civilité, une honnêteté. Le principe de base, c’est qu’on ne doit jamais jouer contre ses forces. Il faut être radical sur sa ligne, ne pas compromettre, ne pas aller sur la ligne de l’autre, ne se livrer à aucune concession, aucune approximation." (2). On le voit, si le président est capable de lucidité, il semble qu’il ait un problème avec le compromis. D’où la petite musique qui court dans son sillage sur sa rigidité, son arrogance, voire son mépris pour tout ce qui n’est pas son fait. Ce qui est vrai, c'est qu'il ne peut s’empêcher d’élever sa propre conception de la morale citoyenne au rang d’étalon universel. C’est là son principal défaut. Ses petites phrases en font foi. Il doit aussi assumer l'accusation, même si elle est caricaturale, selon laquelle il ne connaîtrait pas la vie réelle des Français, car coupé intellectuellement, politiquement et affectivement des réalités quotidiennes. A l’observer, il semble qu’il soit bien seul pour supporter une telle charge, qu’il ait construit lui-même son isolement, autant par penchant naturel pour protéger son intimité que par fondement philosophique, qui veut que nul n’est jamais aussi mortel que dans la transparence, ainsi que par méfiance politique, érigée en principe de gouvernance. Ce sont là sans doute des qualités pour un honnête homme dans ce monde de brutes, mais qui s’avèrent de sérieux handicaps pour un président qui souhaite être compris. Saura-t-il passer outre son orgueil et l’intangibilité de certains de ses principes ? Peut-être. Souhaitons-le, souhaitons-lui. Car il lui faut à présent faire ce travail et modifier sensiblement, non sa riche personnalité et son tempérament fougueux, cela n’est accessible qu’aux vrais sages, dont nous sommes peu à faire partie, mais sa façon d’être dans son rapport aux Français. C’est la leçon qu’il devrait retenir de la crise politique qu’il traverse, de la crise sociale que traversent les Français, de la crise institutionnelle que traverse la France. Souvenons-nous, « Un président ne devrait pas dire ça … », c'est le titre du livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, consacré à la logorrhée journalistique de François Hollande. Son penchant pour le commentaire permanent fut certainement pour quelque chose dans sa chute. Cette  citation, empruntée à l'ancien secrétaire national du PS français lui-même, pourrait aujourd’hui s’appliquer aux petites phrases incomprises de l’actuel locataire de l’Elysée. Parler et s’adresser à ses concitoyens, d’autant plus de manière ramassée, comme le ferait un lycéen romantique et exalté en besoin d’effets de scène ou comme un candidat à l'élection présidentielle en quête d'enthousiasme de ses troupes, n’est pas recommandé à un président de la République en exercice. Il devrait plutôt privilégier l'écoute et le dialogue, l'explication et la pédagogie. Il le sait mieux que personne, car il en a fait son principal véhicule; nul ne plie le réel à sa volonté sans en passer par l'indispensable étape de l'humilité. Il faut en effet apprendre à manger son chapeau. Emmanuel le Magnifique et Macron le maladroit ne devraient pas, ne peuvent plus cohabiter. Quoi qu'il en soit, parce que nous sommes toujours convaincus que le projet de réformes structurelles de la France et de refondation de l'Europe d'Emmanuel Macron demeure nécessaire et urgent, nous continuerons à le suivre avec bienveillance mais aussi esprit critique. C'est pourquoi, nous serons présents dimanche 27 janvier prochain à Paris, place de la République, à la manifestation nationale de soutien à son action présidentielle et à sa majorité parlementaire. Le 14 janvier 2019. 

 

(1) Petite revue des phrases reprochées au président Emmanuel Macron:

"Je traverse la rue, je vous trouve du travail."; "Des Gaulois réfractaires au changement."; "On met un pognon dingue dans les minimas sociaux."; Je ne céderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques."; Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes."; "Les gens qui ne sont rien."; "La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler."; "Les femmes salariées du Gad, pour beaucoup illettrées."; Le bus pourra bénéficier aux pauvres."; Le Kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien.".

(2) Philippe Besson, Un personnage de roman, septembre 2017, Ed. Julliard

 

 

   Le jeune Emmanuel, le 17 mai 1993, jouant un épouvantail, dans la pièce "La comédie du langage", de

  Jean Tardieu, aurait pu jouer Puck, dans "Le songe d'une nuit d'été", de William Shakespeare, interprété

  par Robert Sean Leonard, dans "Le cercle des poètes disparus", 1989, du réalisateur australien, Peter Weir. 

"Lettre aux Français", d'Emmanuel Macron !

 

Chères Françaises, chers Français, mes chers compatriotes, 

 

Dans une période d'interrogations et d'incertitudes comme celle que nous traversons, nous devons nous rappeler qui nous sommes. La France n'est pas un pays comme les autres. Le sens des injustices y est plus vif qu'ailleurs. L'exigence d'entraide et de solidarité plus forte.

Chez nous, ceux qui travaillent financent les pensions des retraités. Chez nous, un grand nombre de citoyens paie un impôt sur le revenu, parfois lourd, qui réduit les inégalités. Chez nous, l'éducation, la santé, la sécurité, la justice sont accessibles à tous indépendamment de la situation et de la fortune. Les difficultés de la vie, comme le chômage, peuvent être surmontées, grâce à l'effort partagé par tous.

C'est pourquoi la France est, de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires. C'est aussi une des plus libres, puisque chacun est protégé dans ses droits et dans sa liberté d'opinion, de conscience, de croyance ou de philosophie.

Et chaque citoyen a le droit de choisir celles et ceux qui porteront sa voix dans la conduite du pays, dans l'élaboration des lois, dans les grandes décisions à prendre. Chacun partage le destin des autres et chacun est appelé à décider du destin de tous : c'est tout cela, la Nation française. Comment ne pas éprouver la fierté d'être Français ?

Je sais, bien sûr, que certains d'entre nous sont aujourd'hui insatisfaits ou en colère. Parce que les impôts sont pour eux trop élevés, les services publics trop éloignés, parce que les salaires sont trop faibles pour que certains puissent vivre dignement du fruit de leur travail, parce que notre pays n'offre pas les mêmes chances de réussir selon le lieu ou la famille d'où l'on vient. Tous voudraient un pays plus prospère et une société plus juste.

Cette ambition, je la partage. La société que nous voulons est une société dans laquelle pour réussir on ne devrait pas avoir besoin de relations ou de fortune, mais d'effort et de travail. En France, mais aussi en Europe et dans le monde, non seulement une grande inquiétude, mais aussi un grand trouble ont gagné les esprits. Il nous faut y répondre par des idées claires.

Mais il y a pour cela une condition : n'accepter aucune forme de violence. Je n'accepte pas la pression et l'insulte, par exemple sur les élus du peuple, je n'accepte pas la mise en accusation générale, par exemple des médias, des journalistes, des institutions et des fonctionnaires. Si tout le monde agresse tout le monde, la société se défait ! Afin que les espérances dominent les peurs, il est nécessaire et légitime que nous nous reposions ensemble les grandes questions de notre avenir.

C'est pourquoi j'ai proposé et je lance aujourd'hui un grand débat national qui se déroulera jusqu'au 15 mars prochain.

Depuis quelques semaines, des maires ont ouvert leurs mairies pour que vous puissiez y exprimer vos attentes. J'ai eu de premiers retours que j'ai pu prendre en compte. Nous allons désormais entrer dans une phase plus ample et vous pourrez participer à des débats près de chez vous ou vous exprimer sur internet pour faire valoir vos propositions et vos idées. Dans l'Hexagone, outre-mer et auprès des Français résidant à l'étranger. Dans les villages, les bourgs, les quartiers, à l'initiative des maires, des élus, des responsables associatifs, ou de simples citoyens… Dans les assemblées parlementaires comme régionales ou départementales.

Les maires auront un rôle essentiel car ils sont vos élus et donc l'intermédiaire légitime de l'expression des citoyens. Pour moi, il n'y  a pas de questions interdites. Nous ne serons pas d'accord sur tout, c'est normal, c'est la démocratie. Mais au moins montrerons-nous que nous sommes un peuple qui n'a pas peur de parler, d'échanger, de débattre. Et peut-être découvrirons-nous que nous pouvons tomber d'accord, majoritairement, au-delà de nos préférences, plus souvent qu'on ne le croit.

Je n'ai pas oublié que j'ai été élu sur un projet, sur de grandes orientations auxquelles je demeure fidèle. Je pense toujours qu'il faut rendre à la France sa prospérité pour qu'elle puisse être généreuse, car l'un va avec l'autre. Je pense toujours que la lutte contre le chômage doit être notre grande priorité, et que l'emploi se crée avant tout dans les entreprises, qu'il faut donc leur donner les moyens de se développer. Je pense toujours que nous devons rebâtir une souveraineté industrielle, numérique et agricole et pour cela investir dans les savoirs et la recherche. Je pense toujours qu'il faut rebâtir une école de la confiance, un système social rénové pour mieux protéger les Français et réduire les inégalités à la racine. Je pense toujours que l'épuisement des ressources naturelles et le dérèglement climatique nous obligent à repenser notre modèle de développement. Nous devons inventer un projet productif, social, éducatif, environnemental et européen nouveau, plus juste et plus efficace. Sur ces grandes orientations, ma détermination n'a pas changé.

Mais je pense aussi que de ce débat peut sortir une clarification de notre projet national et européen, de nouvelles manières d'envisager l'avenir, de nouvelles idées. À ce débat, je souhaite que le plus grand nombre de Français, le plus grand nombre d'entre nous, puisse participer.

Ce débat devra répondre à des questions essentielles qui ont émergé ces dernières semaines. C'est pourquoi, avec le Gouvernement, nous avons retenu quatre grands thèmes qui couvrent beaucoup des grands enjeux de la Nation : la fiscalité et les dépenses publiques, l'organisation de l'État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté. Sur chacun de ces thèmes, des propositions, des questions sont d'ores et déjà exprimées. Je souhaite en formuler quelques-unes qui n'épuisent pas le débat mais me semblent au cœur de nos interrogations.

Le premier sujet porte sur nos impôts, nos dépenses et l'action publique.

L'impôt est au cœur de notre solidarité nationale. C'est lui qui finance nos services publics. Il vient rémunérer les professeurs, pompiers, policiers, militaires, magistrats, infirmières et tous les fonctionnaires qui œuvrent à votre service. Il permet de verser aux plus fragiles des prestations sociales mais aussi de financer certains grands projets d'avenir, notre recherche, notre culture, ou d'entretenir nos infrastructures. C'est aussi l'impôt qui permet de régler les intérêts de la dette très importante que notre pays a contractée au fil du temps.

Mais l'impôt, lorsqu'il est trop élevé, prive notre économie des ressources qui pourraient utilement s'investir dans les entreprises, créant ainsi de l'emploi et de la croissance. Et il prive les travailleurs du fruit de leurs efforts. Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour corriger cela afin d'encourager l'investissement et faire que le travail paie davantage. Elles viennent d'être votées et commencent à peine à livrer leurs effets. Le Parlement les évaluera de manière transparente et avec le recul indispensable. Nous devons en revanche nous interroger pour aller plus loin. Comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ? Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?

Nous ne pouvons, quoi qu'il en soit, poursuivre les baisses d'impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique. Quelles sont les économies qui vous semblent prioritaires à faire ? Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? À l'inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ?

Notre modèle social est aussi mis en cause. Certains le jugent insuffisant, d'autres trop cher en raison des cotisations qu'ils paient. L'efficacité de la formation comme des services de l'emploi est souvent critiquée. Le Gouvernement a commencé à y répondre, après de larges concertations, à travers une stratégie pour améliorer notre santé, pour lutter contre la pauvreté et contre le chômage. Comment mieux organiser notre pacte social ? Quels objectifs définir en priorité ?

Le deuxième sujet sur lequel nous devons prendre des décisions, c'est l'organisation de l'État et des collectivités publiques. 

Les services publics ont un coût, mais ils sont vitaux : école, police, armée, hôpitaux, tribunaux sont indispensables à notre cohésion sociale. Y a-t-il trop d'échelons administratifs ou de niveaux de collectivités locales ? Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoir de décision et d'action au plus près des citoyens ? À quels niveaux et pour quels services ?

Comment voudriez-vous que l'État soit organisé et comment peut-il améliorer son action ? Faut-il revoir le fonctionnement de l'administration et comment ? Comment l'État et les collectivités locales peuvent-ils s'améliorer pour mieux répondre aux défis de nos territoires les plus en difficulté et que proposez-vous ?

La transition écologique est le troisième thème, essentiel à notre avenir. 

Je me suis engagé sur des objectifs de préservation de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l'air. Aujourd'hui personne ne conteste l'impérieuse nécessité d'agir vite. Plus nous tardons à nous remettre en cause, plus ces transformations seront douloureuses.

Faire la transition écologique permet de réduire les dépenses en carburant, en chauffage, en gestion des déchets et en transports. Mais pour réussir cette transition, il faut investir massivement et accompagner nos concitoyens les plus modestes. Une solidarité nationale est nécessaire pour que tous les Français puissent y parvenir.

Comment finance-t-on la transition écologique : par l'impôt, par les taxes et qui doit être concerné en priorité ? Comment rend-on les solutions concrètes accessibles à tous, par exemple pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture ? Quelles sont les solutions les plus simples et les plus supportables sur un plan financier ? Quelles sont les solutions pour se déplacer, se loger, se chauffer, se nourrir qui doivent être conçues plutôt au niveau local que national ? Quelles propositions concrètes feriez-vous pour accélérer notre transition environnementale ?

La question de la biodiversité se pose aussi à nous tous. Comment devons-nous garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard ? Comment faire partager ces choix à l'échelon européen et international pour que nos agriculteurs et nos industriels ne soient pas pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers ?

Enfin, il est évident que la période que notre pays traverse montre qu'il nous faut redonner plus de force à la démocratie et la citoyenneté. 

Être citoyen, c'est contribuer à décider de l'avenir du pays par l'élection de représentants à l'échelon local, national ou européen. Ce système de représentation est le socle de notre République, mais il doit être amélioré car beaucoup ne se sentent pas représentés à l'issue des élections. Faut-il reconnaître le vote blanc ? Faut-il rendre le vote obligatoire ? Quelle est la bonne dose de proportionnelle aux élections législatives pour une représentation plus juste de tous les projets politiques ? Faut-il, et dans quelles proportions, limiter le nombre de parlementaires ou autres catégories d'élus ? Quel rôle nos assemblées, dont le Sénat et le Conseil Économique, Social et Environnemental, doivent-elles jouer pour représenter nos territoires et la société civile ? Faut-il les transformer et comment ? 

En outre, une grande démocratie comme la France doit être en mesure d'écouter plus souvent la voix de ses citoyens. Quelles évolutions souhaitez-vous pour rendre la participation citoyenne plus active, la démocratie plus participative ? Faut-il associer davantage et directement des citoyens non élus, par exemple tirés au sort, à la décision publique ? Faut-il accroître le recours aux référendums et qui doit en avoir l'initiative ?

La citoyenneté, c'est aussi le fait de vivre ensemble. Notre pays a toujours su accueillir ceux qui ont fui les guerres, les persécutions et ont cherché refuge sur notre sol : c'est le droit d'asile, qui ne saurait être remis en cause. Notre communauté nationale s'est aussi toujours ouverte à ceux qui, nés ailleurs, ont fait le choix de la France, à la recherche d'un avenir meilleur : c'est comme cela qu'elle s'est aussi construite. Or, cette tradition est aujourd'hui bousculée par des tensions et des doutes liés à l'immigration et aux défaillances de notre système d'intégration.

Que proposez-vous pour améliorer l'intégration dans notre Nation ? En matière d'immigration, une fois nos obligations d'asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ? Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ?

La question de la laïcité est toujours en France sujet d'importants débats. La laïcité est la valeur primordiale pour que puissent vivre ensemble, en bonne intelligence et harmonie, des convictions différentes, religieuses ou philosophiques. Elle est synonyme de liberté parce qu'elle permet à chacun de vivre selon ses choix. Comment renforcer les principes de la laïcité française, dans le rapport entre l'État et les religions de notre pays ? Comment garantir le respect par tous de la compréhension réciproque et des valeurs intangibles de la République ?

Dans les semaines qui viennent, je vous invite à débattre pour répondre à ces questions déterminantes pour l'avenir de notre Nation. Je souhaite aussi que vous puissiez, au-delà de ces sujets que je vous propose, évoquer n'importe quel sujet concret dont vous auriez l'impression qu'il pourrait améliorer votre existence au quotidien.

Ce débat est une initiative inédite dont j'ai la ferme volonté de tirer toutes les conclusions. Ce n'est ni une élection, ni un référendum. C'est votre expression personnelle, correspondant à votre histoire, à vos opinions, à vos priorités, qui est ici attendue, sans distinction d'âge ni de condition sociale. C'est, je crois, un grand pas en avant pour notre République que de consulter ainsi ses citoyens. Pour garantir votre liberté de parole, je veux que cette consultation soit organisée en toute indépendance, et soit encadrée par toutes les garanties de loyauté et de transparence.

C'est ainsi que j'entends transformer avec vous les colères en solutions. Vos propositions permettront donc de bâtir un nouveau contrat pour la Nation, de structurer l'action du Gouvernement et du Parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international. Je vous en rendrai compte directement dans le mois qui suivra la fin du débat.

Chères Françaises, chers Français, mes chers compatriotes, je souhaite que le plus grand nombre d'entre vous puisse participer à ce grand débat afin de faire œuvre utile pour l'avenir de notre pays.

En confiance, Emmanuel MACRON. Le 14 janvier 2019.

>Ces Gilets jaunes-là exhalent la pestilence  !

                                                                 Dégradations multiples du bien public,

                                                                    tentatives de lynchage de policiers,

                                                                          agressions de journalistes,

                                                                simulacre de décapitation du président,

                                                                       propos et chants antisémites ...

                                                                  Ils dansent sur l'air de la carmagnole,

                                                     mais c'est la puanteur du fascisme qu'ils répandent !

 

Les revendications des Gilets jaunes sont évidemment légitimes. Ils ont raison quant au diagnostic d'une société qui nourrit les inégalités sociales jusqu'à l'écoeurement. Mais les méthodes employées ces dernières semaines, les slogans pitoyables, les cris et vociférations inciviques sont intolérables. Sous les masques et cagoules, sur les dos tournés se cachent et s'affichent trop souvent les bas instincts d'une humanité malade et déréglée. L'occasion est trop belle de vomir les aigreurs, les humiliations et les défaites de la vie. Contester la politique d'une majorité parlementaire, d'un gouvernement et d'un président, quoi de plus sain et démocratique. Injurier, salir et détruire, renouveler le pacte nauséeux de l'antisémitisme, cracher sa méchanceté à la face du monde, procéder à des simulacres de décapitation du président ouvrent sur une tout autre porte, celle du chaos et du fascisme, qui ne profitent qu'aux factieux de droite comme de gauche. Ils sont quelques milliers et se nomment le peuple, comme si 65 millions de Français en étaient exclus. Personne n'est le peuple, tout le monde est le peuple, vous et moi sommes le peuple. Trop de dérives haineuses et de violences exhalent la pestilence. Accéder aux doléances, via un grand forum national régionalisé, est une chose nécessaire. Accepter le bruit de la fureur et de la terreur en est une autre. L'enfant de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon est un Gilet jaunâtre, qui vire au brun taché de rouge. Pauvre France, attention, danger ! 22 décembre 2018.

                                                                           Vulgarité, méchanceté et violence pour tout dialogue démocratique !

           Un président tout en modestie s'est exprimé hier à la télévision et sur les réseaux sociaux. Saura-t-il le rester ?

>Le gilet de sauvetage du commandant Macron suffira-il ?

 

Comme annoncé ici même le 8 courant, le président de la République, Emmanuel Macron, s'est adressé aux Français. L'objectif était de répondre à la colère des Gilets jaunes, plus largement aux nombreuses personnes précarisées, à une majorité de citoyens qui soutient le mouvement social. A juste titre, le chef de l'Etat a d'abord condamné fermement les violences à Paris et dans de nombreuses villes de province. L'Etat sera intraitable avec les fauteurs de troubles, de casse et d'incendie. Ensuite, il a tenté de proposer une sortie de crise en annonçant plusieurs mesures sociales immédiates. A savoir, l'augmentation du SMIC de 100 euros à partir de 2019, disposition  financée par l'Etat et non par les entreprises. La suppression de l'augmentation de la CSG sur les retraites jusqu'à 2000 euros par mois. Un coup de pouce à la prime d'activité pour les revenus modestes pouvant aller jusqu'à 70 euros (en 2018, elle variait de 46 à 177 euros selon les revenus et la situation familiale). Une sérieuse ambiguïté subsiste quant à cette mesure qui servirait en réalité à financer les 2/3 des 100 euros sur le SMIC. Entourloupe quand tu nous tiens ... La défiscalisation intégrale des heures supplémentaires. L'appel aux chefs d'entreprises pour qu'ils octroient une prime de fin d'année à leurs salariés, prime sans aucune charge patronale et sociale. Sur l'aspect institutionnel, il est resté vague, relevant au passage la demande de plus de démocratie directe, une allusion à la proportionnelle ainsi qu'à la consultation citoyenne. Enfin, sur la méthode, en prenant sa "part de responsabilité", il a laissé entendre qu'il changerait, comprenez son tropisme à la verticalité et ses petites phrases provocatrices. Pour le reste et davantage de précisions, il a renvoyé à un prochain dialogue national, en partenariat avec les maires et les corps intermédiaires, sur les grandes questions laissées en suspens, comme la fiscalité, la taxation des entreprises internationales établies en France, qui ne paient aucun impôt et qui réalisent des bénéfices, la mobilité - la suppression, en 2019, de l'augmentation de la taxe carbone est maintenue - et toutes les problématiques liées à la transition écologique. Il a cependant réaffirmé les bienfaits de la suppression de l'ISF, sans en apporter la preuve, impôt, selon lui, "inefficace depuis 40 ans". Rien de concret pour les classes moyennes, pourtant bien présentes parmi les Gilets jaunes. Rien pour les lycées et les étudiants, en pleine contestation concernant Parcours-Sup, la réforme du Bac, la diminution des bourses d'études et la suppression de postes d'enseignants dans le secondaire au profit du maternel et du primaire. L'ensemble des mesures annoncées représentent, selon les observateurs plus ou moins avertis, un chiffrage entre 8 et 12 milliards d'euros. Ce n'est peut-être pas un virage social, c'est en tout cas un virage budgétaire. Questions: comment compte-t-il financer cette enveloppe ? Dans la dépense publique, autrement dit chez les fonctionnaires, comme le réclame à corps et à cri la droite ? Par de nouveaux impôts "sur les riches", comme le vocifère la gauche ? Veut-il s'affranchir des règles européennes, à savoir une dette  structurelle inférieure à 100% du PIB et un déficit public en dessous de 3% de ce même PIB ? Nul ne le sait. Il faut reconnaître que les propositions sociales du président ne sont pas rien. Elles répondent concrètement à une partie des revendications populaires. Il faut craindre qu'elles ne satisferont pas les Gilets jaunes. Il est donc probable que la grogne sociale va se poursuivre, mais jusqu'à quand ? L'ordre public, la sécurité des citoyens et l'économie de la France seront encore mis à mal. Les manifestations, filtrage, blocage et saccage ont causé un immense préjudice au pays, évalué à plusieurs milliards d'euros, soit 0.2 de croissance. De très nombreux commerces et entreprises ont beaucoup souffert depuis un mois, leurs travailleurs aussi. Comment la contestation va-t-elle s'exprimer désormais ? Il n'est pas irréaliste de penser que les occupations pacifiques des ronds-points, les filtrages ciblés des véhicules et le blocage d'entrepôts vont rythmer les jours, les nuits et les semaines qui viennent. Doit-t-on s'attendre à d'autres manifestations violentes dans la capitale et en province ? Malheureusement, sans doute. Ce serait d'autant plus inacceptable que la donne a quand même changé. Les Gilets jaunes et leurs représentants, qui émergent de-ci de-là, à l'occasion de prises de parole médiatiques, devraient d'une part, admettre que les propositions d'Emmanuel Macron sont une réponse, certes insuffisante, mais positive à leurs doléances. Ils devraient également accepter la main tendue du pouvoir pour entamer, dès le début 2019, un dialogue constructif dans toutes les régions, via leurs maires, les organisations syndicales et patronales, les associations. L'idée intéressante est d'élaborer collectivement un nouveau contrat social de la nation. Les Gilets jaunes doivent savoir, et ils le savent dans leur grande majorité, que tout n'est pas possible et que l'argent ne tombe pas du ciel. Il ne suffit pas de dire "taxons les riches" pour qu'aussitôt les caisses de l'Etat se remplissent et satisfassent les nombreuses exigences sociales qu'ils portent. L'important, nous semble-t-il, est que le président et son gouvernement, celui-ci ou un autre, s'engagent à aller jusqu'au terme de ce processus participatif et respectent à mettre en oeuvre, sous cette législature, les propositions citoyennes qui figureront dans cette charte. Ils devront montrer et démontrer aux Français que le produit de la richesse nationale soit (enfin) équitablement redistribué, en tenant compte bien sûr des équilibres budgétaires indispensables. Il restera encore à mener à bien la réforme des retraites, celle du cadre institutionnel - la revendication de la mise en place d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC) se fait de plus en plus entendre - l'assainissement de la dépense publique, sans parler des questions éthiques et sociétales, comme la fin de vie et la GPA. Le dossier de la refondation de l'Europe n'est pas non plus des moindres, vu l'état moribond de l'Union européenne. Tout cela, sur fond de transition écologique, de montée des populismes, des nationalismes et des extrêmes ainsi que des campagnes étrangères invasives sur le Net, où rumeurs, fake news et manipulations vont bon train. La Russie de Poutine, la Chine de Jinping et l'Amérique de Trump ne seront pas en reste. C'est une certitude. Emmanuel Macron est devant la quadrature du cercle et, comme cette figure géométrique improbable le laisse supposer, ce ne sera pas une sinécure. Saura-t-il éteindre l'incendie du moteur gauche de l'avion France ? Le gilet de sauvetage que le commandant de bord a présenté hier soir à ses passagers suffira-t-il à apaiser leurs peurs, celles liées à leur situation précaire, à un vol en grande difficulté ainsi qu'à un atterrissage sans encombre ? Au président à prendre ses responsabilités, toutes ses responsabilités. Aux Français à être suffisamment responsables dans cette période de crise, osons le mot, historique. Personne n'a intérêt, si ce n'est les ultras droite et gauche, à mettre durablement la France à feu et à sang. D'aucuns en appellent à un général démis de ses fonctions, adepte semble-t-il du pouvoir fort. D'autres rêvent d'une anarchie généralisée. Les deux sont les faces d'une même pièce nauséabonde et explosive. C'est l'Etat de droit, ni plus ni moins, qui se joue. Les partis démocratiques d'opposition, au lieu de mettre constamment de l'huile sur le feu, feraient bien de prendre la mesure des enjeux qui s'annoncent. Le 11 décembre 2018.

>La parole et des actes !

     Beaucoup de Gilets jaunes et de Français veulent la démission du président. Il a été élu pour 5 ans. Il demeure légitime.

                           

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la France est en alerte générale et Paris en état de siège. Dans de nombreuses villes de province, les Gilets jaunes manifestent et n’entendent rien céder à leurs revendications sur le pouvoir d’achat. La capitale est en voie de vitrification, selon l’expression entendue ce matin sur les ondes d’Europe 1, tant les forces de police, selon un nouveau dispositif plus resserré et plus mobile, quadrillent chaque périmètre de la ville, de la Porte Maillot au Louvre et à la Gare d’Orsay, en passant toutes les artères latérales de la perspective, en particulier celles qui mènent au cœur du pouvoir, l’Elysée et l’Assemblée nationale. Les gares et les bouches de métro n’ont pas été oubliées, permettant un contrôle des personnes en amont des manifestations, ce qui n’avait pas été fait la semaine dernière. Ici et là, la police est tout de même débordée dans les quartiers adjacents aux Champs Elysées, vers l'Est de Paris, où des voitures sont incendiées. Même chose en province, à Marseille, Bordeaux, Montpellier, Avignon, Nantes, Puy-en-Velay ... Plus de 125.000 manifestants dans toute la France. A Paris, plus de 900 interpellations et 600 gardes à vue, quelques dizaines de blessés. C’est dire l’importance du dispositif. Les fouilles au corps et les contrôles de véhicules ont permis de saisir des stocks de boules de pétanque, de billes d’acier, d’armes blanches, de marteaux, de casques et de masques à gaz, l’arsenal habituel du casseur professionnel. Il semble donc, mais attendons la suite des événements, que ces exceptionnelles mesures policières et judiciaires soient à la hauteur. La journée et la soirée seront longues. Il faudra voir si les hommes et les femmes des forces de l’ordre, qui assurent la sécurité des biens et surtout des personnes, auront suffisamment de moyens et d’endurance pour pouvoir affronter dans la durée les provocations et la violence des voyous et des factieux de l’ultra-gauche et de l’ultra-droite, sœurs jumelles, ainsi que des Gilets jaunes radicalisés. Ici même, il y a plus de quinze jours, nous mettions en évidence la porosité entre ces deux groupes.  Demain matin, chacun pourra faire le bilan de ce samedi 8 décembre, à commencer par le gouvernement d’Edouard Philippe et surtout le président de la République. 

 

Un pouvoir toujours en retard d’une guerre !

Ce que nous avons constaté et déploré jusqu’à présent, c’est leur tardive prise de conscience de l’ampleur du mouvement social et de sa portée politique. Aussi le fait qu’ils ont été constamment en retard sur les réalités de terrain. Bien sûr, nous avons relevé la difficulté de mettre en place un véritable cadre de dialogue avec des Gilets jaunes aussi inorganisés dans leur structure que confus dans leurs revendications. Quoi qu’il en soit, le cœur de la question, et nul besoin d’être sociologue pour le comprendre, est : quid du pouvoir d’achat des classes sociales modestes et moyennes, depuis longtemps sacrifiées sur l'autel de la préservation d’un modèle économique ultra-libéral ? Ces catégories sociales sont elles-mêmes bouleversées et fragilisées par de profonds changements sociologiques, comme l’émergence des familles recomposées, à commencer par les femmes seules avec enfants. 

 

Ce qui a été annoncé n’est pas ce que vivent les gens !

Le projet du candidat Emmanuel Macron, qui abordait la fracture sociale et la transition écologique de manière insuffisante et les premières réformes du quinquennat sont apparues très vite en décalage. Beaucoup d’efforts ont été demandés aux plus modestes, les étudiants, avec la réduction idiote des APL, les retraités, avec l’augmentation douloureuse de la CSG pour les revenus de plus de 1200 euros par mois, les travailleurs au bas de l’échelle des salaires, avec le gel du SMIC, les consommateurs, avec la flambée des prix sur les énergies, les carburants, le gaz et l’électricité. Dans le même temps, la suppression sur l’ISF, en sa partie biens mobiliers, a donné à penser que le nouveau pouvoir privilégiait les plus riches et abandonnait à leur sort les masses laborieuses.  Il faut dire les choses : la fin du mois s’apparente pour énormément de personnes à une forme de fin du monde. La fameuse porosité entre les casseurs et les Gilets jaunes radicalisés peut s’expliquer par ce côté « je n'ai plus rien à perdre » … 

 

Et maintenant , « Macron démission » ? 

Après ce weekend à haut risque, il faut qu’Emmanuel Macron sorte de son silence. Sa parole est attendue avec d’autant plus d’empressement que sa bunkerisation relative a gonflé chaque jour un plus plus les mécontentements et les colères. Une large majorité de Français soutient le mouvement des Gilets jaunes, particulièrement, mais pas uniquement, dans les électorats de Le Pen et Mélenchon. On le voit sur les ronds-points, les barrages filtrants et dans les sondages. « Macron démission » est même devenu le dernier slogan à la mode. Il ne peut évidemment en être question. La légitimité démocratique du président ne peut être contestée. En revanche, ses priorités posent visiblement problème. Lui, le pragmatique, qui ne jure que par le réel, se doit d’en tenir compte et d’adapter sa stratégie et son programme de réformes à la nouvelle donne sociale. Le président  s'adressera aux Français lundi 10 décembre à 20 heures. Par la même occasion, il enverra un message à ses partenaires européens, car ce qui se passe dans l’Hexagone aura des conséquences dans les pays de l’Union. En cas de flop, sa marge de manœuvre et sa position au sein du Conseil européen de Bruxelles seront affaiblies. En Belgique, certes avec moins d’intensité, le gouvernement du libéral Charles Michel, outre une crise gouvernementale existentielle, liée au Pacte migratoire de l’ONU,  est confronté tout autant à un mouvement de Gilets jaunes. A Paris, le président prendra une seconde fois la parole en ce mois de décembre, lors de la traditionnelle intervention radio-télévisée de fin d’année. 

 

De la parole aux actes !

Le message pourrait ainsi être décliné en deux temps forts. Mais toute déclaration seule ne sera pas suffisante. Il faudra au président de passer de la parole aux actes. Il ne pourra plus se satisfaire de constater la situation et de condamner les débordements insurrectionnels. Cette parole devra être porteuse d’espoir, quant à la trajectoire qu’il proposera au pays, et de mesures concrètes, quant à sa réponse à la demande sociale. Pour celle-ci, il ne pourra s’en tenir à l’unique renoncement à l’augmentation de la taxe carbone, annonce faite par reculades successives, qui affecte le portefeuille des automobilistes mais pas celui des compagnies aériennes et maritimes, grosses consommatrices de kérosène et de mazout et donc grosses pollueuses. Sans renoncer le moins du monde aux objectifs incontournables de la Cop21 de Paris – la France ne respecte déjà pas ces objectifs - il faudra qu’il aborde la question de la TVA sur les biens de consommation courante, le SMIC, la prime de fin d’année exonérée d’impôt des entreprises, l’indexation des petites et moyennes retraites sur le coût de la vie et, last but not least, l’ISF. En ce qui concerne le cap, la trajectoire, qui nécessiteront plus que jamais explication et  pédagogie, car les Français veulent savoir où leur président veut les emmener, il ne pourra éviter de questionner les institutions de la Vème République, son régime quasi monarchique, voulu en d’autres circonstances historiques par le général de Gaulle. Ce régime est essentiellement vertical, jupitérien. Certes, il a de grandes qualités et il a fait ses preuves, en protégeant plus d’une fois la présidence des nombreux aléas et soubresauts politiques. Mais, en l'état, il ne répond plus aux fortes attentes et exigences des Français. Qui ne voit que la révolte se nourrit de l'injustice, mais aussi du manque de considération d'un Etat boursoufflé qui apparaît comme indifférent au sort de son propre peuple ? Le système majoritaire, tel qu’il empêche aujourd’hui une partie des sensibilités politiques et des électeurs d’être représentés à l’Assemblée nationale, doit évoluer. Une dose de scrutin proportionnel, qui pourrait aller de 15 à 35%, devrait être instillée dans le régime majoritaire. Suite au référendum de 2000 et la décision de Jacques Chirac et Lionel Jospin, en cohabitation, d’abandonner le septennat, renouvelable une fois, pour le quinquennat, renouvelable une fois, chacun a pu observer le changement de fonction, voire de statut du premier ministre. Au fil du temps, il est devenu, comme a dit un jour Nicolas Sarkozy de François Fillon, un « collaborateur » du président. Le rôle du chef du gouvernement est-il encore justifié ? On peut se poser la question à l’heure où le président, par la modification du mandat présidentiel, désormais concomitant au mandat parlementaire, fait face à l’exigence citoyenne de le voir davantage en première ligne afin rendre des comptes. C’est exactement la demande actuelle du mouvement des Gilets jaunes. Faut-il une VIème République ? Peut-être, peut-être pas. En tout cas, une Vème bis plus  proche des territoires et des citoyens, de leurs préoccupations quotidiennes. Une République assurément libérée de ses cadenas technocratiques, de l’opacité d’une administration pléthorique et bureaucratique, du carriérisme congénital politicien, du cumul des mandats, des privilèges exorbitants des bénéficiaires de différentes rentes, par l’héritage tout cuit dans la bouche, la spéculation immobilière et boursière, l’évasion des capitaux et par l'impunité fiscale dont jouissent les grands groupes internationaux comme les GAFA. Emmanuel Macron voulait rendre au travail toute sa valeur et sa noblesse. Fort bien. On en est loin et c’est un fait. Pour des millions de salariés et de fonctionnaires, le constat est accablant : le travail ne paie plus, il ne permet plus à beaucoup de personnes de vivre dignement. Les allocataires sociaux ne sont pas mieux lotis. En retour des aides qu’ils reçoivent, l’Etat leur demande à juste titre de faire des efforts, notamment en matière de recherche d’emplois pour les chômeurs. Mais ils sont nombreux à quémander de petits boulots, genre kleenex, ou des CDD à répétition, pour des salaires à peine supérieurs aux allocations. Et que dire de la masse des retraités, nouvelle et modeste vache à lait du trésor public ? La situation est grave, elle n’est pas encore désespérée. Le président a toutes les cartes en main. Démissionner n’est pas une solution, ni pour la France, ni pour lui. Car aucun des problèmes du moment ne trouverait de solution avec son départ et aucun autre président ne pourrait sortir le pays de la crise par un coup de baguette magique. Peut-être devra-t-il remercier son premier ministre et son gouvernement qui, jusqu’à ce jour, se sont montrés incapables d’anticiper sur les événements et d’engager avec le mouvement social un dialogue crédible. Aujourd’hui, en canalisant avec un certain succès les manifestations des Gilets jaunes et en neutralisant préventivement les personnes venues dans les villes des régions et à Paris pour casser et

« se faire du flic », Edouard Philippe et Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, ont regagné quelque crédit, mais certainement pas de la confiance. Cela sera insuffisant. Sur ce relatif succès, relatif, car on ne peut que regretter d’en arriver là, il faudra que le pouvoir mette à plat son programme de transformation de la France.

 

Entre l'indispensable, l'inacceptable et le possible !

A savoir, préserver l’indispensable, comme la réduction des déficits publics, sans quoi, on renvoie le fardeau des dettes aux générations futures, ce qui n’est pas tolérable. L’indispensable, c’est également de réduire la voilure de la fonction publique. C’est encore d’engager le dialogue avec les partenaires syndicaux et patronaux sur une réforme des retraites équitables. C’est enfin adapter les institutions françaises à un modèle de société plus démocratique, plus horizontal, plus citoyen et plus participatif. Il faudra tout autant renoncer à ce qui est devenu inacceptable pour une majorité de Français. Le tout devra être équilibré et ne pas perdre de vue le possible. Plier la réalité à sa volonté n’est donné à personne, pas même à un jeune président jupitérien, c’est vrai, courageux, volontaire et bardé de compétences, mais trop souvent veilléitaire et provocateur. Un peu de modestie n’est pas un luxe par les temps qui courent. Avaler son chapeau n’est pas honteux pour qui souhaite le bien commun. Nul doute qu’Emmanuel Macron veuille rester dans l’histoire comme un président bienveillant et soucieux du bien-être de son peuple. Qu'il veuille inscrire son nom comme un chef d’Etat qui aura pu concilier les exigences sociales et les impératifs économiques et environnementaux, en France, en Europe et dans le monde, voilà qui est légitime et ambitieux. Son discours comme son action ne sont pas que franco-français. Ce sera long et difficile mais il doit le faire. Seul le réel est le maître des horloges et des enjeux. En pragmatique qu'il dit être, c'est à lui à se plier à cette règle d'airain. 08 décembre 2018.

>La France de Louis XVI et celle d'Emmanuel Macron !

                                                                                                        Emmanuel Macron n'est pas Louis XVI.

                                                                                                    L'histoire ne repasse jamais les mêmes plats.

                                                                                             Exceptés ceux qui ne remplissent pas les ventres vides.  

 

 

Ce samedi 1er décembre 2018, Paris et nombre de villes françaises ont connu un climat insurrectionnel. Tout autour du quartier de l'Arc de Triomphe et de l'Etoile, nous avons assisté à des scènes d'une violence jamais vue dans la capitale française depuis l'émeute d'extrême droite, devant l'Assemblée nationale, du 6 février 1934. Mai '68 fera peut-être figure dans quelque temps de révolte molle. Les forces de l'ordre en nombre, 4600 agents déployés sur zone et dans différents points de Paris, ont été complètement dépassées par des milliers de Gilets jaunes issus de l'ultra-droite et de l'ultra-gauche, des bataillons super entraînés à la guérilla urbaine, entraînant dans leurs déplacements incessants saccages, pillages, incendies de voitures, de commerces, de banques et même d'immeubles particuliers. On peut d'ailleurs s'interroger sur le manque d'efficacité de ce dispositif, visiblement inadapté aux circonstances. Faudra-t-il la prochaine fois instaurer l'état d'urgence et que l'armée prenne place aux côtés des policiers ? Les Gilets jaunes venus exprimer pacifiquement leur ras-le-bol ont été quant à eux marginalisés dès le début des troubles, en début de matinée et jusqu'à tard dans la soirée. Les témoins qui ont assisté à cette désolation étaient terrifiés et n'avaient pas les mots pour traduire leur désarroi. Si le mouvement des Gilets jaunes semble s'affaiblir par le nombre de participants - ce jour, 75.000 manifestants dans toute la France selon le ministère de l'Intérieur - en revanche, l'intensité du combat qu'ils mènent depuis trois semaines ne cesse de croître. En son temps, Louis XVI n'avait pas compris la portée des événements dramatiques qui se passaient à Paris. Ce n'est qu'aux portes de Versailles que la foule déchaînée a pu faire entendre sa méchante colère à un roi et à une monarchie cramponnés à des privilèges d'un temps révolu. Emmanuel Macron devrait y réfléchir de plus près. Contrairement au monarque absolu, le président de la France est élu pour cinq ans et conserve tout au long de son mandat, n'en déplaise aux factieux, une légitimité indiscutable. Cela dit, l'actuelle colère de catégories importantes de la population française, pour beaucoup en situation de détresse sociale, doit être entendue et comprise. Les dernières déclarations du premier ministre, Edouard Philippe, et du président lui-même, celles du premier ministre belge, Charles Michel, à l'évidence, ne sont pas à la hauteur des événements dramatiques auxquels nous venons d'assister. Il faut maintenant des paroles fortes et des gestes forts. A savoir, en janvier prochain, renoncer à l'augmentation de la taxe carbone sur les carburants, quitte à y revenir dans un avenir plus serein. C'est le moratoire que beaucoup attendent. Revoir le dispositif des trop nombreuses taxes qui accablent le portefeuille des Français et des Belges les plus modestes ainsi que les pourcentages de la TVA sur les biens de consommation vitale et courante, quitte à se fâcher momentanément avec les carcans budgétaires européens. Chacun sait que la France et la Belgique sont les championnes d'Europe de la rage taxatoire et que la TVA y est en réalité un impôt déguisé, socialement injuste. Le pouvoir doit non seulement entendre mais écouter et se rendre compte qu'à force de matraquer fiscalement les ménages, les classes populaires comme les classes moyennes, et à privilégier les plus nantis, on finit par transformer une révolte en révolution, voire, ce n'est pas à exclure, vu les accents populistes qui règnent parmi certains Gilets jaunes, un appel à un régime autoritaire. La suppression en France de l'impôt sur la fortune (ISF), quant à sa partie mobilière, parce qu'elle permettrait l'injection spontanée dans l'économie d'investissements nouveaux ainsi exonérés, à ce jour, demeure une hypothèse non corroborée par des résultats tangibles. Pour que cette disposition soit acceptée et comprise, vu sa forte charge symbolique, il faut démontrer son efficacité supposée. Pour l'heure, aucun bilan de cette mesure n'a fait la démonstration de son bienfondé. Vivre avec 800, 1000, voire 1200 euros par mois n'est tout simplement plus possible et plus tolérable pour une famille. Il faut aussi que les dizaines et dizaines de niches fiscales, à destination de ceux qui pratiquent dans leur confort douillet l'ingénierie fiscale soient remises à plat. C'est ainsi que des milliards d'euros ne rentrent pas dans les poches du Trésor public. Et que dire de l'évasion et de la fraude fiscales pratiquées à grande échelle, qui signent la faillite des Etats à assurer une réelle justice fiscale ainsi que l'incivisme des fortunés ? Tous ces moyens financiers perdus seraient bien nécessaires aux secteurs régaliens de l'Etat, comme les soins de santé, les retraites, l'éducation, la sécurité publique et la défense. L'austérité imposée depuis des années est en train de pourrir la cohésion sociale, on en voit les dégâts sociaux en Grèce et politiques en Italie. C'est d'autant plus vrai que les effets d'une croissance toujours espérée, jamais atteinte, se font attendre. A terme, l'austérité sans croissance et donc sans redistribution équitable, c'est intenable pour une démocratie, c'est comme battre son chien, en espérant qu'il remue la queue pour manifester sa joie. Il est erroné d'affirmer, comme entendu sur France Inter dans la bouche d'un député de Paris de La République En Marche (LREM) "que ce serait une erreur d'opposer les classes sociales entre elles". La réalité, malheureusement, s'en charge bien toute seule. Si rien ne change, il ne sera pas étonnant de voir, soit l'extrême droite, genre homme ou femme providentiel(le), en profiter pour installer ses bottes au pouvoir, Marion-Maréchal-Le-Pen-la-voilà; soit la gauche radicale ramener d'outre-tombe Karl Marx à l'Elysée et à Matignon et rue de la Loi à Bruxelles. Car un jour ou l'autre, l'addition économique, sociale et politique se paie cash. Les gouvernements français et belge - hier, vendredi 30 novembre, la déambulation chaotique des Gilets jaunes belges a aussi  dégénéré dans les rues de la capitale européenne - doivent bouger, sans attendre nécessairement une concertation en bonne et due forme avec des Gilets jaunes hétéroclites. Celle-ci est nécessaire mais, pour l'heure, improbable. Il n'est pas aisé de trouver des interlocuteurs mandatés et représentatifs au sein d'un mouvement imprévisible, non coordonné et aux revendications confuses. Le coeur de la question est évidemment de rendre du pouvoir d'achat aux familles, aux travailleurs, aux allocataires sociaux et aux petits et moyens retraités. C'est la décision qu'attend une large majorité de citoyens, bien au-delà des Gilets jaunes. C'est la tâche qui incombe aux gouvernants. A eux de faire le juste équilibre entre l'indispensable, le souhaitable et le possible. Reprendre aussi un vrai dialogue avec les corps intermédiaires, les partis politiques, représentants de la nation, les syndicats responsables et réformistes, trop souvent instrumentalisés, voire méprisés, à des fins de communication et non de véritables concertation sociale. Intégrer dans les régions, réceptacle de bien des souffrances, les associations de terrain, relais précieux avec la société civile. Voilà le programme difficile qui s'impose désormais aux responsables politiques. Pour intégrer le tout et retrouver le sens de la mesure, du respect réciproque, ne faudrait-il pas convoquer des Etats généraux sur la fiscalité et la mobilité dans le cadre de la transition écologique; les unes ne peuvent aller sans l'autre, transition qu'il ne faut absolument pas perdre de vue, à l'heure du dernier rapport dramatique du GIEC et de la tenue de la Cop24 à Katowice, en Pologne ? Emmanuel Macron, qui incarne aujourd'hui cette monarchie républicaine qu'a voulu le général de Gaulle, au travers les institutions de la 5ème République, et qui est la cible de toutes les doléances, de toutes les colères légitimes et illégitimes, en descendant demain matin de son avion qui le ramènera du G20 de Buenos Aires, devra aussi descendre de son Olympe, faire oublier Jupiter, renoncer aux atermoiements, aux petites phrases provocatrices et aux stratégies diverses de fuite à Varenne. En tout cas, s'il ne veut pas qu'un jour ou l'autre la rue l'éjecte de son piédestal élyséen. Le président n'aura pas la tête tranchée, autre époque, autres moeurs. Du moins, espérons-le. L'histoire ne repasse jamais les mêmes plats. Exceptés ceux qui ne remplissent pas les ventres vides. Le 1er décembre 2018.

 

>La violence n'est jamais légitime, la colère parfois !

 

La manifestation de protestation des Gilets jaunes à Paris, samedi 24 novembre, a dégénéré violemment. L'occupation du Champ-de-Mars était autorisé par le Préfet de région. Nul ne s'est présenté dans un espace qui a été vite perçu par les comités des Gilets jaunes comme, je cite, "une souricière". La place de la Concorde et une grande partie des Champs-Elysées, ainsi que les rues adjacentes, étaient bouclées par les forces de l'ordre, déployées en grand nombre. Il fallait protéger les lieux de pouvoir, l'Elysée et le ministère de l'Intérieur tout proches. C'est une nécessité dans un Etat de droit. Mais ce dispositif limité a donné prétexte à l'accusation, dans le chef de commerçants de "la plus belle avenue du monde", que leur propre sécurité, celle de leurs établissements, n'était pas prioritaire aux yeux des autorités. Car, en effet, le haut des Champs demeura libre d'accès. C'est donc par là que les manifestants pacifiques comme les casseurs, sans qu'on sache véritablement distinguer entre les deux, porosité oblige, s'infiltrèrent sur l'ensemble de cet important centre touristique et commercial. Aussi, il n'eût pas fallu attendre longtemps, dès la fin de matinée, pour voir le spectacle lamentable de destructions sur le domaine public et de saccages de biens privés, terrasses d'établissements de l'Horeca détruites et incendiées, vitrines de magasins brisées. Le ministère de l'Intérieur a-t-il sous-estimé et mal évalué, non l'ampleur de la manifestation - le nombre de Gilets jaunes ne dépassa pas les cinq mille, pour plusieurs centaines de casseurs - mais la détermination des personnes présentes ainsi que l'intensité des violences commises ? Le monde entier a donc vu sur les écrans de télévision, ordinateurs, tablettes et smartphones, la désolation se répandre sur les Champs-Elysées. Belle photographie de la France et piètre image, c'est ainsi que c'est ressenti depuis l'étranger, des Français ! Certains manifestants se présentent comme étant "le peuple". Personne n'est le peuple, je suis le peuple, vous êtes le peuple, tout le monde est le peuple. Ça, c'est du populisme pur jus. Si nous n'y prenons garde, ce type de non raisonnement à l'emporte-pièce peut un jour nous mener à l'aventure, bien au-delà du simple dérapage, à la démocrature., voire au fascisme. L'histoire n'est pas avare d'exemples et de leçons en ce domaine, car c'est dans les moments troubles que les foules se tournent vers les hommes forts, les "sauveurs". N'est-ce pas déjà le cas en Russie, aux Etats-Unis, au Brésil et dans certains pays européens ? En revanche, ce qui est vrai, c'est que les citoyens ne sont pas tous dans le même bateau. Il y a beaucoup trop de disparités, d'inégalités scandaleuses et de réelle pauvreté. Il y a aussi trop de nantis qui se nourrissent des crises, méprisants les "gens d'en bas", des nantis qui n'en ont jamais assez et qui n'ont jamais été aussi riches, qui refusent la juste et citoyenne redistribution des ressources en fraudant tous azimuts. Leurs richesses n'ont pas toujours l'odeur de l'honnêteté, elles n'ont pas toujours été acquises par le travail honorable et respectable, mais par la rente, la spéculation, l'ingénierie fiscale, la cuillère en or ou en argent dans la bouche dès la naissance. A celles et ceux qui renvoient d'un revers d'outrance les Gilets jaunes à leur misère, qu'ils soient prudents dans leurs propos, gestes et actes. Il ne faudrait pas refaire le coup de Marie-Antoinette: "Si ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche !" ... On connait la suite, dont on aurait pu faire l'économie, sans l'inconscience de la monarchie absolue, totalement déconnectée de la réalité, de ses provocations et de sa lâcheté. La suite, c'est la violence, l'extrême violence, celle qui ne s'en prend plus seulement aux biens, mais aux personnes. C'est le Tribunal révolutionnaire de Robespierre, le massacre des Communards d'Adolf Thiers et la litanie de leurs sinistres poursuivants, le totalitarisme en marche. Le président Emmanuel Macron doit entendre les doléances et la détresse des campagnes, des zones de relégation, de ces citoyens abandonnés par l'Etat social, tout en étant intraitable avec les casseurs et leurs complices. Il ne peut faire autrement que de prendre ce chemin de crête, laborieux certes à mettre en oeuvre, mais indispensable. Il doit calmer les esprits, apaiser les coeurs et réconforter les corps. Il ne doit plus donner l'impression de renforcer les colères par de nouvelles déclarations incontrôlées. Mesurer sa parole fait partie de l'exercice intelligent de l'Etat. Il doit ouvrir de nouveaux espaces de concertation, de dialogue, de réflexion et de propositions, quitte à temporiser dans ses projets de transformation du pays, qui restent, c'est une évidence, nécessaires. Pour que le bateau avance dans le même sens, poussé par un même vent, sans virages de bords intempestifs, ne faut-il pas que les efforts légitimement demandés à chacune et chacun soit équitablement répartis selon les moyens dont elle et il dispose ? Demain, mardi 27 novembre, le président de la République fera une intervention visant à tenter de répondre au ras-le-bol. Il devrait s'exprimer dans le sens d'une plus grande écoute et d'un plus grand accompagnement social des personnes qui souffrent de précarité, car on ne réforme pas un pays contre une part significative de ses concitoyens, d'autant plus lorsqu'ils sont aux abois. Nos sociétés ont un urgent besoin d'un nouveau contrat social adapté tant aux exigences sociales qu'aux impératifs économiques du XXIème siècle. Cela prendra du temps, encore faut-il avoir le désir d'expliquer le bien-fondé de ses choix, la capacité de fixer un cap et de tenir ses engagements. Pour avoir travaillé au coeur du pouvoir, l'avoir servi de nombreuses années, je sais à quel point il est une épreuve de chaque jour, pour qui ambitionne de soumettre son idéal, ses valeurs, ses analyses et ses propositions à l'épreuve du réel. C'est la vraie raison de la politique. Mais il n'est pas donné à n'importe qui de le plier à sa volonté, car lui seul est le maître du temps, de l'espace et de l'humanité. Le 26 novembre 2018.

>Des Gilets jaunes, jaunâtres et brunâtres aux Gilets verts !

 

Le mouvement citoyen des Gilets jaunes est un symptôme inquiétant qui témoigne qu’une partie importante du corps social est malade. Beaucoup de personnes sont fragilisées par un système économique qui fait la part trop belle aux nantis, aux premiers de cordée, mais qui laisse sur le côté de la route les échoués de la mondialisation. La révolte contre les prix élevés des carburants, pour 25% liés à la politique tarifaire des pays producteurs de pétrole et pour 75% à la taxation et à la TVA, taxe carbone comprise, et contre l’alignement du coût du diesel sur celui de l’essence n’est que la partie visible du ras-le-bol. Il y a là l’agglomération de frustrations, de mécontentements et de colères liée à un mal-vivre plus général. Tous les gouvernements européens doivent impérativement, non seulement en prendre conscience, mais agir sans tarder et revoir leur copie relative au ratio entre les recettes, à savoir les taxes et les impôts, et les dépenses, structurelles (récurrentes ou d'investissement) comme conjoncturelles. L’idée étant de trouver un juste équilibre entre les prélèvements sur les revenus, y compris ceux du capital, et la couverture des dépenses, moyens qui financent des secteurs aussi essentiels que l’enseignement, la recherche, l’hôpital et les soins de  santé, le chômage, les minima sociaux, les retraites, la défense, les forces de sécurité, le réseau routier etc. Chacun s’accorde à reconnaître que le monde traverse une période de transition. A l'instant de l'écrire, ce mot apparaît comme un euphémisme tant l'urgence sonne le tocsin. Le réchauffement climatique, plus important qu’annoncé il y a encore quelques années, la biodiversité en grave danger et la santé publique menacée nous imposent désormais de faire des choix individuels et collectifs difficiles. La transition écologique est à nos portes et si nous n’y répondons pas ensemble, avec l'intelligence et le courage nécessaire, les conséquences humanitaires, environnementales et économiques, qui sont déjà catastrophiques, seront demain plus dramatiques encore pour nos enfants et petits-enfants. Les pays donateurs et contributeurs comme les organisations multilatérales de coopération doivent accepter l’augmentation sensible des budgets de soutien au développement, et ce au-delà du 1% du PIB, objectif dit du millénaire 2000/2015, qui est loin d’être atteint actuellement. Cet effort exceptionnel, en faveur des zones régionales soumises aux fléaux qui les accablent, n'ira pas sans une évaluation lucide et sans tabou des méthodes d'intervention, des secteurs cibles ainsi que des résultats très insatisfaisants. Les paramètres d'efficience, d'efficacité et de durabilité manquent aussi à l'appel. Les causes sont multiples, à la fois culturelles, quasi anthropologiques, économiques et politiques. Les vagues migratoires que l’Europe, les Etats-Unis, le Canada et l’Australie connaissent, dues à la rupture climatique, à la sécheresse et à la pauvreté ne sont que le prélude aux tsunamis à venir si les pays du Nord et du Sud ne s'accordent pas sur un programme choc, sans précédent, d’aide et d’accompagnement à la mesure des problèmes complexes qui nous sont posés. La révolution numérique, que nous vivons depuis plusieurs décennies, est elle-même bouleversée par les immenses progrès de la recherche sur l’intelligence artificielle couplée avec les projections affolantes du transhumanisme (1). Des millions d’emplois vont disparaître à l’horizon 2020/2030, de nombreux autres, encore insoupçonnés, vont être crées. Les grands centres urbains, de type conurbations, ces hyper-lieux, comme les nomme le géographe français, Michel Lussault (2), vont rendre les espaces et terres dits périphériques plus marginalisés qu’ils ne le sont déjà. Le défi immense des politiques publiques sera donc d'empêcher le divorce entre les zones périurbaines, les campagnes, et les grands centres urbains. Le monde qui vient n’aura plus grand-chose à voir avec celui que nous quittons. Il faut s’y préparer. Les hommes et les femmes en responsabilité ont le devoir d'anticiper, de recourir aux sciences humaines prédictives, qui ne devinent pas l'avenir mais le modélisent, afin d'aborder ces mutations le mieux possible et d'éviter que les fractures du présent ne deviennent les explosions de demain. Les nombreuses tensions internationales, les guerres régionales, le terrorisme islamiste, la montée des populismes et des nationalismes sont évidemment liés à ces phénomènes d'accélération de l'histoire, car la peur, parfois salvatrice, plus souvent source d’imprévisibilité et de déstabilisation, de la base au sommet des nations, est à l’œuvre. Ce ne sont pas Vladimir Poutine et Donald Trump qui diront le contraire. La peur est sans doute redevenue l’un des indicateurs majeurs de nos sociétés, que toute gouvernance doit prendre en compte sous peine de crash. Les Gilets jaunes, à leur façon, brouillonne, non coordonnée, non cohérente, voire chaotique, relèvent d’un cycle systémique plus global. Leurs actions, sur fond de revendications énergétiques, se sont orientées au fil des jours, au fur et à mesure que le mouvement s’épuisait en se radicalisant, vers davantage de violence. Celle-ci a contribué à affaiblir et ternir dans l'opinion publique leur image, bon enfant et positive au début. Des casseurs professionnels, issus des extrêmes droite et gauche, viennent cagoulés incendier et détruire aux abords des dépôts de carburants, des raffineries, des axes routiers et même au coeur des villes. Le spectacle de leur guérilla urbaine passe sur toutes les chaînes de télé et les réseaux sociaux. En France, deux morts, des centaines de blessés, y compris parmi les policiers, de très nombreuses dégradations dressent un bilan consternant, sans doute provisoire, du mouvement des Gilets jaunes. En Belgique, de façon plus modeste mais non moins nihiliste, l’incendie de camions citerne, de voitures et des arbres  tronçonnés démontrent le caractère criminel de certains d’entre-eux. Sans revendications précises, sans portes-voix et sans représentants qualifiés, dépassés par les événements, ils ont montré l’immaturité de leur rassemblement hétéroclite, ouvrant ainsi la porte toute grande à des franges jaunies et jaunâtres, rougeâtres et brunâtres, de groupes d’individus à l’affût d’occasions pour répandre le chaos qui les anime et les unit, malgré leurs bords opposés. Les citoyens sincères, qui légitimement ont manifesté et manifesteront encore contre leur précarisation, font les frais de cette regrettable récupération. Les responsables politiques, les autorités judiciaires et les forces de l’ordre ne peuvent tolérer les débordements des exictés de la France insoumise et du Rassemblement national, qui agitent, en sous-main, la haine de l'Etat et de l'Etat de droit, encore moins les exactions des nervis qui oeuvrent dans leur sillage. L’ordre public et la sécurité des citoyens doivent être restaurés, s'il y a lieu, et assurés dans tous les cas. La grande majorité des Français et des Belges s'inquiète – le phénomène des Gilets jaunes en Belgique se limite à la Wallonie; ce qui dit quelque chose du gap qui sépare, ici comme dans de nombreux autres domaines, Wallons et Flamands – des dérapages écoeurants et des dérives fascisantes constatés, mais semble garder une certaine sympathie à l'égard de citoyens pacifiquement en colère. D'autres se désolidarisent de leur mouvement, d'autant que l'on observe une porosité entre les casseurs et certains Gilets jaunes, qui cautionnent, encouragent leur comportement criminel, voire participent aux actes de violence. C’est regrettable, car le message ainsi brouillé et envoyé aux gouvernants ne doit pas être le prétexte pour altérer la clairvoyance et la pertinence de leur réponse. Nul n’a intérêt à faire la sourde oreille, pas plus les Gilets jaunes, qui doivent entendre raison quant aux moyens d’exprimer leur ressenti, que les pouvoirs exécutifs et législatifs, qui doivent écouter les doléances et y répondre sans démagogie et sans lâcheté. Les carburants, malgré une baisse momentanée, bienvenue, continueront à être chers. La taxe carbone maintiendra son effet dissuasif sur l'utilisation de voitures très polluantes et incitatif, aux côtés de primes écologiques, quant à l'achat de véhicules moins polluants, hybrides ou électriques. Au passage, relevons que le tout électrique poserait en amont le problème de la production d'une masse suffisante d'électricité, appel d'air pour les centrales nucléaires, et, en aval, celui du recyclage des batteries au lithium toxiques. La solution viendra d'investissements considérables dans la recherche et la production d'un mixte énergétique de toutes les énergies renouvelables. L'impasse climatique et son corollaire de la transition écologique ont changé la donne. Disons clairement les choses: nos modes de vie énergivores sont appelés à disparaître. Le productivisme infini des XIXème et XXème siècles cale au XXIème sur une équation simple: les ressources naturelles de la terre sont, elles, finies. Le tout à la voiture, aux énergies fossiles doit faire place progressivement à des process industriels, commerciaux et de service ainsi qu'à des modes de transport, de chauffage et d’éclairage plus respectueux de notre santé et de l’environnement. C’est un fait. Ce nouveau modèle sociétal ne se fera pas sans une révolution culturelle, celle des mentalités, toujours compliquée, et donc sans l’adhésion des populations. Elle ne se fera pas non plus sans une équité sociale digne de ce nom, sans une fiscalité contrôlée et sans une redistribution des moyens disponibles solidaire . C’est là le défi à relever par chacune et chacun d’entre nous. Et si les politiques ne sont pas la hauteur, alors, oui, changeons-les, mais en excluant toute offre incivique basée sur le repli identitaire, ethnique et religieux, le populisme et le nationalisme. Sur le Vieux Continent, seule l’unité dans la diversité des Etats, des nations et des peuples, au sein d’une Europe puissance, souveraine et solidaire, pourra être à même de garantir un modèle social et économique en symbiose avec l’épanouissement des personnes et une transition écologique sanctuarisée constitutionnellement.  Des dizaines, voire des centaines de millions de Gilets verts devront bientôt se lever et marcher, non pour casser et saccager, mais pour proposer et construire le monde vivable que les générations futures sont en droit d'attendre de notre héritage. Il est compromis, certes, mais pas encore détruit. Le dernier rapport 2018 du GIEC nous informe que nous n'avons plus que 2 ans et demi pour agir avant que le point de non retour soit atteint. Il est donc moins 5 ! Le 22 novembre 2018.

(1) La révolution transhumaniste. Comment la technomédecine et l'uberisation du monde vont bouleverser nos vies, Luc Ferry, Plon, 2016.

(2) Hyper-Lieux. Les nouvelles géographies de la mondialisation, Michel Lussault, Seuil, 2017.


La porosité Gilets jaunes et casseurs.     Les Gilets verts de la nouvelle génération.  La casse n'a pas sa place en démocratie.