>Europe !

 

 

Oui, nous avons besoin d’Europe, sur un continent menacé gravement par une agression plus jamais vue depuis la Seconde Guerre mondiale, une Europe attaquée sur son territoire par une Russie poutinienne nostalgique d’un empire tsaro-soviétique conquérant, défiée par l’hyper-puissance chinoise, qui rêve de nous soumettre à son bras armé économique et déstabilisée par des Etats-Unis malades de leurs dérèglements politiques ! Oui, nous avons besoin de plus d’Europe, de plus de souveraineté, de progrès et de puissance ! Qui peut croire que les États européens, chacun seul dans son coin, comme les partis extrémistes de gauche et de droite le veulent, seraient en capacité de faire face aux défis existentiels qui menacent nos libertés et notre indépendance ? Oui, nous avons besoin d’Europe, car c’est elle et uniquement elle qui peut protéger notre modèle social et économique, aujourd’hui la cible de nos adversaires et de nos ennemis. Ne cédons rien à la tentation de la complaisance et de la faiblesse à l’égard de Poutine et ses alliés du « Sud global » que nous suggèrent les extrêmes ! Ils ont en commun la fascination de la force et des muscles des despotes ! Ne lâchons rien face au repli nationaliste mortifère auquel nous invitent les menteurs et démagogues de l’extrême droite ! Ils veulent démanteler 67 ans de construction européenne. Nous avons changé d’époque, de paradigme, les temps qui viennent vont nous secouer et nous rappeler que l’Histoire peut être tragique. En 1940, beaucoup ont chanté naïvement ou complaisamment l’air d’un pacifisme béat face à l’ogre nazi. On connaît la suite … Les Chamberlain et Daladier d'aujourd'hui veulent se coucher. Ne refaisons pas la même et tragique erreur. Le 11 mars 2024. 

           

             Deux ans d’agression russe contre l’Ukraine:

                   les carnassiers contre les herbivores ? 

 

Il y a tout juste deux ans que la Russie agressait l’Ukraine et envahissait son territoire. Le 24 février 2022, en colonnes de plusieurs kilomètres, les chars et les camions russes franchissaient la frontière ukrainienne notamment à partir du territoire allié de la Biélorussie. Après avoir annexé la Crimée et occupé le Donbass dans le Sud et l’Est de l’Ukraine, Poutine et ses sbires espéraient que ce serait une affaire de jours, voire de semaines. Le régime du Kremlin ne s’attendait pas à une résistance aussi solide de la part de l’armée de Kiev. Entretemps, après des victoires éclatantes à Karkhiv au Nord et à Kershon au Sud, à l’été 2023, beaucoup ont cru que l’offensive ukrainienne contre les lignes de défense russes (au nombre de cinq) serait l’amorce d’une reconquête, si pas totale, du moins partielle des territoires perdus. Que s'est-il passé pour en arriver là ? 

 

Le constat est clair: le front s’est depuis figé, sur plus de mille kilomètres, pendant que l’Occident, Etats-Unis et Europe, redoutant "l’escalade", rechignaient à livrer en temps et à suffisance les armements indispensables pour faire reculer l’ennemi, voire le contenir. Les F-16, promis à Kiev depuis juillet 2023 (Danemark, Pays-Bas, Norvège), ne sont toujours pas mis à disposition des Ukrainiens … La Belgique, qui dispose également de ces mêmes avions supersoniques, bientôt remplacés par des F-35, refusent toujours de les livrer au partenaire ukrainien. De même, la France, qui possède plus de 180 Mirage 2000 et F1, pour des raisons économiques qui ne sont qu’un grossier prétexte, ne franchit pas non plus le pas. Quand le Danemark de la première ministre Mette Frederiksen décide carrément de donner à l’Ukraine tout son arsenal de frappe.

 

La Russie, dotée de matériels militaires technologiquement inférieurs aux Occidentaux mais en très grand nombre, plus nord-coréens (des millions d’obus 240 mm) et iraniens (10.000 drones Shahed et récemment 4000 missiles balistiques Fateh-100 et Zolfaghar), et disposant de chairs à canon quasi inépuisables, a non seulement réussi à casser la dynamique offensive de l’Ukraine, mais a même enfoncé, ici et là, comme à Bakhmout et Kramatorsk, les dispositifs ukrainiens. L’année 2024 s’annonce très compliquée pour tenir le front côté ukrainien. Les périls s'amoncellent. 

 

Pendant ce temps, à Washington, Trump et ses amis conservateurs de la Chambre des représentants bloquent toujours les 60 milliards de dollars d’aide promis à Kiev, tarissant ainsi le flux des livraisons indispensables américaines. L’Europe, malgré la décision du 1er février dernier du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement des 27 de libérer une nouvelle enveloppe de 50 milliards d’euros (sur quatre ans) pour l’Ukraine, l’Union patine toujours à relancer ses industries d’armement, alors qu’il lui faudrait décréter l’économie de guerre dans ce secteur.

 

L’Europe (Union et UK ensemble) ne produit pas assez d’obus de 155 mm (commun à toutes les armées de l’OTAN), de missiles de profondeur, SCALP français, et Storm Shadow britanniques - l'Allemagne du chancelier Sholtz refuse toujours d'envoyer aux Ukrainiens leurs fameux missiles à longue portée Taurus - de système de défense anti-missiles de type SAMP T franco-italien, de canons genre Caesar français, de chars lourds Léopard 2 allemands. Et concernant les avions modernes de combat, les pays de l’Alliance atlantique en détiennent plus de 2000 (F-16, F-35, Harrier, Rafale, Mirage ...), chiffre actuellement largement suffisant pour assurer à l’Ukraine une défense aérienne efficace. Il y a un hic, c'est le manque de volonté politique. On croit rêver.  

 

Par ailleurs, et c’est catastrophique, les 27 ne produisent quasiment pas en commun, en tout cas, bien en deça de la masse critique nécessaire pour faire face, aujourd’hui et demain, à l’agression russe contre l'Ukraine et contre l’Europe. Nous l’avions fait avec les masques anti-covid pendant la crise sanitaire. Pourquoi n'est-ce pas possible en matière d'armements ? Une Europe de la Défense est indispensable si nous ne voulons pas être à la merci du régime despotique et violent du Kremlin. 

 

Résultat: avec une armée de volontaires épuisée par deux années de combats acharnés et une pénurie structurelle croissante de munitions et d’armements lourds, l'Ukraine est en grande difficulté face au rouleau compresseur russe. Tout n’est pas sombre dans ce bilan, puisque Kiev a réussi à détruire une petite vingtaine de navires russes en Mer noire, éloignant ainsi la menace sur tout le périmètre sud-ouest de la péninsule de Crimée. Et ce, grâce à l’invention de hors-bords super-rapides téléguidés ainsi que de drones sous-marins capables de transporter jusqu’à 800 kilos d’explosifs à 800 kilomètres de leur base de lancement (Odessa la plupart du temps). Ce qui lui permet, fort heureusement, d'assurer la poursuite de la navigation aux cargos chargés de céréales d’exportation. On peut dire aujourd’hui que Moscou n’a plus la maîtrise de l’espace maritime en Mer noire. C’est sans doute la seule satisfaction après 730 jours de guerre intense.

 

Ici même et depuis le premier jour de la guerre, nous n’avons cessé d’en appeler au réarmement moderne et massif de l’Ukraine. Cela s’est fait en partie, c'est vrai, mais trop tard et trop peu. Les conséquences de cette indolence occidentale, voire lâcheté, risque de se payer très cher. Il est probable que Poutine va chercher dans les mois à venir à négocier sur base du gel de l'occupation partielle de l’Ukraine. L’objectif du petit Tsar, si les Ukrainiens acceptent - ce qui n’est pas sûr du tout - sera de gagner du temps. Du temps pour réorganiser plus fondamentalement l’économie russe en économie de guerre totale et de fournir à son armée plus d’un million de conscrits.

 

Il lui faudra trois à quatre ans, peut-être cinq, guère plus, pour reprendre là où il l’avait laissée l’invasion de l’Ukraine. Dimitri Medvedev, l’ancien président et premier ministre russe, fanatique parmi les ultras, vient à nouveau de rappeler le but de guerre de son pays: effacer l’Ukraine en tant qu’Etat souverain et indépendant de la carte, aller jusqu’à Kiev et Lviv, frontière polonaise, en marchant au passage sur la Géorgie, la Moldavie, sans s'interdire d'aller plus à l'Ouest ...

 

Il ne fait aucun doute que si l’Ukraine tombe, Poutine et ses sbires criminels ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Il est à craindre qu’ils s’en prennent d’ici une petite dizaine d’années à la Lettonie, à la Lituanie, à l’Estonie, voire à la Pologne. Je conseille aux sceptiques d’aller faire un tour là-bas et d’interroger la population, les experts et les politiques. Ils se préparent "à la guerre qui vient" ...

 

L’Union européenne ne peut plus dépendre du bon vouloir et des dérèglements politiques des Etats-Unis. Une fois, un oui avec Joe Biden, une autre, un non avec Donald Trump. Ce n'est pas tenable dans la durée. Les Européens n'ont plus de visibilité sur le moyen terme avec un allié américain aussi incertain. Les 27 doivent désormais s’engager résolument et rapidement dans la construction, dans un premier temps, d’un pilier conventionnel européen au sein de l’OTAN, dans un second temps, d’une stratégie souveraine de sécurité, à savoir une défense européenne intégrée, conventionnelle et nucléaire. L'Union est une puissance économique qui compte. Elle doit devenir  dans les dix ans une puissance militaire respectée. A défaut, elle en paiera le prix fort.   

 

Quoi qu’il advienne, guerre indirecte ou guerre directe avec la Russie, celle-ci est et constituera pour les prochaines décades une menace existentielle majeure pour l’Europe. Seuls les naïfs, les idiots utiles et les soutiens du Kremlin pensent que la Russie est un partenaire comme les autres. Nous ne pourrons pas faire confiance avant longtemps à cette puissance nuisible. Nous n’aurons pas avant au moins une génération l’assurance d’une non-agression contre l’un ou plusieurs pays européens. Cet Etat est dirigé par des voyous et des mafieux qui n'ont aucune limite. Leur parole et leur signature n'ont aucune valeur. Les opinions publiques occidentales doivent en prendre toute la mesure. Nous avons changé de monde et de paradigme. Ne pas le comprendre, c'est se condamner. 

 

Car tant que le peuple russe n'aura pas le courage de renverser le régime du Kremlin et de le renvoyer aux poubelles de l'histoire, les démocraties libérales ne pourront pas dormir tranquilles. Pour lheure, nous ne voyons en Russie aucune rébellion de masse qui pourrait lever l'espoir, même si, dans les grandes villes russes, des dizaines de milliers d'opposants à Poutine dénoncent la guerre en Ukraine et admirent Alexeï Navalny pour son courage et son sacrifice. Mais c'est une minorité.    

 

Nous sommes donc dans l’obligation d’anticiper et de préparer le pire. Regarder ailleurs ou relativiser la menace ne fait que renforcer le pouvoir poutinien et consorts. Ils sont nombreux les alliés et complices du Kremlin. Ils sont parmi nous, dans les médias officiels, sur les réseaux sociaux, dans le monde politique. Avec l’aide de Moscou, ils vont tenter d’enrayer nos processus démocratiques en interférant massivement dans nos élections. Ils sont déjà à l’oeuvre, hackers russes par milliers et cinquième colonne intérieure, unis pour fragiliser et déstabiliser nos Etats de droit. Pour favoriser un nouvel ordre mondial: celui des carnassiers contre les herbivores. 

                                                                      Le 24 février 2023.  

 

 

                                   

                Conférence sur la sécurité de Munich !

     Prendre (enfin) la mesure du changement d'époque

         qu'impose l'agression russe contre l'Ukraine !

 

"A l’image des dirigeants français et allemands, les leaders européens réunis à la Conférence sur la sécurité ont durci le ton face à Moscou, insistant non seulement sur la nécessité d’aider davantage l’Ukraine, mais aussi d’augmenter leurs propres capacités de défense.

 

Est-ce la mort tragique d’Alexeï Navalny ? Le retrait des forces ukrainiennes de la petite ville d’Avdiïvka face à l’envahisseur russe, à la veille du deuxième anniversaire de l’invasion ? Les appels au secours des dirigeants ukrainiens sur la pénurie de munitions ? Ou le contrecoup des doutes semés par Donald Trump sur la solidité de l’Alliance atlantique ? Peut-être est-ce tout cela à la fois ? Un fort sentiment d’urgence sur la nécessité de défendre l’Europe s’est emparé des participants à la 60e Conférence de Munich sur la sécurité, qui se tient du vendredi 16 au dimanche 18 février.

 

Samedi 16, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a clairement sonné l’alarme, se disant convaincu que "Poutine peut perdre" mais à condition que les Occidentaux accélèrent et intensifient leurs livraisons de matériel militaire. "Le fait de maintenir l’Ukraine dans un déficit artificiel en matière d’armements, en particulier de munitions et de systèmes de frappe à longue portée, permet à Poutine de s’adapter à l’intensité actuelle de la guerre", a déclaré M. Zelensky, avant d’interpeller son auditoire au moyen d’une formule qui lui a valu des applaudissements nourris : "Ne demandez pas à l’Ukraine quand la guerre prendra fin. Mais demandez-vous plutôt pourquoi Poutine est encore capable de la poursuivre."

 

La veille, déjà, une gravité accrue était perceptible à Berlin et Paris, où le président ukrainien s’était déplacé pour signer des accords bilatéraux de sécurité avec l’Allemagne et la France. A l’évidence, dans ces deux capitales européennes, il ne s’agit plus seulement d’aider l’Ukraine, mais aussi de mieux protéger l’Europe : un discours qui a cours depuis deux ans chez les voisins européens de l’Ukraine – Pologne et Etats baltes en tête – mais auquel les dirigeants ouest-européens étaient jusqu’ici beaucoup moins sensibles.

 

Renforcer le pilier européen de l’OTAN  !

 

A Paris, vendredi soir, Emmanuel Macron a ainsi eu des mots beaucoup plus durs que précédemment sur l’état de la menace russe : "Le régime du Kremlin a agressé, il y a deux ans, l’Ukraine, pays européen. Il a intensifié et durci ses agressions contre notre pays sur le plan de la désinformation et sur le plan cyber. (…) La Russie de Vladimir Poutine est devenue un acteur méthodique de la déstabilisation du monde", s’est inquiété le président français, pour qui "il y a clairement besoin d’un sursaut européen, et plus largement de nos alliés, de nos partenaires et de la communauté internationale".

 

Samedi matin, à Munich, le chancelier Olaf Scholz, qui a consacré l’intégralité de son intervention à la guerre en Ukraine, a fait passer le même message. "La menace russe est réelle. C’est pourquoi notre capacité de dissuasion et de défense doit être crédible et le rester, a déclaré le chancelier allemand. Poutine et ses généraux à Moscou doivent comprendre que nous, l’alliance militaire la plus puissante du monde, pouvons défendre chaque mètre carré de notre territoire ; il faut donc renforcer le pilier européen de l’OTAN, y compris en termes de dissuasion."

 

Le 27 février 2022, trois jours après l’invasion de l’Ukraine, M. Scholz avait marqué les esprits en actant "un changement d’époque" et en promettant que son pays respecterait enfin l’objectif fixé par l’OTAN à ses membres de consacrer 2 % de leur produit intérieur brut à leur défense. Deux ans plus tard, l’Allemagne a atteint l’objectif, mais le chancelier a prévenu que cet investissement sans précédent devrait se poursuivre « sur les vingt ou trente prochaines années, voire davantage » et surtout qu’il supposerait des sacrifices. "Cette guerre au cœur de l’Europe nous demande des efforts. L’argent que nous dépensons aujourd’hui et à l’avenir pour notre sécurité nous manque ailleurs", a-t-il concédé, reconnaissant que les contribuables peuvent avoir des « doutes », que la Russie ne manque pas d’attiser, quant à la priorité accordée aux dépenses de sécurité et de défense.

 

Il faut passer à l’action !

 

Ce changement de ton de la part des dirigeants français et allemands n’a pas échappé aux autorités ukrainiennes. "Les élites politiques y sont maintenant enfin conscientes du niveau de la menace que représente la Russie. Mais cette prise de conscience n’a pas encore atteint les électeurs de ces pays", a déclaré le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, samedi devant quelques journalistes à Munich. Pour lui, cette prise de conscience est possible, mais elle suppose que "le citoyen européen comprenne que la nouvelle du retrait des forces ukrainiennes d’Avdiïvka signifie que la Russie se rapproche de chez lui de quelques kilomètres".

 

S’ils se sont retrouvés sur le même diagnostic partagé d’une Russie de plus en plus menaçante et inflexible, la plupart des dirigeants européens présents à Munich sont également tombés d’accord sur la nécessité de ne plus perdre de temps. Ainsi du président tchèque Petr Pavel. "La situation militaire en Ukraine a changé de manière significative. Elle n’est pas bonne. Que pouvons-nous faire ? Soutenir les livraisons d’armes en allant les chercher dans tous les endroits possibles. Et sans attendre que les Etats-Unis débloquent leur aide car le plus tôt est le mieux", a déclaré cet ancien général, qui fut chef du comité militaire de l’OTAN de 2015 à 2018, et a été élu, en janvier 2023, président de la République tchèque.

 

"Il y en a assez des discours. Maintenant, il faut passer à l’action", lui a fait écho la première ministre danoise, Mette Frederiksen, qui a reconnu que le soutien apporté à Kiev au cours des deux dernières années "n’a pas permis de gagner la guerre" et qu’il aurait dû être "beaucoup plus important dès le départ". Alors que le Danemark a donné à l’Ukraine la totalité de ses dix-neuf canons Caesar, Mme Frederiksen a sommé ses partenaires européens de passer à la vitesse supérieure. "Il y a urgence à augmenter nos capacités de production. Il faut que l’Europe soit capable de se défendre elle-même mais pour cela, il faut d’abord qu’elle défende l’Ukraine, car l’Ukraine fait partie de l’Europe", a martelé la dirigeante danoise, en appelant "tous les pays à céder ce qu’ils ont en termes de munitions" mais aussi en matière de « systèmes de défense antiaérienne et de missiles balistiques".

 

Nous n’avons pas fait le nécessaire !

 

A ses côtés, le vice-chancelier allemand, Robert Habeck, a évité de lui répondre sur ce dernier point, alors que M. Scholz se refuse, depuis des mois, à donner son feu vert à la livraison de missiles de croisière Taurus, contrairement aux Britanniques et aux Français qui ont franchi le pas en annonçant, en 2023, qu’ils allaient fournir des Storm Shadow et des Scalp aux forces de Kiev.

 

En revanche, M. Habeck qui, à l’époque où il était président des Verts, fut le premier responsable politique allemand à plaider pour des livraisons d’armes à l’Ukraine, et ce dès mai 2021, a complètement rejoint Mme Frederiksen dans son impatience : "Nous aurions dû investir beaucoup plus dans la production d’armements en commun depuis au moins deux ans, mais nous n’avons pas fait le nécessaire à la fois pour des questions de fierté nationale, parce que chacun de nos pays veut protéger ses emplois et parce que beaucoup ont voulu croire que le “changement d’époque” dont on a parlé en février 2022 ne serait qu’une parenthèse qui finirait par se refermer", a expliqué M. Habeck, avant de faire cet aveu qui aurait été difficilement imaginable de la part d’un écologiste allemand il y a encore quelques années : "Nous devons revoir ce que nous avons pensé pendant plus de trente ans en voulant croire à la paix éternelle. Maintenant, il faut que nous agissions et que nous passions vraiment à la vitesse supérieure en matière de production d’armements si nous ne voulons pas qu’ici même, l’année prochaine, nous continuions encore à discuter des mêmes problèmes.""  ... Sylvie Kauffmann et Thomas Wieder, Munich, Le Monde, 18 février 2024.                                                              

                               

                                  Guerre en Ukraine :

       la France à la traîne en matière d’aide militaire !

 

Un Conseil européen exceptionnel doit se réunir ce jeudi, 1er février, à Bruxelles. Il sera consacré au soutien des Vingt-Sept à l’Ukraine. Le blocage des 50 milliards d'euros d'aide promise à Kiev par la Hongrie de Viktor Orban en exaspère plus d'un. Au cas où Budapest continuerait son travail de sape, une solution à vingt-six est sur la table (*). Sur le volet militaire, la France arriverait en quinzième position des pays contributeurs, loin derrière l’Allemagne. Paris conteste ce classement. 

 

Militairement, la France aide-t-elle suffisamment l’Ukraine ? Depuis le début du conflit, en février 2022, la critique est permanente : Paris ne livrerait pas assez de matériel aux Ukrainiens, selon ses détracteurs. Au regard de son poids économique – le deuxième produit intérieur brut de l’Union européenne (UE) – et de la puissance de son armée, la seule du continent capable de mener des opérations d’envergure hors de son territoire, la France devrait faire beaucoup plus affirment certains de ses partenaires.

 

Le dernier coup de semonce a été tiré par Olaf Scholz. Le 8 janvier, le chancelier allemand a réclamé à l’UE "un aperçu aussi précis que possible de la contribution concrète que nos partenaires européens apporteront cette année pour soutenir l’Ukraine". Dans son viseur : la France, l’Italie et l’Espagne, trois grands pays du continent très en retrait, selon Berlin, en matière de livraison d’armes à Kiev.

 

Cet "état des lieux" doit être discuté, jeudi 1er février, lors du Conseil européen exceptionnel qui se réunit à Bruxelles pour évoquer le soutien à l’Ukraine. Selon les premières données collectées auprès des Etats membres, mais encore incomplètes, le service diplomatique de l’UE estime à environ 20 milliards d’euros le montant de l’aide militaire promise par les Etats membres à Kiev, pour 2024.  Depuis le début de la guerre, l’UE a apporté pour 28 milliards d’euros, on voit donc une accélération, relève un diplomate européen. Bruxelles refuse néanmoins de détailler les dotations de chaque pays.  "Cela ne doit pas se transformer en concours de beauté", dit-on dans la capitale européenne.

 

Paris loin derrière Berlin, Londres ou Varsovie

 

Selon l’Institut Kiel, en Allemagne, dont les classements font référence depuis le début de la guerre, Paris arriverait seulement en quinzième position en matière de soutien militaire bilatéral à l’Ukraine, avec des cessions et des aides financières valorisées à 540 millions d’euros. Une position qui place la France devant l’Espagne (19ᵉ avec 340 millions) ou la Belgique (20ᵉ avec 310 millions), mais derrière l’Italie (13ᵉ, 690 millions), et surtout très loin de l’Allemagne (2ᵉ avec 17,1 milliards), du Royaume-Uni (3ᵉ avec 6,6 milliards) ou de la Pologne (6ᵉ avec 3 milliards). L’aide américaine se monterait à 43,9 milliards d’euros.

 

"Si on parle en masse, c’est-à-dire en nombre d’équipements cédés, il n’y a pas de comparaison possible entre la France et l’Allemagne", affirme Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Institut français des relations internationales. Selon les décomptes des experts, Berlin a par exemple cédé quarante-huit chars de combat à l’Ukraine, alors que Paris n’en a pas fourni un seul. Même chose pour les blindés de déminage (seize livrés par l’Allemagne, aucun par la France) ou les blindés de défense antiaérienne (52 contre zéro). Sans parler des munitions, un élément vital pour permettre aux Ukrainiens de tenir face au rouleau compresseur russe, où l’écart entre les deux pays serait du simple au double.

 

Depuis le début de la guerre et de son soutien militaire à l’Ukraine, la France conteste vigoureusement ces classements. "Ce qu’ils disent n’est ni fiable ni viable", s’est encore emporté le ministre des armées, Sébastien Lecornu, le 18 janvier, sur France Inter, assurant que les chercheurs de l’Institut Kiel "mélangent les choux-fleurs et les carottes dans ce classement (qui) ne repose que sur les promesses et les déclarations". D’autres pays très mal classés sont également très critiques, comme l’Italie, dont les données sont classées secret-défense et seraient, comme celles de la France, largement sous-évaluées, selon Rome.

 

En refusant de divulguer le détail de ses livraisons à l’Ukraine, à la différence de pays comme les Etats-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède, qui donnent jusqu’au nombre de cartouches de petit calibre fournies, Paris rend de fait les comparaisons difficiles. De la même façon, les classements ne tiennent pas compte de l’"environnement" des armes livrées, c’est-à-dire la formation nécessaire à leur utilisation, ni de l’entretien du matériel, appelé "maintien en condition opérationnelle" dans les armées. "La France s’enorgueillit de fournir des équipements immédiatement opérationnels, ce qui n’est pas toujours le cas de nos partenaires", assure une source militaire française.

 

Par ailleurs, les classements ne font pas de distinction entre les équipements livrés. Or, certains sont plus utiles que d’autres, insiste-t-on côté français. Un canon autoporté Caesar, par sa précision et sa mobilité, a par, exemple, des effets plus importants qu’un canon tracté classique de 155 millimètres, comme les M777 fournis par les Etats-Unis. Même chose pour le Scalp, considéré comme l’un des meilleurs missiles de croisière, ou la batterie antiaérienne SAMP/T, qui tient la comparaison face au Patriot américain. "Ce sont ces équipements qui vont faire gagner la guerre aux Ukrainiens", dit-on à Paris.

 

Déficit d’image

 

Il n’empêche, la France a conscience de son déficit d’image et tente d’y remédier. Ces dernières semaines, Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces inhabituellement précises. Alors qu’il ne donnait jusqu’ici aucun détail, le chef de l’Etat a promis, lors d’une conférence de presse, le 16 janvier, la prochaine livraison de quarante missiles Scalp à l’Ukraine, un chiffre que même le cabinet de M. Lecornu pensait confidentiel. De même, l’Elysée a révélé que les "centaines de bombes" évoquées par M. Macron étaient en fait des kits A2SM, qui transforment des bombes lisses en missiles guidés à courte portée. Et le 19 janvier, le ministère des armées a reconnu que la France avait fourni quatre lance-roquettes unitaires à Kiev, et non pas deux comme elle le laissait dire jusqu’ici.

 

De la même façon, le Cabinet de M. Lecornu a très largement inspiré un rapport parlementaire, publié le 8 novembre 2023, qui estimait à 3,2 milliards d’euros le montant du soutien militaire français à l’Ukraine, un chiffre six fois plus élevé que celui avancé par l’Institut Kiel. Mais les méthodes de calcul utilisées sont contestées par les analystes, en particulier l’estimation du montant des équipements cédés au prix du matériel neuf censé les remplacer. "En gros, on valorise un VAB (véhicule de l’avant blindé, conçu dans les années 1970) au prix d’un Griffon (véhicule blindé multi-rôles, mis en service en 2022). C’est comme si les Néerlandais, les Norvégiens et les Danois valorisaient leurs avions de combat F-16 au prix d’un F-35, cela n’a pas de sens", explique M. Péria-Peigné.

 

"Dans l’ensemble, la critique sur notre méthode n’est pas très importante pour la position de la France dans le classement des principaux donateurs", abonde Christoph Trebesch, le directeur de l’Institut Kiel, interrogé par Le Monde. Même en se fondant sur le rapport parlementaire français, assure-t-il, "cela ne changerait pas la position de la France dans le classement de l’aide bilatérale totale".

 

Faute de certitudes, un certain nombre d’experts et d’élus appellent à dépasser ce débat, contre-productif pour l’Ukraine. "Plutôt que se critiquer les uns les autres, nous ferions mieux de veiller à tous faire plus", juge ainsi Nathalie Loiseau, eurodéputée Renew, spécialiste des questions de défense.

 

"Aujourd’hui, nous échouons collectivement à apporter assez d’équipements, d’armes et de munitions à Kiev", fait valoir Christian Mölling, directeur adjoint du Conseil allemand pour les relations extérieures (DGAP). Et d’insister : "Nous empêchons l’Ukraine d’obtenir les capacités de se défendre, et nous devrons en subir les conséquences. Pour l’instant, les promesses ne sont pas au niveau nécessaire… Tant celles des Allemands que celles des Français."

Philippe Jacqué (Bruxelles, bureau européen) et Cédric Pietralunga. Le Monde, le 1er février 2024. 

 

(*) La solution, juridiquement possible, consisterait à faire à l'Ukraine un prêt à 26 de 50 milliards d'euros. Une telle issue isolerait un peu plus la Hongrie et n'arrangerait pas avec l'Union européenne son contentieux en matière de respect de l'Etat de droit. En cas de veto renouvelé, l'UE menace "de priver Budapest de tous les fonds qui lui reviennent". 

 

 

           "Ramenez les enfants volés à la maison !"  Ce crime contre l'humanité ne restera pas impuni.

                         

         La guerre coloniale russe en Ukraine !

 

"Destruction de l’identité ukrainienne, transferts de population, crise humanitaire, simulacre d’élections, mobilisation forcée, répression accrue… Moscou utilise tous les moyens pour tenter de légaliser son pouvoir dans ces régions et les intégrer à la Russie.

 

Voilà près de deux ans qu’Ivan Fedorov, le maire de Melitopol, dans le sud de l’Ukraine, s’efforce de garder le contact avec ses administrés malgré l’occupation. Sa ville a été prise par les Russes quarante-huit heures après le début de l’invasion, en février 2022. Lui-même a été kidnappé cinq jours durant, le 11 mars. Son échange téléphonique avec le président ukrainien après sa libération est resté dans les mémoires. "Merci de ne pas m’avoir laissé tomber", avait-il glissé à Volodymyr Zelensky.  "Tu plaisantes ? On ne laisse pas tomber les nôtres", avait rétorqué le chef de l’Etat.

 

Aujourd’hui, Ivan Fedorov est déplacé à Zaporijia, dans la partie contrôlée par les autorités ukrainiennes. Depuis deux ans, grâce aux informations recueillies à distance, il voit sa ville se transformer sous l’effet de l’occupation. "C’est très dur, explique-t-il au Monde. Des pseudo-autorités locales ont été mises en place, toute résistance est sévèrement réprimée, et la composition démographique elle-même a changé avec l’arrivée de milliers de Russes." Ceux-ci remplacent peu à peu les quelque 60.000 habitants (sur 150.000) ayant fui Melitopol après l’offensive à grande échelle.

 

Intense campagne de propagande 

 

Dans cette ville comme ailleurs dans les territoires ukrainiens occupés, Moscou applique une politique minutieuse et coordonnée visant à imposer sa légitimité et à renforcer l’intégration de ces régions au sein de la Russie. Un rapport publié en janvier par le Centre national de la résistance de l’Ukraine, une structure officielle créée par les forces spéciales, dresse un bilan alarmant de la situation, deux ans après le début de l’invasion. Destruction de l’identité ukrainienne, simulacre d’élections, propagande, transfert de la population, crise humanitaire, chômage, mobilisation forcée pour grossir les rangs des troupes russes, répression accrue… Moscou utilise tous les moyens pour tenter de légaliser son pouvoir dans ces régions, organiser l’effort de guerre et préparer le terrain avant le scrutin présidentiel russe, en mars.

 

En juillet 2023, la création d’un "conseil pour l’intégration des nouvelles régions" a ainsi été annoncée pour harmoniser le processus. La russification avance à marche forcée dans tous les domaines. A l’école, de nouveaux livres d’histoire présentant l’invasion dans sa version russe et niant l’existence de l’Etat ukrainien ont ainsi remplacé les anciens manuels. En parallèle, les lieux de mémoire dédiés aux victimes de la répression sous l’Union soviétique et de l’Holodomor (la famine provoquée au début des années 1930 en Ukraine par les autorités soviétiques) sont systématiquement détruits. Sur le plan judiciaire, 410 tribunaux ont vu le jour dans les territoires annexés en 2022.

 

L’accès à l’information indépendante est particulièrement difficile. Une partie de la population parvient à s’informer en utilisant des VPN, mais suivre des chaînes ukrainiennes est risqué en cas de contrôle des téléphones. Le Kremlin mène une intense campagne de propagande en remplaçant les médias locaux par les siens. En 2014, les Ukrainiens avaient déjà perdu 678 fréquences de diffusion avec la prise de contrôle de la Crimée et le début de la guerre dans le Donbass. Depuis 2022, 200 fréquences supplémentaires sont utilisées par la Russie sur l’ensemble des territoires occupés.

 

Les citoyens sont soumis à des pressions constantes pour les obliger à prendre un passeport russe.  "Sans ce document, explique Ivan Fedorov, vous ne pouvez pas avoir accès à l’aide médicale, ni conduire, travailler en entreprise, avoir une connexion Internet, ou même un contrat d’électricité. Vous pouvez aussi être arrêté. Pour chaque étape de la vie quotidienne, vous avez besoin d’un passeport russe, y compris pour aller à l’hôpital. Donc ou vous le prenez, ou vous mourez."

 

Pour autant, des dizaines de milliers d’Ukrainiens refusent de le prendre. "Selon la Russie, quatre des cinq territoires occupés ont échoué à atteindre le taux de “passeportisation” à 50 %, affirme le rapport du Centre national de la résistance de l’Ukraine. La seule exception concerne la Crimée", annexée en 2014, et où tous les habitants en sont désormais dotés.

 

Hostilité persistante envers les occupants

 

Ce refus est révélateur de l’hostilité persistante d’une grande partie de la population envers les occupants. Malgré les risques de kidnapping, de torture et de meurtre, la résistance continue. Les mouvements locaux de partisans comme le "mouvement Melitopol", "l’armée des partisans de Berdiansk" ou encore SROK ("mort aux occupants russes et aux collaborateurs") fournissent ainsi de précieux renseignements aux forces ukrainiennes.

 

Les partisans ont tous les âges, tous les profils. Rien qu’à Melitopol, "ils sont plusieurs centaines à être en contact avec nos services secrets", affirme Ivan Fedorov. Le maire refuse d’en dire plus. "Cela pourrait aider la Russie. Le plus important, ajoute-t-il, c’est de montrer que les occupants ne sont pas les bienvenus. Ça l’est encore plus maintenant, au moment où Moscou croit maîtriser totalement les territoires occupés." A défaut de réussir à reconquérir des territoires, Kiev entend montrer que la résistance est loin d’avoir disparu.

 

La coordination entre les forces spéciales et ces mouvements de résistance locaux porte ses fruits.  "Les drones qui volent à travers les fenêtres des bureaux que les forces occupantes utilisent pour leurs briefings militaires, ainsi que les dépôts d’armes détruits [en] sont le résultat", a assuré Andri Ioussov, porte-parole du renseignement militaire ukrainien, lors d’une conférence de presse, mercredi, à Kiev. L’intensification des attaques ukrainiennes devrait continuer en 2024, "notamment en Crimée". 

 

C’est cette résistance, tenace, que Moscou cherche à briser par tous les moyens. "Quand les Russes ont envahi Melitopol, ils ont été très surpris, se souvient Ivan Fedorov. Ils se sont heurtés à l’hostilité de la population, alors qu’ils pensaient prendre le pouvoir dans le calme et être accueillis à bras ouverts. Cela a tout changé. Ils se sont mis en colère."

 

La répression, implacable, se poursuit aujourd’hui encore contre les Ukrainiens critiquant la politique du Kremlin ou suspectés de "déloyauté" envers l’occupant. Les contenus publiés sur les réseaux sociaux sont surveillés, et les actes de dénonciation encouragés. Les services de sécurité russes mènent régulièrement des "opérations spéciales préventives" à des checkpoints, ou visitent directement des appartements, selon le rapport.

 

Déportations

 

Changer la composition démographique des territoires occupés fait aussi partie de la stratégie russe pour casser la résistance. En 2023, Moscou a ainsi continué à déporter massivement des Ukrainiens vers la Russie. En décembre 2022, au moins 2,8 millions de personnes l’avaient déjà été, selon le commissaire aux droits humains ukrainien, Dmytro Lubinets (*). Des transferts forcés parfois "facilités par la crise humanitaire et le fort taux de chômage" qui frappent les territoires. Le salaire moyen oscille désormais entre 16.000 roubles (167 euros) et 20.000 roubles, selon les sites de recherche d’emploi locaux (Moscou ne fournit pas de statistique officielle), alors que le salaire moyen en Ukraine avant l’invasion était de 17.452 hryvnias (588 euros).

 

Parallèlement aux déportations, Moscou a amené dans les territoires occupés des citoyens de Russie, de Biélorussie et d’Asie centrale. "L’objectif est de remplacer de force la population ukrainienne par une autre, qui sera loyale à l’administration des occupants", analyse le document.

 

Moscou mène une campagne de communication attractive pour attirer les entreprises et les citoyens russes. Un projet de "zone économique libre" a été lancé dès juin 2023 sur l’ensemble des territoires occupés afin de booster les investissements russes et étrangers. Des primes et des salaires importants sont promis aux volontaires russes, souvent issus de "territoires pauvres et délaissés" en Russie, selon un représentant du Centre national de la résistance présent à la conférence de presse et s’exprimant sous couvert d’anonymat, le visage masqué.

 

Alors que le conflit s’enlise, le plus grand défi pour l’année à venir consiste avant tout à "rester fort et confiant, souligne Ivan Fedorov. C’est pour cela que le soutien international est crucial." Le pire, aux yeux du maire de Melitopol, serait que la communauté internationale oblige les Ukrainiens à conclure un mauvais accord de paix qui les obligerait à entériner un conflit gelé. Et à abandonner à leur sort les habitants des territoires occupés."

(*) Selon un décompte officiel ukrainien et recoupé par l'ONU, plus de 150.000 enfants ukrainiens ont été déportés en Russie. 

 

Faustine Vincent et  Thomas d’Istria (Kiev, correspondants). "Le Monde", 18 janvier 2024. 

 

 

 

                         "7 sur 7" sur TF1, 11 décembre 1994, Jacques Delors renonce à l'élection présidentielle.

                         Il incarne le projet d'une Europe forte dans un monde où les faibles n'ont pas leur place.   

 

  Jacques Delors: un modéré et un Européen existentiel ! 

 

Jacques Delors s'est éteint mercredi 27 décembre 2023 à l'âge de 98 ans. Retiré depuis plusieurs années, restera-t-il dans l'histoire politique française comme l'homme qui, en 1995, a fait manquer à la gauche la conquête de l'Élysée ? Aujourd'hui encore, nous nous posons la question. Face à la guerre fratricide opposant à droite, Édouard Balladur et Jacques Chirac, les sondages lui prédisaient une victoire facile. Les socialistes, de plus ou moins bon gré, l'attendaient. Le candidat virtuel laissait planer l'incertitude quant à ses intentions. Avant de venir annoncer sur TF1, interrogé par Anne Sinclair pour "7 sur 7", le 11 décembre 1994, que sa décision était négative. Il avait 69 ans (1).

 

On s'interrogera à l'infini sur ce qu'aurait pu devenir la France sous la présidence de Jacques Delors. On le savait profondément chrétien, vivant sa foi au quotidien, sans ostentation. On le savait disciple d'Emmanuel Mounier, le théoricien "du « personnalisme communautaire", visant à placer l'Homme au cœur de tout dessein politique. On le savait modeste dans ses goûts et sa manière de vivre, travailleur acharné, aimant le pouvoir non pour ses vanités, mais pour les moyens qu'il procure de faire avancer la cause. On le savait non sectaire, dans un milieu socialiste où les idées carrées prennent trop souvent valeur de dogme. En face, ses adversaires idéologiques de gauche ne l'ont pas épargné.

 

À trois reprises, il s'était retrouvé en position de décideur politique : d'abord, comme conseiller de Jacques Chaban-Delmas, premier ministre de Georges Pompidou ; ensuite, comme ministre des Finances de Pierre Mauroy, premier ministre de François Mitterrand ; enfin, comme président de la Commission européenne. Délibérément, en 1994, il a choisi, par malheur pour les uns et par chance pour les autres, de ne pas aller plus loin dans l'action concrète, revenant à l'étude et à la réflexion au service d'une grande idée, la construction européenne.

 

Au départ, il y a un long parcours militant. Né en 1925 dans une famille catholique, lycéen sous l'Occupation et membre de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), Jacques Delors s'imprègne de la pensée de Mounier, cofondateur, en 1932, de la revue Esprit et auteur, en 1936, du Manifeste au service du personnalisme. Entré en 1944 à la Banque de France dans le sillage de son père, le modeste encaisseur Louis Delors, il y restera jusqu'en 1962, s'étant hissé échelon par échelon jusqu'au cabinet d'un directeur général.

 

Dès 1945, il adhère au Mouvement républicain populaire (MRP), parti issu de la Libération, où se retrouvent les adeptes de la démocratie chrétienne. Il le quitte rapidement. En 1950, il s'investit dans l'action syndicale en adhérant à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), dont la scission donnera plus tard naissance à la Confédération française des travailleurs (CFDT). Pour lui, ce syndicat réformiste et modéré - contrairement à la CGT communiste et FO, qui aime tant brouiller les pistes - représentera toujours l'incarnation de sa conception du dialogue social et l'interlocuteur privilégié du politique. Une leçon de pragmatisme qui aurait dû sans doute inspirer le président Emmanuel Macron pendant la crise des retraites. Que n'a-t-il snobé la CFDT ! 

 

En 1953, Jacques Delors adhère au mouvement catholique de gauche La Vie nouvelle, et collabore, sous le pseudonyme de Roger Jacques, aux cahiers Reconstruction publiés par la CFTC. En 1960, il participe avec Michel Rocard à la fondation du Parti socialiste unifié (PSU), qu'il quittera après avoir mesuré l'inanité des coupeurs de cheveux en quatre du socialisme utopique. Mieux vaut tenter, selon lui, d'améliorer les choses par quelques mesures concrètes. Emmanuel Mounier l'a écrit : "Un rocher bien placé peut corriger le cours d'un fleuve."

 

Jacques Delors continue cependant de humer le vent de gauche. À La Vie nouvelle, il a créé le club Citoyens 60. Il fréquente le Club Jean Moulin où se retrouvent hauts fonctionnaires, économistes, intellectuels et décideurs en quête de changement. En 1963, il rejette la main tendue de Michel Rocard qui veut marier Citoyens 60 avec le PSU, mais rejoint, en 1965, l'équipe de campagne de François Mitterrand, candidat à la présidence de la République contre le général de Gaulle. Pour autant, il refuse de s'intégrer dans la Fédération de la gauche, véritable creuset du futur Parti socialiste.

 

Ayant senti venir, au Commissariat général au Plan pour s'y occuper des affaires sociales, des "événements très graves", il s'abstient, en mai 1968, d'emboîter le pas de François Mitterrand et de Pierre Mendès France, qui croient, à tort, le moment venu pour abattre la république gaullienne.

 

Constamment attiré par la politique, seul moyen selon lui de faire bouger les choses, Jacques Delors se montrera toujours soucieux de préserver sa part de liberté et de ne pas se laisser embrigader. Une attitude qui lui vaudra de solides amitiés, mais de non moins solides inimitiés parmi ceux qui ne voient point de salut hors d'un appareil partisan. Il a toujours eu horreur des apparatchiks. 

 

En 1969, voilà enfin que va s'offrir pour lui l'occasion d'être le rocher bien placé. Georges Pompidou, qui a remplacé de Gaulle à l'Élysée, fait appel à Jacques Chaban-Delmas pour diriger le gouvernement. Gaulliste irréprochable, le maire de Bordeaux veut parer le gaullisme d'un habit neuf. Jacques Delors, à l'époque, est devenu le secrétaire général du comité interministériel de la formation professionnelle. Germe dans les cercles gaullistes réformateurs l'idée d'une nouvelle impulsion. 

 

Au Club Jean Moulin, il s'est lié d'amitié avec François Bloch-Lainé, directeur de la Caisse des dépôts et consignations. Celui-ci conseille à Chaban de l'appeler auprès de lui à l'hôtel Matignon, en même temps que l'inspecteur des Finances Simon Nora, ancien membre du cabinet de Pierre Mendès France en 1954 et, lui aussi, membre du Club Jean Moulin. Jacques Delors accepte de tenter l'expérience, tout en refusant de rejoindre l'UDR, le parti gaulliste de l'époque.

 

Nouvelle société

 

À l'intention du nouveau premier ministre, il rédige une note d'une dizaine de feuillets, esquisse de ce que doit être, selon lui, un projet de "nouvelle société". Reprise par Chaban dans son discours d'investiture à l'Assemblée nationale, la formule fera mouche. Et désormais installé à Matignon, Jacques Delors aura notamment la satisfaction de voir adopter quelques-unes de ses idées-forces, telles que les contrats de progrès au sein des entreprises et le droit à la formation permanente pour les salariés.

 

L'expérience s'achève le 5 juillet 1972 avec le renvoi de Jacques Chaban-Delmas que deux des conseillers les plus proches de Georges Pompidou, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, tiennent pour une sorte de gauchiste à croix de Lorraine. Jacques Delors va se retrouver bien seul, alors qu'à gauche, depuis le congrès d'Épinay de 1971, le train socialiste s'est remis à rouler avec François Mitterrand aux commandes. PS, PC et MRG viennent de sceller leur alliance avec un "Programme commun" de gouvernement.

 

Il se retrouve professeur et responsable d'un centre de recherches à l'Université Paris-Dauphine. Politiquement, il crée un nouveau club de réflexion, Échanges et Projets. En 1973, il entre au conseil de la Banque de France. C'est flatteur, mais un peu maigre pour un homme qui, pendant trois ans, s'est efforcé de réformer la société. Il lui faut donc repartir de zéro, ou presque.

 

Il le fait par la petite porte, le 2 novembre 1974, en adhérant, non sans difficultés, à la section socialiste du XIIe arrondissement de Paris contrôlée par le Ceres (l'aile gauche du PS), qui lui pardonne difficilement son passage au cabinet de Chaban-Delmas. Malgré la sympathie que lui porte François Mitterrand, qui a pesé en faveur de son adhésion, il lui faut attendre deux ans avant d'obtenir un poste de responsabilité au sein du parti, comme délégué national pour les relations économiques internationales.

 

Certes, il ne s'est pas fait oublier, publiant au début de 1975, chez Stock, un livre de conversations avec le journaliste Claude Glayman : Changer. Mais le combat électoral le rebute. Il renonce, malgré le souhait de François Mitterrand, à se présenter à Créteil, où les socialistes se dévorent entre eux, pour les élections municipales de 1977. Il renonce aussi à se présenter à Roanne, de même qu'il refuse de briguer un siège en Corrèze, son département d'origine, aux législatives de 1978. D'où l'éternelle question qui hantera toujours l'aura de Jacques Delors: a-t-il peur des électeurs ? 

 

Homme de terrain, le premier secrétaire du PS pourrait lui tenir rigueur de ces dérobades successives. Mais, côtoyant quotidiennement Jacques Delors place du Palais Bourbon, où le parti siège à l'époque, il a pu mesurer sa vigueur intellectuelle et son efficacité. Sa loyauté aussi, quand, au lendemain des législatives perdues par la gauche, et alors que Michel Rocard vient de prendre publiquement ses distances avec la stratégie mitterrandienne, Jacques Delors se précipite pour l'assurer de son "entière fidélité ". Celle-ci se confirmera au congrès socialiste de Metz, en 1979, face à l'offensive conduite par Michel Rocard contre la direction du parti. Et lui vaudra de siéger (enfin) au Comité directeur, tout en se faisant élire au Parlement européen sur la liste socialiste.

 

L'homme du bon sens

 

Deux ans plus tard, François Mitterrand ayant réussi (enfin) à forcer les portes de l'Élysée, c'est au gouvernement que se retrouve Jacques Delors. Il se voyait en secrétaire général de la présidence de la République ou au ministère du Plan. Il se retrouve aux Finances, ayant obtenu que le ministère du Budget (Laurent Fabius) lui soit directement rattaché. Il va y étayer sa popularité en apparaissant aux yeux mêmes des adversaires du nouveau pouvoir, dans l'euphorie socialisante de l'époque, comme l'homme du bon sens et du réalisme, éloigné des chimères. Dès sa prise de fonction, il prévient : "Ce n'est pas à la cueillette des cerises que j'invite les Français." Il dira aussi : "Je suis à la cuisine pour passer les plats et éviter qu'ils ne soient brûlés." Toute l'approche lucide du tournant de 1984 est là.

 

Un test : les nationalisations. Le gouvernement de Pierre Mauroy, où les idéologues, par conviction ou par opportunisme, font la loi, décide qu'elles se feront à 100 %, tout de suite. Mais les milieux informés savent que Jacques Delors préconisait une prise de contrôle progressive des entreprises concernées, par augmentation de capital à hauteur maximale de 51 %. Deuxième test : une première dévaluation, en octobre 1981. Elle arrime le franc au Système Monétaire Européen, inventé par Valéry Giscard d'Estaing. Mais le ministre des Finances ne fait guère mystère du prix à payer : resserrement des dépenses publiques, augmentation des cotisations pour financer le déficit de la Sécurité sociale, modération des prix et des salaires, contrôle de la masse monétaire. "Ma hantise aujourd'hui, c'est que les Français s'endorment à l'abri de l'État ", déclare-t-il. Genre de sortie pas très populaire à gauche. 

 

De solides adversaires 

 

Dès le mois suivant, il plaide en faveur d'une "pause" dans l'annonce des réformes. Le propos agace Pierre Mauroy. Mais une deuxième dévaluation, en juin 1982, entraînant le blocage des salaires et des prix, agit comme un électrochoc. L'heure est désormais à la rigueur et à l'austérité. Malgré tout, il faut à nouveau dévaluer en mars 1983. Au PS, plusieurs ténors poussent des hauts cris et demandent que la France se libère des contraintes internationales qui empêchent les projets socialistes de s'épanouir. François Mitterrand hésite. Puis se rend aux arguments de son ministre des Finances, suivi finalement par Pierre Mauroy, et décide de maintenir le franc dans le SME, ce qui implique la continuation de la politique de rigueur.

 

Par la fermeté de son comportement, Jacques Delors s'est fait de solides adversaires au sein même de son camp. Ainsi, Jean-Pierre Chevènement, pour ne citer que lui, l'accuse de "rivaliser d'orthodoxie" avec la droite. En revanche, sa stature internationale grandit. Aux yeux de ses partenaires européens, il est l'homme qui a su éviter à son pays d'entrer dans l'aventure du repli, réduit son taux d'inflation et son déficit commercial, rétabli la confiance dans le franc, tout en respectant les engagements internationaux de la France.

 

Majorité rose vif

 

Certes, il a dû avaler des couleuvres, comme il en avait déjà avalé au cabinet de Jacques Chaban-Delmas. Celui-ci, à l'époque, devait composer avec une écrasante majorité conservatrice, surgie de la grande peur de Mai 68. Jacques Delors, lui, doit s'accommoder d'une écrasante majorité rose vif et de la présence de quatre ministres communistes au gouvernement. Et de même qu'à différentes reprises, il avait présenté sa démission à Chaban, il l'offrira plusieurs fois à Pierre Mauroy, qui refusera.

 

Ultime déception, quand celui-ci quitte l'hôtel Matignon en juillet 1984, Jacques Delors, qui a déjà cru pouvoir devenir premier ministre au printemps 1983, s'entend dire par le chef de l'État : "Vous auriez été un bon choix pour Matignon, mais vous n'êtes pas assez à gauche et vous ne passez pas bien au PS." ... François Mitterrand fait appel à Laurent Fabius, "le plus jeune premier ministre de la Vème République". En 1981, Jacques Delors avait obtenu qu'il soit sous sa tutelle. Cela, ajouté à son caractère plutôt ombrageux, rend toute cohabitation impossible.

 

Un souffle nouveau pour l'Europe 

 

Il est vrai que la voie dans laquelle le pousse le chef de l'État est une voie royale, même si l'intéressé la considère a priori comme une voie de garage. En cet été 1984, la présidence de la Commission européenne est renouvelable. Pour succéder au Luxembourgeois Gaston Thorn, on évoque le ministre des Relations extérieures,  Claude Cheysson. Le premier ministre britannique, Margaret Thatcher, n'en veut pas. François Mitterrand propose alors Jacques Delors qui, touchant les dividendes de son action sur la scène européenne, est accepté sans difficulté. 

 

L'ancien ministre des Finances entre en fonction à Bruxelles en janvier 1985. Il va occuper son bureau du célèbre immeuble Berlaymont pendant dix années consécutives, seul président de la Commission européenne, dont le mandat a été renouvelé au-delà de quatre ans sans qu'il ait même sollicité ce renouvellement. Autant dire que la construction européenne, pendant ces dix années, va être profondément marquée de son empreinte. Jacques Delors, dans la riche et difficile histoire de la construction européenne, incarnera plus que tout autre l'esprit, le corps et le souffle de l'Europe.  

 

Naissance de l'Union européenne

 

Sa grande œuvre, ce sera le marché unique. Il en lance l'idée dès le 14 janvier 1985, devant les parlementaires européens réunis à Strasbourg. Il fixe le calendrier : la fin de 1992. De fait, le 1er janvier 1993, le marché unique devient réalité. Entre-temps, en février 1988, le sommet de Bruxelles a adopté, non sans d'âpres discussions au sein de la Commission, ce qui a été baptisé le "paquet Delors": un ensemble de mesures traçant les contours économiques de l'Europe pour les cinq années à venir avec, en particulier, une sorte de plan Marshall pour les régions les plus défavorisées.

 

Le traité de Maastricht sur la monnaie unique est signé le 7 février 1992 par les douze membres alors du marché commun (2). Il donne (enfin) à l'Europe sa dimension politique et monétaire, outil de gestion géo-stratégique par excellence. Jacques Delors n'en est pas l'unique initiateur - Helmut Kohl et François Mitterrand ont joué un rôle majeur dans le processus d'adoption - Le président d'alors de la Commission européenne restera dans l'histoire comme le moteur principal du traité. Le texte correspond à ses convictions profondes quant à l'édification "d'une fédération des Etats-nations". 

 

En France particulièrement, comme toujours, le traité soulève des débats passionnés quant à "l'abandon de souveraineté" que le traité implique aux yeux des eurosceptiques. Il est finalement approuvé le 20 septembre 1992 par une courte majorité des votants, 51,04% contre 48,96%, après avoir été adopté dans l'ensemble des pays membres de la communauté européenne.

 

Incontestablement, il s'agit d'une grande victoire pour les Européens convaincus. L'euro prend la place des monnaies nationales et s'impose rapidement dans le monde comme une contre-balance à la toute puissance du dollar. Il va changer la face de ce qui devient l'Union européenne, en protégeant durablement le pouvoir d'achat des citoyens. Sans l'euro, nombre d'économies nationales auraient tôt fait de sombrer face aux attaques internationales des milieux financiers. 

 

En janvier 1995, Jacques Delors quitte Bruxelles avec la satisfaction d'avoir rempli sa mission. Il s'en va aussi avec le regret de constater, malgré les progrès engrangés, combien l'Europe reste un nain politique face aux hyper-puissances américaine et chinoise. Pour lui, il reste un long chemin à parcourir. Depuis sa retraite, il va s'y employer dans la mesure de ses moyens, avec la fondation Notre Europe, récemment créée, tout en présidant le Conseil de l'emploi des revenus et de la cohésion sociale et en animant son club Témoin, fondé en 1992 ainsi qu'en préparant ses Mémoires.

 

Délibérément, il abandonne le terrain de la politique active. Un terrain sur lequel s'est investie sa fille, Martine Aubry, devenue maire de Lille, en remplacement de Pierre Mauroy, après avoir été ministre de l'Emploi et de la Solidarité de Lionel Jospin (1997-2000), et architecte, avec Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Economie et des Finances dans le même gouvernement -  on ne le dit pas assez - de la loi controversée des 35 heures; progrès social pour les uns, handicap de compétitivité pour les autres.

 

Une Europe puissance et souveraine

 

Les Européens viennent de perdre un grand homme, un modéré par tempérament et conviction, un visionnaire quant à la place de l'Europe dans un monde où les rapports de force font la loi. L'Union européenne sans Jacques Delors serait marginalisée par des puissances et des hyper-puissances qui ne nous veulent pas que du bien. L'Européen existentiel qu'il fut aurait voulu qu'elle s'impose davantage. Il savait que sa construction, un des plus beaux projets commun de l'histoire de l'humanité, est un processus difficile au long cours, toujours soumis, comme dans toute démocratie, à débats et compromis, mais d'une impérieuse nécessité pour des peuples qui se sont faits trop souvent la guerre. Celle-ci est revenue, à nos portes, en Ukraine, avec l'agression de la Russie. Il lui faut faire un grand pas de plus vers l'intégration: affirmer une puissance politique, économique et militaire souveraine.  

 

(1) A l'époque, nous avons regardé l'émission phare d'Anne Sinclair sur TF1. Et voici ce que nous avons voulu écrire sur la deuxième page de l'essai, "L'unité d'un homme", que Jacques Delors avait publié en novembre 1994:

"Dimanche 11 décembre 1994, 19 h 45. Jacques Delors annonce qu'il ne sera pas candidat à l'élection présidentielle française. Choix respectable mais combien regrettable ; car qui sait ce qui attend la France: Chirac, Balladur  ou la mort des idées, le glacis égoïste ? Je suis triste pour l'espoir et les justes." Des mots pour signifier notre attachement au réformisme d'une social-démocratie emprunte de réalisme, de modération et de courage pour avancer vers une société apaisée.  

(2) Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni. 

                                                                                  Le 30 décembre 2023. 

 

 

                                     Viktor Orban,

  un marchand de tapis hongrois aux ordres de Moscou !

 

                                          Capture d'écran/Viktor Orban entend profiter de la manne européenne,

                                                              tout en tournant le dos aux valeurs de l'Europe. 

         

  L'UE ouvre les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie !

   La Hongrie bloque la libération des 50 milliards d'euros à l'Ukraine !   

 

Pour parvenir à un vote juridiquement valable, les membres de l'Union européenne ont recouru à un tour de passe passe. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, est sorti de la salle du Conseil européen au moment du vote, évitant de mettre son veto à la décision soutenue par les 26 autres chefs d’Etat et de gouvernement européens. Il a en revanche bloqué l’adoption d’un soutien financier à Kiev de 50 milliards d’euros d’ici à 2027. Cela n'empêche pas le milliard 500 millions d'euros versé chaque mois à l'Ukraine jusque fin 2024, suite à une décision lors d'un précédent Conseil européen.

 

Par son attitude déloyale et misérable, la Hongrie d'Orban restera dans les livres d'histoire comme la nation qui aime vivre de la solidarité européenne, mais qui la refuse à un partenaire victime d'une intolérable invasion impérialiste et qui aspire à rejoindre la civilisation des démocraties. 

 

Cette enveloppe sera largement insuffisante pour tenir face au rouleau compresseur russe, surtout si les Etats-Unis ne libèrent pas les 61 milliards de dollars promis à Kiev. L'Ukraine peut être symboliquement satisfaite du vote bruxellois, mais concrètement, loin d'une contre-attaque sur le front, dont chacun attendait beaucoup, si son armée peut contenir l'agresseur quelques mois encore, ce sera un moindre mal. Quoi qu'il en soit, les soldats ukrainiens vont continuer à mourir en nombre.   

 

L'enjeu était malgré tout de taille pour Volodymyr Zelensky, qui a immédiatement réagi : "C’est une victoire pour l’Ukraine. Une victoire pour toute l’Europe. Une victoire qui motive, inspire et renforce." Sur fond de conflit meurtrier entre Israël et le Hamas, qui détourne objectivement une partie de l'aide militaire américaine en faveur de son allié israélien, le président ukrainien redoutait un revers supplémentaire à Bruxelles, dont Vladimir Poutine n’aurait pas manqué de tirer parti et profit. 

 

Les Européens sont convenus d’une approche en deux temps, comme le recommandait la Commission : un signal politique fort lors de ce Conseil, suivi d’une confirmation, à l’unanimité, quand Kiev aura rempli une série de conditions (lutte contre la corruption, protection des minorités, loi sur le lobbying…). "Au moins soixante-dix décisions devront être prises à l’unanimité" dans le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, a prévenu jeudi soir Balazs Orban, le conseiller politique du premier ministre hongrois. "La Hongrie ne changera pas sa position", a assuré Viktor Orban, toujours à l'écoute de la voix de son maître du Kremlin. Il n'a pas caché laissant que les prochaines étapes du processus d'adhésion connaîtront des discussions houleuses et de nouveaux marchandages. 

 

"Quand on prend part à une décision, on se tait", lui a répondu Alexander De Croo, le premier ministre belge, qui considère de fait que l’abstention de Viktor Orban vaut soutien, puisqu’il ne s’agit pas d’un veto en bonne et due forme. "L’Ukraine est un pays qui veut respecter les valeurs démocratiques. C’est peut-être une leçon pour Orban lui-même, a-t-il poursuivi. Nous ne sommes pas dans un bazar hongrois où nous pouvons échanger une chose contre une autre." ...

 

Les 26 ont finalement trouvé un terrain d’entente – la Suède doit encore consulter son Parlement –, mais ils se sont une nouvelle fois heurtés à Viktor Orban, qui n’a rien voulu entendre sur les 50 milliards. Le premier ministre hongrois a une nouvelle fois demandé le débloquage d’une vingtaine de milliards d’euros de fonds européens encore immobilisés en raison de ses manquements à l’Etat de droit. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont séparés un peu avant 2 h 30 cette nuit sur un constat de désaccord. Cette fois, le marchand de tapis hongrois n’a pas cédé.

 

"L’Ukraine peut compter sur notre soutien", a néanmoins affirmé Charles Michel, le président du Conseil européen. Il a annoncé un Conseil extraordinaire en "début d’année prochaine" et évoqué des plans alternatifs pour "tenir nos promesses à l’Ukraine", si Viktor Orban devait persister dans son veto. Notamment une enveloppe financée à vingt-six pour 2024.

 

Sur le soutien militaire à Kiev, les 27 ne sont pas non plus parvenus à s’entendre pour financer ensemble, à hauteur de 20 milliards d’euros, des transferts d’armes à l’Ukraine d’ici à 2027. La Hongrie, encore elle, s’y oppose. Mais aussi l’Allemagne, qui souhaite désormais privilégier l’aide bilatérale à Kiev. Ou comment Berlin privilégie le cavalier seul au jeu collectif, plus contraignant.

                                                                    Le 15 décembre 2023. 

 

   Le nouveau premier ministre polonais, Donald Tusk, exhorte les Occidentaux "à ne pas laisser tomber l'Ukraine". 

 

           Celui qui ne comprend pas l'enjeu ukrainien

                       ne comprend pas l'Histoire !

 

Il ne fait aucun doute que l'Ukraine sort fragilisée par les derniers mois. Sa contre-offensive contre l'agresseur russe patine et se voit gelée à la fois par l'hiver et la conjonction de facteurs inquiétants. Son armée est épuisée par près de deux années de combats acharnés. Elle doit faire face à un ennemi surnuméraire, dont la vie des soldats ne compte guère aux yeux du dictateur Poutine et de ses sbires. Ils peuvent se permettre la perte de centaines de milliers d'hommes venus des steppes lointaines. Les familles pauvres y sont achetées à coups d'enveloppes sonnantes et trébuchantes. Elles se taisent devant le retour solennel des cercueils et vont jusqu'à remercier le Kremlin de tant de sollicitude. Bienvenue dans "la grande patrie" ! A Kiev, l'inquiétude est immense et on la comprend.

 

Il semble que les alliés occidentaux de l'Ukraine se fatiguent aussi. A qui la faute si nous en sommes-là, si nous sommes las ? Les Etats-Unis, premier donateur militaire, l'Union européenne, premier donateur humanitaire, et les pays européens ont beaucoup trop tardé avant de décider de livrer à l'Ukraine de quoi se défendre, puis d'attaquer. Rappelons-nous qu'au début de la guerre l'Allemagne avait décidé de fournir à Kiev des ... gilets pare-balles et des casques. Il aura fallu un temps fou avant que ces Etats n'acceptent de livrer des batteries anti-aériennes, indispensables à la défense des nombreuses villes ukrainiennes, des munitions et des obus en très grandes quantités, qui commencent à manquer cruellement, des missiles à longue portée, afin de neutraliser les centres opérationnels et plateformes de tirs russes, des chars lourds, mis à disposition in fine, mais en trop petit nombre, et enfin, des avions modernes de combat, qui ne sont toujours pas sur le champ de bataille. Les F16, avion performant mais technologiquement dépassé par le F35 américain, le Rafale français ou le Tornados européen. Trop tard et trop peu sera peut-être le commentaire des historiens du futur. 

 

A Washington, malgré les efforts intensifs du président Biden, les conservateurs du parti républicain de la Chambre des députés bloquent depuis plusieurs semaines un projet de loi de finances de 61 milliards de dollars d'aide militaire à l'Ukraine, en même temps d'ailleurs que 50 milliards de dollars pour soutenir Israël dans sa guerre contre le Hamas. Le président Volodymyr Zelensky est d'ailleurs ce jour dans la capitale américaine pour tenter de les convaincre de ne pas encourager la Russie à profiter du flottement militaire et politique actuel pour marquer des points qui pourraient être décisifs. La droite américaine reproche au président démocrate de ne pas protéger les populations qui vivent à la frontière mexicaine. Elle exige l'achèvement du mur de séparation que Donald Trump avait commencé à faire construire. Un chantage cynique qui met en danger l'Ukraine et qui fait le jeu russe. 

 

Bruxelles, du 13 au 15 décembre, les 27 se retrouveront en Sommet pour décider ou non d'ouvrir les négociations d'adhésion avec l'Ukraine et la Moldavie. La Hongrie et la Slovaquie des premiers ministres nationalistes pro-russes, Viktor Orban et Robert Fico, malgré des pourparlers et pressions diverses en coulisses, jusqu'à présent, s'opposent à l'idée même de voir Kiev et Chisinau rejoindre l'Union européenne. Les pays de l'Union européenne devront adopter également une nouvelle aide de 50 milliards d'euros à l'Ukraine. Les mêmes deux populistes russophiles se cabrent sur cette nouvelle et indispensable enveloppe. C'est pourtant une question existentielle pour le peuple ukrainien.  

 

Il est communément admis que "la Russie ne peut l'emporter", tant une victoire, voire un écrasement de l'Ukraine - l'état moral et physique des soldats russes est pitoyable - constituerait pour toute l'Europe un désastre. Il ne fait aucun doute que Poutine, déjà encouragé en 2014 par la passivité des Occidentaux face à l'annexion de la Crimée et l'occupation du Donbass, ne s'arrêtera pas en si bon chemin. On peut craindre également pour la Géorgie, la Moldavie, les pays baltes, Lettonie en tête. La minorité russophone y serait "persécutée", selon Moscou, prétexte classique tout trouvé pour justifier a priori une intervention. Poutine a de qui tenir, héritier idéologique sanguinaire de Staline et Béria.  

 

Mais les capitales occidentales ont beaucoup plus de mal à dire qu'il faut que l'Ukraine gagne. Pourquoi ? C'est simple, les diplomaties américaine et européennes semblent chercher une introuvable et "honorable" porte de sortie, qui verrait Kiev abandonner à l'ennemi la Crimée et les quatre oblasts de Kherson, Zaporijia, Donetsk et Louhansk. Si Churchill et Roosevelt avait raisonné de la sorte, le continent européen tout entier aurait versé nazi.

 

Comment encore comprendre que les deux années de conflit n'ont pas été mises à profit pour transformer nos économies, du moins en partie, en économie de guerre ? Les Etats-Unis comme les Etats de l'Union sont en incapacité matérielle de produire suffisamment de munitions et d'obus pour permettre à l'Ukraine jusqu'en 2025 face à l'ogre russe. 2024 est déjà considérée par beaucoup d'experts comme une année perdue pour l'Ukraine, qui verra cependant le 17 mars prochain la réélection du président despote, au pouvoir depuis ... le 7 mais 2000. 

 

Chacun peut tout de même comprendre que le peuple ukrainien, qui se bat pour les valeurs démocratiques de l'Europe et qui résiste depuis bientôt deux ans à la broyeuse de guerre impérialiste, malgré les tueries, les tortures, les bombardements et les déportations massives d'enfants, n'acceptera jamais une telle reddition. Les souffrances endurées par les civils et les soldats ukrainiens ainsi que les centaines de milliers de morts et blessés ne peuvent se soldés par la disparition de tout ou partie de leur patrie. La France abandonnerait-elle aujourd'hui l'Alsace et la Lorraine à une Allemagne revancharde ? Cas de figure certes absurde, mais dont l'issue ne ferait aucun doute. 

 

C'est pour cela que nous, peuples des démocraties libérales, ne pouvons non plus nous résoudre à voir le prédateur russe parvenir aux portes de la Pologne et réduire la nation ukrainienne à une nouvelle annexe impériale. Car nous sommes ici persuadés que si nous ne réagissons pas maintenant et de manière intensive, en terme de soutien militaire massif à l'Ukraine, demain, après-demain, c'est l'Alliance atlantique, ce sont ses désormais 32 membres, qui devront intervenir pour renvoyer l'armée russe dans ses foyers. Celle et celui qui ne comprend cet enjeu systémique ne comprend pas l'Histoire.

                                                                  Le 12 décembre 2023.  

                 

                   La contre-offensive ukrainienne

               est une somme d'actions complexes !

 

 

Après l'explosion du barrage de Kakhovka et d'autres destructions d'ouvrages hydrauliques sur le Dniepr par les Russes, dont la responsabilité ne fait plus aucun doute, une autre certitude s'impose: la contre-offensive ukrainienne a débuté officiellement le 06 juin dernier, date combien symbolique dans l'histoire de l'Europe. Elle se caractérise par une multitude d'actions complexes, sur terre, en mer et dans les airs, même si l'absence d'avions de combat F-16 se fait cruellement sentir.

 

Le silence est d'or et sur le front la parole peut être mortelle. Ceci explique les nombreuses photos diffusées par les autorités ukrainiennes de soldats le doigt sur la bouche. Le mot d'ordre est de ne rien dire des plans arrêtés pour casser l'armée russe. Pendant qu'un Evgueni Prigojine hurle et blablate à longueur de diatribes et d'insultes à l'égard du ministère russe de la Défense, Kyrylo Boudanov, le directeur du renseignement militaire ukrainien, diffuse une vidéo où il fixe l'objectif longuement dans un mutisme absolu. Le message est clair, efficace, une pointe d'ironie en sus.  

 

A ce jour, il n'y a pas de D.Day, comme ce fut le cas en juin 1944 sur les plages de Normandie. Ce qui ne signifie nullement que dans les semaines à venir, nous ne verrons pas des centaines de chars et blindés avancer vers les brèches que les brigades actuellement engagées auront pu ouvrir dans les lignes de défense de l'ennemi. 15 à 20.000 hommes sont en train de tester les systèmes de réaction russes et d'avancer, difficilement, village par village, essentiellement dans trois régions. Les Russes ont miné très largement le territoire visé par les Ukrainiens, ce qui ralentit sensiblement en certains endroits l'avancée des forces de Kiev.    

 

Du côté sud, dans le bassin de Kherson et en aval vers la mer Noire, avec la catastrophe de l'inondation du barrage de Kakhovka, dont les conséquences sont dramatiques sur les plans humain écologique et économique, pas d'activités militaires ukrainiennes majeures perçues. Ce qui ne signifie pas qu'il ne s'y passe rien. La paralysie était dans cette région l'objectif de Poutine. En revanche, de Zaporijjia à Bakhmout au nord, en passant par Donetsk au centre du Donbass, les brigades d'infanterie et d'artillerie sont à l'oeuvre, en attendant la mise en marche d'unités lourdement motorisées. A l'arrière des combats, dispersées et camouflées, dans des zones de redéploiement, une dizaine de brigades sont en attente d'un ordre de marche (50.000 hommes sur un total de 350.000). 

 

Le but de la stratégie multimodale ukrainienne, dont on ne mesure que très partiellement l'étendue réelle - nous aurons des surprises - est de couper l'armée russe en plusieurs secteurs séparés, en rejoignant les rives de la mer d'Azov, d'encercler ensuite les brigades piégées, puis de les réduire. C'est très ambitieux, incertain, mais vital pour l'objectif de guerre final.  

 

Selon une évaluation du jour, avec la prudence nécessaire par rapport à une situation très mouvante, 7 villages occupés ont été récupérés par l'armée ukrainienne, avec, c'est une certitude, des pertes en matériels (chars Bradley et Leopard, Humvee) et combattants importantes. Les gains territoriaux ukrainiens ne sont certes pas substantiels, mais symboliques et bienvenus pour le moral des troupes et du peuple ukrainien. En face, globalement, les lignes de défense russes tiennent sur un front actif qui fait 600 km au lieu des 1000 avant "la neutralisation" de la région de Kherson jusqu'au port d'Odessa au sud-ouest. Nul doute que la situation évoluera là comme ailleurs. 

 

"La contre-offensive ukrainienne va durer des semaines, voire des mois", dixit le président français. Son issue est inconnue, mais il y a deux indicateurs qu'il faut avoir à l'esprit d'ici la fin 2023:

 

1 - la motivation et le courage des soldats et du peuple ukrainiens pour reprendre tous les territoires occupés, y compris la Crimée, sont au plus haut. En face, c'est un autre autre spectacle ...

 

2- le temps joue contre l'Ukraine. La rapidité des gains et des avancées militaires de Kiev dépendra de l'aide humanitaire, de la logistique et des armements fournis, à la fois planifiés et en flux tendus, par les alliés américains et européens. Nous n'avons aucun intérêt à ce que la guerre s'étire. 

 

En cas de succès, l'ouverture de négociations de paix ne devraient pas tarder, sur base de la sécurité et de la pleine souveraineté de l'Ukraine ainsi que d'assurances de l'OTAN données à Moscou. En cas d'échec, il n'y aura aucune négociation avec la participation de Kiev. Le conflit s'installera dans la durée et pourrait être gelé pour de longues années. Le glacis, c'est une affaire que les Russes maîtrisent mieux que personne. C'est évidemment le scénario que ni Volodymyr Zelensky, ni les Etats-Unis et ni l'Union européenne ne veulent voir se réaliser. A aucun prix. 

 

La phase du jugement des crimes de guerre et contre l'humanité commis par la Russie poutinienne par une cour spéciale internationale se fera dans un deuxième temps. C'est une certitude.

                                                                    Le 13 juin 2023.                                  

   

   Russie: Etat criminel, terroriste et écocidaire !

 

                                                                                              Captures d'écrans. 

 

L’explosion dans la nuit du 06 juin du barrage ukrainien de Kakhovka, mis en service en 1956, sous contrôle russe depuis le début de l’invasion en février 2022 et situé au sud du pays, est un crime de guerre, un acte de terrorisme et un écocide. Tous les experts en ouvrage d'art et balistique attestent de l’impossibilité pour n'importe quel missile actuellement en opération, côté russe comme occidental, d’être en capacité de détruire une construction aussi massive que le barrage de Kakhovka. Trois kilomètres de long sur le Dniepr, une hauteur de 30 mètres, une muraille, avec sa route, d'une épaisseur de 25 mètres, faite de béton armé et d’une structure d’acier colossale, seules des charges placées sur ses flancs de plusieurs tonnes de dynamite peuvent provoquer, après la destruction des vannes, une brèche de plusieurs centaines de mètres dans laquelle l’eau de l’immense réservoir (18.000 millions de m3) peut s'engouffrer. C'est assurément depuis la centrale hydraulique elle-même que le minage a été effectué et que le dynamitage a été exécuté. Les Russes ont fait sauté le barrage. 

 

Comme le barrage était et reste sous le contrôle des forces spéciales russes depuis plus d’un an, à la veille d’une contre-offensive décisive ukrainienne, qui a déjà commencé par de multiples actions hétérogènes destinées à désorienter l'ennemi, le doute sur l’origine et la responsabilité d’une telle opération stratégique n’est pas permis: c’est bien Poutine et son état-major qui ont commandité ce crime humanitaire, environnemental, économique et militaire. Il est d’une ampleur dévastatrice majeure, aux conséquences mortifères qui se feront sentir pendant de très longues années. 

 

Pour le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, l’explosion de la centrale hydroélectrique de Kakhovka est "une nouvelle conséquence dévastatrice de l’invasion russe de l’Ukraine. Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles essentielles doivent cesser", a-t-il dit, ... comme pour mieux souligner l’impuissance de la communauté internationale à l'égard d'un Etat totalitaire, soutenu par la Chine et dans l'indifférence ou la complaisance du Sud global, capable d’une violence digne de l’Allemagne nazie. A Moscou, les moyens, quels qu'ils soient, justifient toujours la fin. 

 

Car l’inondation massive en aval du barrage, dans la plaine du Dniepr et jusqu’à la mer Noire, en dépit des évacuations des populations dans l’urgence, a déjà tué des dizaines de personnes, noyé plus des 300 animaux qui se trouvaient dans le zoo de Kherson et, en charriant dans son sillage des centaines de tonnes d’huile de moteur et de carburant, détruit et pollue durablement la faune, la flore et les cultures d’une région déjà hautement fragilisée par la guerre. 

 

Il est aussi certain que des centaines de millions de munitions, qui ont explosé ou non, vont désormais se répandre un peu partout telle une trainée de poudre. Comme l’a déclaré Charles Michel, le président du Conseil européen, la Russie devra rendre des comptes d’un acte aussi grave, comme elle sera jugée un jour pour ses crimes contre l’humanité (la déportation de plus de 30.000 enfants ukrainiens en Russie) et ses innombrables crimes de guerre (destructions aveugles d’immeubles d’habitation, exécutions sommaires, tortures ...). La liste est interminable. La justice internationale, très documentée depuis des mois, aura fort à faire dans le futur pour juger Poutine et les siens.

 

La Crimée, alimentée en eau par le barrage via un canal, malgré les énormes réserve d'eau que les Russes ont anticipé et assuré ces derniers mois pour l'approvisionnement de la péninsule, sera inévitablement touchée d'ici quelques mois. Cette menace sert à l’accusation du Kremlin, qui désigne évidemment et comme toujours l’Ukraine d'être à la manoeuvre. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Le mensonge, la manipulation et l'homicide sont les armes privilégiées de la Russie. 

 

C’est oublier que Kiev, actuellement en phase de modelage (shaping) de sa contre-offensive, va devoir revoir ses plans et probablement la retarder. Il s'agit donc d'un sérieux contre-temps, à quatre mois de l'automne. C’est encore faire fi de l’ADN russe, car depuis Alexandre le Grand jusqu’au petit Tsar Poutine, en passant par l’assassin de masse communiste Staline, la valeur des vies humaines n'a guère d'importance; ramenées depuis des siècles à une norme d’ajustement en fonction des objectifs de l’empire. Ce qui est bon par la sainte patrie ne l'est pas nécessairement pour son peuple. 

 

Si les deux à trois millions de personnes qui vivent encore en Crimée doivent en baver, comme "le Russe sait souffrir comme personne" et qu'il en vient à aimer la "Toska", ce désespoir propre aux Slaves russes, alors ces populations devront en passer par là. Peu importe aux yeux d’une nomenklatura poutinienne qui se protège si ils sont assuré de garder le pouvoir et de jouir de leurs privilèges. Précisons que par le seul fait que le barrage était et demeure sous le contrôle de l’armée russe, en droit international, la responsabilité de sa protection et maintenant de sa destruction en incombe à Moscou. A Kakhovka comme ailleurs en Ukraine, le meurtre ne profite qu’à la Russie !

 

Les Etats-Unis enquêtent sur les circonstances de l’explosion. "Le gouvernement américain dispose de renseignements qui désignent la Russie comme coupable de l’attaque contre le barrage en Ukraine, selon des responsables américains et européens". A Washington, un porte-parole de la Maison Blanche a estimé que la destruction du barrage, qui fournit l’eau de refroidissement à la plus grande centrale nucléaire d’Europe, avait "certainement fait de nombreux morts, tout en précisant "n’avoir pas de conclusion définitive sur ce qui s’est passé".

 

La centrale nucléaire de Zaporijia, comme toute installation de ce type, a un besoin vital d'eau pour refroidir ses piscines où sont immergés ses six réacteurs, même les cinq qui sont actuellement à l'arrêt. Le barrage servait de source d'alimentation pour cette fonction. Son niveau diminue de cinq centimètres par heure, ce qui entraîne à terme un problème de capacité. Quatre jour pour l'eau du barrage qui va manquer. Heureusement, bien que sous la férule des militaires russes, mais toujours gérée par des personnels qualifiés ukrainiens, la centrale peut compter sur un réservoir d'eau adjacent qui devrait lui permettre d'assurer sa sécurité pendant quelques mois.

 

Reste à espérer que ce même réservoir ne soit pas victime à son tour d'une charge explosive; prémices d'une crise nucléaire dans toute l'Europe. L'AIEA de l'ONU (l'Agence internationale de l'énergie atomique) s'est voulue rassurante quant aux prochaines semaines. Le fait qu'une centrale nucléaire soit au centre d'un conflit armé de haute intensité est une première dans l'histoire du monde. Déjà fragilisée par la guerre et les menaces qui pèsent chaque jour sur sa sécurité, Rafael Grossi, son directeur général, n'a cessé depuis des mois d'alerter l'opinion publique internationale et les gouvernements sur un risque majeur de dérapage qui deviendrait vite incontrôlable. Dans cette sombre hypothèse, la Russie devra aussi en rendre compte, car c'est elle qui contrôle le site nucléaire et c'est donc elle qui l'a volé aux Ukrainiens.      

 

Le service ukrainien du média "Voice of America" (VOA) a recueilli la réaction du président américain, Joe Biden, après l’explosion de la centrale hydraulique. Il a affirmé aux journalistes que les Etats-Unis ne partiraient pas (comprendre ne pas interrompre le soutien à Kiev). "Nous allons aider l’Ukraine », a-t-il assuré. Dans ce moment crucial, c'est le moins qu'on puisse en attendre.  

 

Dans un message vidéo posté sur Telegram, le président Ukrainien, Volodymyr Zelensky, a, de son côté, affirmé que la destruction du barrage était, "de tous les points de vue du monde – pour l’Afrique, l’Europe, les Etats-Unis, la Chine, l’Australie, l’Inde – une catastrophe diabolique causée par l’homme" (avec un petit h, qui renvoie directement au despote du Kremlin). "Nous devons arrêter le mal russe. Tous les autres terroristes dans le monde doivent voir que la terreur est punie par le monde", a-t-il conclu.

 

De cette nouvelle tragédie, nous conclurons par un appel, par un rappel, aux Etats-Unis, à l’Europe et à tous les alliés qui soutiennent ouvertement l'Ukraine contre l'agression russe (une cinquantaine de pays), sur l’urgence absolue de fournir durablement à l’armée ukrainienne tout l’arsenal militaire nécessaire à la poursuite de la guerre (munitions par dizaines de millions; batteries anti-aériennes, jusqu'à une bonne centaine; missiles à longue portée par centaines de milliers; chars d’assaut modernes par centaines; blindés de transport de troupes par centaines; avions de combat, au minimum une centaine, des renseignements satellitaires et autres) ainsi qu’à l’atteinte de l’objectif final de guerre: libérer tous les territoires occupés, y compris la Crimée, qui sont, selon toutes les règles du droit international et des traités signés par la Russie elle-même, ukrainiens et bien ukrainiens. L'unique manière de mettre un terme à cette horreur, c'est de renvoyer les Russes dans leurs foyers.

                                                                       Le 07 juin 2023. 

 

                                                                     

       Tête-à-tête entre Emmanuel Macron avec Maia Sandu. Une partie des chefs d'Etat et de gouvernements à Chisinau. 

 

Chisinau, l'Europe à la recherche d'un nouveau paradigme !

 

Connaissez-vous Chisinau ? Peu d’entre nous peuvent répondre par l’affirmative à cette question. Pourtant, la capitale de la Moldavie a de quoi figurer dans les annales de l'Europe. Comme tous les peuples frères du glacis soviétique, les Moldaves ont fait partie par la force de l’empire communiste dès 1922, puis, en 1940, plus formellement, sous le nom poétique de  "République socialiste soviétique moldave", comme l’Ukraine, la Géorgie et d’autres, 12 en tout, furent dénommées République socialiste bla-bla … Rien de telle qu’une appellation générique pour dissoudre la souveraineté d’une nation et d’une culture dans le formole idéologique russo-stalinien. Moscou a toujours su y faire.  

 

D’août à fin 1991, au cours du processus de dislocation de l’URSS ("plus grande catastrophe du XXème siècle", selon Poutine), via un référendum populaire remporté à 90%, l’Ukraine déclare son indépendance le 8 décembre. Dans la foulée, c’est l’établissement de la Communauté d’Etats indépendants (CEI). Le 21 décembre, les représentants de 11 des 12 républiques restantes, y compris la Russie - sauf la Géorgie - signèrent le Protocole d’Alma-Ata, qui confirmait la dissolution de l’Union, établissait la CEI et garantissait la souveraineté et l'indépendance à chaque nouvel Etat.

 

Ce même protocole autorisa la Russie à succéder à l’URSS aux Nations Unies, y inclus son siège permanent. Relevons que la souveraineté de ces Etats et l’accession russe au Conseil de sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Chine et Russie), par le texte même de l’accord, sont liées. Ce qui signifie que si la souveraineté d’une des nations nouvellement libres n’est pas respectée, la question du siège permanent attribué à la Russie se pose. Après l’occupation de l’Ukraine dans le Donbass et l'annexion de la Crimée en 2014, puis l'invasion du 24 février 2021, il y a là une question juridique et politique dont la communauté internationale pourrait s'en emparer.   

 

Chisinau vient d’être le lieu d’accueil, les 1er et 02 juin, du deuxième sommet de la Communauté politique européenne (CPE), instance informelle qui regroupe 45 pays européens, membres ou non de l’UE des 27 (Union européenne) ou des 31 de l’OTAN (Alliance atlantique). Ce nouvel espace de rencontre et de dialogue, imaginé voici un an par le président français, Emmanuel Macron, afin d’ouvrir un espace d’accueil et d’échanges - certains, dont nous-mêmes, avons parlé ici même d’un sas - aux nations européennes, soit qui ont vocation un jour à rejoindre l’UE et/ou l’OTAN, soit d’en être des partenaires privilégiés mais extérieurs. 

 

A une vingtaine de kilomètres de la frontière ukrainienne et 200 du port d'Odessa, donc pas très loin de l’armée russe, l’aéroport de Chisinau, capitale de la Moldavie, n’avait jamais accueilli autant d’avions officiels. L’arrivée du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est restée secrète jusqu’au dernier moment. Dans ce petit pays si proche, il était impensable pour lui de ne pas se joindre en voisin à la communauté proposée par Emmanuel Macron. L'idée est de pousser la grande Europe à faire bloc face à l’invasion de l’Ukraine; Russie et Biélorussie tenues soigneusement à l’écart.

 

Le Chef de l’Etat ukrainien, vu les circonstances, n’a évidemment pas manqué de voler la vedette à l’hôte du sommet, la présidente Maia Sandu, qui est à la tête d’un pays menacé depuis 15 mois par une guerre à ses frontières et victime de la sécession d’une région prorusse, la Transnistrie.

 

Volodymyr Zelensky n’a pas manqué l’occasion pour réitérer ses appels à recevoir, "dès que possible", des avions de combat F-16 et davantage de batteries antimissiles américaines Patriot. Le matin même, à Kiev, une nouvelle attaque russe avait fait trois morts, dont un enfant. "Tous les pays européens qui ont une frontière avec la Russie et qui ne veulent pas que la Russie leur arrache une partie de leur territoire doivent être membres à part entière de l’OTAN et de l’Union européenne", a lancé le dirigeant ukrainien, à quelques semaines d’un sommet stratégique de l’Alliance atlantique, à Vilnius, les 11 et 12 juillet.

 

Le Chef de l’Etat ukrainien milite en faveur d’une perspective d’adhésion de son pays à l’Alliance atlantique, au-delà de la politique de la "porte ouverte" affichée par ses alliés. Il s’est interrogé sur la nature des garanties de sécurité que ses alliés occidentaux, dont les Etats-Unis, encore très prudents sur le sujet en pleine guerre, lui promettent, faute de consensus sur l’accession de son pays à l’OTAN.

 

En revanche, les choses pourraient s’accélérer pour l’Ukraine et la Moldavie sur le chemin vers l’UE. La veille, dans un discours à Bratislava, en Slovaquie, Emmanuel Macron avait plaidé pour élargir "le plus vite possible" l’édifice bâti par les 27. Une façon d’envoyer un signal fort aux Etats d’Europe centrale les plus pressés d’accueillir Kiev et Chisinau. Après des hésitations et des propos incompréhensibles ("ne pas humilier la Russie et lui donner "des garanties de sécurité"), Paris propose désormais d’ouvrir les négociations avec les deux pays candidats, dès la fin de l’année - la question sera débattue d’ici là - L’Elysée espère amorcer les discussions sur les réformes institutionnelles à mener dans une Union européenne élargie, si possible sans changer les traités ...

 

"Nous entrons dans une phase très politique, l’UE doit ancrer les Balkans occidentaux, l’Ukraine et la Moldavie", a plaidé le président français. "Il faut accepter d’avoir une Union élargie, géopolitique et que quelques-uns de ses membres décident d’avoir une politique beaucoup plus communautaire." Emmanuel Macron compte parler de l’accélération de l’élargissement, qu’il revendique maintenant, avec le chancelier Olaf Scholz, lors de leur prochain dîner à Potsdam le 06 juin. La Moldavie "est engagée de façon irréversible vers une adhésion à l’Union européenne", a affirmé de son côté Maia Sandu. Un regret de taille, le renvoi d’une candidature de la Géorgie aux calendes grecques … 

 

Au-delà du sort de l’Ukraine et de la Moldavie, les crises qui persistent sur le continent, parfois antérieures à l’invasion russe, n’ont pas pu être ignorées par les dirigeants du sommet. Ensemble, M.M. Macron et Scholz sont parvenus à organiser une rencontre avec les présidents serbe, Aleksandar Vucic, et kosovar, Vjosa Osmani. L’un et l’autre sont arrivés en proclamant leur volonté de "désescalade" après de récents affrontements sur le territoire indépendant, en raison de l’élection de maires albanais dans des villes où les Serbes, majoritaires, avaient boycotté les scrutins.

 

Le président français et le chancelier allemand ont réclamé l’organisation de nouvelles élections contestées dans ces municipalités du nord du Kosovo, cette fois avec la participation des Serbes du territoire. Pointée du doigt, la partie kosovare a accepté cette requête, même si cette médiation dans l’urgence ne règle pas le fond du problème entre Belgrade et son ex-province rebelle, quinze ans après sa déclaration unilatérale d’indépendance.

 

Les efforts diplomatiques des dirigeants français et allemand, associés à ceux du président du Conseil européen, Charles Michel, n’ont pas suffi à apaiser le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos de la région du Haut-Karabakh, reprise en partie par Bakou à l’issue de combats meurtriers en 2021.

 

Les Européens et les Etats-Unis tentent de jouer les médiateurs dans cette partie du Caucase, profitant de la perte d’autorité de la Russie, engluée en Ukraine. Mais l’accord de paix espéré semble loin. Le sujet devrait s’inviter au troisième sommet de la communauté politique, le 5 octobre, à Grenade, en Espagne. A lui seul, ce conflit meurtrier, qui met en danger de mort 120.000 Arméniens, coupés de tout dans le Haut-Karabakh, permet de saisir l’opportunité et les limites de ces rencontres informelles pour ressouder la famille européenne et faire face aux multiples défis géopolitiques du continent. 

 

De négociations, il a encore été question entre MM. Zelensky et Macron, lors d’un entretien en tête à tête un peu avant la photo de famille. Il s’agissait de faire un bilan du passage du dirigeant ukrainien au sommet du G7, voici deux semaines, pour préciser l’organisation d’un sommet pour la paix. M. Zelensky avait suggéré à Hiroshima d’organiser cette rencontre début juillet, mais aucune date n’est encore fixée. Vu de Paris, où l’on soutient cette perspective en cherchant à l’élargir autant que possible aux pays émergents, il paraît prématuré de précipiter les choses, surtout si la contre-offensive ukrainienne devait survenir d’ici l’été. On le voit, l’Europe est au seuil de grands changements, à la recherche d’un nouveau paradigme qui allie sécurité, souveraineté et finalement puissance.  

                                                                        Le 03 juin 2023. 

 

 

  "Défaite" symbolique à Bakhmout, percée politique et

                             diplomatique à Djeddah et Hiroshima ! 

 

 Le président ukrainien a été reçu en Arabie saoudite pour prendre la parole lors du Sommet de la Ligue arabe à Djeddah.

 A Hiroshima, les leaders du G7, + Inde, Indonésie, Brésil, ont eu chacun un entretien bilatéral avec Volodymyr Zelensky.   

 

Alors que le monde attend la contre-offensive ukrainienne, qui pourrait intervenir, version optimiste,  courant juin, voire l'année prochaine (*), il semble que la petite ville de Bakhmout, à plus de 700 km de Kiev, au nord-est du pays, siège d'une bataille acharnée entre la milice Wagner (au moins 30.000 hommes hors de combat dans ses rangs, dont 10.000 morts) et l'armée régulière ukrainienne (plus de 20.000 soldats "neutralisés"), soit tombée ce samedi 20 mai aux mains du criminel de guerre Evgueni Prigojine, boucher mafieux de son état et patron de la horde Wagner. C'est une "défaite" symbolique pour les Ukrainiens, qui avaient fait de Bakhmout l'incarnation de leur résistance à l'agresseur.

 

Comme l'a dit ce matin Volodymyr Zelensky à Hiroshima, les Russes, qui contrôlent apparemment presque 100% du territoire de la ville, n'ont rien gagné dans les faits, "car il n'y a plus rien à Bakhmout, tout y est détruit. Bakhmout n'est plus que dans nos coeurs" après 220 jours de combats ...

Les Ukrainiens ont de leur côté avancé au nord et au sud de la cité martyr, préfigurant peut-être un futur encerclement de l'armée russe, qui doit, le 25 mai, remplacer in situ la milice Wagner qui s'en va. Cette journée sera particulièrement délicate à gérer pour les Russes, offrant aux militaires ukrainiens l'occasion de les frapper durement lors d'une transition, véritable momentum de fragilité.   

 

Dans le même temps, sur le front diplomatique, le président Volodymyr Zelensky n'a pas perdu son temps, lui qui réussit à mener de front stratégie militaire, mesures de protection des populations civiles et offensive politique tous azimuts. Car la Ligue arabe, à Djeddah (Arabie saoudite), et le G7, à Hiroshima (Japon), tenaient, depuis vendredi 19 mai, deux importants sommets, dont le coeur de cible n'était autre que le nouvel ordre mondial et les rapports de force qui émergent dès à présent depuis que la Russie a déclenché sa guerre d'invasion contre l'Ukraine le 24 février 2022.

 

Après être passé la semaine dernière à Rome, Berlin, Paris et Londres, où le président ukrainien s'est assuré une nouvelle fois de l'appui financier et militaire de ses alliés européens, toujours croissant, (il y a obtenu l'engagement de la formation de pilotes ukrainiens sur des avions occidentaux), le voici qui a débarqué quasi inopinément en plein round de la Ligue arabe, à la stupéfaction, quand ce n'est pas à la colère, d'un certain nombre de chefs d'Etat arabe proches de la Russie poutinienne.      

 

Il était convenu que le retour du syrien Bachar Al-Assad au sein de la Ligue dominerait l’agenda du sommet de Djedda. Douze ans après en avoir été exclu pour sa répression sanglante du soulèvement de son peuple, Al-Assad, ravi d'être accueilli par le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman, qui mène une diplomatie très active, a dû déchanter aussitôt, éclipsé par l'invité surprise.

 

En route vers le Japon pour le G7, à bord d’un avion affrété par la France, Volodymyr Zelensky est venu à Djeddah interpellé les dirigeants arabes, dans l’espoir qu'ils prêtent enfin une oreille attentive à ses appels à condamner l’invasion russe, mais aussi dire leurs quatre vérités à ceux d'entre eux qui sont directement liés à Moscou: "Malheureusement, certains pays dans le monde et ici, parmi vous, ferment les yeux sur ces prisons et annexions illégales", a  déclaré le président ukrainien, invitant les dirigeants de la région à "jeter un regard honnête" sur la guerre menée dans son pays par le Kremlin. Syriens, Algériens et Emiratis ont accueilli ces propos  avec ... disons circonspection. 

 

Pour l'heure, il est impossible d'évaluer l'impact de ce verbatim sur la géopolitique avenir des Etats arabes et leurs relations avec, d'une part les démocraties occidentales et, d'autre part, la Russie, de plus en plus isolée sur la scène internationale. A part la Chine, avec mesure, la Corée du Nord, l'Iran la Biélorussie et le Nicaragua, qui d'autres pour soutenir le petit Tsar dans sa croisade ? On peut affirmer que la seule présence du dirigeant ukrainien à Djeddah est un succès diplomatique certain.

 

Mais l'objectif central de ce long et risqué déplacement du président Zelensky (les Russes n'ont pas caché leur intention de l'éliminer) était bien de participer bilatéralement au sommet des principales puissances économiques du monde. Il était aussi de marquer les esprits en rejoignant une ville, Hiroshima, réduite en cendres par l'arme atomique. Combien de fois les portes paroles et les porteurs d'eau du Kremlin n'ont-ils pas menacer le monde d'une apocalypse nucléaire ? Bluff rhétorique, certes, qui vise à terroriser les opinions publiques occidentales et à faire pression sur leurs gouvernements. 

 

Soucieux d’élargir ses relations au-delà de ses alliés occidentaux, le dirigeant ukrainien est arrivé samedi 20 au Japon à bord d’un avion officiel français. L'appareil avait pris en charge M. Zelensky à l'aéroport de Varsovie. Remarquons que cette mise à disposition est un beau coup diplomatique du président Emmanuel Macron, qui, ces dernières semaines, a tenté de rectifier l'image de mollesse qu'il a donné au travers de déclarations inappropriées à l'égard de Vladimir Poutine comme de la Russie. 

 

Ce voyage avait été préparé lors du récent entretien à l’Elysée avec Emmanuel Macron, le 14 mai. Le Chef de l’Etat français fait partie des dirigeants qui répètent leur intention de bâtir des ponts entre le Nord et le Sud, afin d’éviter la "fragmentation" de l’ordre mondial et de préparer un éventuel (pour l'heure, hypothétique) "sommet pour la paix" en Ukraine. Il est certain qu'un jour viendra où des négociations de paix s'inscriront dans l'agenda de la communauté internationale. L'heure n'est pas encore venue, elle est à la guerre, malgré les velléités ou les souhaits louables du président français. 

 

D’abord discrets, paraissant indifférents au conflit dans les premiers mois de la guerre, les pays émergents (Inde, Indonésie, Brésil, Afrique du Sud) ont depuis multiplié les initiatives, comme pour tenter de s’interposer entre Moscou et Kiev et d'apparaître moins complaisants à l'égard de Moscou.

 

Dès son arrivée à Hiroshima, Volodymyr Zelensky a rencontré Narendra Modi, le premier ministre indien, le présidents indonésien, Joko Widodo, mais pas le président brésilien Lula, bien présent, trois figures emblématiques de ce que d'aucuns appellent aujourd'hui "le Sud global". Une première depuis le début de l’invasion russe. Il a échangé également avec la première ministre italienne, Giorgia Meloni, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, et, bien sûr, le chancelier allemand, Olaf Scholz, le président français, Emmanuel Macron ainsi que le président américain, Joe Biden. 

 

Cette tournée très politque du président-résistant ukrainien marque incontestablement un basculement dans les relations internationales de son pays. Celui-ci est désormais invité systématiquement à la table des puissances qui comptent dans le monde. Même la Chine du président Xi Jinping est à présent un des interlocuteurs de Kiev. Il y a moins d'un mois, un premier échange téléphonique entre les deux dirigeants s'est tenu. Un émissaire de Pékin essaie actuellement le go-between entre les deux belligérants. Prochaine étape, c'est probable, une rencontre bilatérale à Pékin.

 

Nul doute qu'au Kremlin on se réjouit de la prise de Bakhmout, non par l'armée régulière russe, mais par une milice privée (victoire coûteuse à la pyrrhus). En revanche, la démonstration du week-end du président ukrainien sera plus qu'amèrement appréciée. Elle souligne a contrario la solitude grandissante d'une Russie en échec. Bien sûr, l'animal blessé du Kremlin n'a pas dit son dernier mot et il fera tout, excepté le recours à l'arme nucléaire, pour reprendre a minima la main. Les semaines, mois et sans doute années à venir diront ce que "la grande Russie" est devenue sous le petit Tsar. 

                                                                     Le 21 mai 2023. 

 

(*) La livraison à l'Ukraine d'avions de combat F16, autorisée ce 20 mai par les Etats-Unis, ainsi que la formation de pilotes, mécaniciens et la mise en place de la logistique prendront de longs mois, au-delà de l'automne 2023 et de l'hiver 2024, périodes qui ne se prêtent pas, pour des raisons climatiques évidentes, à une contre-offensive. Or, selon beaucoup de stratèges européens et américains, un tel déploiement de forces sans couverture et appui aériens risque de rater son objectif. L'Ukraine n'aura droit qu'à un "one shot"; son unique but de guerre étant le renvoi des Russes chez eux.  

 

 

 

Contre-offensive ukrainienne : nous y voilà … presque !

 

"Poutine fera la guerre. Je ne sais pas quand, mais il la fera. Et les Européens seront alors surpris de découvrir que cette guerre les vise aussi … (…) Vous ne mesurez pas l’ampleur des problèmes qui vont vous tomber sur la tête. Les Européens pensent que ce qui se passe à Moscou ne les concerne pas, que c’est notre problème. Poutine hait les gens comme moi, certes. Mais à travers nous, en Russie, à travers les révolutionnaires ukrainiens ou géorgiens, c’est aussi vous qu’il hait, votre démocratie, votre société, vos libertés. Les Européens pensent que son régime est simplement une menace pour nous ? Leur réveil sera brutal" (1).

 

"Acte d’accusation. Attendu qu’il existe des charges suffisantes contre Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, les crimes ci-dessous énoncés étant imprescriptibles :

d'avoir, en tant que chef d'Etat et commandant militaire suprême de la Fédération de Russie,

- entre 2014 et 2022, préparé et planifié une agression armée contre l'Ukraine qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations unies;

- de l'avoir lancée le 24 février 2022, et

- de l'avoir exécutée depuis cette date jusqu'à aujourd'hui;

et plus précisément de s'être rendu coupable en toute connaissance de cause des actes d'agression suivants: (...)" (2).

 

Cela fait plusieurs mois que politiques, experts militaires, géostratèges, journalistes et commentateurs glosent sur le déclanchement prochain de la contre-offensive ukrainienne en réponse à l’invasion et l’occupation russes. Depuis plus d’un an, Kiev n'a cessé de réclamer de quoi pouvoir se défendre, puis de quoi pouvoir répondre à l’agression. Les pays occidentaux ont mis du temps à prendre la mesure non de la menace pour l’Ukraine, mais également pour l’Europe et l'ensemble des démocraties. 

 

Cette guerre d’un autre âge a été déclarée sur notre continent le 24 février 2022. Souvenons-nous que l’Allemagne parlait alors d’envoyer à l’armée ukrainienne … des casques. Après de trop longues tergiversations, les Etats-Unis en tête, l’Union européenne, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Japon et la Corée du Sud se sont enfin décidés à fournir à Kiev d’énormes quantités de munitions, des batteries anti-aériennes (plusieurs centaines), des missiles sol-sol et sol-air de profondeur, des canons à longue portée, des chars en nombre (230), des véhicules blindés (1550). En revanche, pas d’avions de combat, si ce n’est quelques MIG-29 de fabrication soviétique modernisés par la Pologne et la Slovaquie. On doit regretter que Washington traîne à envoyer à Kiev, pas avant septembre (?), une cinquantaine de chars Abrams, les blindés actuellement les plus performants au monde, avec toute la logistique qui doit nécessairement les accompagner. Sans appui aérien significatif, la contre-offensive ukrainienne risque d'être handicapée et empêchée d'atteindre ses objectifs de guerre. 

 

Dans le même temps, des dizaines de milliers de soldats ukrainiens ont été formés à la manipulation des armements et matériels occidentaux et ont été équipés selon les standards OTAN. Au plus haut niveau, la présidence et l’état-major ukrainiens sont largement aidés par l’arsenal du renseignement américain et britannique, un peu français, grâce aux images fournies par les réseaux satellitaires, les drones d’observation, la présence de forces spéciales sur le terrain et les analyses pointues des services spécialisés. Ainsi, Volodymyr Zelensky et Rouslan Khomtchak, le lieutenant-général et commandant militaire des forces armées ukrainiennes, sont extrêmement bien informés des positions, déplacements et lignes de défense russes sur l’ensemble du front, du Nord au Sud du Donbass, y compris la Crimée, front qui fait plus de 1000 kilomètres. 

 

Christopher Cavoli, commandant suprême des forces alliées en Europe pour l’OTAN et le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, ont tous deux déclaré hier que 98% des matériels promis à l’Ukraine avaient désormais été livrés, de quoi permettre à une dizaine de brigades d’être à présent sur le pied de guerre. Certaines sources évoquent une douzaine de brigades (60.000 hommes).

 

Si la météo le permet – il semble que les pluies, qui rendent le terrain très boueux, la fameuse raspoutitsa, vont cesser prochainement - on peut donc s’attendre, dès lors que les terres seront plus ou moins asséchées, au début de la contre-offensive ukrainienne au cours du mois de mai et son déploiement dans les semaines qui suivent. Ces moments décisifs pour l’issue de la guerre, à tout le moins pour l’établissement d’un nouveau rapport de force, resteront certainement dans nos livres d’Histoire. Les Ukrainiens vont monter en puissance progressivement en commençant par frapper des infrastructures stratégiques russes, à la fois en Russie même et dans les territoires occupés. 

 

Reste à savoir si la combinaison du ou des jour(s), des lieux (car il devrait y en avoir au moins deux) et de l’ampleur protéiforme de l'impact du rouleau compresseur ukrainien (la coordination complexe des différentes forces et moyens d’attaque est toujours un défi) sur l’armée russe, qui n’est guère en ce moment à la fête, ses défenses et ses réactions terrestres, aériennes et maritimes, pourra atteindre un degré d’efficacité opérationnelle suffisant pour faire la différence ? Pourront-ils rapidement perforer (brècher) à plusieurs endroits et simultanément certaines lignes de défense russes ?     

 

La grande difficulté pour les autorités et l’armée ukrainiennes, ce sera la gestion d'un art opératif (3) qui permette de relier et de conformer la tactique militaire in situ et les objectifs politiques stratégiques arrêtés à la tête de l’Etat. A ce jour, rien n'est certain. Seules la motivation et la détermination du peuple ukrainien d'en découdre avec l'occupant et ses crimes est une certitude. 

                                                                      Le 28 avril 2023. 

 

(1) Propos de 2005 rapportés d'Anna Politkovskaïa, assassinée le 7 octobre 2006 dans le hall de son immeuble à Moscou. C'était le jour de l'anniversaire de Poutine, "Comme un cadeau fait au Tsar par ses sbires". "La grande confrontation. Comment Poutine fait la guerre à nos démocraties", Raphaël Glucksmann, Allary Editions, mars 2023.

 

(2) "Vladimir Poutine, l’accusation", Robert Badinter, Bruno Cotte, Alain Pellet, Editions Fayard, avril 2023. 

 

(3) "C’est à un général russe tsariste et rallié à l’Armée rouge, Alexandre Sviétchine, que l’on doit l’invention de l’art opératif. Il en a fait l’exposé dans son ouvrage paru en 1927, "Strategiia". Il définit cet art nouveau comme l’une des  "disciplines militaires" à laquelle est confiée la tâche centrale d’organiser l’activité militaire en "opérations", sur la base de buts fixés par la stratégie. L’art opératif est donc le moyen par lequel la stratégie va, selon l’expression de Clausewitz,  "employer les combats favorablement à la guerre". Selon Sviétchine, les trois éléments essentiels d’une opération sont son  "but » stratégique, ensuite le conglomérat d’actions qu’elle met en œuvre, enfin son « caractère ininterrompu". Le but, véritable boussole de l’art opératif, ne se laisse atteindre en un bond unique que dans le cas très particulier où il est possible de donner à l’opération la forme d’une frappe d’anéantissement. La plupart des opérations se déroulant par nécessité dans le cadre d’une ligne stratégique d’attrition., le but final doit être décomposé en buts intermédiaires. Du but va aussi dépendre la forme offensive ou défensive dominante, et le caractère mobile ou non de l’opération. Le "conglomérat d’actions" désigne des activités de natures variées, séquencées dans l’espace et le temps. Ces dernières ne sont pas uniquement de nature tactique. Certes, il faut livrer des combats, qui résolvent des questions spécifiques, à savoir éliminer du chemin stratégique à suivre des groupements de forces adverses, défendre ou s’emparer de zones géographiques clés. Mais ces finalités tactiques ne sont pas celles de l’opération : ce sont seulement des étapes nécessaires, des "problèmes à résoudre" sur le chemin du but visé. Ce but est fixé par le Stratège, qui n’est pas forcément un individu mais peut-être un collectif de chefs militaires. Le Stratège travaille en accord avec le Souverain - le chef politique - qui établit les buts de guerre et gère le conflit sur les plans non militaires. Si la stratégie est bien l’art des chefs militaires, mise en action par eux, le Souverain doit également être familier avec elle, de même que tous les commandants de grandes unités. C’est une condition essentielle de la saine application de l’art opératif." "Conduire la guerre", Benoist Bihan, Jean Lopez, Editions Perrin, janvier 2023.  

 

 

          Mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale

                     délivré contre Vladimir Poutine !

 

 Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, et la commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria

    Lvova-Belova, sont accusés de crimes de guerre pour la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie.

 

"En pleine guerre en Ukraine, Karim Khan, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), a voulu frapper haut et fort. Plus d’un an après l’entrée de ses chars dans le pays voisin, Vladimir Poutine, le président russe, est visé par un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre. "Pour la première fois, la Cour remplit la fonction qui lui était assignée : montrer qu’il n’y a pas d’impunité pour un chef d’Etat qui commet des crimes", commentait peu après l’annonce un juriste à La Haye.

Depuis plusieurs semaines, beaucoup s’interrogeaient sur les initiatives du procureur. Allait-il s’attaquer à la tête du Kremlin ? Viser le plus haut de la hiérarchie ? Ou commencer par cibler des officiers ?

 

Le mandat d’arrêt émis par les juges de la CPI vise le chef d’Etat d’une puissance nucléaire, qui siège au Conseil de sécurité de l’ONU et qui est suspecté de crimes de guerre pour la déportation d’enfants ukrainiens en Russie, et pour les transferts forcés d’autres enfants vers les territoires occupés de l’est du pays. Il y a "des motifs raisonnables de croire que Vladimir Poutine est personnellement responsable de ces crimes", ont estimé les juges dans un communiqué. Co-autrice présumée de ces  crimes, la commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova, 38 ans, est elle aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt. Ils portent sur "la déportation de centaines d’enfants retirés d’orphelinats et de foyers" en Ukraine, qui auraient ensuite été "donnés à l’adoption" en Russie, ajoute le procureur dans un communiqué.

 

Des décrets pour pièces à conviction

 

En juillet, Maria Lvova-Belova incitait publiquement ses compatriotes à adopter des enfants ukrainiens, en leur disant avoir elle-même accueilli dans sa famille un adolescent de Marioupol, dans la région de Donetsk. Moscou affirme conduire une action humanitaire, destinée à protéger les jeunes Ukrainiens. Mais pour la CPI, ces actes "démontrent une intention de retirer définitivement ces enfants de leur propre pays". Les décrets publiés par le président russe pour accélérer l’attribution de la citoyenneté russe aux enfants ukrainiens, puis leur adoption par des familles russes, devraient alors devenir des pièces à conviction dans le cadre d’un futur procès à La Haye, si Vladimir Poutine y était transféré.

 

A ce stade, le procureur a fait avancer la procédure dans le cadre d’une première affaire dont il était certain qu’elle susciterait une forte émotion. "Nous ne pouvons pas permettre que des enfants soient traités comme un butin de guerre", a déclaré Karim Khan. Selon les autorités ukrainiennes, plus de 16 226 enfants auraient été déportés en Russie depuis le début du conflit.

 

"Vladimir Poutine est désormais officiellement un homme recherché", souligne Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International. "La communauté internationale ne doit reculer devant rien jusqu’à ce qu’ils [le président russe et la Commissaire russe aux droits de l’enfant] soient arrêtés et traduits en justice", a-t-elle ajouté. La Cour ne dispose cependant pas de ses propres forces de police.

 

En conséquence, elle doit obtenir la coopération des Etats pour exécuter ses mandats d’arrêt. Ceux qui ont ratifié son statut – 123 pays à ce jour – ont l’obligation de coopérer en ce sens. A ceux-là s’ajoute l’Ukraine, qui refuse d’adhérer à la Cour, en raison de l’opposition de ses responsables militaires. Mais Kiev, sur la base d’une subtilité juridique, reconnaît sa compétence et a saisi la juridiction il y a neuf ans pour qu’elle enquête sur des crimes commis sur son territoire. Par ailleurs, les enfants sont protégés par les conventions de Genève, ce qui obligerait les Etats qui les ont ratifiées, dont la Russie, à juger sur leur sol ou à extrader les auteurs de tels actes.

 

Record de rapidité

 

Avec ce mandat d’arrêt, Vladimir Poutine devrait voir se compliquer, dans l’absolu, certains de ses déplacements futurs dans certaines parties du monde. Inculpé par la CPI en 2009, le président du Soudan, Omar Al-Bachir, n’avait pas mis fin à ses voyages. Mais ceux-ci avaient été entravés par le mandat qui pesait sur lui. Lors d’un sommet de l’Union africaine en 2015, il avait dû fuir l’Afrique du Sud en catimini, menacé par les actions judiciaires d’ONG. Depuis l’émission du mandat d’arrêt contre le président russe, certains ont déjà commencé à ausculter l’agenda de Vladimir Poutine, notant qu’il devrait se rendre en Afrique du Sud pour le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) au mois d’août.

 

Les mandats d’arrêt risquent aussi de compliquer de possibles négociations de paix. "Les dirigeants mondiaux réfléchiront à deux fois avant de lui serrer la main ou de s’asseoir avec Poutine à la table des négociations",s’est réjoui le procureur général ukrainien, Andriy Kostin. Depuis plusieurs années, les Nations unies ont limité aux seuls "contacts indispensables" les rencontres avec des personnes poursuivies par la CPI.

 

C’est en tout cas dans ses frontières que le président russe recevra son homologue chinois lundi. Le mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine a été émis trois jours avant une visite du président Xi Jinping à Moscou. Il n’aura d’ailleurs fallu que vingt-quatre jours aux juges pour valider les demandes de mandat d’arrêt déposées par le procureur le 22 février. Un record de rapidité pour la Cour. Elle avait mis neuf mois pour confirmer le mandat contre l’ancien président du Soudan, Omar Al-Bachir, et quatre pour le Guide libyen, Mouammar Kadhafi. Des deux chefs d’Etat, aucun n’est arrivé dans la prison de la CPI. Et il est difficilement envisageable que Vladimir Poutine puisse, à court terme, être incarcéré à La Haye. Selon le code pénal de la Cour, les juges pourraient organiser des audiences en l’absence des suspects, pour confirmer les charges de crimes de guerre. Mais le mandat d’arrêt pourrait isoler un peu plus le président russe sur la scène internationale.

 

Tous les détails des mandats d’arrêt ne sont pas connus, dans la mesure où leur contenu reste confidentiel, de manière à "protéger victimes et témoins, ainsi que l’intégrité de l’enquête", selon la Cour. Seule leur existence a été rendue publique, avec pour objectif d’"empêcher que soient commis de futurs crimes", a déclaré le président de la Cour, le juge polonais Piotr Hofmanski. Pour le procureur, il y aurait "urgence à agir" et à faire en sorte que "les enfants soient rendus à leurs familles et à leurs communautés".

 

Ces mandats sont "un premier pas impressionnant", estime Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International, qui avait publié un rapport important sur la question en novembre. Néanmoins, Mme Callamard estime qu’ils "ne reflètent pas la pléthore de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dont les dirigeants russes sont potentiellement responsables". Elle appelle tous ceux qui enquêtent, procureurs ukrainiens, européens et internationaux, à continuer le travail et à lancer d’autres mandats d’arrêt. "Nous n’hésiterons pas à soumettre d’autres demandes de mandats d’arrêt lorsque la preuve l’exige", a déclaré Karim Khan dans un communiqué diffusé après l’annonce, évoquant "un large éventail de crimes internationaux présumés".

 

Décision « nulle et non avenue » pour Moscou

 

Le procureur de la CPI a tenu à souligner que ces crimes auraient été perpétrés "dans le contexte des actes d’agression commis par les forces militaires russes contre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine qui ont commencé en 2014". L’Ukraine réclame depuis des mois la création d’un tribunal spécial pour juger l’agression russe, un crime dont la Cour ne peut pas légalement s’emparer. Pour rallier les Occidentaux à son idée, Kiev affirmait que la CPI ne poursuivrait pas le chef d’Etat russe. Le mandat d’arrêt émis vendredi vient contredire cet argument et rendra plus difficile à Kiev de convaincre de la nécessité d’un tel tribunal, auquel n’adhèrent ni la France, ni le Royaume-uni, ni les Etats-Unis.

 

Lundi 20 mars, ces derniers devraient exprimer de nouveau leur soutien à la CPI, ou plus précisément à son enquête sur l’Ukraine, lors d’une réunion des ministres de la justice d’une trentaine de pays, organisée par les gouvernements britannique et néerlandais à Londres. Le procureur pourra s’y présenter tête haute, fort de ses mandats d’arrêt. Dès l’entrée des chars russes en Ukraine, en février 2022, Karim Khan a obtenu un soutien inédit à sa juridiction, saisie par une quarantaine d’états. Puis, de nombreuses capitales ont fourni des moyens financiers et humains. Mais, alors que le procureur veut utiliser ce soutien pour faire avancer la totalité de ses enquêtes, conduites dans seize pays différents, certains Etats souhaitent que ce soutien soit entièrement consacré aux enquêtes en Ukraine. Sur le plan judiciaire, le procureur a demandé, à plusieurs reprises, la coopération de la Russie.

 

A l’instar de Washington ou de Pékin, Moscou estime que la Cour n’est pas compétente pour poursuivre les ressortissants d’Etats qui n’ont pas ratifié son traité. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a jugé "nulles et non avenues" les décisions de la CPI. "La compétence de la CPI n’est pas reconnue par la Russie, ni par un certain nombre d’Etat membres du Conseil de sécurité de l’ONU", a aussi réagi le sénateur russe Andreï Klichas, membre de Russie unie, évoquant sans les nommer la Chine et les Etats-Unis. Washington, comme Moscou, s’oppose à la compétence de la Cour contre tout ressortissant de pays n’ayant pas ratifié le statut de Rome.

 

Depuis l’ouverture de son enquête, Karim Khan a adressé plusieurs demandes de coopération à la Russie. Lors de l’adoption du traité instituant la Cour en 1998, Moscou avait signé son traité. Mais ne l’avait jamais ratifié, à l’instar des Etats-Unis, de la Chine, de l’Inde ou d’Israël. Et en 2016, Moscou avait reculé un peu plus sur ce terrain, en rompant toute coopération avec la Cour alors que la procureure de l’époque, Fatou Bensouda, rendait des conclusions préliminaires sur l’occupation russe de la Crimée catégoriquement rejetées par Moscou, et qui, depuis, n’avaient donné lieu à aucune poursuite.Le Monde, Stéphanie Maupas, La Haye. Le 18 mars 2023. 

 

 

                 Emmanuel Macron l’embrouille ?

 

Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir avec une bonne idée: faire travailler ensemble des personnes de gauche, du centre  et de droite, toutes de bonne volonté. Il en a tiré une formule, un concept diront certains, son fameux "en même temps". En effet, la complexité du monde s’accommode difficilement de la vision binaire des idéologues, où tout ce qu’ils voient, pensent et activent doit nécessairement se ranger dans une case blanche ou noire. Nombre de problèmes contemporains exigent une approche nuancée, étrangère à toute simplification. Ce n'est guère dans l'air du temps, mais c'est souvent ainsi. 

 

Prenez l’exemple du réchauffement climatique. Une politique courageuse et volontaire qui se donne pour objectif une réduction sensible de nos émissions de gaz à effet de serre serait contre-productive si les moyens pour atteindre ce but ne tiennent pas compte de la soutenabilité sociale, économique et financière d’une telle ambition. Rien de pire qu'une écologie punitive. Autre exemple. Toute politique de l’immigration exige à la fois de prendre en compte l’origine et l’état de détresse des demandeurs d’asile et tout autant la viabilité, à court, moyen et long termes, d'un accueil à la fois ouvert et réaliste.  

Il est des situations, des événements, à l’échelle de l’Histoire et de nos vies, qui ne souffrent d’aucune approche plurivalente. Il en va ainsi du nazisme. Une fois la crédulité franco-britannique envolée, les historiens s’accordent pour parler, concernant les Accords de Munich (*), dans le chef des ministres Edouard Daladier et Neville Chamberlain et de leurs gouvernements, d’hypocrisie, voire de duplicité à l’égard d’Hitler et de Mussolini. Le national-socialisme allemand et le fascisme italien ont incarné, sans la moindre restriction évaluative, le mal absolu. Leurs crimes contre l’humanité et le génocide juif ne sont réductibles à aucune tempérance morale. L'humanité n'a t-elle pas touché le fond du sens existentiel de ses valeurs, dès lors qu'une partie d'elle a voulu l'extermination totale et définitive d'une autre de ses composantes ? Oui, le mal existe sur terre et il n'a pas dit son dernier mot.   

 

Les Alliés quant à eux, Etats-Unis et Royaume-Uni en tête, ont représenté les forces du bien pendant la Seconde Guerre mondiale, que cela irrite les doctrinaires de l’anti-américanisme primaire, peu importe. On pourrait tout à fait en dire autant de la guerre du Vietnam, sauf que l’Oncle Sam cette fois-là, derrière le discours affiché de la lutte contre le communisme, certainement nécessaire, n’a pas hésité à revêtir le costume du diable en traitant au napalm les habitants et les forêts de l’ex-Indochine. Le mal était à coup sûr du côté de Washington. Le bien, en revanche, n’était pas pleinement du côté des forces combattantes de Hanoï. Le régime communiste qui s'est imposé dès fin avril 1975 a été féroce avec ses opposants. In fine, les crimes contre l'humanité des uns ont eu pour corollaire des crimes de guerre des autres. A la suite des Français, les Américains ont fait une guerre indéfendable et lointaine, quand les Vietnamiens étaient légitimes à se battre pour leur terre et leur souveraineté.  

 

La guerre d’Ukraine, qui remonte à 2014 en vérité, année de l’occupation pro-russe du Donbass et de l’annexion de la Crimée, et non au 24 février 2022, date de l’invasion, est, de manière tragique, une nouvelle équation simple. Même si l’évolution du conflit sur le terrain présente plusieurs aspects particuliers, pas toujours aisé à interpréter, leur point commun, glaçant, est bien la stratégie délibérée russe des charniers. Car il y a un agresseur, la Russie, et il y a un agressé, l’Ukraine. C’est aussi carré que ça, que cela heurte les adeptes professionnels "du renvoyés au dos à dos". Billevesées.

 

A aucun moment et d'aucune manière, Kiev et le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne partagent la moindre responsabilité politique, diplomatique, militaire et historique dans la barbarie que déploie l’envahisseur russe là où il fait torturer des Ukrainiens, déporter des milliers d'enfants, canonner ses chars T72BM, tirer ses obusiers de 152 mm, ses missiles hypersoniques et les drones iraniens sur des habitations civiles. Un Etat souverain a été violé, comme les soldats russes violent des Ukrainiennes.    

 

Depuis les sinistres accords éponymes, la capitale de la Bavière est chaque année le lieu de la Conférence de Munich sur la sécurité. L’édition 2023 vient de se tenir, en l’absence du petit Tsar. En 2007, Poutine y avait fait des déclarations inquiétantes et annonciatrices, proféré des mots et des menaces qui auraient dû alerter, c’est un euphémisme, les Européens et les Américains. 

 

N’avait-il pas lancé à la face des Occidentaux que c'en était  fini des "formules de politesse et des clichés diplomatiques aussi agréables à entendre que vides de sens" ? Ne s'était-il pas attaqué  frontalement aux Etats-Unis en dénonçant "un monde d’un unique maître, d’un unique souverain" ?  N'avait-il pas précisé, pour celles et ceux qui n’avaient pas bien compris: "J’estime que, dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible, mais également impossible. Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la sécurité de l’Europe. C’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé" ? Propos restés évanescents ? Que nenni.   

 

Comme si les ex-pays du bloc de l’Est, Pologne, RDA, Roumanie, Tchécoslovaquie, Pays baltes etc., occupés, vassalisés et piétinés par l’Union soviétique pendant 45 ans, après la chute du Mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’URSS en 1991, n’avaient pas recouvert ou découvert simultanément une liberté chèrement acquise et une souveraineté nouvelle. La Russie n'a jamais digéré la disparition de l'empire tsariste ainsi que l'implosion de l'Union soviétique. Voilà une leçon qui n'a pas été apprise. 

 

D’une manière ou d’une autre, depuis "l'humiliation" de 1991 et certainement depuis 2007, Poutine  considérait ses anciens vassaux comme des Etats mineurs, sans valeur nationale, totalement privés, selon sa mégalomanie expansionniste, d’autonomie politique et juridique. Des Etats qui auraient dû rester associés, accrochés, par un jeu de pure puissance à faibles, au grand frère russe. Poutine étant incapable, comme la grande majorité du peuple russe, de comprendre ce qu'implique les principes de l'Etat de droit; il s'est assis sur ceux-ci à la face du monde sans que les démocraties libérales ne lui signifient la fin de la partie. C'est ainsi qu'il a pris notre silence et notre lâcheté pour un laisser-passer. 

 

Les Etats anciennement soviétiques, une fois émancipés de la botte moscovite, avaient le droit, et même l'obligation, vu leur faiblesse systémique en face d'une Russie revancharde, d’adhérer à quelle qu’alliance que ce soit, à l’Union européenne et à l’Otan aux premiers rangs. Ce n’est pas la volonté d’agresser et d’envahir la Russie qui les ont poussé à rejoindre l’Alliance atlantique, c’est, bien au contraire, la crainte, la peur et la hantise d’être à nouveau la proie du prédateur russe. La grossière propagande de Moscou et de ses médias aux ordres ne changera rien à cette vérité historique.  

 

La destruction de la Thétchénie, les massacres de populations entières en Syrie, l’occupation du Donbass et l’annexion de la Crimée ont agi sur Varsovie, Bucarest, Prague, Vilnius, Riga et Tallinn, mais aussi Oslo, Copenhague, Stockholm et Kelsinki comme un révélateur, un cruel rappel de piqûre. A contrario, à Berlin, Paris et Bruxelles notamment, on a eu beaucoup de mal à prendre la véritable mesure des événements de 2014, comme si le droit international, bafoué allègrement par un membre permanent du Conseil de sécurité, était, en certains cas, une simple variable d'ajustement politique. 

 

Pendant que Poutine annonçait la couleur, celle d'une rage obsessionnelle de reconstituer, y compris par la force, l’empire perdu, la "grande patrie" fantasmée, les leaders européens rêvaient tout haut, aveuglés et amnésiques, "d’une nouvelle architecture européenne de sécurité", incluant, dans un partenariat angélique et bienveillant, l’ogre russe. C'est ainsi qu'il faut tenter de comprendre l'absence insensée de lucidité de l'Allemagne d'Angela Merkel, qui s'est mise intégralement dans la main énergétique de la Russie. C'est cette même incapacité à regarder droit dans les yeux le réel qui peut expliquer, sans les justifier, les mamours et les tapes complices d'Emmanuel Macron sur les épaules du dictateur; signes qui renvoyaient l'image d'une diplomatique française malade, naïve et illusoire. 

 

A la veille du 24 février 2022, alors que les services de renseignement américains et britanniques annonçaient l’invasion de l’Ukraine, Emmanuel Macron, Olaf Scholtz et les dirigeants ouest-européens du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernements ont nié les évidences et se sont retranchés derrière le sentiment, totalement déconnecté des réalités, "qu’une fois de plus, les Anglo-saxons en faisaient trop". Le prurit anti-américain est parfois nuisible. On connait la suite …

 

Ces 17 et 18 février 2023, à Munich, après et avant d’autres intervenants, le président français a voulu marquer les esprits en adoptant un changement de ton et de propos à l’égard de son ex-ami, Vladimir. Fini l’accueil prestigieux au château de Versailles ou dans la résidence d’été du fort de Brégançon, finies les déclarations scabreuses du genre: "Il ne faut pas humilier la Russie pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques." (mai 2022). Ou encore: "La future architecture de sécurité européenne doit inclure des garanties de sécurité pour la Russie." (décembre 2022). L'ours de Sibérie massacre un passant de Boutcha et c'est lui qui doit être rassuré. La dialectique d'Emmanuel Macron prend parfois des allures de mensonge.    

 

Mais place apparemment au Macron nouveau qui est arrivé. Ainsi, à Munich, il n’a pas hésité à affirmer vouloir la défaite russe: "Nous nous tenons aux côtés de l’Ukraine, la Russie ne peut et ne doit l’emporter." (février 2023). Chacun s'est regardé et s'est pincé pour savoir si on avait bien toutes et tous compris, si on avait bien saisi la portée et les conséquences de telles paroles. Aurait-il enfin  assimilé le véritable enjeu de la guerre ? Aussitôt la question encourageante posée, que l'hôte de l'Elysée, dans l'avion qui le ramenait à Paris, lots d'un entretien avec trois journalistes français, enchaina par un entêtant "en même temps". Car, bien entendu, il ne faudrait pas "avant tout écraser la Russie" ... L'équilibriste en chef a fait fort en Bavière. Chassez le tropisme ... 

 

Comme tout un chacun, le cerveau d’Emmanuel Macron possède deux hémisphères. Le problème, c’est qu’ils fonctionnent en pleine ambivalence; laissant l'auditeur et le spectateur en totale errance sémantique. Que dit-il exactement ? Quelqu'un peut-il traduire la langue macronienne ? C'est alors qu'on se souvient que l'absolue certitude de soi et la complexité du ça avaient présidé à sa naissance.

 

Qui veut écraser la Russie ? Personne ! La Russie continuera à exister bien après la guerre, nul n’en doute. Il faudra bien à l’Union européenne, aux Etats-Unis et à l’Otan inventer avec elle une nouvelle partition relationnelle, basée sur la reconnaissance réciproque de chaque souveraineté. Qui songe une seconde à détruire ce grand pays ? Personne ! Qui pense pour autant que le régime poutinien serait un interlocuteur légitime, respectable et respecté pour négocier une paix durable qui garantisse, dans la durée, la sécurité et l’intégrité de l’Ukraine et de l’Europe ? Pas grand monde ou si peu. 

 

La réponse est elle sans ambiguïté: à part les "neutralistes" de service, les russophiles patentés et les relais traditionnels poutiniens, aucun des experts et observateurs avisés, aucune des capitales européennes, si l’on excepte, avec des nuances, Paris et Berlin, ne pensent que Poutine et les siens pourraient se présenter à une table de ratification de paix sans en passer par le glaive de la justice.

  

Les déclarations balancées d’Emmanuel Macron encouragent en réalité le Kremlin à aller de l’avant. Dès la diffusion des propos munichois du chef de l’Etat français, certains milieux moscovites ont réagi au quart de tour, en se réjouissant d’avoir un interlocuteur en mesure de comprendre la véritable géopolitique de la Russie ainsi que ses fondamentaux. D'autres disent que son avis "n'a guère d'importance". Quoi qu'il en soit, la confiance à l'égard du président français semble fléchir tant à certainement à l'Ouest et sans doute à l'Est ...  

 

Le président français se fourvoie en tendant la perche, volontairement ou non, à un despote sans foi ni loi. En bon kgbiste, il n'a aucun états d'âme, ne respecte que les rapports de force et la violence, le sang versé par la chaire à canon généreuse de ses soldats.

 

Face à cette logique implacable, la seule réponse pertinente et efficace ne peut s'exprimer  précisément que dans un rapport de force inversé, qui l’oblige à renoncer à ses pulsions impériales, à plier bagage et à renvoyer dans ses foyers ce qui lui restera d’armée. Rien de moins, rien de plus.

 

Ensuite, si possible avec le concours du peuple et des institutions russes, cet assassin de masse et ses soutiens devront, tôt ou tard, en présence ou par contumace, comparaître devant la justice des Hommes. Leurs innombrables crimes contre l'humanité sont connus et répertoriés; ils ne doivent  jouir d'une quelconque impunité et ne peuvent échapper à une cour internationale dédiée.

 

Les appels d'Emmanuel Macron à sauver en quelque sorte le sort et le destin de Poutine au terme de la guerre constituent, qu'il le veuille ou non, une incitation anticipée et prédictive à l'impunité. Nous lui demandons qu'il aille au bout de la logique de ses déclarations, selon lesquelles la Russie ne peut l'emporter. Sinon, il est à craindre qu' Emmanuel Macron l’embrouille soit un jour le commentaire, pire, l’épitaphe, que les livres d’Histoire français et européens retiendront de son passage au pouvoir.

 

(*) Les Accords de Munich des 29 et 30 septembre 1938, avec la complicité objective de la France et du Royaume-Uni, ont

     permis à l'Allemagne nazie d'annexer les territoires tchécoslovaques des Sudètes et indirectement scellé la mort de la

    Tchécoslovaquie en tant qu'Etat indépendant. On attribue, paraît-il à tort, à Winston Churchill la déclaration suivante: "Le

    gouvernement (britannique) avait le choix entre la guerre et le déshonneur; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre."

   Quoi qu'il en soit, Daladier et Chamberlain incarnent pour l'Histoire l'indignité de ne pas avoir vu ou voulu voir la menace 

   existentielle pour l'Europe de l'Allemagne nazie. Aujourd'hui encore, nombre de Munichois chantonnent la même rengaine. 

                                                                   Le 20 février 2023. 

 

 

    Entre la crise de la valeur travail en France et la guerre russe en Ukraine, la solidarité n'est pas toujours au rendez-vous.                

                             "La Russie ne peut l’emporter !"

                            Pourquoi alors reporter sine die ? 

 

Pendant que de nombreux Français manifestent dans la rue pour ne pas travailler au-delà de 62 ans, voire 60 ans, avec cette relation très hexagonale pied de plomb à la valeur travail, d’autres Européens se battent pour leur souveraineté et leur survie. Loin de nous d’accabler les personnes qui ont commencé tôt à travailler ou celles aux métiers pénibles. Elles ont toutes de justes raisons de ne pas accepter d’être les sacrifiées d’une réforme des retraites, légitime quant à son financement future, mais encore trop inégalitaire dans certaines de ses dispositions. En revanche, toutes les autres, dont plus de la moitié ne sont pas concernées par la nouvelle législation, donnent le sentiment de considérer le travail comme une anomalie sociétale, une maladie nouvelle du XXIème siècle. 

 

La venue en Europe ces deux derniers jours du président Volodymyr Zelensky aurait pu être l’occasion pour les Etats européens et l’Union européenne de rectifier le tir. Car si les Européens n’ont pas mégoté sur l’ampleur de leur aide à l’Ukraine - 50 milliards d’euros à ce jour - dont 60% sous forme humanitaire, en ce qui concerne leur soutien militaire, bien réel, ils n'ont eu de cesse que jouer une partition trop individuelle avec un temps de retard préjudiciable au rapport de force sur le terrain. Le manque de réalisme et d’anticipation, tant des Américains que des Européens, a été, à chaque étape décisive, un handicap structurel permanent pour les Ukrainiens. Seul le Royaume-Uni semble avoir eu le courage et la capacité d’accélérer la prise de décision. Churchill n'est pas tout à fait mort.  

 

Ainsi, la demande pressante du président Zelensky de chars lourds, de missiles à longue portée et d’avions de combat, contrairement à ce qu’une petite musique neutraliste, voire russophile, laisse entendre, qui fait objectivement le jeu de Poutine, ne date pas des derniers jours et semaines, mais de plusieurs mois. Si les Etats-Unis et l’Europe avaient réagi plus tôt et prestement à ces requêtes, il y a de fortes chances que les récentes et inquiétantes avancées russes sur une ligne de front de 200 kilomètres dans l’Est de l’Ukraine, au prix de pertes humaines considérables, en attendant l’offensive massive programmée entre le printemps et l'été, auraient été stoppées et neutralisées. 

 

L’état-major russe a mobilisé sur le front 350.000 hommes, qui, par vagues, se jettent sur les défenses ukrainiennes. La vie humaine n’a jamais été un bien précieux dans l’histoire de la Russie. Bientôt, 1 million de soldats déferleront sur les positions ukrainiennes. L’industrie de guerre tourne à plein régime en Russie, pour produire munitions, batteries antiaériennes, missiles, chars et navires. Moscou dispose encore de plusieurs milliers d’avions de chasse non employés. Le régime despotique s’ingénie à contourner les sanctions financières, commerciales, technologiques et économiques occidentales avec l’aide d’alliés (Iran, Chine, Inde, Corée du Nord, Turquie, Afrique du Sud, d’autres encore). L’Ukraine va subir dans les mois qui viennent un déluge de feu, de destructions et de morts. Aussi, elle mobilise largement de son côté. 650.000 hommes seront sur pied de guerre d'ici un mois. 

 

Tous les experts prédisent un scénario apocalyptique. Pendant ce temps, le président français - il n’est pas le seul mais il est excelle en la matière - hier, lors du Somment européen de Bruxelles, s’adonne à son jeu d’esprit préféré: la casuistique politicienne. Derrière les grandes déclarations européennes de solidarité et sous la "standing ovation" du Parlement européen lors de la prise de parole de Volodymyr Zelensky, en coulisses et devant les médias, à la demande urgente ukrainienne d’obtenir dès que possible des avions de combat, Emmanuel Macron, toujours aussi assuré de ses propos plus d'une fois inappropriés, a osé faire la leçon aux Ukrainiens en leur expliquant ce dont ils ont besoin immédiatement - comme si ils ne le savaient pas - et ce dont ils n’ont pas besoin: des avions, bien sûr.

 

Certes, la livraison de ceux-ci exige du temps pour la formation des pilotes et des techniciens d’entretien, leur chaîne logistique. De très longs mois. Mais chacun reconnait que la guerre sera longue. Alors, pourquoi postposer encore la décision, point de départ opérationnel, de livrer des F16 américains et des Mirage français ? Cette retenue occidentale, qui n'est pas ici une qualité et qui trahit un doute dans l'analyse stratégique, est incompréhensible et indigne. Le président américain Franklin Roosevelt aurait-t-il été aussi hésitant que Joe Biden, Olaf Sholtz et Emmanuel Macron, lui qui mit son pays en ordre de marche pour briser le nazisme en Europe et l'impérialisme nippon en Asie ?  

 

Si, par malheur, la Russie venait à gagner la guerre et que l’Ukraine venait à sombrer corps et biens, s’en serait fini de toute perspective de paix sur le Vieux Continent. Nous pourrions dire adieu à notre précieux confort, retraite à 60 ou 67 ans. L’unité et l’intégrité de l’Union européenne seraient menacées d’implosion. Contrairement aux Etats-Unis, qui voient dans l’agression russe un des aspects géopolitiques de leur confrontation globale avec la Chine, l’Europe, directement concernée par une guerre sur son territoire, en tant que puissance politique, économique et militaire, y jouerait tout simplement son existence. Les peuples européens ont tout à perdre d'un anéantissement de l'Ukraine. 

 

Les deux journées passées à Londres, Paris et Bruxelles de Volodymyr Zelensky nous laissent un goût amer et la certitude d’un gâchis. Que de temps perdu à louvoyer entre la conscience que "la Russie ne peut l’emporter" (1) et les calculs politiciens et tactiques quant au phasing-in (2), pesé au trébuchet,  du soutien occidental à la victoire ukrainienne. La paix comme la démocratie ont un prix. 

 

A force de tergiverser entre intérêts court et moyen termes et projections stratégiques, de reporter sine die l’incontournable, l’Occident risque de payer un jour la facture de l’Histoire. Et elle sera salée.   

 

(1) Emmanuel Macron

(2) Montée en puissance progressive

                                                                                     Le 10 février 2023.

 

 

                                   "Nous allons vous soutenir.

                      Nous le ferons tant que cela sera nécessaire.    

          L'avenir de votre nation est au sein de l'Union européenne !"            

        Roberta Metsola, présidente du Parlement européen à Volodymyr Zelensky, Bruxelles, 9 février 2023.  

 

 

     "Nos valeurs sont celles de l'Europe, nous combattons

          pour l'Ukraine, mais aussi pour les Européens !"

                                                   Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine. 

                                                                                                                Paris, Palais de l'Elysée, 8 février 2023. 

                                                                                        Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron et Olaf Sholtz.

                     Rishi Sunak et Volodymyr Zelensky, Londres. Parlement britannique, 8 février 2023.

                                                "Donnez-nous des ailes pour protéger la liberté !"                             

 

                             "We need wings to protect liberty !"

                                                     Volodymyr Zelensky, président de l'Ukraine.

                                                    Gloire à l'Ukraine !

Je ne vis pas en Ukraine, je ne subis aucune torture, je ne vis pas sous les bombes et missiles russes, nous n'avons pas à nous désespérer de la déportation de nos petits-enfants, notre maison est sauve et chauffée, nous mangeons à notre faim. Je regarde les reportages sur la guerre à la télévision, il me prend souvent l'envie de rejoindre le front, à mon âge, c'est grotesque; une façon d'évacuer ma détresse d'être impuissant face à la sauvagerie poutinienne et wagnérienne. Je vous assure, je ne dors plus que quelques heures par nuit, le froid glacial venant d'Est gagne tout mon corps, pétrifie mon esprit, gélifie ma raison et la renvoie aux récits des vieilles barbaries ressuscitées. Qu'arrive-t-il au peuple ukrainien, si vaillant et courageux ? Que l'Occident lui livre enfin de quoi se débarrasser durablement de l'agresseur et le renvoyer dans ses foyers aveuglés et sourds. Gloire à l'Ukraine !

                                                                 Le 14 janvier 2023. 

 

 

      Un Sommet Ukraine/Union européenne qui marque l'indéfectible soutien des 27 à un Etat appelé à les rejoindre. 

 

Un Sommet Ukraine/Europe: message fort à Poutine !

 

Ce 03 février, le président du Conseil européen, Charles Michel, représentant tous les Chefs d’Etat et de gouvernements des 27, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et 15 des 27 Commissaires européens étaient présents à Kiev aux côtés du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et de tout son gouvernement. Un Sommet voulu par l’Union européenne pour exprimer à la fois sa totale solidarité politique ainsi que son soutien financier et économique à l’égard d’un pays souverain agressé. Une nouvelle enveloppe de 450 millions d’euros a été annoncée. En tout, c’est près de 20 milliards d’euros que l’Europe a débloqué pour aider son partenaire ukrainien à soutenir son effort de guerre et sa mobilisation logistique et humanitaire. 

 

En deux déclarations, tout a été dit de la position des Européens quant à la guerre que la Russie mène contre son voisin: "L’auteur doit payer et doit être tenu pour responsable", Ursula Von der Leyen.  "L’Ukraine, c’est l’Union européenne, l’Union européenne, c’est l’Ukraine", Charles Michel. La première a signifié à Moscou que le moment venu, la Russie devra rendre des comptes de ses crimes contre l’humanité et ses responsables devront être jugés devant une juridiction internationale. Le second a clairement annoncé l’intégration de l’Ukraine au sein du club européen, adhésion, chacun le sait, qui prendra malgré tout du temps, probablement une petite dizaine d’années, voire moins. 

 

Le message envoyé au petit Tsar et à son régime despotique est limpide: l’Occident est et restera derrière l’Ukraine, le temps nécessaire. L’espoir est évidemment que ce temps soit le plus court possible. Le Vieux Continent a besoin de paix et de sécurité. Afin de faire face à la grande offensive russe qui se prépare - d’aucuns parlent de 500.000 à 1 million d’hommes mobilisés - et de pouvoir renvoyer les soldats russes, du moins, ce qu’il en restera, dans leurs foyers, il est impératif pour les Etats-Unis et l’Europe d’accélérer sensiblement la prise de décision relative aux envois d’armes lourdes (chars, batteries anti-aériennes, missiles longue portée et avions de combat) et, dans le même temps, de raccourcir drastiquement les délais de livraison.

 

En face, à Volgograd, ex-Stalingrad, Poutine célébrait les 80 ans de la bataille acharnée entre l'armée rouge et l'armée nazie. L'occasion pour le dictateur de mentir à nouveau, en faisant l'inpardonnable parallèle entre "les chars allemands avec une croix" de la Seconde Guerre mondiale et les chars Leopard II allemands de 2023, promis par les Européens à l'Ukraine. Comment le peuple russe peut-il gober une telle manipulation de l'Histoire ? Comme si c'était l'Allemagne fédérale actuelle et, derrière elle, l'Occident, c'est-à-dire "les nazis" d'aujourd'hui, selon la grille de lecture renversée du Kremlin, qui, à l'instar d'Hitler, avaient envahi la Russie le 24 février 2022. Les faits sont têtus. Depuis 2014, année de l'annexion de la Crimée, c'est la Russie qui s'est rendu coupable d'une agression barbare.  

 

Rappelons-le, si elle devait gagner cette guerre au prix d’une Ukraine brisée et vassalisée, alors, oui, il ne fait aucun doute que les 30 pays de l’Otan seraient dans une situation telle qu’ils devraient actionner le feu vert pour une intervention de ses troupes en Ukraine. Si nous voulons éviter une telle confrontation directe avec la Russie en territoire ukrainien, qui ne pourrait que se terminer par l’écrasement de l’armée russe (le rapport des forces conventionnelles entre l’Alliance atlantique et la Russie est de 10 contre 1), il est urgent, c’est un euphémisme, d’appuyer l’Ukraine de tout l’arsenal nécessaire pour vaincre et défaire "la grande patrie"; à savoir, récupérer les territoires occupés. C’est ainsi seulement qu’une nouvelle architecture européenne de sécurité pourra émerger. 

                                                                     Le 04 février 2023. 

 

   Le chancelier allemand, Olaf Scholtz, devant le Bundestag et le président américain, Joe Biden, à la Maison Blanche. 

 

Il n'est peut-être pas trop tard, mais que de temps perdu !

 

Ainsi donc, après bien des atermoiements, en concertation entre alliés, l'Allemagne puis les Etats-Unis, ou l'inverse, ont fini par accepter l'envoi de chars lourds à l'Ukraine. Hier, au Bundestag, le chancelier Olaf Scholtz a annoncé la livraison à Kiev de 14 chars Leopard II issus des stocks de l'armée fédérale allemande. Ils iront rejoindre sur le champ de bataille les Leopard II de l'Espagne (20 à 50), ceux des Pays-Bas (18), de la Pologne (14), de la Finlande (14), de la Norvège (8), du Danemark (6) et de la Bulgarie (4). Ajoutons les chars Abrams américains (31), promis hier par le président Joe Biden, et les chars Challenger II britanniques (14), cela commence à être sérieux.

 

A tout le moins, les Ukrainiens pourront compter, d'ici trois mois et de manière homogène, sur une centaine de chars Leopard II, représentant trois brigades. Si on ajoute les 46 blindés américains et britanniques, c'est près de cinq brigades de chars d'assaut (144) qui seront disponibles face à l'offensive russe du printemps/été. Car il faut former les tankistes et techniciens ukrainiens à ces armes lourdes sophistiquées, d'un maniement qui n'est pas simple, surtout dans le chef des Abrams. 

 

Disons tout de suite que cette centaine de chars lourds ne suffira pas. Les Occidentaux, ils le savent, devront en fournir d'autres, plusieurs centaines, en fonction de l'évolution stratégique de la guerre. L'escalade tant redoutée, à juste titre, est le fait de la seule Russie. Poutine n'a nullement renoncé à ses objectifs de guerre: renverser le pouvoir démocratique à Kiev, le remplacer par un gouvernement fantoche aux ordres du Kremlin, quitte à détruire une grande partie de l'Ukraine. L'important pour le despote et sa horde de terroristes est de gagner la guerre, peu importe le prix à payer en pertes humaines. Et si il faut que "la grande patrie" sacrifie plusieurs centaines de milliers d'hommes, eh bien, Moscou en passera par là. Rappelons le déséquilibre démographique entre les deux belligérants: 40 millions d'Ukrainiens et 140 millions de Russes. Autant s'y préparer.

 

Que vont faire les autres partenaires de la coalition ? La France va-t-elle franchir le pas en livrant une vingtaine de chars Leclerc à l'armée ukrainienne ? Ce n'est pas exclu, comme l'a dit le président Emmanuel Macron. Ce serait davantage un geste politique qu'un acte militaire. D'abord, parce Paris n'en possède pas tellement dans ses hangars, seulement 220. Mais surtout, parce que l'ajout d'un quatrième type de char lourd ne ferait que compliquer la tâche des Ukrainiens; les obligeant à jongler avec quatre technologies de conceptions non-convergentes et quatre protocoles de maintenance différents. A ce stade, il serait sans doute opportun que le président français donne l'ordre d'envoyer rapidement à Kiev des batteries navales anti-missiles Aster 30 et terrestres SAMP/T. On sait que Moscou s'apprête dans les semaines à venir à intensifier ses frappes sur l'ensemble du territoire ukrainien et prépare activement sa grande offensive de printemps/été. Autant anticiper.

 

Enfin, ces dispositifs lourds, pour être efficaces, doivent impérativement être accompagnés d'un soutien terrestre et aérien conséquent. C'est pourquoi le président Volodymyr Zelensky réclame depuis plusieurs semaines des avions de chasse et des missiles à longue portée. La Haye a déjà proposé ses F16, d'autre capitales européennes vont probablement suivre. Les Ukrainiens devront pouvoir compter sur une cinquantaine d'avions supersoniques de combat, pas moins, voire plus. Quant aux missiles à longue portée, ils pourraient être utilisés, pour des raisons de sécurité, à partir et sur le territoire ukrainien en base arrière du front, en ciblant tant les lignes offensives que défensives russes.  

 

L'armée ukrainienne pourrait-elle les déployer avec l'intention de frapper le territoire russe ? En principe, oui. Cependant, la présidence et l'état-major ukrainiens sont parfaitement informés qu'il s'agit-là d'une ligne rouge occidentale. Il n'est pas question pour les pays de l'Otan, quels qu'ils soient, de s'en prendre aux villes russes. Cela posé, rien n'empêcherait les forces armées ukrainiennes, ce serait logique et légitime, de frapper les lignes logistiques de stockage et d'acheminement russes, y compris en Russie, ou de recourir à leurs propres armements pour la frapper en profondeur.

 

Les Ukrainiens sont passés maîtres dans le bricolage technologique, notamment en matière de drones de fabrication soviétique, qu'ils modernisent avec des systèmes GPS de guidage. De même, rien ne les  n'empêche, si ce n'est déjà fait, d'infiltrer le territoire russe par l'envoi d'unités mobiles spécialisées dans la pénétration et le sabotage. On ne sait toujours pas d'ailleurs l'origine des centaines d'incendies qui se sont déclarés ces derniers mois un peu partout en Russie.

 

La guerre va durer, c'est une certitude, tant que Poutine et les siens ne sont pas persuadés qu'ils vont la perdre. Si nous voulons qu'il en soit ainsi, si nous voulons que le conflit se termine, pas de doute, il faut donner à l'Ukraine tous les moyens disponibles pour atteindre cet objectif. Espérons qu'il n'est déjà pas trop tard. Ensuite, une fois que les soldats russes, du moins ce qu'il en restera, seront rentrés dans leurs foyers, alors, et alors seulement, avec le concours des puissances occidentales, de l'Union européenne, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de leurs alliés, des négociations de paix pourront s'ouvrir en vue d'établir pour l'avenir une nouvelle architecture de sécurité en Europe. A cette fin et d'ici là, le pouvoir et le peuple russes devront tirer toutes les conséquences de leur folie actuelle.

                                                                     Le 26 janvier 2023.  

 

    Bras de fer entre Olaf Scholtz et Annalena Baerbock. 70 chars Leopard pourraient être rapidement livrés à l'Ukraine.   

 

  L’attentisme de l’Allemagne renforce la Russie prédatrice ! 

 

Ce sont les Ukrainiens qui meurent chaque jour par centaines sous la déferlante d’obus et de missiles russes, pas les Occidentaux. Q’ils soient militaires engagés sur le front ou civils transis de froid dans les habitations encore debout, le peuple ukrainien, depuis bientôt un an, paie le prix fort d’une agression barbare décidée par Poutine, suivi et servi par un régime totalitaire et globalement soutenu par des populations sans tradition démocratique et labotomisées au poison de la nostalgie de "la puissance et de la grandeur" de l’empire russe.  

 

Certes, les Américains et les Européens, à des degrés divers et de manière très progressive, ont soutenu Kiev dans sa résistance, lui permettant de neutraliser une attaque directe sur la capitale. L’objectif du despote russe était de renverser le pouvoir démocratique en place, d’éliminer le président Volodymyr Zelensky et d’imposer un pouvoir fantoche pro-russe, à l’image d'une Biélorussie vassalisée par le dictateur Loukachenko. Ensuite, l'aide humanitaire, financière et militaire des alliés a été décisive dans la reconquête de 18% des territoires occupés. 

 

Mais, depuis l’automne, la donne a changé. La mobilisation russe de 300.000 hommes, malgré une désorganisation récurrente et des pertes colossales dans les combats - certains experts les estiment à plus de 100.000 - les frappes quasi quotidiennes sur beaucoup de villes ukrainiennes (drones iraniens, missiles supersoniques) et les préparatifs manifestes d’une deuxième mobilisation massive - on parle de plus d’1 million d’hommes - ainsi que le renforcement tous azimuts d’une économie de guerre qui ne dit pas son nom (efforts intenses de production de munitions et d’armements, contournement des sanctions occidentales via la Turquie, l’Iran, la Corée du Nord, l'Inde et la Chine), tout cela, c’est une certitude, annonce une offensive russe d'ampleur entre le printemps et l’été prochains. La rivalité, bien réelle, entre les terroristes du groupe Wagner de Prigojine et l’armée de Guerassimov alimente en fait une nouvelle dynamique dans le processus d’agression et d'invasion. 

 

Ne nous y trompons pas, la menace est triple: dans l’Est, du Nord au Sud, en passant par le Donbass, au Nord, depuis la Biélorussie, et sur l'ensemble du territoire ukrainien, par des frappes régulières et aléatoires sur les infrastructures énergétiques et les immeubles d’habitation. 

 

En face, les Ukrainiens tiennent bon dans l’Est, malgré la perte avérée de la petite ville de Soledar. La bataille de Bakhmout est loin d'être close. Au Nord, ils sont prêts et attendent une éventuelle intrusion russe et biélorusse en Ukraine. La région est très marécageuse, seules trois routes mènent à Kiev, routes évidemment défendues par l'armée ukrainienne. Jusqu’à quand vont-ils pouvoir tenir ? Dans les prochaines semaines, et pas dans six mois, il leur faudra se mettre en ordre de marche. Cela signifie être en capacité non seulement de pouvoir neutraliser une grande offensive russe, mais encore d’organiser une contre-offensive puissante, à même d’enfoncer les lignes de défense russes et de manoeuvrer, via des mouvements d’encerclement et de destruction des forces ennemies.

 

L’armement actuel ukrainien est structurellement insuffisant pour assurer cet objectif stratégique. La promesse de chars légers français, américains, allemands et britanniques permettra certes de frapper des unités russes, sur des espaces limités, avec des gains relatifs, effectifs mais non décisifs. En aucun cas, ces blindés AMX-10 RC, Bradley, Marder et Warrior ne pourront servir à atteindre le but de bascule. C’est pourquoi le président et l’état-major ukrainiens, en possession de renseignements qui confirment les préparatifs intensifs d’une prochaine offensive de l'ennemi, ne cessent de demander aux Occidentaux de quoi pouvoir déployer leur propre contre-offensive en prenant les Russes de vitesse. 

 

C’est donc la livraison la plus rapide possible de chars lourds, d’avions et d’hélicoptères de combat ainsi que des systèmes modernes de contre-missiles et de missiles à longue portée, qui permettra à l’armée ukrainienne de détruire les lignes offensives et défensives russes et de prendre ainsi un avantage déterminant pour la suite et la fin de la guerre.

 

Si cet objectif n'était pas consolidé d'ici la fin 2023 et que les forces armées ukrainiennes devaient abandonner le terrain à l'agresseur, alors, oui, nous avons l'intime conviction, basée sur une analyse lucide à bonne source, qu'à défaut d'avoir suffisamment armé à temps l'Ukraine, ce sont les soldats de l'Otan, polonais, baltes, roumains, danois, britanniques, allemands, belges, français, italiens, espagnols ..., avec leur écrasante supériorité conventionnelle, qui devront engager directement le combat contre l'armée russe sur le territoire ukrainien.

 

Car l'Ukraine ne peut pas perdre cette guerre; les conséquences en seraient trop graves. La paix est parfois au prix d'une guerre totale, à l'exception des armes nucléaires, qui, répétons-le, ne seront pas utilisées dans ce conflit par aucune des parties. La grossière propagande des médias et "experts" russes sur les fameuses lignes rouges ne sont qu'un des moyens faibles à leur disposition pour tenter de terroriser les opinions publiques occidentales et de briser la solidarité entre alliés, entre Européens eux-mêmes et entre Européens et Américains. En vain. 

 

Dans le décompte des forces en présence, les chars lourds français Leclerc sont en nombre limité 220 en tout, pas assez pour constituer une force d’attaque crédible. Le président Emmanuel Macron a laissé entendre qu’il était prêt à en donner un petit nombre, sans doute une dizaine, peut-être une vingtaine, de quoi encourager les autres pays de la coalition à faire de même. Les Britanniques ont déjà annoncé la livraison de chars lourds Challenger II, tout au plus une vingtaine. Les Américains sont plus que réticents à envoyer leurs chars Abrams. Selon nos informations, plusieurs centaines de ces blindés seraient stationnés en Allemagne, sur la base militaire de Ramstein, ce qui faciliterait grandement leur acheminement. Mais Washington bloque, plus précisément le Pentagone, et rend Berlin d'autant plus attentiste. Il se dit que le président Joe Biden serait plus favorable à la livraison.

 

Il y a une autre voie possible et qui remplit toutes les cases. C’est celle du char allemand Leopard II, produit et vendu par Berlin à treize pays, la plupart européens. Il y en a plus de 2000 stationnés sur le Vieux Continent. Ils peuvent donc être rapidement mis à disposition des Ukrainiens, moyennant une formation des tankistes ukrainiens, qui semble avoir déjà commencé en Pologne, et le règlement du problème d'une maintenance importante. L'Ukraine réclame 300 chars. Les Leopard II sont disponibles et ont l'immense mérite de permettre à l'armée ukrainienne une gestion coordonnée et cohérente tant de leur entrée en action, exclusivement sur le territoire ukrainien, que de leur entretien.   

 

Lors de la réunion d’une cinquantaine de pays soutenant l’Ukraine sur la base militaire allemande de Ramstein, les 19 et 20 janvier, des annonces ont été faites concernant la livraison de divers matériels militaires, sorte de foire hétéroclite dans laquelle les Ukrainiens peuvent faire leur marché. Loin de nous l’idée que ces armements ne seraient pas utiles et nécessaires. Quelques exemples: 600 missiles britanniques Brimstone, des milliers de roquettes américaines GLSDB, des centaines de missiles suédois NLAW, plusieurs batteries Patriot et des canons Caesar danois. L'effort des Occidentaux est conséquent et appréciable, mais insuffisant aux yeux de Kiev et de la plupart des experts militaires.

 

La Pologne, la Finlande, le Danemark, l'Espagne et peut-être l'Allemagne, selon une source informée, pourraient mettre à disposition de l'Ukraine 14 chars Leopard chacun, ce qui représenterait un appui de 70 blindés lourds. Ceci pourrait constituer deux brigades complètes, avec un impact certain sur le terrain, mais toujours en-deçà du seuil nécessaire pour pouvoir renvoyer les Russes dans leurs foyers. 

 

Hier, le président français, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholtz, ont célébré à Paris le 60ème anniversaire du Traité franco-allemand de l’Elysée, signé par le président Charles De Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer, le 22 janvier 1963. Les derniers mois de la relation Paris/Berlin n’ont pas été faciles. Nombre de divergences ont en effet caractérisé "le couple", comme on dit en France, "le partenariat", comme on dit en Allemagne. Les termes ont leur importance. 

 

Lors de la conférence de presse des deux chefs d’Etat, tout le monde attendait Olaf Scholtz (social-démocrate) sur la question des chars Leopard II. Après avoir dit que l’Allemagne avait "déjà fait beaucoup pour l’Ukraine", ce qui est vrai, et qu’elle continuerait à la soutenir "le temps qu’il faudra", il est resté très évasif sur le sujet. A l’issue des questions-réponses avec les journalistes, chacun est resté sur sa faim. Quant à Emmanuel Macron, il a dit que "tout est possible", tout en conditionnant son feu vert à de nombreux paramètres, rendant l'éventuelle offre française plus symbolique et politique qu'opérationnelle. Le "en même temps" macronien en temps de guerre ... Ça ne mange pas de pain. 

 

Une heure plus tard, sur la chaîne française en continu LCI, la ministre allemande (Ecolo) des affaires étrangères, Annalena Baerbock, a déclaré que si la Pologne, qui a acheté à Berlin plusieurs centaines de chars Leopard II, demandait à l’Allemagne son accord pour livrer à l’Ukraine une part des siens, 14 dans un premier temps, le gouvernement allemand ne s’y opposerait pas.

 

Deux questions se posent: quelle est au juste la position du gouvernement allemand ? Quelle sera l’issue du bras de fer entre les sociaux démocrates du chancelier et les Verts de la ministre ? Quoi qu'il en soit, toute décision positive relative à l'envoi direct de chars Leopard à Kiev devra passer par un débat et un vote au Bundestag, le parlement allemand. 

 

La Pologne, favorable à l’envoi de chars lourds à Kiev, attend une réponse officielle de Berlin pour agir, de même que la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie, qui disposent aussi du char lourd allemand.

 

L’Allemagne ne peut plus faire attendre plus longtemps ses partenaires et alliés; elle ne peut plus imposer à l’Ukraine une fragilité systémique qui, si elle devait persister dans la durée, aura des conséquences catastrophiques pour la paix en Europe. Nous en sommes convaincus. 

 

A trop tergiverser et à trop calculer, à se morfondre constamment dans les affres du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale et du pacifisme béat qui s’en est suivi - qui a mis littéralement l’économie énergétique allemande dans les mains de Moscou - les Allemands font le jeu de Poutine, qui, comme un seul homme, puisque c’est lui qui décide de tout, du haut de la pyramide du Kremlin, avance ses pions et gagne un temps précieux. Son objectif de guerre est toujours le même: abattre "le régime nazi de Kiev" et transformer l’Etat souverain, démocratique et pro-européen ukrainien en bantoustan servile, russophile et russophone. Il ne fait donc aucun doute que l’incroyable attentisme de l'Allemagne renforce chaque jour la Russie prédatrice. L'Histoire se joue en ce moment.

 

* Le Bureau anti-corruption ukrainien vient de procéder à l'interpellation de 11 personnes, ministres et hauts fonctionnaires, pris la main dans le sac en pleine guerre. Le président Volodymyr Zelensky a dénoncé avec force et sévérité ce qui constitue le Talon d'Achille, c'était connu, de l'Ukraine; une délinquance financière totalement incompatible avec la demande de Kiev de rejoindre un jour l'Union européenne. Ça tombe très mal, au moment même où la Chambre des représentants américaine, à majorité désormais conservatrice, à juste titre, demande la transparence concernant l'utilisation des sommes très importantes que les Etats-Unis versent à l'Ukraine en soutien à sa guerre contre l'envahisseur. D'où la colère du président ukrainien. Ce qui est rassurant, c'est que la presse ukrainienne ait dénoncé des pratiques qui rappellent l'époque soviétique, ce qui prouve son indépendance, et que la présidence ait immédiatement déclenché une opération "mains propres" avec le limogeage, sans doute l'arrestation, des individus concernés. Avec ce qui s'est passé au parlement européen, l'énorme scandale du Quatargate et Marocgate, impliquant plusieurs députés, l'Europe est mal placée actuellement pour faire la leçon en ce domaine.  

                                                                        Le 23 janvier 2023. 

 

 

          Bombardier nucléaire Backfire Tu-22M3 et son missile kh-22. Dramatique impact sur un immeuble de Dnipro.   

 

    La terreur russe sur Dnipro n'est qu'un aperçu de ce qui attend 

               l'Ukraine si l'Occident continue à faire semblant !              

 

Nous avons attendu quatre jours pour recueillir suffisamment d’informations quant à l’origine du tir de missile, le 14 janvier dernier, sur un immeuble d’habitation au coeur de la ville ukrainienne de Dnipro (Est de Kiev, Ouest de Donetsk, Nord de Zaporijia), cité de plus d'1 million d'habitants avant la guerre. Troisième agglomération du pays, elle s’étend essentiellement sur la rive Sud du Dniepr. 

 

Il est désormais établi que c’est bien un missile de croisière russe kh-22 qui a frappé le building de neuf étages où résidaient plus d’une centaine de personnes. Ce missile a été lancé depuis la Russie, frontière Nord, par un bombardier nucléaire Backfire Tu-22M3. Le kh-22 est une arme redoutable anti-navire destinée à détruire les porte-avions. Le bilan est de 45 morts, dont 6 enfants et plusieurs adolescents, une vingtaine de disparus et 79 blessés. 

 

Il s’agit d’un missile supersonique, d’une portée de 600 km, dont la charge peut aller de 500 kg à 1 tonne. Sa vitesse de croisière est de 5550 km/heure. Il est donc très difficile à intercepter avec des batteries anti-missiles traditionnelles, dont est dotée jusqu’à ce jour la défense anti-aérienne ukrainienne. Le kh-22 a été mis en service par Moscou en 2016 et a déjà terrorisé les populations ukrainiennes depuis le début de la guerre, il y aura un an le 24 février prochain, 210 fois …

 

Qu’est-ce qui prouve la responsabilité russe ? Ce 17 janvier, des fragments du missile kh-22 ont été retrouvés dans les ruines de ce qui reste de l’immeuble. Ces débris permettent, sans aucun doute possible, d’identifier la Russie, ici, son aviation, et donc le Kremlin, comme étant à l’origine de ce nouveau crime de guerre. Le kh-22 n’est en service qu’au sein des forces armées russes.

 

Seuls les systèmes américains anti-missiles, qui ont fait leurs preuves en Israël, souvent victime de tirs de missiles en provenance de Gaza (Hamas) et du Sud-Liban (Hezbollah), peuvent neutraliser les kh-22. Il est donc urgent pour les Occidentaux, avec la livraison de nombreux chars lourds et d’avions de combat, de mettre à disposition de l’armée ukrainienne les fameux Patriot Pac-3 et Samp-T. 

 

Hier, l’état-major russe, par la voix de son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a annoncé, d’ici 2026, de porter les effectifs permanents de son armée (les militaires professionnels) de 900.000 à 1 million 500.000 hommes. Il est très probable que dans les semaines à venir, Poutine sera obligé d'engager une nouvelle mobilisation d’ampleur. Les experts évoquent 500.000 à 1 million de mobilisés, portant l’âge de réquisition à 30 ans. Rappelons que la Russie, c’est 140 millions d’habitants ... L’objectif étant d’écraser l’Ukraine par la masse de soldats; chair à canon qui a tant servi sous les régimes tsariste et soviétique. Cette stratégie du nombre, quelles qu'en soient les pertes, est dans l'ADN de "la grande patrie". 

 

Si les Européens et les Américains ne veulent pas voir les chars russes pavoiser à Kiev - ce serait cataclysmique pour le Vieux Continent et ses démocraties libérales - alors, c’est maintenant, et pas dans plusieurs mois, qu’il faut doter l’armée ukrainienne des moyens nécessaires, non seulement de résister au rouleau compresseur russe, mais de renvoyer l’occupant dans ses frontières nationales et de poursuivre les chefs de guerre, Poutine en tête, devant une cour pénale internationale dédiée aux crimes contre l’humanité qu’ils ont commis et commettent en Ukraine. Il est à noter que les services de renseignement ukrainien ont identifié tous les militaires russes, tant de l'équipage du bombardier tueur, des préparateurs que des officiers donneurs d'ordre, ayant participé directement et indirectement au massacre de Dnipro. Ainsi, ils savent dès à présent qu'ils ne pourront échapper, en présence ou par contumace, à un jugement d'une justice qui fera son oeuvre tôt ou tard. Comme l'a déclaré le président Volodymyr Zelensky: "Le monde doit arrêter ce mal". Le monde doit punir "la terreur russe".  

                                                                    Le 18 janvier 2023. 

 

   Les chars lourds Challenger 2 britanniques en opération. Leur arrivée prochaine en Ukraine devrait changer la donne.  

            Les réticences occidentales ont fait long feu !

 

"Cette fois encore, messieurs les Anglais ont tiré les premiers. Déjà en pointe dans le soutien militaire à l’Ukraine, le gouvernement britannique a annoncé, samedi 14 janvier, la livraison "dans les prochaines semaines" de quatorze chars lourds Challenger 2 aux soldats de Kiev, une première pour un pays occidental depuis l’entrée des troupes russes sur le sol ukrainien. Cette livraison reflète "l’ambition du Royaume-Uni d’intensifier son soutien à l’Ukraine", a indiqué Downing Street, à l’issue d’un entretien téléphonique entre le premier ministre britannique, Rishi Sunak, et le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

 

Jusqu’ici, les alliés occidentaux de Kiev avaient fait de la livraison de chars lourds à l’Ukraine une ligne rouge, estimant que la fourniture d’engins d’une telle puissance risquait d’entraîner une escalade avec Moscou. Mais l’intensification des frappes russes sur les populations civiles et la perspective d’une guerre longue si aucune aide supplémentaire n’est apportée à l’Ukraine ont fini par convaincre un certain nombre de pays de franchir le pas. Outre le Royaume-Uni, la Finlande et la Pologne se disent prêtes à envoyer des chars en Ukraine, mais elles ont besoin du feu vert de Berlin.

 

"Les autorités de défense et de sécurité du pays pensent qu’une fenêtre d’opportunité s’est ouverte alors que la Russie est sur la défensive, à cause de problèmes de ravitaillement et d’un moral en berne. Le premier ministre encourage les alliés à déployer leur soutien à l’Ukraine le plus vite possible", a justifié Downing Street dans un communiqué publié samedi. Dans un entretien publié mi-décembre 2022 par The Economist, le chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, a estimé à 300 le nombre de chars occidentaux – plus précis et plus puissants que les modèles soviétiques déjà fournis par certains pays européens – nécessaires à la reprise de ses offensives.

 

Le soutien sans réserve de Londres

 

En agissant ainsi, Rishi Sunak s’inscrit dans la droite ligne de ses prédécesseurs, Boris Johnson et Liz Truss, qui ont soutenu sans réserve l’Ukraine en 2022. Le Royaume-Uni a été l’un des premiers à armer les forces de Kiev, avant même le début de l’invasion russe, en janvier 2022, avec des missiles antichars portatifs NLAW, contribuant à stopper les blindés russes convergeant vers la capitale ukrainienne. Selon l’Institut Kiel, qui comptabilise l’aide apportée à l’Ukraine, le Royaume-Uni est le deuxième contributeur en matière d’appui militaire, derrière les Etats-Unis. Londres a également annoncé samedi l’envoi de 30 canons automoteurs AS-90.

 

Bien plus pragmatique que Liz Truss et Boris Johnson, et confronté à un mouvement social sans précédent dans un contexte économique national difficile, Rishi Sunak s’est gardé jusqu’à présent de réitérer l’engagement de Mme Truss de consacrer 3 % du produit intérieur brut britannique aux dépenses militaires. Pour autant, le dirigeant s’affiche comme un des plus solides et audacieux soutiens de Kiev. Il faut dire qu’il ne peut pas se permettre de rester à l’arrière-plan, alors que M. Johnson, qui n’aurait pas renoncé à faire son come-back à Downing Street, continue de cultiver son lien d’amitié avec M. Zelensky – selon le Guardian, l’ex-premier ministre planifie une nouvelle visite à Kiev dans les prochains mois.

 

Au-delà de son intérêt militaire, limité au vu du nombre de chars cédés et de leur nature (doté d’un canon rayé, le Challenger 2 ne peut utiliser des obus standards), l’annonce britannique a aussi pour objectif de mettre la pression sur Berlin. Sollicité pour fournir des chars Leopard 2 de fabrication germanique aux Ukrainiens, en les puisant dans les stocks de la Bundeswehr ou en autorisant les pays qui en possèdent à les céder, le gouvernement allemand regimbe depuis des mois. Or quelque 2 000 Leopard se trouvent aujourd’hui dans les arsenaux européens, de loin le plus gros contingent occidental.

 

"Le chancelier doit surmonter ses réticences"

 

Un changement de cap se dessine néanmoins depuis plusieurs jours. Selon le quotidien allemand Handelsblatt, qui citait, dimanche 15 janvier, des sources proches du dossier, des discussions auraient lieu pour savoir comment Berlin pourrait participer à une alliance entre les utilisateurs européens du Leopard. Si cette participation était confirmée, ce serait la levée d’un des plus grands tabous allemands sur les questions militaires et de sécurité.

 

Le chancelier Scholz avançait jusqu’ici trois éléments pour justifier sa fermeté : la crainte d’une guerre directe entre l’OTAN et la Russie, la nécessité de ne pas agir seul et le besoin de laisser une issue diplomatique au président Vladimir Poutine. Sa formation politique, le Parti social-démocrate, encore teintée de pacifisme, le suit sur cette ligne, ainsi qu’une partie de l’opinion allemande, qui redoute d’être entraînée dans un conflit avec Moscou. Selon un récent sondage pour la chaîne ZDF, 46 % des personnes interrogées désapprouvent la livraison de chars à l’Ukraine, 42 % étant pour.

 

La position de la chancellerie a néanmoins progressivement évolué. Le 5 janvier, Olaf Scholz a autorisé le transfert à l’Ukraine de chars légers Marder, dans une déclaration commune avec les Etats-Unis, qui annonçaient une livraison du même type de matériel. Avec les récentes annonces britannique et polonaise, il devient de plus en plus difficile pour le chancelier de s’opposer à l’exportation des Leopard. D’autant que les voix s’accumulent, dans sa coalition, pour l’y pousser.

 

Robert Habeck, vice-chancelier et membre du parti écologiste, a déclaré jeudi 12 janvier que l’Allemagne ne devrait pas « se mettre en travers du chemin lorsque d’autres pays prennent des décisions pour soutenir l’Ukraine », et ce, "indépendamment des décisions que prend l’Allemagne". Chez les libéraux du FDP, l’autre parti allié de la coalition, plusieurs voix se sont aussi élevées, ces derniers jours, en faveur de la livraison de chars. « Il ne doit pas y avoir de tabou sur cette question », a déclaré le ministre de la justice, Marco Buschmann. "Au vu du drame en Ukraine, le chancelier doit surmonter ses réticences", a ajouté Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente FDP de la commission défense au Bundestag.

 

L’armée française réticente à céder des chars Leclerc

 

La très probable démission de la ministre allemande de la défense, Christine Lambrecht, attendue ces prochains jours, pourrait faciliter cette décision et donner un nouvel élan à la politique de défense de l’Allemagne. Celle-ci a été plus marquée par les hésitations que par une stratégie claire depuis le discours d’Olaf Scholz sur la "Zeitenwende" (changement d’époque), prononcé devant le Bundestag quelques jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, fin février 2022, qui avait mis fin à la tradition allemande de retenue en matière de sécurité.

 

Selon différentes sources, le feu vert de Berlin pourrait intervenir vendredi, lors d’une nouvelle réunion des pays alliés de l’Ukraine sur la base militaire américaine de Ramstein (Allemagne). "Les récentes promesses de livraison d’armement lourd sont importantes – et je m’attends à ce qu’il y en ait davantage dans un futur proche", a déclaré le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, dans un entretien au Handelsblatt publié dimanche.

 

Signe d’une accélération, de nombreux échanges diplomatiques se tiendront cette semaine sur le sujet. Le ministre de la défense britannique, Ben Wallace, se rendra en Estonie et en Allemagne. James Cleverly, le ministre des affaires étrangères de Rishi Sunak, ira de son côté aux Etats-Unis et au Canada, pour coordonner et « galvaniser » l’aide internationale à l’Ukraine, indique Downing Street. Olaf Scholz, lui, est attendu au Forum économique de Davos, tout comme la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ou le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.

 

Et la France ? Sollicitée comme les autres capitales européennes, Paris n’a pas, pour l’instant, fourni de chars lourds à l’Ukraine. Le 4 janvier, Emmanuel Macron a annoncé la livraison de chars légers AMX-10 RC, des véhicules à roues très mobiles mais dont le blindage est plus léger que celui d’un char de combat. Paris pourrait en céder plusieurs dizaines d’exemplaires "dans les deux mois", a précisé le ministère des armées.

 

Si des discussions entre Paris et Kiev sont bien en cours sur une éventuelle cession de chars lourds Leclerc, l’armée française est réticente à cette idée : elle n’en possède que 222 exemplaires, chiffre qu’elle estime déjà trop bas pour pouvoir affronter un conflit de haute intensité. Selon le site Oryx, qui compile les pertes matérielles en Ukraine sur la base de preuves visuelles, les Russes ont perdu au moins 1 614 chars en onze mois et les Ukrainiens, 449." Le 16 janvier 2023.

                                             Le Monde, Cécile Boutelet, Cécile Ducourtieux et Cédric Pietralunga. 

 

 

             C'est maintenant qu'il faut livrer à l'Ukraine

                           de quoi gagner la guerre !

 

        Le char dit léger britannique Warrior et le blindé lourd Leopard 2 polonais, acheté à l'Allemagne, en manoeuvre.

 

Ces dernières 48 heures ont vu les événements s'accélérer sur le champ de bataille comme dans les chancelleries occidentales. Le front, qui s'étend, rappelons-le, sur plus de 800 km, semble immobile depuis plusieurs semaines, ce ne sont qu'apparences. A Bakhmout, les combats sont féroces. 

 

Les mercenaires du groupe terroriste Wagner, à la solde de Poutine, sont entrés dans la petite ville de Soledar (11.000 habitants avant la guerre), non loin de la grande cité de Bakhmout, à mi-chemin entre Lyssytchansk et Donetsk, dans l'Est de l'Ukraine. Les milices d'Evgueni Prigojine, admirateur d'Hitler et ancien truand reconverti dans le catering institutionnel, puis dans la soldatesque barbare, ne contrôlent pas pour l'heure toute la bourgade de Soledar.

 

L'enjeu n'est pas que symbolique et d'affichage, considérant le peu d'intérêt stratégique de cette ville mineure. Des mines de sel recouvrent en effet le sous-sol de la région et pourraient constituer aux yeux du nervi du Kremlin une prise de guerre sonnante et trébuchante. C'est le mode operandi de Wagner, qui se sert sur la bête. C'est exactement ce qu'ils font en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso et ailleurs. L'état-major de l'armée russe ne voit pas "la victoire", toute relative, des voyous de Wagner d'un bon oeil. La rivalité entre le ministre de la Défense russe, Sergueï Choïgou, et Prigojine est aujourd'hui à son paroxysme. Plus ce dernier se vante de gains dans la guerre, au prix de milliers de morts, plus il abaisse la crédibilité de l'armée officielle et plus les militaires sont humiliés et en colère.

 

Pendant ce temps, le petit Tsar observe cette guerilla dans la guerre et fait switcher, pour la quatrième fois, le poste de chef de guerre entre Sergey Surovikin, le boucher de Damas, et Valeri Guerassimov, proche de Choïgou et actuel chef d'état-major de l'ensemble de l'armée russe. Cela présage de futurs grandes tensions et règlements de compte sanglants. Tôt ou tard, l'un et l'autre sombreront. On a tendance à croire que le traiteur assassin et hors contrôle de Wagner sera le premier à disparaître. 

 

Du côté occidental, après les annonces française, américaine et allemande de livraisons de chars à l'Ukraine, on vient d'apprendre que le Royaume-Uni livrerait à son tour à Kiev des blindés Warrior, appartenant à la même catégorie de chars dits légers. Et hier, c'est la Pologne qui annonçait, "dans le cadre d'une coalition internationale", qu'elle mettait à disposition de son voisin et allié agressé des chars lourds Leopard, d'un tout autre format, ceux-là mêmes vendus il y a une vingtaine d'années à Varsovie par l'Allemagne. Une nouvelle ligne rouge, plus fictive que réelle, vient à nouveau d'être franchie dans ce que d'aucuns continuent d'appeler, contre toutes évidences, "une non-cobelligérence". Et c'est une bonne chose. A espérer maintenant que ce pas audacieux et courageux polonais, peut-être décisif, sera suivi par d'autres, Etats-Unis, France, Allemagne et Royaume-Uni en tête. 

 

C'est maintenant que l'Occident doit fournir à l'Ukraine de quoi gagner la guerre ! 

 

Les chars lourds, à la puissance de feu redoutable, avec l'aviation et les missiles à longue portée, sont, à coup sûr, la garantie d'une victoire de l'Ukraine avant la fin de cette année. Qu'est-ce que cela signifie ? A minima, la reconnaissance par Moscou de sa défaite et le retrait de tous les territoires occupés de toutes ses forces militaires. Alors seulement, des négociations pour une paix durable dans le cadre d'une nouvelle architecture de sécurité européenne pourront être engagées. Plus les chancelleries tarderont à mettre à disposition des Ukrainiens le matériel militaire nécessaire et ad hoc, plus la guerre, ses destructions massives et ses centaines de milliers de morts continueront à alimenter les relevés macabres des crimes contre l'humanité commis par le régime poutinien. Plus l'Europe sera aussi exposée aux menaces systémiques protéiformes d'une puissance russe aujourd'hui à la dérive.   

 

Tous les experts s'accordent sur un point: de grandes offensives terrestres sont en préparation dans les deux camps. Un hiver rigoureux, avec des sols gelés et, plus tard, la fin d'un printemps boueux, englué dans la fameuse "raspoutitsa", sont deux périodes propices à des mouvements militaires stratégiques d'ampleur. Du côté russe, ce sera une énorme mobilisation d'1million d'hommes, avec l'espoir que la chaire à canon massive sera le rouleau compresseur qui manque tant à Moscou, vu les carences de production, de logistique et d'encadrement de son armée. Du côté ukrainien, avec beaucoup moins de soldats - 250.000 hommes - ce devra être impérativement une phase éclaire, fulgurante et puissante, pour perforer et détruire les défenses russes grâce à un matériel militaire occidental regroupé et coordonné, sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale; des équipements multi-armes techniquement et technologiquement dévastateurs pour l'ennemi. C'est à ce prix, et seulement à ce prix, que la sale guerre russe en Ukraine pourra prendre fin. Poutine et les siens n'y survivront pas.    

 

Dans cette perspective, la Russie ne disparaîtra pas. Qui peut croire à cette faribole brandie par les faux naïfs et les complices poutiniens ? La Russie demeurera un grand pays, le plus vaste de la planète, un pays composé de peuples pluriels, aux traditions fortes et honorables. La Russie restera une nation dotée d'une riche et immense culture, d'une histoire qui plonge ses racines dans les profondeurs tourmentées de l'Europe et de l'Asie. Mais la Russie va devoir changer, en démontrant à la communauté internationale, par des actes juridiques, législatifs et politiques solennels et tangibles, son désir de paix tant avec ses voisins proches que plus lointains. La Russie devra le faire dans le respect et la garantie réciproque de l'intégrité de chacun. La Russie va également devoir convaincre de son aspiration, de sa volonté à enfin s'approprier les valeurs d'un monde civilisé et démocratique. Personne ne lui demandera de renoncer à elle-même, à ses ambitions légitimes, mais personne, en tout cas dans les capitales des démocraties libérales, n'acceptera plus jamais qu'elle constitue une menace existentielle pour ce que le régime poutinien actuel considère comme ses proies naturelles.  C'est tout.

                                                                     Le 12 janvier 2023.   

 

        Pour l'Ukraine, aux chars AMX-10 RC français viendront s'ajouter les chars Bradley américains et les chars Marder allemands. 

 

       Demander à l’Ukraine de se battre une main dans le dos

                             était une faute stratégique !

 

Au tournant de l’An neuf, Emmanuel Macron a annoncé que la France livrerait désormais à l’Ukraine des chars AMX-10 RC. On ne sait quand ni combien. Quelques jours plus tard, les Etats-Unis et l’Allemagne emboîtaient le pas au président français, en déclarant qu’ils enverraient à Kiev respectivement des blindés Bradley et des Marder, tous, malgré qu’ils ne sont pas les plus lourds et performants, dotés de capacités de frappes anti-chars puissantes et amphibies. En attendant plus ... 

 

Remercions le chef de l’Etat français qui, pour la première fois depuis le 24 février, avec audace et lucidité, a ainsi ouvert la voie aux alliés jusque-là réticents à fournir à l’armée ukrainienne des chars de combat fiables, car adaptés techniquement et technologiquement à affronter les forces adverses russes. Nous ne pouvions plus demander aux Ukrainiens de se battre une main derrière le dos. Pendant de nombreux mois, certes, ils ont été soutenus et ont tenu. Ils auraient pu avancer davantage si les Occidentaux avaient plus tôt accepté de leur livrer des équipements militaires plus stratégiques. 

 

Voilà qui marque une étape, si pas décisive, mais importante dans le déroulement de la guerre. Il ne fait aucun doute que la Russie a subi revers après revers depuis l’été dernier. Sous les coups incisifs d’une armée ukrainienne bien équipée, réactive et déterminée, les forces militaires russes, dont on disait, avant le 24 février 2022, qu’elles constituaient « la deuxième armée du monde », a perdu beaucoup de terrain d’occupation tant dans les soi-disantes républiques auto-proclamées du Donbass qu’au Nord-Est et Sud-Est de l’Ukraine. En juin dernier, la Russie occupait 25% du territoire ukrainien, elle n’en a plus le contrôle que sur 16%. 

 

L’hiver ukrainien jusqu’à ce jour est plutôt doux, ce qui explique que les sols ne sont pas (encore) gelés, n’autorisant pas, d’un côté comme de l’autre, la moindre offensive sérieuse. La météo annonce un refroidissement pour les semaines à venir. On peut donc s’attendre, en tout cas du côté ukrainien, à des mouvements stratégiques d’envergure, surtout si les matériels militaires promis par l’Occident commencent à être livrés sur le théâtre des opérations. Du côté russe, à l’évidence, vu un certain chaos qui règne actuellement sur place, les choses prendront plus de temps. On s’attend à une nouvelle mobilisation massive. Certains experts parlent de plus d’un million d’hommes. Pour autant, si les problèmes logistiques structurels, d’organisation et d'encadrement, pour le moins amateurs, perdurent, la chair à canon russe ainsi envoyée au front ne servira pas à grand-chose. Elle ne pourra certainement pas satisfaire les objectifs de guerre de Poutine. Les dizaines de milliers morts ne sont pas un problème pour lui. Jusqu'à quand les Russes vont-ils accepter de se sacrifier pour sa gloriole ?

 

Le despote est tout de même confronté à des contestations internes, des critiques virulentes quant à sa gestion erratique de "l’opération spéciale". Son état-major est soumis depuis des mois à une navigation à vue en fonction des interventions fluctuantes du maître. Un jour, il déploie l’arsenal de sa personnalité criminelle, en voulant terroriser la planète par des menaces de fin du monde. Un autre, il tente de se montrer magnanime, en autorisant les bateaux céréaliers à traverser la Mer Noire pour éviter la famine en Afrique. Au passage, il oublie évidemment de rappeler que c’est lui, et lui seul, qui a décidé de cette sale guerre. Ou encore, il ordonne un cessez-le-feu bidon et unilatéral pour le Noël orthodoxe. Là encore, il se garde bien de rappeler les frappes russes sur les infrastructures et les populations ukrainiennes pendant les nuits des 24 au 25 décembre et 31 décembre au 1er janvier ...

 

Le calcul est double: faire croire qu’il peut être un homme de paix, quel cynisme, et surtout, permettre à ses unités en plein désarroi de reprendre esprit et initiative, pour autant qu'elle le peuvent.

 

La mort de centaines de recrues le jour de l’An à MakIïvka, rassemblées en un même lieu, célébrant le 31 décembre, littéralement assis sur des tonnes de matériels explosifs, et utilisant, à l'unisson, leurs smartphones au même moment, aisément localisés par les Ukrainiens, a entraîné dans les territoires occupés et en Russie une levée d’interrogations inédites et même de colères, dont on a du mal à percevoir l'impact politique, militaire et social depuis l’Europe et les Etats-Unis. Toujours est-il que la peine et l'humiliation sont partagées dans l'ensemble de cet immense pays qu'est la Russie. 

 

Le Kremlin est donc en (très) mauvaise posture. Ce ne sont pas les mensonges grossiers, les manipulations bancales et les danses orgueilleuses de kazatchok qui y changeront quoi que ce soit. Poutine est en train de perdre la guerre, sa guerre, il le sait, et il va devoir réagir. 

 

Les semaines et mois prochains nous diront si le petit Tsar choisira la voie d’une confrontation globale avec les armées de l’Otan; fuite en avant qu’il ne peut que perdre. Nous ne croyons toujours pas au recours aux armes nucléaires. Même en cas de folie personnelle, peu probable mais on ne sait jamais, la chaîne de commandement russe ne le permettrait pas. Les militaires connaissent mieux que quiconque le prix du sang versé. Autre chemin, l'effondrement du régime poutinien sous le poids de pressions croissantes et hybrides. Ce n'est pas impossible.

 

Voyons plutôt. Les lourds paquets de sanctions internationales aux conséquences catastrophiques affaiblissent sensiblement et durablement l'économie russe, quoi qu'en disent les propagandistes de Moscou. Une crise interne majeure, provoquée par une société civile qui paie le prix fort aux fantasmes délirants de Poutine, se propage désormais dans toutes les strates du pays, surtout dans les grandes villes. Une nouvelle opposition radicalisée d’ennemis proches, endeuillée autant qu’enragée par une défaite historique qui se profile, se fait davantage entendre chaque jour. Enfin, l'impressionnante détermination des Ukrainiens, aidés maintenant de manière intensive, militairement et humanitairement, par un Occident solide et solidaire, fait et fera la différence. Nous en sommes convaincus. Pour l'heure, et rien ne vient contredire le constat, Poutine et ses sbires sont aux abois.  

   

Les fournitures d’armements occidentaux à l’Ukraine, toujours plus modernes, plus performants et plus puissants, ont dépassé toutes les lignes rouges aléatoires affichées par la Russie. Il ne sert à rien de se cacher derrière les mots d’une diplomatie en échec complet. Si celle-ci avait réussi, il n'y aurait pas eu de guerres atroces en Tchétchénie et en Syrie, des centaines de milliers de civils massacrés, pas d'annexion du Donbass et de la Crimée, un cortège ignobles de crimes contre l'humanité. Et si "le dialogue avec Poutine" avait un semblant d'efficacité, dialogue vainement prôné par Emmanuel Macron, rejoint maintenant par le président élu du Brésil, Lula, ça se saurait; de réelles négociations de paix, basées sur les principes fondamentaux du droit international, auraient montré un début d'existence. Peine perdue. Oui, l’Occident (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Pologne, Roumanie, Pays baltes ...), qu'on le veuille ou non, est bel et bien cobelligérant du conflit.

 

L’arrivée prochaine en Ukraine de missiles américains Patriot, censés être purement défensifs, ce qui n’est qu’une vue de l’esprit, et maintenant les blindés dits légers français, américains et allemands, en renfort des chars (de fabrication soviétique) que la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ont fourni à Kiev, démontrent concrètement et formellement à quel point les démocraties libérales sont engagées dans la guerre aux côtés du peuple ukrainien. Se voiler la face n'est qu'un exercice de style.

 

Si par malheur pour elle, en représailles, la Russie en venait à frapper le territoire de l’un ou plusieurs des 30 membres de l’Otan, le rapport des forces conventionnelles étant de 1 à 10 en faveur de l’Alliance atlantique, il ne faudrait pas un mois pour voir "la grande patrie" perdre le peu qu’il lui reste de dignité, de confiance et d'optimisme. 

 

Le FSB et le GRU, renseignements civils et militaires russes, sont parfaitement informés du déséquilibre militaire systémique qui prévaut entre les puissances engagées directement ou indirectement. Si pas Poutine lui-même, qui semble vivre dans une autre dimension, son état-major, déjà considérablement affaibli et humilié, ne peut se permettre un quelconque scénario de "collapse" généralisé. Que le régime poutinien s'effondre est une chose, que l'armée russe soit en déroute, que la Russie agonise, en est une toute autre. Les militaires ne peuvent se permettre un 25 décembre 1991 bis.     

 

Certains évoquent par défaut d'analyse ou par dessein, l’alternative nucléaire, tactique ou stratégique. Il faut le dire, celle-ci n’existe que dans les esprits faibles, mal informés ou, pire, mal intentionnés. En Russie comme dans les Etats démocratiques, ils sont instrumentalisés par les oeuvres d’un régime et ses complices en recherche d’oxygène pour survivre par la peur. C'est la terreur qui peut leur offrir quelques heures de vol supplémentaires. Guère plus. Céder au chantage des sirènes de l'apocalypse serait renoncer à la liberté de renvoyer ces docteurs Folamour dans les poubelles de l'Histoire.    

                                                                         Le 07 janvier 2023.  

 

 

 Dans la tête de Macron, il y a quelque chose qui cloche !

 

Nous l'écrivions ici même en rubrique "Macron 22/27", le 07 décembre dernier, il y a quelque chose qui ne va pas dans la tête du président français. Que lui prend-il ? Comme dirait l'autre, on dirait qu'il veut la victoire de l'Ukraine tout en espérant que la Russie ne perde pas. C'est impossible. Ses sorties diplomatiques unilatérales, au grand désarroi de son propre ministère des affaires étrangères, dit "le Quai", et à la totale incompréhension de bon nombre de ses partenaires européens, l'affaiblissent lui-même, ce ne serait pas encore trop grave, mais rend la stratégie française sur la scène européenne, par rapport à la guerre en Ukraine, ambiguë et donc illisible. Que cherche-t-il en tentant (vainement) de préserver l'avenir du despote russe ? Que la Russie soit toujours là après la guerre, qui en doute ? Personne. Mais laisser à Poutine et à son régime tyrannique une place de choix avant, pendant et après de futures négociations de paix, qui devront bien se tenir un jour ou l'autre, revient à conforter, à crédibiliser, dès aujourd'hui, la propagande hideuse du Kremlin sur, in fine - si on lit bien entre les lignes macroniennes - ce qui pourrait "contenter tout le monde", en co-responsabilisant les deux belligérants, renvoyés dos à dos. Non et non. Il y a un agresseur et il y a un agressé. "Ne pas humilier la Russie", pire, "donner des garanties de sécurité à la Russie", comme l'a déclaré de manière ahurissante le président de la République française, pourrait constituer aux yeux de Moscou, de ses alliés et relais, nombreux en Europe occidentale même, qu'il le veuille ou non, l'assise politique à venir espérée de cette insensée et mensongère co-responsabilité. C'est une faute grave, que l'Histoire retiendra. Pas sûr qu'Emmanuel Macron, si il continue dans ce sens, figurera en bonne place et dans la bonne colonne dans les livres d'histoire. Le général de Gaulle aurait-il parlé et négocié avec Hitler ? Poser la question, c'est assurément répondre que la diplomatie française actuelle depuis l'Elysée se fourvoie. Oui, il y a bien quelque chose qui cloche en Europe ... Le 15 décembre 2022.   

 

 

"Guerre en Ukraine : le cavalier seul diplomatique d’Emmanuel Macron !"

Le Monde, Ariane Chemin et Philippe Ricard.

 

"Alors qu’une conférence internationale de soutien à l’Ukraine est organisée, mardi 13 décembre, à Paris, « Le Monde » a enquêté sur la stratégie du président français depuis le début du conflit. Bien des diplomates et des partenaires européens sont déconcertés, voire agacés, par une partition jugée « solitaire ».

 

Nous sommes le 12 octobre, dans la salle des fêtes de l’Elysée. Emmanuel Macron vient de remettre les insignes de commandeur de la Légion d’honneur à son ancien maître à penser, Jean-Pierre Chevènement, seule personnalité politique que le jeune président a suivie dans un parti, à la fin des années 1990, celui pour lequel il vota le 21 avril 2002. Une figure qui a marqué cinquante ans de vie politique nationale, l’un des chefs de file de la vieille gauche antiatlantiste, mais aussi russophile convaincu, décoré, en 2017, de l’ordre de l’Amitié par Vladimir Poutine, au titre de « représentant spécial » de la Russie en France ...

 

Ce jour-là, donc, devant une assemblée de politiques et d’ambassadeurs, Emmanuel Macron exhume diverses anecdotes sur son passage au Mouvement des citoyens. Il exalte aussi cet esprit libre qui, de « Belfort à Moscou », a porté au plus haut les valeurs de la République et assure que ceux pour qui Chevènement « aime un peu trop la Russie (…) méconnaissent [les] méandres » de l’homme. Au-delà de l’hommage personnel, cette matrice chevénementiste serait-elle l’une des clés pour comprendre la déroutante diplomatie d’Emmanuel Macron depuis le début du conflit engagé par la Russie en Ukraine, il y a bientôt dix mois ?

 

Son « en même temps » diplomatique est un mystère. Il trouble les diplomates du Quai d’Orsay et déconcerte ses partenaires européens et américains. La guerre est de retour en Europe, et l’obstination du président français à parler aussi bien à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, qu’à Vladimir Poutine braque une partie des capitales du continent, notamment Varsovie, Tallin, Riga, Vilnius, Helsinki et Stockholm. A intervalles réguliers, Emmanuel Macron met à mal les relations étroites construites avec M. Zelensky, donnant des sueurs froides aux diplomates ukrainiens chargés, à Paris, de dissiper chaque nouveau malentendu.

 

Le 7 février 2022, avant même le déclenchement de l’offensive russe et alors que les services de renseignement américains prévoient une attaque imminente, M. Macron avait surpris son monde en se rendant à Moscou pour une tentative de médiation désespérée. Offense : il préfère ne passer que le lendemain seulement par l’Ukraine, où sa visite était pourtant espérée de longue date. Dans le vol entre Moscou et Kiev, il détaille les engagements que M. Poutine aurait pris devant lui la veille : ne pas attaquer l’Ukraine, retirer les troupes stationnées en Biélorussie pour ce que le Kremlin présente encore comme des « exercices »…

 

Grand écart !

 

Quinze jours plus tard, les chars russes traversent la frontière biélorusse et tentent de prendre Kiev. Le monde entier découvre, fin mars, les atrocités commises contre des civils, à Boutcha et dans la banlieue de la capitale, et, en Pologne, le président américain, Joe Biden, traite M. Poutine de « boucher » et le qualifie de « criminel de guerre ».

 

Macron refuse alors ce mot, sous prétexte que les Russes et les Ukrainiens seraient « deux peuples frères » – il expliquera aussi plus tard qu’il ne « faut pas humilier la Russie ». Et que dire de ces trois mots, « garanties de sécurité » (à offrir à Moscou le jour où le Kremlin reviendra à la table des négociations), prononcés le 3 décembre ? C’est comme si le président français voulait la victoire de l’Ukraine, mais refusait la défaite de la Russie ou du moins tout conflit direct avec elle.

 

La cérémonie du 12 octobre, à l’Elysée, donne un autre exemple de ce grand écart. Avant le déjeuner prévu entre le président et la famille Chevènement, un invité aux cheveux argent et au français raffiné se penche vers Emmanuel Macron : c’est Alexandre Orlov, ancien ambassadeur de Russie à Paris. Il aimait tant la France qu’il est resté y vivre, plutôt que de prendre sa retraite au pays, après 2017. Lui-même confirme avoir eu ce jour-là une « petite conversation »avec M. Macron. Présence déroutante alors que, deux jours plus tôt, des frappes russes ont tué des civils au cœur de Kiev et que M. Orlov dit volontiers, dans les médias français, que Moscou n’a « pas envahi l’Ukraine », puisque l’Ukraine, c’est la Russie.

 

Dans les salons d’Alexandre Orlov s’est longtemps pressée une partie de l’intelligentsia française, diplomates, politiques, défenseurs de la « grande Russie ». « Il ne faut jamais humilier l’adversaire, Mitterrand et de Gaulle le savaient », répétait déjà cet as du soft power, lors de l’invasion de la Crimée par les Russes, en 2014. Le diplomate russe a toujours apprécié M. Chevènement, le ministre de la défense de François Mitterrand à la veille de l’effondrement de l’Union soviétique (URSS). L’homme de Belfort n’a-t-il pas inauguré, il y a cinq ans, avec Vladimir Poutine, une usine de liquéfaction de gaz dans l’Arctique russe, en compagnie du patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné ? Une manière de garantir « la paix par le commerce », espérait, elle aussi, la chancelière allemande Angela Merkel, mais au risque d’une dangereuse dépendance dont l’Europe cherche aujourd’hui à se sevrer.

 

En 2017, l’ambassadeur russe avait tout misé sur l’élection à la présidence de François Fillon, mais avait eu la prudence de rencontrer aussi Emmanuel Macron. Dès 2016, il se félicitait d’ailleurs du « pragmatisme » du ministre de l’économie de François Hollande, sa bête noire depuis son rejet de la livraison à Moscou des deux navires de guerre français Mistralachetés sous Nicolas Sarkozy. Depuis, Alexandre Orlov se réjouit de voir le jeune président français s’inscrire dans la lignée gaullo-mitterrandienne, refuser de sacrifier aux événements une « longue histoire » et s’employer à préserver la relation franco-russe. « Macron est le seul chef d’Etat en qui [Vladimir Poutine] a une certaine confiance », déclarait M. Orlov, sur LCI, peu après son aparté avec le chef de l’Etat, en octobre, à l’Elysée.

 

« Son conseiller spécial, c’est lui ! »

 

Mais qui, au juste, a l’oreille d’Emmanuel Macron depuis le 24 février, jour du déclenchement des hostilités ? Qui l’influence sur le conflit, qui l’inspire ? « C’est la question à 10 000 euros ! Beaucoup ont tenté de lever cette énigme. Tout le monde cherche et personne ne trouve », lance le politiste Bertrand Badie, ancien professeur de M. Macron à Sciences Po. « J’aimerais avoir la réponse », renchérit l’historienne et journaliste franco-russe Galia Ackerman. « Je ne sais pas qui il voit, mais en tout cas pas moi », lâche Daniel Cohn-Bendit. Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, réputé intraitable avec Moscou, a son idée : « Qui conseille Macron ? Macron lui-même ! Ce n’est pas une figure de style. Son conseiller spécial, c’est lui ! »

 

Depuis son élection, rares ont été ses rencontres avec des experts de la sphère russe. La première (et la seule, ou presque) date du 18 mai 2018, peu avant une invitation à se rendre au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, dont le président français est l’invité d’honneur. A l’époque, le contexte est déjà tendu. Pour avoir annexé la Crimée, la Russie est placée sous sanctions depuis quatre ans. La guerre dans le Donbass s’enlise malgré les efforts de médiation déployés par Paris et Berlin entre Kiev et les séparatistes prorusses. Deux mois plus tôt, l’agent double Sergueï Skripal, condamné en Russie pour espionnage, a été victime au Royaume-Uni d’une tentative d’empoisonnement.

 

Alors conseillère diplomatique adjointe de l’Elysée, Alice Rufo a tenu à cette rencontre entre le président et des experts ès Russie et Ukraine. Autour de M. Macron, de son conseiller diplomatique d’alors, Philippe Etienne, de l’amiral Bernard Rogel – homme plutôt atlantiste, comme souvent les marins –, ils sont une quinzaine conviés à donner leur point de vue afin de préparer au mieux le déplacement. Il y a là des journalistes (Anne Nivat, qui a couvert la guerre en Tchétchénie pour Libération, et son confrère du Figaro Renaud Girard), des spécialistes en relations internationales et des historiens tels que Françoise Thom, Marie-Pierre Rey ou Antoine Arjakovsky, du Collège des bernardins. Le président les rassure : il n’a pas oublié comment Moscou a tenté de déstabiliser sa campagne électorale, un an plus tôt, en piratant le contenu de messageries électroniques de son équipe. Mais, avant de s’envoler pour la Russie, il aimerait des conseils sur l’art de parler à M. Poutine.

 

La réunion dure tout une matinée. Age et notoriété obligent, la parole est d’abord donnée à Hélène Carrère d’Encausse. Dans le best-seller L’Empire éclaté (Flammarion, 1978), la secrétaire générale de l’Académie française avait prédit l’éclatement de l’URSS, mais, à l’époque, elle écrivait que celle-ci céderait sous l’essor des républiques d’Asie centrale à fort taux de natalité, alors que ce sont la Pologne, les pays baltes, le Caucase, puis l’ex-RDA, qui ont eu raison de cet « empire ». L’historienne fait partie, autour de la table, de ceux qui, comme Renaud Girard, ont rencontré le président russe ; jusqu’au 24 février, elle assurera que la Russie ne déclarera jamais la guerre à Kiev. L’une de ses formules préférées, au moment de cette réunion, est : « Poutine n’est pas un mangeur d’enfants. »

 

Amateur de « coups »

 

Son indulgence n’est pas partagée par tous dans le salon vert de l’Elysée, notamment Michel Eltchaninoff, auteur du livre Dans la tête de Poutine (Actes Sud, 2015) et rédacteur en chef de Philosophie Magazine. Ce dernier tombe au moins d’accord avec d’autres pour confirmer à M. Macron que Vladimir Poutine et sa garde rapprochée seront sensibles aux citations d’écrivains russes qu’il pourra placer dans ses discours. Ah, l’âme russe ! Lors de son voyage à Saint-Pétersbourg, Emmanuel Macron cite Guerre et Paix. Pour décrire la relation de « confiance » dont il rêve entre les deux pays, il invoque, lyrique, le petit moujik « Karataïev, qui devient plus fort dans et par la rencontre de l’autre, Bézoukhov », le héros du roman. Une autre phrase lui plaît : « Les Russes ne sont jamais aussi Russes que quand ils sont Européens. » Il la reprend à sa façon : « Je tiens à cet ancrage de la Russie en Europe et avec l’Europe. »

 

Le brainstorming de mai 2018 restera sans lendemain, ou presque. Ce qui frappe les spécialistes qui fréquentent Emmanuel Macron, c’est pourtant le « manque de recul historique » et une forme d’inexpérience sur les sujets internationaux. « Il peut poser beaucoup de questions, mais, en général, c’est lui qui parle », décrit l’un des rares diplomates alors consultés de temps en temps. « Il s’estime capable de jongler avec des idées contradictoires – parfois fausses, comme le risque d’une alliance étroite entre Chine et Russie, qui justifiait sa main tendue à Moscou, ajoute François Heisbourg, conseiller pour l’Europe du think tank International Institute for Strategic Studies, à Londres. Et tant pis si personne n’y comprend plus rien. »

 

Depuis près de trois ans, cet ancien diplomate n’a plus de rapports avec le président – dont il a pourtant soutenu la campagne en 2017. Mais il se souvient de son intervention « brillantissime », lors de la conférence de Munich sur la sécurité, en février 2020 : « La salle n’était pas acquise et n’a pas forcément approuvé sur le fond, mais elle a applaudi l’artiste qui lançait en l’air quinze balles en même temps. » Autre « numéro » plus récent : le 4 décembre, un jour après avoir évoqué, sur TF1, ces fameuses « garanties de sécurité » pour la Russie, en cas de négociation, M. Macron reconnaît, sur la chaîne américaine CBS, que, « oui », M. Poutine « devrait être poursuivi pour crimes de guerre ».

 

« Il part du principe qu’il doit tout régler », conclut M. Heisbourg. Tant pis si les résultats ne sont pas au rendez-vous : Emmanuel Macron aime les « coups ». Comme lorsqu’en août 2020, après l’explosion dans le port de Beyrouth, il se rend au Liban pour « proposer un nouveau pacte politique » aux diverses factions d’un pays en faillite. « Je suis là pour vous aider en tant que peuple », dit-il aux Libanais. Ou lorsque, dans la nuit du 20 au 21 février, après une série d’appels à Washington et à Moscou, il annonce une rencontre surprise Biden-Poutine… qui n’aura jamais lieu.

 

Mettre le « Quai » au pas !

 

« Il a toujours cru que les rapports personnels et le pouvoir de persuasion pouvaient suffire à régler des conflits », analyse Francois Hollande. L’ex-président garde en tête un épisode qui date de 2015, au plus fort de la crise de la dette grecque. Emmanuel Macron était alors ministre de l’économie. « Il était venu me voir pour me demander : “Laisse-moi aller à Athènes, je vais régler ça avec Yanis Varoufakis [grand argentier grec de l’époque]”, raconte l’ancien chef de l’Etat. Je lui réponds : “Tu n’y penses pas ! Il y a un processus, et celui qui le conduit est [le ministre des finances] Michel Sapin.” »

 

« Il faut savoir prendre son risque », répète souvent l’ex-banquier d’affaires Macron, en ancien habitué des dealsfinanciers. Les prudences des uns et des autres obéissent trop, à ses yeux, à un conformisme très « ancien monde ». Lui, pour dénoncer, en 2019, le double jeu de la Turquie dans l’OTAN, diagnostique carrément la « mort cérébrale » de l’Alliance atlantique, oubliant au passage de prévenir le ministère des affaires étrangères. Idem il y a six mois, quand ilpropose de créer une « communauté politique européenne » pour arrimer à l’Union europénne (UE) les pays candidats, en attente de leur lointaine adhésion.

 

Tandis que l’Europe se divise sur l’attitude à tenir face à M. Poutine, le chef d’Etat va « prendre [son] risque », le 19 août 2019. La frégate de guerre Languedoc croise non loin du fort de Brégançon, la résidence varoise de la présidence. Emmanuel Macron a choisi de recevoir Vladimir Poutine. Mobilisé lors des frappes contre des sites sous contrôle du régime syrien, après l’usage d’armes chimiques par Damas, le bâtiment est capable de tirer des missiles de croisière. Voilà pour le décor. Emmanuel Macron a fait son choix : il veut rétablir la « confiance », comme dirait Tolstoï, entre la France et la Russie, et ce à l’avant-veille de présider un sommet du G7, dont le dirigeant russe est exclu depuis l’annexion de la Crimée. Il conclut la rencontre par une déclaration d’amour : « La Russie est une grande puissance des Lumières. (…)Elle a sa place dans l’Europe des valeurs auxquelles nous croyons. »

 

Le président français sait qu’avec ce nouveau coup il a froissé plus d’un diplomate. Mais l’ancien chevénementiste tient le Quai d’Orsay pour un repaire de « néocons » : « Avec moi, ce sera la fin d’une idéologie néoconservatrice importée en France depuis dix ans », prévenait-il, dès 2017, dans Le Figaro. En 2022, il mène d’ailleurs tambour battant une réforme d’ampleur, supprimant deux corps historiques du « Quai ». Mais, dès cet été 2019, se manifeste sa volonté de mettre les diplomates au pas. Deux semaines après la fameuse rencontre de Brégancon, la traditionnelle conférence des ambassadeurs, dans la salle des fêtes de l’Elysée, tourne à l’orage. Le chef de l’Etat s’est trouvé un ennemi, l’« Etat profond » – comprendre : les diplomates qui entraveraient sa « campagne de Russie ». Une autre phrase du discours passe plus inaperçue : « Au fond, ce que je vous demande, c’est de ne plus être des experts. Si on a des experts partout, on ne pense que le monde ancien, parce que, par définition, les experts ne sont experts que de ce qui existe déjà. »

 

Changement d’ambiance !

 

Les experts… « Au temps de la guerre froide, on connaissait mieux la Russie, grâce notamment aux dissidents. C’est l’une des victoires de Poutine : l’Europe a perdu la connaissance de la société russe », dit parfois en soupirant le chef de l’Etat.

 

Depuis l’épisode de Brégançon, c’est à travers la presse qu’il a des nouvelles de ces mêmes experts. Dans Le Figaro, Michel Eltchaninoff s’agace : « Apparemment, Macron aime les missions impossibles. » Dans Le Monde, MM. Tertrais et Eltchaninoff moquent l’« angélisme » du président, et même ses références à Dostoïevski.

 

D’autres interlocuteurs, naguère chouchoutés, ne sont plus sollicités. Le 19 janvier, un mois avant l’offensive russe, Daniel Cohn-Bendit félicite Emmanuel Macron par texto, pour son discours devant le Parlement européen, qui marque le début de la présidence française du Conseil de l’UE. Dans le même SMS, il glisse tout de même son regret que le président n’écoute pas les « conseils » d’amis « n’appartenant pas à sa cour ». Depuis, plus de réponse : l’ancien eurodéputé franco-allemand attend toujours qu’Emmanuel Macron dise tout haut que « l’Ukraine doit gagner » la guerre. « Il a le droit de n’écouter personne, mais il m’apparaît que, lorsque je l’ai rencontré, c’était un homme qui cherchait des idées. J’ai peur qu’il ne se soit enfoncé dans le piège élyséen. »

 

Avec l’invasion russe, le Château est passé en mode gestion de crise. Dès le début de la guerre, la mission de bons offices de Pierre Vimont avec Moscou est suspendue. Ce diplomate émérite avait été choisi par le président pour mettre en musique le redémarrage (le « reset ») des relations avec la Russie, amorcé à Brégançon, et avait commencé sa mission en courant les capitales pour rassurer ses partenaires de l’UE, que Macron avait négligé de prévenir. Les Allemands, notamment, étaient furieux : non pas que l’idée de parler à M. Poutine dérange un pays dont l’économie est dépendante de l’importation de gaz russe bon marché, mais l’Elysée n’avait pas même averti la chancelière, Angela Merkel.

 

François Hollande aussi constate le changement d’ambiance et perd très vite le fil avec son successeur. Le 25 février, au lendemain de l’invasion, Macron le reçoit à l’Elysée, tout comme Nicolas Sarkozy. M. Hollande écoute son ancien ministre lui expliquer qu’il avait « cru pouvoir poursuivre le dialogue jusqu’au bout », mais que M. Poutine lui a « menti ». François Hollande lui conseille de renforcer les sanctions, puisque le président russe veut « démanteler l’Ukraine ». De ce jour, l’ex-président n’entendra plus parler d’Emmanuel Macron, lequel continue, en revanche, de consulter M. Sarkozy.

 

« Plus rien ne marche » !

 

En sortant, ce 25 février, de l’Elysée, ce dernier n’a pas eu un mot sur l’agresseur, la Russie. Il préfère s’en prendre aux institutions internationales. « Plus rien ne marche. L’OTAN, le G7, le G20, ça ne fonctionne pas. » Même l’ONU, qui « oscille entre apathie et immobilisme », n’échappe pas à la curée. Nicolas Sarkozy pense en effet avoir réglé seul la crise géorgienne de 2008 en négociant un cessez-le-feu entre Tbilissi et Moscou, bien que la Russie occupe toujours une partie de la Géorgie. Il estime qu’il faut toujours maintenir un « canal » de dialogue avec M. Poutine et que, lui au pouvoir, il aurait sans doute pu éviter ce conflit. « Au fond, dans cette crise, Macron ressemble beaucoup à Sarkozy, suggère Pierre Vimont. Comme lui, il a essayé de s’interposer. Mais Sarkozy sait écouter, alors que Macron donne le sentiment qu’il n’entend que vous, mais n’en tient pas toujours compte. »

 

En secret, un autre ancien ministre a ses entrées auprès d’Emmanuel Macron. Ex-secrétaire général de l’Elysée sous François Mitterrand, Hubert Védrine appartient à cette école française revendiquant un souverainisme de gauche et alliant au « réalisme » une forme de cynisme décomplexé. Il maintient que l’Occident a accumulé les erreurs après le démantèlement de l’URSS, « non par complaisance envers Poutine, mais par désinvolture et ignorance ». Lui aussi se félicite que le chef de l’Etat garde le contact avec son homologue russe, « comme un négociateur du GIGN dans une prise d’otages ».

 

Emmanuel Macron lit volontiers les notes de M. Védrine et l’invite parfois à le suivre en déplacement. Les initiés repèrent alors, dans les allocutions présidentielles, des formules inspirées du gardien du temple mitterrandien, comme : « Il faut éviter de poser les choses en termes inacceptables pour la Russie. » Plus rarement, le chef de l’Etat retient un ou deux conseils venus du camp d’en face. Lorsque, au sujet des négociations régulièrement appelées de ses vœux, il précise : « quand les Ukrainiens le décideront », les mêmes initiés comprennent qu’il a peut-être conversé quelques instants avec Bernard-Henri Lévy. Mais, en fin de compte, les Français, qui, faute de stocks, livrent moins d’armes à l’Ukraine que leurs voisins, donnent à Kiev et à leurs alliés l’impression de vouloir avant tout éviter l’escalade avec Moscou. De fait, la France est en retrait par rapport à Londres, à Varsovie et à ceux que M. Macron appelle les « va-t-en-guerre ». « C’est sûr que, si un jour les Russes avaient l’idée de bombarder l’Europe, Paris ne serait pas la première des capitales visées », confie un proche du président.

 

Et les ministres ? Et les militaires ? Catherine Colonna, aux affaires étrangères, Sébastien Lecornu, aux armées, ont aussi moins de poids politique que leurs prédécesseurs. Comme pour Matignon, l’Elysée a par ailleurs habilement tissé des liens directs avec leurs cabinets. Deux camarades de promotion du chef de l’Etat à l’ENA, en 2004, ont été nommés à des postes clés au Quai d’Orsay : Luis Vassy est devenu directeur de cabinet de la ministre ; Aurélien Lechevallier a pris la tête de la direction générale de la mondialisation. Le chef d’état-major particulier du président, Jean-Philippe Rolland, n’a pas la « bouteille » de ceux qui l’ont précédé, le général Benoît Puga et l’amiral Rogel.

 

« Merci Emmanuel » !

 

Voilà comment Emmanuel Macron se retrouve seul ou presque aux avant-postes de cette guerre. C’est bien au 2, rue de l’Elysée, adresse de la « cellule diplomatique », que se concocte sa diplomatie. La petite équipe dirigée par le conseiller « diplo » du chef de l’Etat, Emmanuel Bonne, est, elle, en lien avec lui, le jour, mais souvent aussi la nuit. Son chef, qui a fait une bonne partie de sa carrière au Moyen-Orient, tutoie le chef de l’Etat et est resté rivé à son poste malgré une sérieuse alerte médicale peu avant l’élection présidentielle. Incontournable aussi, Isabelle Dumont, ancienne ambassadrice à Kiev, apporte sa connaissance de l’Ukraine, où elle n’hésite pas à continuer à se rendre, occupant même parfois son ancien bureau…

 

Cette diagonale du pouvoir, l’effacement du Quai d’Orsay, l’« activisme » solitaire du président, ce lien maintenu avec Poutine, les tête-à-tête avec les grands d’Europe, la conviction d’Emmanuel Macron que cette guerre si proche peut lui offrir un rôle à sa mesure, quelque part entre Joe Biden et les faucons baltes et polonais, se devinent dans un fascinant documentaire, diffusé le 30 juin, sur France 2 : Un président, l’Europe et la guerre. Loin des usages de la diplomatie secrète, il dévoile les longs entretiens téléphoniques d’Emmanuel Macron avec Vladimir Poutine ou avec ses homologues européens, enregistrés depuis le bureau élyséen. Sauf que, au bout du fil, ses interlocuteurs ignoraient qu’ils étaient écoutés.

 

Pirouette de l’histoire, lors de la diffusion, le film provoque une minicrise diplomatique. Autour du chancelier allemand, Olaf Scholz, les Allemands sont furieux, mais moins que M. Poutine. « Nous partons toujours du fait que [les conversations téléphoniques sont des] entretiens confidentiels, qui ne font pas l’objet de publicité. Si c’est fait unilatéralement, c’est indécent », pestait-il encore, le 27 octobre, lors des rencontres du Club Valdaï. Et l’ancien officier du KGB d’accuser : « Je pars maintenant du principe que quelqu’un nous écoute. »

 

Des neuf minutes que le documentaire a extraites d’une longue conversation entre MM. Poutine et Macron, le 20 février, juste avant le conflit, il ressort que le président russe ment. Mais aussi qu’il a toujours le dernier mot. Dans le film, la discussion s’achève par ces confidences complices et faussement futiles : « Merci Emmanuel. J’ai toujours beaucoup de plaisir à parler avec toi, parce que nous sommes dans une relation de confiance. (…) Pour ne rien te cacher, je voulais aller jouer au hockey sur glace. Là, je te parle depuis la salle de sport. »

 

En réalité, l’échange se poursuivait quelques minutes, mais l’Elysée ayant demandé un droit de regard à l’équipe de production, la véritable « chute » a été coupée au montage. Alors qu’Emmanuel Macron venait de lui confier qu’il s’apprêtait lui aussi faire du sport dans la salle de boxe de l’Elysée, Vladimir Poutine a répondu : « Pense à Zelensky quand tu cognes… »". Le 15 décembre 2022. 

 

 

 

Tout est bien qui devrait finir bien entre l'Europe et les Etats-Unis ?

 

Ainsi donc la visite du président français à Washington, suivie d'un passage à la Nouvelle Orléans pour encourager l'usage du français aux Etats-Unis, fut marquée par une atmosphère très amicale, ponctuée de déclarations d'engagement ferme et commun dans la défense des valeurs démocratiques occidentales, notamment aux côtés de l'Ukraine, agressée par la Russie. L'hyper-puissance américaine et la moyenne puissance française sont prêtes à soutenir Kiev "le temps qu'il faudra", en espérant voir des négociations intervenir, aux conditions de l'Ukraine, le plus rapidement possible.

 

En même temps, concept cher à Emmanuel Macron, dont Joe Biden a certainement apprécié la qualité plastique en politique, les points de vue divergent en ce qui concerne le fameux "Inflation Réduction Act" (IRA). Le montant de 370 milliards de dollars de l'Etat fédéral états-unien, sous forme de subventions directes aux entreprises américaines, sorte d'arme de distorsion massive de concurrence industrielle et commerciale, n'a pas manqué de constituer l'essentiel des désaccords, certains parlent de "gap", entre les deux parties.

 

Par ailleurs, Washington a fait voter également une aide de 7500 dollars de crédit d'impôt à l'achat d'une voiture électrique américaine, ce qui exclut de fait les véhicules européens. Entre les administrations Trump et Biden, c'est le même protectionnisme national. Qui s'en étonne ? En tout cas, le président américain a clairement dit qu'il n'avait pas à s'en excuser. Il montre l'exemple.  

 

Au terme de cette visite d'Etat, derrière le faste remarquable et la réelle chaleur de l'accueil réservé au président français, à son épouse et à sa large délégation, pointe plus que jamais la volonté française de pousser l'Union européenne à réagir rapidement. D'ici le printemps 2023, il faudrait que les 27, comme l'a déclaré Emmanuel Macron, adoptent une directive similaire à l'IRA, en termes de montants et de dispositions en soutien aux entreprises européennes. Ce n'est pas acquis. 

 

Le président américain n'a absolument pas été surpris de cette annonce; y voyant plutôt, comme du côté français d'ailleurs, l'émergence d'une volonté d'une nécessaire "synchronisation" des économies d'outre-atlantique et continentale européenne plutôt que d'un acte hostile.

 

Reste en effet à persuader les partenaires européens de la France, dont l'Allemagne du chancelier Olaf Scholz, qui fait cavalier seul dans l'aide à ses entreprises nationales, avec un montant de 200 milliards d'euros (secteurs de l'automobile, de la chimie et des machines-outils) d'accepter à nouveau, après le plan de relance européen de 750 milliards d'euros dans la foulée de la crise sanitaire, un financement commun d'une ampleur comparable à celle de l'IRA.

 

Il n'y aura pas de souveraineté européenne sans la volonté politique et des moyens financiers solidaires pour résister aux concurrences déloyales chinoise et américaine, quand elles ne sont pas indienne et russe. Quel que soit le pays, prioriser exclusivement les intérêts nationaux, comme le fait en ce moment Berlin, sur l'intérêt commun européen revient à marquer un but contre son camp et à faire le jeu des hyper-puissances qui ne nous veulent pas que du bien. 

 

Le séjour américain de la délégation française aura eu le mérite de mettre en avant les dossiers qui unissent, comme le soutien à l'Ukraine, mais aussi d'éclairer les lanternes des ignorants, des naïfs et des sceptiques sur la nature des rapports de force déséquilibrés entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Le chemin d'une véritable souveraineté du Vieux Continent sera encore long. Pas sûr qu'on puissent dire aujourd'hui que tout est bien qui devrait finir bien dans le meilleur des deux mondes. 

                                                                     Le 04 décembre 2022. 

 

 

 

>L'holodomor ukrainien, hier et aujourd'hui ! 

 

Entre les années 1932 et 1933, confronté à une révolte des paysans ukrainiens, appelés koulaks par le régime totalitaire soviétique, ruinés par la collectivisation des terres et livrés à une misère noire, Joseph Djougachvili, dit Staline, pour en finir avec ces "contre-révolutionnaires", décide de saisir leurs récoltes et ainsi de les affamer. C'est l'organisation intentionnelle et planifiée de l'holodomor ou l'extermination par la faim. L'Histoire retiendra que ce massacre à grande échelle aura fait entre 4 à 6 millions de morts. 

 

En 1973, dans "L'Archipel du Goulag", l'immense écrivain russe, Alexandre Soljenitsyne, parmi beaucoup d'autres crimes contre l'humanité du régime communiste, dénonce ce que les historiens et l'Ukraine indépendante appellent le génocide de l'holodomor. Car la volonté exterminatrice du "Petit père des peuples" ne fait aucun doute. Bien évidemment, à Moscou, c'est le silence complet ...

 

Depuis 2006, chaque 25 novembre, l'Ukraine commémore la tragédie. Cette année, Alexander De Croo, le premier ministre belge, participe à l'événement aux côtés du président Volodymyr Zelensky. Dernier des chefs d'Etat européens à faire le déplacement, accompagné de sa ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, il est venu aussi à Kiev pour annoncer une nouvelle aide humanitaire et militaire à l'Ukraine d'un montant total de 250 millions d'euros. Soutien modeste de Bruxelles, et pourtant contesté en Belgique par une partie de l'opinion publique - il faut rappeler que ce pays est l'un des Etats européens les plus surendettés - aide saluée cependant par les autorités ukrainiennes.  

 

Poutine a de qui tenir ...

 

90 ans plus tard, un autre tyran, Vladimir Poutine, perdu dans ses rêves mégalomanes et assassins du grand retour à l'empire russo-soviétique, affaibli considérablement dans sa guerre contre l'Ukraine, inscrit son nom dans les pas de son illustre modèle géorgien, qu'il admire, incapable désormais de livrer bataille d'armée contre armée. Il s'en prend aussi délibérément que Staline aux populations civiles ukrainiennes privées de gaz, d'électricité et d'eau. Les frappes de missiles russes et de drones iraniens sur les infrastructures énergétiques de l'Ukraine ont évidemment pour objectif de soumettre le peuple ukrainien au terrible gel de l'hiver ukrainien (la neige a fait son apparition), sans chauffage et avec de grandes difficultés d'approvisionnement en nourriture. Il y a les morts sous les bombes russes, il y aura bientôt les morts de froid, de faim et de maladies non-soignées ou non-opérées.  

 

Moscou n'a aucune limite dans sa sale guerre, l'un des grands crimes contre l'humanité organisé et planifié du XXIème siècle. Staline et Poutine sont plus que jamais unis par le sang des innocents et réunis dans les poubelles de la barbarie. Le premier a été jugé par l'Histoire, coupable de la mort de 60 millions de personnes. Le second le sera assurément pour les centaines de milliers de victimes, voire davantage, de son entreprise insensée de destruction d'une nation souveraine.

 

Ici et là, à l'Est, à l'Ouest, au Nord et au Sud, elles et ils sont nombreux à voir en le despote l'image de la force, fascinés par son machisme idéologique, sa capacité exceptionnelle à mentir, à manipuler et à tordre le réel. Elles et ils admirent sa haine viscérale des valeurs de l'Occident, coupable à leurs yeux de tous les dérèglements, de toutes les injustices.

 

Combien de temps faudra-t-il encore pour solder les comptes d'un colonialisme, qui a fait beaucoup de mal, c'est vrai, et dont le travail de mémoire se doit d'être exemplaire, mais qui, depuis belle lurette, a été remplacé, dans les Etats arabes et en Iran, par des théocratie obscurantistes, qui oppriment leurs peuples, par le terrorisme islamiste; en Afrique, par la violence extrême d'autocrates putschistes, par leurs guerres incessantes d'agression, leurs massacres, leur corruption généralisée; en Chine, par un système concentrationnaire ahurissant et en Russie, nous le voyons, par le déchaînement de toutes les pulsions dominatrices et les instincts les plus sauvages. 

 

Les admirateurs, les complices et les complaisants, les borgnes, qui regardent ailleurs ou toujours du même côté, les taiseux et les silencieux, regardez-les bien, vous les trouvez à droite, à gauche, mais surtout, à l'extrême gauche et à l'extrême droite. Face à un monde en pleine mutation, où les démocraties libérales sont menacées de plus en plus, il n'y a désormais plus place pour la neutralité.  

 

Qu'attend le gouvernement israélien pour soutenir l'Ukraine ?

 

Nous qui sommes attachés à la légitimité et à la sécurité d'Israël, comme à la prunelle de nos yeux, nous avons honte que ses gouvernements successifs, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février dernier - nous nommons les premiers ministres Yaïr Lapid, Naftali Bennett et bientôt, à nouveau, Benjamin Netanyahu - se soient abstenus de toute condamnation explicite de l'agression russe et de toute livraison d'armes, ne fût-ce que défensives, à l'armée ukrainienne.

 

Israël fait valoir ses bonnes relations avec le petit Tsar du Kremlin pour pouvoir bombarder des entrepôts militaires iraniens dans la Syrie du boucher al Assad. Dans le même temps, l'Etat hébreu fait mine de ne pas voir la répression en Russie, à Moscou même, des communautés juives russes, de ne pas savoir que le président ukrainien, Volodymyr Zélensky, loin d'être le "nazi" que dénonce le régime poutinien, est lui-même d'origine juive. Israël fait aussi semblant de ne pas comprendre que Poutine instrumentalise sa relation avec Jérusalem pour pouvoir participer au massacre de civiles syriens opposés à la dictature chiite de Damas et pour pouvoir, plus directement, en faire autant avec les populations ukrainiennes. L'honneur d'Israël serait de prendre son courage à deux mains et de dire ça suffit au maître du Kremlin. Comment comprendre une attitude aussi lâche qu'immorale ? 

 

La "naïveté" du président français n'est plus supportable !

 

Nous sommes tout autant attachés à la France, à son histoire, riche, contrastée et souvent controversée, à sa culture et à son rayonnement international. Nous aimons la France comme notre patrie. Mais nous ne comprenons pas l'obstination du président français à vouloir poursuivre, certes, à intervalles irréguliers, mais avec la même volonté, "un dialogue" avec Vladimir Poutine.

 

A ce jour, soit 9 mois après l'invasion russe, après les milliers de crimes de guerre, les tortures généralisées, la déportation de civils, d'enfants ukrainiens en Russie, la destruction massive d'immeubles d'habitation et d'infrastructures énergétiques, sans parler des tirs réguliers dans l'enceinte de la centrale nucléaire de Zaporijia, comment est-il encore possible pour un chef d'Etat d'un grand pays démocratique, qui siège au Conseil de sécurité de l'ONU, qui dispose de l'arme atomique et qui se targue, partout et constamment, d'incarner la défense des droits humains, comment est-il tolérable de vouloir discuter avec un despote qui a du sang sur le corps jusqu'aux épaules ?

 

Poutine se moque ouvertement "de la naïveté d'un président français prêt à tout pour exister" dans les livres d'histoire. Si ça continue, Emmanuel Macron y figurera certainement, mais pas nécessairement là où il l'espère. Imagine-t-on le général De Gaulle s'entretenir au téléphone ou de visu avec Adolf Hitler, au titre de "la nécessité de préserver l'avenir" ? Quoi ? "pour ne pas humilier la Russie" et réserver à ce criminel de guerre une fin honorable. Allons donc, ce n'est ni sérieux ni envisageable. 

 

Un jour ou l'autre, il y aura des négociations  de paix; il faut espérer le plus rapidement possible. Mais elles devront se faire dans la plus grande transparence quant aux crimes contre l'humanité que Poutine et les siens n'ont cessé de commettre. A savoir qu'ils devront être jugés devant la Cour pénale internationale, en présence des bourreaux, si possible, à défaut, par contumace. Le 25 novembre 2022.       

                           

 

                                 COP27, G19 et crédibilité de l'OTAN ! 

 

Le forum international de la COP27, si il est utile et nécessaire pour permettre aux gouvernements, institutions communautaires, ONG, entreprises et citoyens de se parler et d’échanger, au vu des maigres résultats engrangés jusqu’ici par ce type de rencontres, on peut légitimement s’interroger quant à leurs effets structurels, non-cosmétiques, sur le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité. Attendons la résolution finale de Charm el-Cheikh et surtout les décisions concrètes qui s’ensuivront ... ou pas de la part des Etats participants, particulièrement les plus pollueurs et peu payeurs jusqu'à présent: Chine, Etats-Unis, Europe, Japon, Inde, Brésil.

 

Les Sommets des grandes puissances mondiales, comme celui du G20 - G19 en réalité, en l’absence du dictateur russe, plus que jamais isolé - sont l’occasion pour les leaders de ces pays de mettre sur la table les dossiers géopolitiques et économiques qui font l’actualité et ceux qui sont appelés à marquer l’histoire. La guerre en Ukraine s’est bien sûr imposée à l’ordre du jour des Chefs d’Etats et de gouvernements, tant le conflit menace la stabilité et la paix entre blocs adverses, quasi ennemis aujourd'hui, bouleverse l’économie mondiale et participe, avec la crise climatique, la crise sanitaire et le terrorisme, à l’émergence d’un nouvel ordre international. Ce qui se discute en ce moment à Bali - Indonésie - à défaut de décisions rapides, vu les différences et divergences d’approches, aura-t-il à l’avenir des répercussions tangibles dans la vie des peuples ? Nous ne pouvons qu'espérer. 

 

La paix en Europe poindra-t-elle le nez à l’issue de ce G19 ? Rien n’est moins sûr. La défaite majeure de la Russie à Kherson et dans le Nord-Est de l’Ukraine, la violence des frappes russes sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes et les populations civiles, les exécutions sommaires, les tortures, la déportation massive de populations ukrainiennes en Russie, y compris de nombreux enfants, l'éternelle politique russe de la terre brûlée, bref, les crimes de guerre et contre l'humanité de Moscou; tout cela rend improbable un simple cessez-le-feu, encore moins des négociations, voire des pourparlers, en vue d’un arrêt de la guerre. Les points de vue et objectifs de guerre sont tellement opposés à ce jour que l’idée même d’une pause est impensable. Vladimir Poutine et ses sbires, malgré leurs reculades, ne veulent rien lâcher de leurs prises de guerre. Volodymyr Zelensky, son armée et son peuple sont déterminés à reconquérir tous les territoires occupés et annexés, y compris la Crimée.

 

Hier après-midi, un missile de fabrication russe a touché un village polonais, Prsewodow, situé à 7 kilomètres de la frontière Ouest-ukrainienne, faisant deux personnes tuées. Chacun s’interroge sur l’origine de ces tirs. A cette heure, nul ne peut affirmer qu’il s’agit d’un acte volontaire de la Russie, d’une erreur de cible involontaire au cours du lancement des 90 missiles envoyés sur les villes ukrainiennes en une seule journée (80% sont détruits par les contre-missiles ukrainiens). Personne n'est pas en capacité formellement de pointer l'Ukraine d’une action délibérée pour forcer l’OTAN, la Pologne en est un membre, à s’engager davantage dans le conflit. Moscou parle d’une "provocation" de Kiev, Kiev accuse Moscou d’avoir voulu envoyer un message au G19. Celui-ci n'a pas manqué, Chine et Inde comprises, de condamner toute menace et tout emploi d'armes nucléaires - régulièrement brandis par les faucons du Kremlin, prompts à se distinguer aux yeux du despote.  

 

La Pologne n'a pas fait valoir l’article 4 du Traité de l’Atlantique Nord, à savoir reconnaître que son territoire a été agressé. Cela n'a pas empêché la réunion ce jour à Bruxelles des 30 pays membres. Du Président américain Joe Biden au Président français Emmanuel Macron, en passant par le Président polonais Andrezj Duda lui-même, dont la prudence est à saluer, chacun s’active à calmer les esprits, à éviter toute conclusion hâtive sur l’origine des frappes et même à déclarer, dans le chef du patron de la Maison Blanche, qu’il ne peut s’agir d’un tir russe. Mais alors, ce ne pourrait être que l’Ukraine …

 

Quoi qu’il en soit, la situation est suffisamment tendue, pour ne pas dire explosive, pour ne pas ajouter des mots, gestes ou actes irréversibles qui entraîneraient l’OTAN à répondre par la force à la Russie et donc à précipiter les nations dans une nouvelle guerre mondiale. Quant à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, non activé non plus, il  stipule que tout membre de l’alliance attaqué sur son sol verrait l’ensemble des Etats adhérents à intervenir pour le défendre … 

 

Si la possibilité d’une frappe ukrainienne se vérifie, une crise (passagère) de confiance entre les alliés et Kiev ne manquera pas de s’immiscer dans leurs relations, sans pour autant changer quoi que ce soit sur le fond à leur soutien à l’Ukraine. Trop de raisons géostratégiques concourent aux yeux des Occidentaux pour écarter tout scénario d'une victoire russe en Ukraine. Une telle issue serait lourde de conséquences à l'échelle du continent et du monde, comme une invitation à la Russie elle-même et aux autres régimes autocratiques d'assouvir leurs pulsions nationalistes et impérialistes.

 

Si il s'agit, comme certains l'ont très rapidement affirmé, d'un "morceau de missile" ou d'un missile de la défense anti-aérienne ukrainienne tombé par accident du côté polonais, tout va rentrer dans l'ordre à la plus grande satisfaction de tous, exceptés peut-être des Ukrainiens. Il faudra cependant expliquer comment un tir antimissile dans la banlieue de Lviv, ville la plus à l'Ouest visée par les frappes russes et située à 70 kilomètres de la frontière polonaise, a pu tomber sur un village polonais qui se trouve à 7 kilomètres de cette même frontière. Ce serait plaider le fait que ce tir ukrainien antimissile braqué vers l'Est, à partir de Lviv, ait pu provoquer la mort de deux personnes à 77 kilomètres à l'Ouest ... 

 

Si l’éventualité d’un tir accidentel russe se vérifie, il est à parier que l’on en restera là, afin d'éviter toute escalade. A raison. Mais si l’hypothèse d’un bombardement intentionnel russe venait à être établi - même si cela est avéré, il y aurait aucune place pour un affrontement direct avec la Russie, tant les risques d'une conflagration générale seraient grands - alors, pure conjecture, le momentum sera venu pour savoir qu’elle est la portée réelle de l’article 5 de l'Alliance atlantique. La crédibilité de l'OTAN, sa capacité de réaction se cristalliseraient dans ce cas de figure ... en fait, improbable. Pourquoi ? Car ça arrange tout le monde in fine. En politique, on appelle ça des éléments de langage. On disait que ...

 

Quoi qu'il en soit, nous saurons d'où vient le missile; chacun possède un numéro d'immatriculation et chaque tir laisse une trace radar de sa trajectoire. Il faudra cependant que l'analyse spectrale soit diffusée en toute transparence. Ce qui est loin d'être assuré. Quoi qu'il en soit, ce dérapage n'aurait pas eu lieu sans l'agression de Moscou sur l'Ukraine; ce qui fait dire aux Occidentaux, comme pour rassurer Kiev, que Moscou porte "la responsabilité ultime" de la chute du missile et des deux morts. 

 

Quoi qu'il en soit, l'attitude des Américains et des Européens au G19, de la Pologne, pourtant ennemi héréditaire de la Russie impériale, montre à quel point ils ne veulent pas, on peut le comprendre, d'une confrontation avec Moscou. Même si les Russes sourient devant ce qui pourrait n'être qu'un accident côté ukrainien, leur précipitation de réaction, pour dire qu'ils n'étaient pas responsables de cet "incident", laisse voir la peur d'affronter l'OTAN. Vu les rapports de force, on peut aussi comprendre.

 

Quant à la crédibilité de l'Alliance atlantique, on n'aurait pas pu s'interroger sur sa validité si les capitales occidentales, dans un premier temps, n'avaient pas réagi au tir de missile sur la Pologne en ordre dispersé. La cohésion n'est intervenue que dans un second temps, quitte à isoler Kiev, qui persiste à dire que l'origine de la frappe, espérons accidentelle, est russe. A l'avenir, au cas où un autre "incident" du genre viendrait à se produire, ce qui n'est pas à exclure, il serait souhaitable que les gouvernements otaniens agissent à la fois promptement et de manière plus concertée.  

                                                                  Le 16 novembre 2022. 

 

  

>Kherson: La barbarie de l'armée russe dans sa guerre en Ukraine !

 

Dans la ville libérée de Kherson, des récits d’horreur après l’occupation russe !

Des habitants de cette ville du Sud de l’Ukraine témoignent des traitements qu’ont fait subir les forces d’occupation à leurs prisonniers ukrainiens. Comme dans d'autres villes, un centre de torture avait été installé où les tortionnaires s'adonnaient à "la question", pratique habituelle des services de renseignement russes. 

Par Rémy Ourdan(Kherson (Ukraine), envoyé spécial du "Monde".

 

"Devant la prison du 3, rue Teploenergetikiv, des gens du quartier discutent en fumant une cigarette. Derrière ces murs surmontés de fils de fer barbelé, l’armée russe avait installé l’un des centres de détention de Kherson. Nul ne sait combien la prison a englouti de détenus assassinés, disparus ou déportés en zone d’occupation russe peu avant la reconquête de Kherson par les forces ukrainiennes.  "Trois autobus et un camion" sont venus une nuit vider la prison, "environ deux semaines" avant le départ de l’armée russe de la ville. Depuis, les portes sont closes.

 

Comme d’autres voisins, Serhiy (il n’a donné que son prénom, comme d’autres témoins interrogés) aidait souvent des prisonniers libérés. "On les voyait sortir par le portail, épuisés, misérables, hagards. Ils marchaient lentement dans la rue avec leurs chaussures sans lacets." Alors Serhiy et d’autres voisins leur donnaient un peu de nourriture et, la plupart venant d’autres villes et villages de la région, ils leur demandaient s’ils avaient besoin d’une voiture pour rentrer chez eux. "A Kherson, beaucoup de gens savaient qu’il y avait ici un centre de torture russe", dit Andriy. "Un prisonnier libéré m’a dit un jour : “S’il existe un enfer sur terre, il est ici”", raconte Serhiy.

 

Vitaliy Serdyuk est, à la connaissance des voisins, le seul habitant du quartier qui fut détenu au 3, rue Teploenergetikiv. Il arrive d’un pas lent, en compagnie de sa femme, Yelena. Il fut prisonnier de l’armée russe du 27 au 30 août. Comme chaque jour pendant l’occupation russe, qui a contrôlé la ville de Kherson du 2 mars au 11 novembre, M. Serdyuk, 65 ans, se rendait dans la maison de son fils lorsque les soldats sont arrivés. Son fils ayant rejoint les forces ukrainiennes au début de la guerre et ayant envoyé sa femme et leurs deux fils en Pologne, Vitaliy y nourrissait les chiens et les chats vivant désormais seuls dans le jardin, et vérifiait que tout était un ordre.

 

"C’était le dernier samedi d’août, vers 13 heures. Une dizaine de soldats ont encerclé la maison et ont cogné à la porte. Je leur ai ouvert. Ils ont couru dans la maison et ont pris mon téléphone sur une table. Ils m’ont fait asseoir dehors et ont commencé à me frapper la nuque. Ils ont fouillé la maison et le garage. Ils cherchaient des armes. Ils m’ont interrogé sur mon fils. Je leur ai dit que je ne savais pas s’il était en Pologne avec sa femme et ses fils, ou quelque part en Ukraine." La réponse de Vitaliy n’étant pas jugée satisfaisante, il est alors arrêté.

 

"La douleur était insupportable"

 

"Ils m’ont mis un sac sur la tête et m’ont menotté dans le dos. Ils m’ont ordonné de marcher courbé. Ils m’ont mis dans une voiture et emmené en prison." Vitaliy ignore alors où il est détenu. Il sait juste qu’il est conduit au deuxième étage d’un bâtiment et placé dans une cellule avec sept autres hommes. Il découvre les us et coutumes de la vie carcérale sous occupation russe. "A chaque fois qu’un soldat russe entrait dans la cellule, il était interdit de les regarder dans les yeux, et il fallait crier “Gloire à la Russie ! Gloire à Poutine ! Gloire à Choïgou !” [ministre de la défense de Russie]. Si un détenu ne le disait pas assez vite, il était frappé", raconte Vitaliy.

 

"Le lendemain, ils m’ont emmené dans un sous-sol pour un interrogatoire. Ils m’ont d’abord frappé avec des matraques de policier, le dos, les jambes. Ils me demandaient : “Tu es de la défense territoriale ukrainienne ? Où as-tu caché les armes ?” Et puis, encore et toujours : “Où est ton fils ?” L’homme sait que son fils, un vétéran du conflit dans le Donbass en 2014, s’est réengagé dans l’armée ukrainienne à la suite de l’invasion russe, mais il ne connaît aucun autre détail. "Les Russes avaient des listes. Ils savaient que mon fils est sergent dans l’armée. Je l’ai d’ailleurs appris par eux, sourit Vitaliy. Ma femme et moi le pensions simple soldat et ne savions pas qu’il avait été promu."

 

"A un moment, ils ont dit : “Maintenant, tu vas voir, tu vas te souvenir de tout !” Et ils m’ont fait ce qu’ils appellent “Un appel à Zelensky”." Vitaliy voit les soldats brancher un vieil appareil électrique de l’ère soviétique, comme ceux qui servaient à alimenter les radiotéléphones militaires. Autrement dit, une gégène. D’où la référence au fait de passer un appel téléphonique.

 

"Ils ont baissé mon pantalon et ont placé deux électrodes sur mes testicules. Ils tournaient la manivelle de plus en plus vite, pour produire plus d’électricité. Puis ils ralentissaient. Puis ils accéléraient. Ensuite, ils ont connecté l’un des fils à un téton, l’autre étant toujours sur un testicule. Et ils ont recommencé." Vitaliy estime que l’interrogatoire a duré une heure et demie, et la torture à l’électricité une demi-heure. Il est ramené en cellule.

 

"La douleur était insupportable. J’étais trempé de sueur. Mes compagnons de cellule m’ont nettoyé le visage, puis je me suis effondré sur le sol, évanoui." Son interrogatoire et la fouille de son téléphone n’ayant rien donné, Vitaliy est libéré le mardi. "Ils m’ont fait franchir un portail, et j’ai alors compris que j’étais dans la prison de la rue d’à côté de chez moi." Sa femme, Yelena, dit qu’elle a retrouvé Vitaliy "le corps bleu et rouge, à cause des coups". Il a aussi un os cassé dans la main droite. Il précise que tous ses compagnons de cellule avaient « des côtes ou des doigts cassés ». (...)." 

                                                        "Le Monde", le 14 novembre 2022. 

                 

                            Kherson, le 11 novembre n'est pas l'armistice,

                   mais une grande victoire dans une guerre qui continue !

 

Les troupes russes se sont retirées, vendredi 11 novembre, de la rive droite du fleuve Dniepr, scellant une grave défaite militaire pour Vladimir Poutine et son régime despotique. L’arrivée des soldats ukrainiens dans cette zone a donné lieu, le même jour, à des scènes de liesse dans les villages libérés et dans le port de Kherson (250 000 habitants avant l’invasion), la seule capitale régionale ukrainienne que la Russie avait réussi à occuper en neuf mois de combats acharnés. A Kiev, soit à 600 kilomètres au Nord-Ouest, le Président Volodymyr Zélensky a qualifié cette victoire de "jour historique".

 

C'est une évidence réjouissante. Mais la guerre est loin d'être finie et les belligérants de tirer leur dernier missile. Les territoires reconquis par l'armée ukrainienne sont toujours considérés par Moscou comme russes. Pas besoin de développer longuement pour craindre, à terme, une fois l'hiver passé, une réaction violente et dévastatrice - non-nucléaire, nous n'y croyons toujours pas - du petit Tsar, face à une succession d'échecs militaires et de discrédit politique sans précédent.

 

Pour ne rien arranger, les différents trains de sanctions occidentales font des ravages dans l'économie russe et menacent le pays d'une crise sociale de grande ampleur. Le Kremlin est désormais soumis à une pression maximale, venant des ultras radicaux, furieux de la tournure que prend "l'opération spéciale", des milieux militaires, qui voient leur armée humiliée et livrée à un bain de sang aux conséquences incalculables, des services de renseignement, FSB et GRU, accusés d'être aux mains d'incapables, des oligarques qui quittent en nombre le navire et d'une population à présent directement confrontée à une guerre d'usure dramatique que Poutine et ses sbires leur ont cachée jusqu'il y a peu.

 

Nul ne sait ce qu'il y a dans la tête d'un dictateur en faute de gouvernance et de prévoyance sur toute la ligne. Poutine va donc probablement jouer ses dernières cartes. On peut penser à deux options, l'une n'étant pas d'ailleurs exclusive de l'autre en cas d'échec de la première.

 

Soit il va tenter, via la Turquie d'Erdogan, de relancer des pourparlers en vue de négocier un accord de cessez-le-feu - la Russie laisserait à l'Ukraine les territoires reconquis - ce qui semble être le cas à Kherson - mais garderait le reste des républiques fantoches occupées et la Crimée - Problème, on voit mal l'intérêt pour l'Ukraine de s'asseoir à une table de négociations en pleine reconquête et accepter d'abandonner entre 15 à 20% de son territoire. Soit il lâchera ses derniers coups, ses chiens enragés: les Tchétchènes lobotomisés de Ramzan Khadyrov, les mercenaires Wagner d'Evgueni Prigogjine et, last but not least, sa Garde nationale (très rapprochée) du général Viktor Zolotov.

 

L'idée serait de déployer ses unités "d'élite" bien équipées, en utilisant le vaste tampon de la chair à canon des centaines de milliers de recrues et conscrits peu ou pas formés et chichement équipés. Le souci serait alors l'approvisionnement logistique des tueurs sur la durée, car une telle décision exigera énormément de matériels militaires défensifs et offensifs de haute intensité, à la pointe des technologies numériques. La seule issue favorable pour le Kremlin serait une victoire rapide. Ce qui est improbable, vu la détermination ukrainienne et l'engagement des Etats-Unis comme de l'Europe à continuer à soutenir Kiev, tant que les Ukrainiens eux-mêmes décideront de poursuivre la guerre. 

 

La Russie, privée des semi-conducteurs essentiels pour pouvoir mener durablement un "saut qualitatif" dans la guerre, ne pourra compter que sur son allié chinois pour limiter le désastre. Pas sûr que le Président XI Jinping réélu soit prêt à sacrifier les intérêts économiques stratégiques de son pays - l'Occident est son premier partenaire commercial - pour permettre à Poutine de sauver sa mise. 

                                                                  Le 12 novembre 2022.   

 

   >La France, alliée de l’Ukraine, peut faire beaucoup mieux ! 

 

 

Paris doit opérer un tournant de sa politique étrangère, en figurant parmi les principaux soutiens militaires de Kiev, estime un collectif d’universitaires et de responsables de "Think Tanks". La France apparaît timorée en ce domaine si on la compare à d'autres Etats, même moins puissants. 

 

"L’issue de la guerre en Ukraine reste incertaine. Mais les contours de "l’Europe d’après" se dessinent déjà, avec un centre de gravité qui, en toute hypothèse, se déplacera vers l’Est du continent. Et où la France risque un sérieux déclassement.

 

Notre traditionnelle posture de "puissance d’équilibre" et de dialogue avec Moscou est en effet décrédibilisée au sein d’une OTAN ressoudée. Tout comme notre projet d’"autonomie stratégique" européenne, pertinente sur le fond, mais qui n’est actuellement plus audible et qui doit être repensé.

 

Erreurs et insuffisances !

 

Les Etats les plus actifs dans le soutien à l’Ukraine contestent le primat de Paris et de Berlin au sein de l’Union européenne. Ne nous leurrons pas : par ses erreurs et ses insuffisances face à l’agression russe, la France a manqué une occasion historique d’y faire valoir sa place et sa force de proposition.

 

Mais, en s’adaptant maintenant à ces nouvelles réalités stratégiques, notre pays peut encore prétendre à un tel rôle. Derrière la lutte héroïque des Ukrainiens se joue en effet aussi une compétition entre les alliés soutenant Kiev, tels le Royaume-Uni qui cherche à retrouver une place en Europe, et la Pologne, qui entend y affirmer la sienne. Dans cette compétition, nous devons donc gagner deux batailles-clés.

 

La première est celle du leadership européen. La France a notamment été à la traîne en matière d’aide militaire. Elle n’a débuté l’envoi de canons Caesar qu’en mai, alors que nos voisins avaient envoyé de grandes quantités d’artillerie et de chars dès les premières semaines du conflit.

 

L’aide militaire française restait, à la mi-octobre, inférieure à celle de l’Estonie et dix-sept fois inférieure à celle du Royaume-Uni. La France est en outre quasi absente dans l’entraînement des Ukrainiens. Si le matériel envoyé est de grande qualité et si l’aide au renseignement est essentielle, ce soutien reste globalement insuffisant.

 

De 100 millions à 4 milliards d’euros !

 

Or, pour retrouver une capacité de leadership, la France doit figurer parmi les principaux soutiens militaires de l’Ukraine. Première puissance militaire d’Europe continentale, elle doit agir comme la meilleure alliée de celle-ci. Elle a pour l’heure laissé ce rôle aux Anglo-Saxons qu’elle critique si souvent, mais dont le soutien à Kiev est décisif. Elle a conforté ses alliés dans l’idée que seule l’Amérique pouvait vraiment les défendre face à la menace russe. Rien n’est cependant perdu.

 

Nous pouvons et devons hisser notre soutien militaire à Kiev au premier rang européen. Par exemple, en portant de 100 millions à 4 milliards d’euros le montant du fonds d’aide militaire annoncé par le Président de la République. Sacrifice excessif ? Le coût d’un tel geste équivaudrait à la suppression de la redevance pour l’audiovisuel public.

 

Avant tout, nous devons oser l’envoi de nouveaux armements à l’Ukraine : de la défense antiaérienne et des lance-roquettes, comme l’a annoncé l’Exécutif, mais aussi des chars, des hélicoptères et des avions. Certes, cela exigerait de former des équipages ukrainiens sur des mois. Pis, il faudrait prélever encore du matériel sur nos armées déjà à l’os. Mais, plutôt que de thésauriser nos arsenaux dans l’éventualité d’un affrontement majeur, il est dans notre intérêt évident d’en livrer une partie pour affaiblir un adversaire potentiel majeur.

 

Un tel geste renforcerait la protection des civils ukrainiens et contribuerait à changer la donne sur le champ de bataille. La France deviendrait le premier pays à livrer des chars et des aéronefs occidentaux : cela renforcerait durablement son image et son influence en Europe centrale, nordique et orientale, où elle sera bien plus audible.

 

L’espoir d’une improbable médiation !

 

Deuxième bataille à remporter : la bataille des récits. En doublant son soutien insuffisant d’une communication mal calibrée, la France a dégradé son image dans la majeure partie de l’Europe. Le Président de la République a brouillé son message en exprimant, "en même temps" ou successivement, des positions fermes face à Moscou et une volonté de retenue, dans l’espoir d’une improbable médiation : on vient de le voir en matière nucléaire. Or, nous devons clarifier notre communication, notamment auprès des opinions publiques d’Europe centrale et orientale.

 

Au-delà, nous devons acter un tournant radical dans notre politique étrangère. Notre soutien (tardif) à la candidature de l’Ukraine à l’UE et notre durcissement face au Kremlin vont dans le bon sens. La France doit désormais abandonner son illusoire quête de "puissance d’équilibre" face à une Russie qui n’écoute ni ne respecte cette posture naïve et dépassée. Et se rapprocher des positions de nos alliés d’Europe centrale, nordique et orientale, qui se sont montrés plus lucides dans leur compréhension de la Russie.

 

Habitués à ce qu’ils considéraient comme une faiblesse, voire comme une complaisance française envers Moscou, nos voisins de cette région plaçaient en la France des espoirs limités et qui ont été déçus. Mais notre pays peut encore surprendre. En s’illustrant enfin dans le soutien à l’Ukraine, la France sera bien plus crédible pour prétendre au leadership européen. Et pour faire progresser réellement l’Europe de la Défense et l’autonomie stratégique du continent, dans le cadre indépassable d’une relation transatlantique rénovée." Collectif, le 1er novembre 2022. 

     

     >La France à la traîne de l'aide militaire à l'Ukraine !

 

Toutes les statistiques relatives aux montants mobilisés, rapportés au PIB, pour aider militairement l'Ukraine montrent que la France se situe dans le bas du classement, très loin derrière les Etats-Unis, mais aussi loin du Royaume-Uni et de pays moins riches, comme la Pologne et les Pays baltes.(*) Il n'y a pas si longtemps, il était coutume de dire qu'il n'existait en Europe que deux véritables armées, la française et la britannique. Mais, au vu des livraisons chichement comptées de la France à l'Ukraine, on peut s'interroger. Ou bien la France en garde trop largement sous le coude, de manière voilée et égoïste pour sa propre sécurité, ou elle n'est effectivement pas en capacité d'en faire davantage et donc ne constitue plus une défense suffisamment crédible en cas de conflit de haute intensité. Dans la première hypothèse, comment font le Royaume-Uni,  dont les moyens sont assez similaires à ceux de la France, et la Pologne, dont l'armée n'est pas, loin de là, la première en Europe ? La seconde hypothèse ouvre sur de lourdes conséquences qui devraient interpeller le Président Macron, son gouvernement et l'état-major français. Quoi qu'il en soit, la pusillanimité de la France est troublante pour Kiev, mais aussi pour l'ensemble de ses partenaires atlantiques. 

 

(*)Pour donner un ordre de grandeurs, à ce jour, l'aide des Etats-Unis à l'Ukraine se monte à 25 milliards d'€, celle de   l'Allemagne à 3 milliards d'€, celle de la Pologne à 2 milliards d'€, quand celle de la France est de ... 250 millions d'€.  

                                                                    Le 11 octobre 2022. 

 

 

             

              La Russie est un Etat terroriste !

 

Il fallait s'y attendre (*), après l'explosion samedi d'un camion piégé sur le pont de Crimée, qui a détruit une des deux voies routières et incendié un train sur l'échelon supérieur, endommageant la structure en béton de l'édifice - attentat très sophistiqué non revendiqué par l'Ukraine - face à la désorganisation complète des militaires russes devant les avancées et percées significatives de l'armée ukrainienne, au Nord, au centre et au Sud du Donbass, et à l'échec cuisant sur toute la ligne de son agression, Poutine a réagi en bombardant massivement ce lundi Dnipro, Kharkiv, Kiev, Jitomyr, Lviv, Odessa, Ternopyl, Vinnytsia et Zaporijjia. Le pont de Crimée était "sa chose", d'où son humiliation. 

 

On déplore de très nombreuses victimes, dont des dizaines d'enfants, et d'innombrables destructions d'immeubles à appartements et infrastructures. Ces morts viennent s'ajouter à toutes celles des mois précédents, à tous les crimes de guerre commis par la dictature russe et son despote.

 

C'est là le signe, un de plus, de la grande fébrilité et de la faiblesse structurelle du Kremlin, désormais incapable de mener une contre-offensive face à la puissance, à la mobilité et à l'hétérogénéité de l'offensive ukrainienne. Qui eut prédit un tel scénario lors de l'invasion russe le 24 février dernier ? 

 

Il ne reste à Poutine et à ses sbires que la punition collective, le tapis de missiles sur les populations civiles. Bref, il ne lui reste que le terrorisme pour exister. L'histoire n'est pas dite pour autant. On peut raisonnablement conjecturer deux conséquences directes et majeures à la terreur russe.

 

D'abord, le peuple et l'armée ukrainiens, à présent composée de 600.000 à 700.000 hommes bien équipés, vont redoubler de motivation et de force pour affaiblir et si possible neutraliser l'armée russe dans l'Est ukrainien. Les semaines à venir seront cruciales à cet égard. Soyons modérément optimistes.  

 

Ensuite, les Occidentaux vont nécessairement accroître les paquets de sanctions contre Moscou, sanctions qui produisent des effets délétères sur une économie russe au bord de l'asphyxie; ils vont aussi renforcer leur soutien militaire à Kiev, d'une part, en accroissant les volumes de livraison, spécialement un solide dispositif d'éléments de défense antiaérienne pour contrer les tirs russes de missiles ainsi que les drones iraniens; d'autre part, en élevant le niveau capacitaire de frappes en profondeur. Washington, Londres, Paris et Berlin vont devoir sortir du bois. Le faux nez de la non-cobelligérance ne fait pas illusion. Affirmer, comme le fait la plupart des Etats otaniens, que nous ne participons pas à la guerre est un voile diplomatique qui sert à éviter tout face-à-face avec Poutine.   

 

Nous allons donc entrer dans une nouvelle phase de la guerre. Nous ne croyons toujours pas à une ou  plusieurs frappes nucléaires, tactiques ou stratégiques. Dès lors que Poutine aurait franchi la ligne rouge d'un recours aux armes atomiques, quelles qu'elles soient, l'OTAN serait dans l'obligation, comme annoncé clairement par les Etats-Unis via divers canaux, d'anéantir conventionnellement ce qui resterait de l'armée russe en Ukraine ainsi que toute la flotte de la "grande nation" en Mer Noire. 

 

Il reste deux mois avant que l'hiver ukrainien ne fige probablement les positions des deux armées. Ce qui n'empêchera pas Moscou de continuer à détruire des villes et des infrastructures stratégiques ukrainiennes, via le lancement à distance de salves de missiles. D'ici là, les stratèges ukrainiens, aidés d'unités des forces spéciales occidentales, vont devoir accélérer l'offensive et anticiper les événements.

 

Gageons qu'ils vont vouloir frapper intensément les bases arrières russes et continuer, via le renseignement des puissances alliées, à infiltrer les parties des Oblasts encore occupées et la Crimée, qui reste territoire ukrainien, n'en déplaise à certains, avec pour objectifs de saper la logistique qui approvisionne une armée russe désorganisée ainsi que le moral des troupes, au plus bas.

 

Les renforts de la mobilisation dite partielle ne seront pas opérationnels avant le printemps, voire l'été, d'où l'affichage russe de recourir à l'allié biélorusse, avec ses quelques 45.000 soldats mobilisables mais peu motivés, à vrai dire, une armée de faible intensité. Seul avantage aux yeux de Poutine, la situation géographique de la Biélorussie, au Nord de l'Ukraine, base arrière de l'armée russe pour des tirs sur Kiev et sa région. Y-aura-t-il un redéploiement russo-biélorusse aux frontières occidentales, à savoir polonaises, pas sûr ? Quoi qu'il en soit, en face, l'Alliance atlantique est en alerte.

 

Autre souci pour le Kremlin, la Russie sera-t-elle capable de changer son mode operandi, hérité de la bureaucratie soviétique et basé sur une verticalité paralysante du commandement militaire, une absence d'officiers intermédiaires, entre l'état-major et les soldats de terrain, et un matériel (équipements, armes et dispositifs mobiles) souvent obsolètes (exceptions faites des drones iraniens, des missiles de croisière et de l'armement nucléaire) ? Sans embellie économique pour nourrir son effort de guerre, fort peu probable, malgré les achats chinois et indiens, et sans nouveau paradigme de sa doctrine militaire, la Russie fonce droit dans le mur et s'apprête à vivre une défaite historique.    

 

Pour l'heure, certes, rien n'est acquis. L'Etat terroriste russe joue ses dernières cartes et ne pourra tenir à ce rythme sur le long terme, avant que de s'effondrer ou de connaître un renversement du pouvoir en place. Poutine le sait. C'est pourquoi sa violence décuple. C'est pourquoi, il est temps pour les Occidentaux de monter encore en puissance et de favoriser sa chute d'une manière ou d'une autre. 

 

(*) Selon les services ukrainiens, ce tapis de missiles et de drones aurait été préparé avant l'attentat du pont de Crimée. 

                                                                   Le 10 octobre 2022.

 

 

                           "Si Poutine utilise des armes nucléaires en Ukraine,

                                    les États-Unis détruiront les troupes russes"

 

L'ancien Directeur de la CIA et Général de l'armée à la retraite, David Petraeus, déclare que le Président russe est "désespéré" et que la réalité du champ de bataille auquel il est confronté est "irréversible". C'est la première fois qu'une voix occidentale "autorisée" menace directement, si pas le territoire russe, du moins l'armée de "la grande nation". A bon entendeur, salut !?  

 

L'utilisation de l'arme nucléaire est de plus en plus évoquée en Russie. Les États-Unis et leurs alliés détruiraient les troupes russes en Ukraine et couleraient la flotte présente en mer Noire si Vladimir Poutine utilisait les armes nucléaires dans le pays, a averti l'ancien Directeur de la CIA et Général à la retraite, David Petraeus.

 

À ABC News, David Petraeus a déclaré exactement ceci: "Pour vous donner une hypothèse, nous répondrions en menant un effort de l'OTAN. Un effort collectif qui éliminerait toutes les forces russes que nous pouvons identifier sur le champ de bataille en Ukraine et également en Crimée, ainsi que tous les navires en Mer Noire."

 

Cet avertissement intervient quelques jours après des propos de Poutine que beaucoup ont interprété comme une menace d'une guerre qui s'étendrait au-delà de l'Ukraine. Si la Russie venait à utiliser les armes nucléaires, les États-Unis ainsi que l'OTAN n'entreraient pas forcément en guerre, car ce ne serait pas une situation qui déclencherait l'article 5 de l'alliance qui appelle à la défense collective. Néanmoins, une "réponse des États-Unis et de l'OTAN" serait nécessaire, a déclaré M. Petraeus.

 

Allez comprendre cette déclaration pour le moins ambiguë, si pas contradictoire. C'est peut-être l'objectif recherché ? Précisons tout de même qu'il ne s'agit pas d'une affirmation de la Maison Blanche, ni du Secrétariat général de l'Alliance atlantique à Bruxelles, ni d'un ou plusieurs Etat(s) européen(s) membre(s) de l'OTAN. Cette sortie personnelle, d'un homme respecté à Washington, est-elle simplement destinée à tétaniser la nomenklatura poutinienne, a-t-elle été avalisée par le Président Biden, ou est-elle un jalon supplémentaire validé d'une réponse potentielle crédible américaine, plus largement des Occidentaux, à ce qui serait un acte gravissime de l'agression russe en Ukraine ?    

 

David Petraeus estime enfin que le dictateur russe est "désespéré". "La réalité du champ de bataille auquel il est confronté est, je pense, irréversible", a-t-il expliqué. "À un moment donné, il va falloir reconnaître cela. Il faudra qu'il y ait une sorte de début de négociations, comme l'a dit le Président Zelensky, ce sera la fin ultime." Le 03 octobre 2022.

 

 

             Moscou, salle Saint-Georges. Poutine revisite l'Histoire et ouvre une ère de glaciation. 

         Réponse à Poutine: en bon russe, Nikogda !

 

Nous venons d'écouter le discours de Vladimir Poutine relatif aux référundums illégaux sous kalachnikov dans les deux "républiques" du Nord-Est-ukrainien de Luhansk et Donetsk et les deux oblasts (régions) du Sud-Est, Zaporijjia et Kherson, territoires que les Russes ne contrôlent pas entièrement. Allez comprendre. L'intervention télévisée, regardée attentivement dans le monde entier, en particulier par les services de renseignement, est un salmigondis de mensonges, une ritournelle de contre-vérités, un délire obsessionnel de l'Occident, des Etats-Unis et de ses "vassaux européens", bref, une réécriture complète de l'histoire des cent dernières années, avec, en point d'orgue, la non-digestion de l'effondrement de l'Union soviétique et son corollaire, l'humiliation, ouvrant la porte à une nostalgie nationaliste et revancharde sans limite.

 

En agressant l'Ukraine le 24 février 2022, après avoir occupé le Donbass depuis 2011 et annexé la Crimée en 2014, afin de "libérer les populations des nazis ukrainiens", Poutine s'est lui-même pris au piège d'un engrenage infernal. Ses buts de guerre reposaient sur l'idée de reconstituer un semblant d'empire, tsariste et soviétique à la fois, et d'avancer la frontière russe vers l'Ouest, en vendant la propagande selon laquelle les Occidentaux "menaçaient la grande patrie". L'ambition du Kremlin était de réaliser "l'opération spéciale" en quelques jours, voire quelques semaines ...

 

On voit aujourd'hui où cela l'a mené. Echecs à tous les étages. Non seulement son armée est en grande difficulté dans les territoires occupés, repris morceaux par morceaux par les Ukrainiens, qui ne sont pas prêts à reculer; sa mobilisation dite partielle de 300.000 hommes est pitoyable: refus massif d'être enrôler, mutilations volontaires, désertions et exil de centaines de milliers de personnes à l'étranger; colère des mères de soldats qui vont servir de chair à canon; désorganisation logistique dans les industries en manque de composants électroniques; inflation au-delà de 20%, chômage massif, matériels militaires défectueux, en piteux état ou obsolète (excepté son arsenal nucléaire); et, sur le plan international, prise de distance de la Chine et de l'Inde, inquiètes davantage chaque jour de la dérive de "l'ami" Poutine; unité et solidarité exceptionnelles des Européens; last but not least, renforcement de l'OTAN, avec l'adhésion de la Finlande et de la Suède.    

 

Le bilan de la guerre en Ukraine est, pour reprendre une citation restée célèbre, (*) globalement négatif. Voilà le dictateur, devant une salle Saint-Georges à Moscou pleine de toute la nomenklatura poutinienne, lancé cet après-midi dans une folle diatribe redondante des valeurs démocratiques portées par un Occident "décadent, menteur et colonisateur". On notera qu'il ne s'est pas privé de dénoncer les mouvements LGBT, leurs moeurs "qui ne conviennent pas à notre grande patrie". Les libertés fondamentales et les droits humains ne sont évidemment pas sa tasse de samovar.  

 

Mais qui a envahi qui, si ce n'est l'impérialisme insatiable de la Russie ? Qui colonise qui, si ce n'est Moscou qui peuple les territoires occupés de populations russophones et russophiles et qui déportent massivement d'autres populations ukrainiennes ? Si l'Occident a bien des choses sur la conscience, ce sont là des vérités historiques, dont on débat librement, la Russie, qui n'a jamais connu l'Etat de droit, associé à la fourberie, selon l'axiome poutinien, se vautre depuis des siècles dans la dictature, l'esclavage, la corruption et la répression violente de toute forme d'opposition.

 

Par le chantage et la force, la Fédération de Russie va donc russifier 20% du territoire ukrainien. La semaine prochaine, la Douma votera comme un seul homme la forfaiture. A part quelques Etats aux mains d'affreux despotes - Biélorussie, Syrie, Iran, Corée du Nord, Vénézuela - Moscou et sa clique d'apparatchiks vont être au banc de la communauté internationale pour de très longues années. Ils entrent tête baissée dans une ère de glaciation dont ils ne verront pas la fin. 

 

L'ukase signé ce jour de l'annexion n'a aucune valeur juridique, ni pour l'Union européenne, ni pour les Etats-Unis, ni pour la grande majorité des pays qui ont signé la Charte des Nations unies. Quant à l'Ukraine, cette sinistre mascarade ne va que renforcer sa volonté de récupérer tous les territoires occupés et avalés. Après ça, Poutine a l'audace d'en appeler à "un cessez-le-feu", tout aussi fictif que le reste, à ses conditions ... En bon russe, l'annexion ce sera Nikogda, jamais ... 

 

Les quatre explosions qui ont endommagé les gazoducs russes Nord Stream 1 et 2, le second jamais mis en service, après que Moscou ait décidé de couper toute livraison de gaz à l'Europe sous prétexte de "travaux techniques", prouvent, une fois de plus, le choix de la guerre hybride que Poutine a décidé de mener aux Occidentaux. Il recourt à tout moyen dont il dispose encore pour nous tétaniser, pour propager la peur au sein des opinions publiques européennes, soucieuses des conséquences énergétiques et inflationnistes de la guerre en Ukraine. Son but est de fracturer l'adhésion populaire au soutien à Kiev des décideurs politiques. Ces attentats terroristes sont signés de la main des services spéciaux russes. Seule la Russie trouve son intérêt dans cette stratégie de la tension et de la menace permanente; laissant entendre qu'elle pourrait s'en prendre désormais aux infrastructures électriques, gazières, pétrolières, numériques et nucléaires de l'Union européenne.  

 

Les Occidentaux vont être dans les semaines et les mois à venir devant un choix déterminant: poursuivre et amplifier le soutien financier et militaire à Kiev et renvoyer la Russie au réalisme dans ses frontières légitimes; ou lever le pied de l'aide à l'Ukraine et permettre ainsi à Poutine d'établir un précédent géopolitique extrêmement dangereux pour la stabilité, la sécurité et la paix mondiale. En ce cas, l'Union européenne et les Etats-Unis écriront leur nom dans le grand livre de l'Histoire au bas d'un jugement qui aura pour titre: Lâcheté, honte et désastre ! Le 30 septembre 2022.

   

(*) Au lendemain de l'invasion de l'Afghanistan par Moscou, en 1979, Georges Marchais, alors Secrétaire général du Parti communiste français, avait déclaré sans gène que le bilan de l'Union soviétique "était globalement positif" ...  

                   

 

Ce mercredi matin, le Président russe, Vladimir Poutine, s'est exprimé dans une rare allocution télévisée. Il a annoncé la mobilisation de 300.000 réservistes pour combattre l'Ukraine, prévenant l'Occident que Moscou utiliserait "tous les moyens" pour se défendre. "Ce n'est pas du bluff", a-t-il martelé, accusant les démocraties libérales de vouloir "détruire" la Russie, d'avoir recours au "chantage nucléaire" contre elles; signifiant ainsi qu'il était prêt à utiliser l'arme nucléaire. En somme, le dictateur, en très mauvaise passe dans le Donbass, après la contre-offensive ukrainienne qui a permis à Kiev de reconquérir près de 8.000 Km2 de son territoire, a choisi la fuite en avant afin de ne pas perdre la face devant le peuple russe, qui n'est plus dupe, et la communauté internationale. Voilà un homme acculé à choisir le pire, conformément à ce qu'il est depuis qu'il sait mentir et s'asseoir sur la souffrance humaine, en digne héritier de son mentor, Joseph Staline. 

 

Il est devant trois équations difficiles à résoudre. D'abord, son régime despotique n'a aucune assurance que les appelés, jusqu'à 60 ans, vont marcher comme un seul homme vers une victoire à la Pyrrhus. Les familles, les mères, les compagnes ne vont pas laisser partir leur fils ou leur conjoint sans broncher. Le précédent lors de la guerre en Afghanistan a laissé des traces dans la mémoire collective. Pour beaucoup d'entre eux, la dernière fois qu'ils ont revêtu l'uniforme remonte à plusieurs années, voire décennies. La plupart n'ont pas fait de rappel sous les drapeaux et ne savent donc pas  manier des armements de plus en plus sophistiqués, même russes. Une minorité d'entre eux pourront assez rapidement être au front. Il faudra cependant les acheminer avec un matériel militaire réduit et sous les tirs d'obus et de missiles ukrainiens. Pour les autres, il faudra les former et faire de ces dizaines de milliers de militaires du dimanche des combattants aguerris. Cela va prendre des mois et l'hiver arrive ... 

 

Ensuite, les armements conventionnels dont disposait la Russie avant l'invasion de l'Ukraine ont fondu comme permafrost au soleil. La Corée du Nord et l'Iran ne suffiront pas à pallier l'actuel manque de moyens offensifs. L'amie chinoise se gardera bien de livrer directement des armements à une Russie désormais affaiblie. Les alliés de la Russie vont se faire de plus en plus discrets. 

 

Enfin, l'armée ukrainienne, de mieux en mieux équipée par les Etats-Unis et les pays européens, ne va pas s'arrêter en si bon chemin. Les Russes trouveront face à eux 250.000 soldats ukrainiens motivés et entraînés comme jamais. Ils vont continuer à avancer dans le Nord-Est du pays, en regagnant village après village, ville après ville - où l'on découvre, sans s'étonner, les charniers et les lieux de torture que les barbares ont laissé derrière eux après leur fuite - ils vont poursuivre leur avancée vers le Sud-Est et intensifier leurs frappes, menaçant une partie importante de l'armée russe (30.000 hommes) d'être coupée de ses lignes d'approvisionnement en la confinant sur la rive ouest du Dniepr et ainsi d'être piégée. Si cette manoeuvre d'encerclement réussit, Poutine ne s'en remettra pas. En attendant, les semaines et mois à venir seront douloureux pour les Ukrainiens. 

 

Ses déclarations incendiaires du jour témoignent d'une fébrilité et d'un désarroi auxquels le petit Tsar ne nous avait pas habitués. La mobilisation partielle, qui ressemble tout de même à une générale, qui est impossible, ainsi que l'annonce précipitée de référendums bidons dans les républiques fantoches auto-proclamées (Luhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson) donnent à voir un spectacle pitoyable, qui sent à plein nez la panique générale.

 

Depuis ce matin, des dizaines de milliers de citoyens russes tentent d'acheter des billets d'avion et de train pour quitter la grande patrie et se rendre dans les pays non concernés par les sanctions occidentales. Il faut s'attendre aussi, pour celles et ceux qui restent, à de nombreuses manifestations d'opposition à la guerre, d'opposition à la réquisition des réservistes. La Russie se vide de ses forces vives ni plus ni moins. Après les opposants, partis en masse depuis des mois ou en prison, voilà maintenant les élites intellectuelles, culturelles, industrielles, commerciales et de la classe moyenne qui prennent le chemin de l'exil. Nul doute qu'une certaine déglingue pointe à Moscou. 

 

Poutine a perdu sur tous les fronts, ne lui reste que la menace nucléaire (tactique ?) pour terroriser les Européens et le monde. C'est un terrible aveu de faiblesse. Depuis le début de la guerre, nous ne croyons pas au recours aux frappes atomiques. Cela relève des procédés de la guerre hybride qu'il nous mène depuis des années, sans que ayons réagi pour lui fixer notre ligne rouge; cela relève des derniers moyens dont il dispose pour sauver son pouvoir, voire sa peau, ses apparatchiks corrompus et son régime pourri. Ne cédons pas à ce qui est du bluff, en dépit de ses affirmations contraires. Renforçons notre soutien à l'Ukraine, car une fenêtre d'opportunité s'ouvre à l'armée ukrainienne. D'ici que la masse d'appelés, future chair à canon, ne soit en capacité réelle de se battre et d'occuper durablement le terrain, il se passera de très longs mois. Il ne peut être question que les démocraties libérales reculent devant l'ours russe, même blessé. L'enjeu est trop important. 

                                                                  Le 21 septembre 2022.        

 

 

                        Lire ci-après, notre avertissement du 13 mars 2018 !

 

Ah, si les responsables politiques européens avaient lu et écouté nos sages recommandations dans cet article que nous avons publié le 13 mars 2018, en rubrique "Contre-champ" ! Nous n'en serions pas là. Nous aurions signifié au dictateur russe que son ticket impérialiste n'était plus valable. Au lieu de ça, après la destruction de la Tchétchénie, les massacres en Syrie et l'annexion de la Crimée, pour toute réponse, l'Union européenne, Allemagne en tête, l'a encouragé à poursuivre son oeuvre malfaisante en lui achetant toujours plus de pétrole et de gaz. Résultat, l'Europe a enrichi son régime et c'est avec notre argent qu'il tente depuis le 24 février de laminer l'Ukraine. Avec les Etats-Unis, principal soutien militaire de Kiev, nous en sommes à déplorer une guerre qui nous coûte cher et qui va certainement nous obliger à des sacrifices cet hiver. Emmanuel Macron l'a dit, la liberté a un prix. Pendant ce temps, le peuple ukrainien se bat pour la survie de sa nation et de la démocratie en Europe. Notre continent est attaqué, nous sommes en guerre. Rien ne sert de nier les faits.  

                                                                 Le 15 septembre 2022. 

 

                     Le poison activiste de Poutine

              doit avoir une limite: notre résistance ! 

 

L’inertie des démocraties occidentales, leur gesticulation diplomatique, qui se mue actuellement dans un vide sidéral, véritable démonstration d’impuissance politique, pousse la Russie de Vladimir Poutine à avancer toujours plus loin et plus fort ses pions stratégiques. L’idée est de rendre à la Russie, par tous les moyens possibles, sa grandeur passée, celle des empires tsariste et soviétique. Il est vrai que l’humiliation, sentiment à rebours de l’univers slave, fut grande lors de l’effondrement du Mur de Berlin, en 1989, et de l’Union soviétique ensuite en 1991. La Russie de Boris Eltsine, post-Gorbatchevienne, dans les années '90, faisait sourire, disait-on, alors, moqueries ressenties douloureusement dans les salons dégarnis du Kremlin, lorsque l’espion du KGB, Vladimir Poutine, s’installa au pouvoir, il y a 18 ans.

 

Prenant la mesure du désastre et d'une forme de chaos, Poutine promit au peuple russe de mettre de l'ordre dans ce qui était devenu sous Eltsine le Far-Est. Le discours du nouveau chef, tant en direction des oligarques, qui s’en mettaient plein les poches en période de flottement institutionnel, qu’à destination du peuple russe, fut tourné vers une dimension avant tout émotionnelle, recourant au langage des tripes plutôt qu’à la raison. La culture traditionnelle russe, qui s’est construite et enrichie en grande partie sur un romantisme littéraire, musical et politique, que chacun connaît, y trouva son compte, au-delà des espoirs du nouveau maître du Kremlin.

 

Non content d’avoir annexé la Crimée et faire occuper le Donbass par des milices pro-russes, au mépris du droit international et de l’intégrité territoriale de son voisin ukrainien - sans aucune réaction des Occidentaux - de financer ses mercenaires, anciens militaires de l’Armée rouge et autres malfrats hétéroclites, afin de provoquer la sécession de l’Est de l'Ukraine et de faire basculer des Etats africains dans le giron de Moscou, d’avoir armé, le 17 juillet 2014, le tir de missile qui a abattu un avion de ligne de la Malaysia Airlines, avec 400 personnes à bord, majoritairement de nationalité hollandaise, précisément au-dessus de cette même région, le régime despotique du Kremlin ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Pourquoi les Etats-Unis et l'Union européenne ont-ils regardé sans réagir ? 

 

Après avoir massacré les Tchétchènes à Grosnyï, avoir financé, protégé et armé le criminel de guerre syrien, Bachar el Assad, en multipliant les bombardements sur les populations civiles, y compris avec des armes chimiques, faisant 500.000 morts, dont 100.000 enfants, et des millions de blessés et de migrants, qui cherchent refuge en Europe, non contente d’avoir manipulé les élections présidentielles américaines par un interventionnisme cyber intensif, grâce à une armée de hackers, de propager rumeurs, désinformation et fake news dans nos sociétés démocratiques, via les réseaux et relais médiatiques, comme la chaîne de télévision, « Russia Today » et les sites « Sputnik », et non satisfaite de survoler militairement les frontières aériennes de l’OTAN, en prétextant « des erreurs de pilotage », la Russie poutinienne diffuse et promeut sa vieille tradition de l’empoisonnement de ses opposants - journalistes, politiques, militants d’ONG ou anciens espions - en recourant à la panoplie des moyens innervants mis sur le marché des crimes d’Etat par les services de l’ex-KGB, aujourd’hui FSB.

 

Elles et ils sont nombreux à avoir été éliminés en tombant d'un balcon d'un appartement, d'une piqûre mortelle, d'un vêtement imbibé d'une substance discrète et toxique, victimes d'une mort subite ou d'épuisement dans les sinistres prisons/goulags, étranglés à domicile ou abattus sur un parking ...    

 

Il paraît que c’est le retour de la « Grande Russie ». C’est surtout le retour du règne de l’impunité impériale et de la terreur face à la lâcheté occidentale … Que faire, comme dirait Lénine ? Il ne s’agit évidemment pas de déclarer la guerre à ce grand pays. Ce serait pure folie. L'histoire comme le réalisme nous l'enseignent. Il s’agit plutôt de lui tenir tête, de lui signifier que son pré-carré n’est pas, ne peut pas être l'Etat de droit et la souveraineté territoriales des démocraties libérales, nos libertés fondamentales ou l’intégrité physique, morale et politique des personnes et des Etats qui ne se soumettent pas à ses diktats. Poutine et ses sbires ne comprennent que les rapports de force.  

 

Il s’agit de lui montrer que nous n’avons pas peur de son activisme tous azimuts. Comment ? En intensifiant considérablement, sans concession, les sanctions économiques et financières contre ses intérêts vitaux, personnels et institutionnels. Car la Russie de Poutine est un nain économique, au PIB équivalent à celui de l'Espagne. Si elle est à nouveau puissante et conquérante sur le plan militaire, elle ne l’est pas dans les domaines de la production des biens et des services, de l’innovation technologique. Seules ses exportations de gaz et de pétrole lui permettent de financer ses crimes de guerre et ses crimes contre l'humanité.Il nous faut tarir, asphyxier autant que possible cette manne. 

 

Il s’agit de lui faire mal, symboliquement et concrètement, quitte à renoncer à lui vendre nos poires et notre technologie ou à lui acheter ses sources d'énergies. Par exemple, en boycottant la coupe du monde de football, qui doit se dérouler, en juin prochain, sur son immense territoire. Bref, envoyer un message fort à l’homme musclé, qui va se faire réélire, probablement dès le premier tour de l’élection présidentielle du 18 mars - second tour improbable le 8 avril - sans réelle opposition, si ce n’est d’apparat. Lui tenir tête et lui montrer que nous n'avons plus peur, c'est aussi et surtout réarmer l'Europe, passer à la vitesse supérieure en matière de construction d'un pilier militaire européen au sein de l'OTAN. Nous sommes restés beaucoup trop longtemps avec l'illusion que la guerre en Europe faisait partie du passé. Confortablement installés dans nos certitudes, nous n'avons pas voulu voir la menace grandissante qui venait de l'Est. Nos alliés Baltes et Polonais nous ont pourtant alertés.  

 

Assez, c’est assez, ici est la limite des provocations et des agressions, ici s’arrête le cynisme politique, la violence verbale et militaire ainsi que l'impunité internationale de la Russie. Ici commence notre résistance et notre détermination. Voilà le message que Poutine comprend, lui qui ne respecte que la force. Rappelons-nous, face à la menace nazie, en 1938, il y eut deux personnages assez aveugles et imbéciles pour aller quémander auprès d'Hitler une paix honteuse et désastreuse. Le premier ministre britannique, Neville Chamberlain, et le Président du Conseil français, Edouard Daladier, en se rendant à Munich, avec comme seule ambition de laisser au monstre allemand les mains libres pour s’emparer de l’Europe de l’Est, en épargnant, bien sûr, mortifère illusion, la Grande Bretagne et la France et si possible l’Europe occidentale. Avec les pacifistes naïfs ou complaisants, ces deux chefs de gouvernements ont montré au monde et devant l’Histoire, comment les démocraties faibles et lâches permettent aux prédateurs, aux grands fauves, de nous préparer des lendemains, non seulement qui déchantent, mais encore tragiques. Ne pas anticiper, c'est nous condamner. 13 mars 2018.

 

              La contre-offensive ukrainienne

               est peut-être un tournant si ... !

 

   Le char allemand Leopard 2 A6M qui fait défaut à l'armée ukrainienne. Berlin rechigne à en envoyer à Kiev !

 

Ici même, le 27 juillet dernier, dans la rubrique "Europe", nous annoncions la préparation et le lancement de la contre-offensive ukrainienne contre les positions de l'armée russe dans l'Est de l'Ukraine. Nous pouvions nous attendre, comme les Ukrainiens l'ont laissé entendre pendant de longues semaines, à une attaque coordonnée des forces de Kiev dans le Sud-Est, dans la région de Kherson. En réalité, les Ukrainiens ont d'abord frappé fort dans le Nord-Est, dans la région de Kharkiv, surprenant une armée poutinienne en panique, qui a laissé derrière elle la désolation, des vivres encore chaudes et d'énormes stock d'armements lourds. La propagande du Kremlin et de ses affidés, sous le choc, a parlé "d'un regroupement" dans le Donbass. Rien n'est plus faux. 

 

Tout laisse à penser que les conséquences de cette victoire, relative mais réelle, contre l'ennemi entraîne d'ores et déjà de graves conséquences en Russie. D'abord, les sanctions économiques et financières occidentales commencent à produire leurs effets. Deux exemples. La Russie n'est plus approvisionnée en matériels électroniques, empêchant les industries de l'armement de réparer des matériels en panne ou détériorés et de produire de nouvelles armes. La paralysée économique se profile. Les consommateurs russes subissent une inflation, selon les produits, qui dépasse les 20% ...   

 

Ensuite, la colère s'exprime, malgré une législation répressive qui terrorise et dissuade souvent toute personne de manifester son opposition à la guerre. A ceci près que des élus municipaux de Moscou et de Saint-Pétersbourg ont ouvertement demandé la démission de Vladimir Poutine, pendant que les ultras-nationalistes, partisans "d'une solution totale", pour en finir avec "le mythe ukrainien", en appellent à une réaction massive et déterminante du Kremlin pour éradiquer la nation ukrainienne. 

 

On peut craindre que le dictateur russe, devant ses nombreux et retentissants échecs dans son "opération spéciale", ses mensonges aussi gros que sa mégalomanie, ne choisisse à présent une voie pour lui ultime, qui ne pourrait être qu'une porte de sortie inquiétante pour l'Ukraine et l'Europe. 

 

Les alliés de Poutine, celles et ceux qui relaient la propagande délirante russe au travers les réseaux sociaux et autres médias aux ordres, sont nombreux en Europe. Ils diffusent un tissu de contre-vérités hallucinant et passent leur temps à tenter de faire peur à nos opinions publiques. Peur d'une frappe nucléaire, peur d'une catastrophe à la centrale de Zaporijjia - ce que Poutine a encore répété hier à Emmanuel Macron, alors que c'est son armée qui occupe la centrale et ses six réacteurs - peur de manquer de céréales et de pétrole, peur d'avoir froid cet hiver, peur des coûts exorbitants du gaz et de l'électricité qui lui est couplée. La peur est évidemment suscitée comme un moyen de guerre ... 

 

Arrêtons d'avoir peur et acceptons de faire des efforts pendant cette période difficile. Ce que vit le peuple ukrainien et ce qu'il va vivre au cours des prochains mois est sans commune mesure avec nos soucis, légitimes, énergétiques et financiers. Les Etats européens et l'Union européenne, après avoir pris des mesures diverses et conjoncturelles, pas toujours coordonnées, pour préserver autant que possible le pouvoir d'achat des citoyens, s'apprêtent, dès octobre, lors d'un Sommet à Prague, à arrêter un paquet d'autres dispositifs, cette fois structurels, pour protéger les populations (les plus fragiles mais aussi la classe moyenne) des conséquences, non seulement de la guerre en Ukraine, mais aussi de la crise climatique dramatique et de la crise économique et budgétaire qui s'en suivra.

 

Les années à venir seront douloureuses. C'est une certitude. Mais c'est le prix à payer pour nous permettre et permettre aux générations futures de pouvoir jouir des libertés et de la démocratie. L'histoire est tragique, certains l'avaient un peu trop vite oublié. Ce que nous vivons en cette période de bascule est une sévère piqûre de rappel. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Car rien ne serait pire qu'une cécité devant l'incontournable, rien ne serait pire qu'un déni face à des choix historiques. 

 

Oui, nous allons souffrir, il faut le dire, mais l'enjeu n'est autre, au-delà de la guerre engagée par la Russie sur le sol européen, que la bataille, menée depuis des années, par les régimes illibéraux et dictatoriaux contre les démocraties libérales. Pékin, Moscou, New Delhi, Ankara et leurs laquais sont réunis par une haine commune des valeurs que nous portons. Chacun doit en prendre la mesure.   

 

En ce moment peut-être déterminant de la guerre, nous appelons les Occidentaux, Etats-Unis en tête, Canada, Union européenne, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon et Corée du Sud, à augmenter encore leurs aides humanitaire, financière et militaire à l'Ukraine. Pointons particulièrement l'Allemagne qui demeure en la matière sur une réserve incompréhensible, alors que le gouvernement ukrainien ne cesse de lui demander de lui fournir d'urgence des chars Leopard et Marder, matériel essentiel pour maintenir une progression de la contre-offensive et repousser l'armée russe aussi près que possible de sa frontière. Derrière les discours de solidarité, Berlin reste muet quant à son soutien en armements lourds. L'héritage d'Angela Merkel, très naïve avec Poutine, laisse sans doute des traces. 

 

C'est maintenant que les choses pourraient se cristalliser, c'est maintenant que la Russie poutinienne, de l'intérieur et de l'extérieur, pourrait être affaiblie durablement. Ce régime doit renoncer à l'Ukraine, quelle que soit la partie, y compris la Crimée. A terme, ce régime doit tomber et permettre au peuple russe de retrouver une place respectée au sein de la communauté internationale. A défaut, nous irons vers un affrontement global et tragique.  

 

Ce qui se passe sur le terrain en ce moment ! 

 

L’opération commencée le 6 septembre dernier dans la région de Kharkiv a permis de repousser l’armée russe jusqu’à la frontière au Nord de la ville. Près de 6 000 kilomètres carrés ont déjà été libérés, selon le Président, Volodymyr Zelensky.

 

L’armée russe cède du terrain, pour l'heure, l'équivalent d'un département français comme le Var ou de deux provinces belges, comme celles de Liège et de Namur. Dimanche 11 septembre au soir, après six jours d’une impressionnante contre-attaque ukrainienne dans l’Est du pays, un large pan de la région de Kharkiv, que Moscou avait saisi en février à la faveur de l’effet de surprise et d’un déluge d’artillerie dix fois supérieur à son adversaire, a été repris par des combattants ukrainiens galvanisés.

 

La manoeuvre a commencé le 6 septembre par la percée de dix brigades ukrainiennes concentrées autour du village de Iavirske. Après avoir brisé les lignes de défense russes, plusieurs unités des forces spéciales ukrainiennes ont foncé vers la ville de Koupiansk, 50 kilomètres plus loin, coupant l’une des principales routes d’approvisionnement de l’armée russe vers le Nord du Donbass.

 

Dimanche, les preuves visuelles étaient réunies pour confirmer que trois villes importantes (Koupiansk, Izioum et Vovtchansk) sont repassées sous contrôle ukrainien. L’armée russe a été repoussée jusqu’à la frontière au Nord de Kharkiv. "Depuis le début du mois de septembre, nos soldats ont déjà libéré 6 000 kilomètres carrés de territoire ukrainien dans l’Est et le Sud, et nous continuons d’avancer", a déclaré M. Zelensky dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

 

Selon le groupe d’experts militaires russes en exil "Conflict Intelligence Team" (CIT), les forces russes ont perdu l’équivalent de trois ou quatre brigades, 40 chars, une centaine de véhicules blindés de types divers, neuf systèmes antiaériens et deux avions de combat (Su-34 et Su-25). L’armée russe a abandonné dans sa fuite de très importantes quantités de munitions à Izioum, munitions qui font cruellement défaut aux Ukrainiens. Nul doute qu'elles serviront contre l'envahisseur. 

 

Ce qui vient de se dérouler marque peut-être, soyons prudents, un tournant dans le conflit. Le succès ukrainien et les lourdes pertes matérielles et humaines infligées à l’armée russe prouvent, pour la première fois, que l’armée ukrainienne est capable de mener une offensive coordonnée à grande échelle. Cela va avoir pour effet d’ébranler la confiance du reste des troupes russes envers le haut commandement, voire être dévastateur pour leur moral. Attention cependant à l'ours blessé ... 

 

Manœuvre planifiée !

 

Pour Rouslan Leviev, le fondateur de CIT, ce revers russe est, en termes de pertes et de rapidité, sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. "Personnellement, je ne comprends pas que [le Ministre de la Défense russe, Sergueï] Choïgou, ou [le Chef d’Etat-Major, Valéri] Guerassimov, puissent conserver leur poste au terme de cette semaine", indique l’expert.

 

Toutefois, Vladimir Poutine a pour habitude de ne jamais limoger les responsables d’échecs sous la pression des événements. Pour "Jomini of the West", pseudonyme d’un expert militaire particulièrement bien informé sur le conflit, la contre-offensive est "sans doute la plus étonnamment réussie depuis l’opération "Gazelle" de l’armée israélienne en 1973, durant la guerre du Kippour".

 

Traditionnellement incapable d’annoncer les mauvaises nouvelles, et encore moins d’en admettre la responsabilité, le ministère russe de la Défense a travesti le fiasco en manœuvre "planifiée" pour  "regrouper" les forces afin d’achever la conquête de la région de Donetsk. Cette réaction a ulcéré nombre de commentateurs militaires russes, choqués par les derniers développements. L’ancien chef de guerre ayant dirigé l’insurrection armée du Donbass en 2014, Igor Guirkine, a mis en garde contre une potentielle "défaite stratégique" en Ukraine, par l’encerclement et la destruction de larges formations de nos troupes".

 

Sur le terrain, l’armée russe a riposté, dimanche, par plusieurs salves de missiles de longue portée, qui se sont abattus sur plusieurs grandes villes (Kharkiv, Bakhmout, Droujkivka). "Même expulsés de la région de Kharkiv, les Russes n’abandonnent pas : ils frappent les infrastructures critiques. Les régions de Kharkiv, Soumy, Poltava et Dnipro connaissent des problèmes d’alimentation électrique. La guerre contre la population civile ukrainienne menée par l’Etat terroriste russe se poursuit".

 

Le Président, Volodymyr Zelensky, a, dans la soirée, accusé la Russie d’avoir provoqué une "panne d’électricité totale" dans l’Est du pays. Mais il a immédiatement mis les choses au point: "Si vous nous demandez de nous passer d'électricité et de vous voir continuer à occuper l'Ukraine, si vous nous demander d'avoir froid et de vous voir détruire le pays, alors, nous nous passerons d'électricité et nous aurons froid, mais sans vous" ... On ne peut pas être plus clair sur la détermination de Kiev.

 

La contre-offensive à double détente lancée par les Ukrainiens dans la région de Kherson, le 29 août, puis dans celle de Kharkiv, le 6 septembre, a d’évidence été minutieusement préparée. "Le développement des derniers jours montre que ce qui se passe dans le Nord-Est n’est pas une opération d’opportunité. Les manœuvres ukrainiennes mobilisent de l’infanterie mais aussi de l’artillerie, des blindés, du soutien aérien, de la logistique… Cela a été planifié de long terme", assure Joseph Henrotin, chargé de recherche à l’Institut de stratégie comparée.

 

Effet de surprise !

 

Dès le mois de juin, l’Etat-Major ukrainien avait laissé entendre qu’une opération se préparait dans le sud du pays pour repousser les Russes sur la rive orientale du Dniepr. A l’époque, cette rumeur avait permis de desserrer l’étau exercé par les troupes de Moscou dans le Donbass, où les Ukrainiens venaient de perdre les villes de Sievierodonetsk puis de Lyssytchansk. Mais cette manœuvre a également eu pour effet de dégarnir le nord du front, les Russes décidant d’envoyer une partie de leurs forces dans la région de Kherson pour fortifier leurs positions et prévenir ainsi une attaque de Kiev.

 

Dans le même temps, les Ukrainiens ont discrètement mobilisé des troupes aux alentours de Kharkiv. Les 92e et 93e brigades mécanisées, qui s’étaient illustrées dans la bataille de Kiev, ont ainsi été positionnées dans la région, ce qui avait interpellé les experts. Mais les Russes n’ont pas vu venir l’offensive. "La région est boisée, les Ukrainiens connaissent les heures de passage des satellites russes d’observation, Moscou a peu de moyens de renseignement électronique… Cela a contribué à l’effet de surprise", assure M. Henrotin.

 

Analysant les perspectives futures de cette offensive, les experts du CIT supposent que la rivière Oskil constituera une barrière naturelle entre Ukrainiens et Russes. Les forces ukrainiennes feront une pause avant de poursuivre l’attaque vers la région de Louhansk car il est extrêmement difficile de mener une offensive intensive pendant une semaine. Pendant ce temps, les troupes russes – à en juger par la carte du ministère russe de la défense – consolideront la frontière de cette région.

 

Moscou sera contraint de faire des choix difficiles, l’état de son armée ne lui permettant pas d’affronter deux attaques majeures en même temps, dans le Donbass et dans le Sud, à Kherson. "Les Russes vont devoir choisir entre se replier sur le Donbass ou garder la bande sud avec la mer d’Azov et la Crimée", anticipe M. Henrotin. Une nouvelle offensive ukrainienne à un autre endroit du front, aujourd’hui long de 2 500 kilomètres, n’est pas exclue. "Une attaque vers Melitopol permettrait de couper l’armée russe en deux et de mettre la pression sur la Crimée", indique le chercheur.

 

Hier, l’armée ukrainienne a annoncé avoir repris près de 6 000 kilomètres carrés de territoire contrôlé par les forces russes. "Depuis le début du mois de septembre, nos soldats ont déjà libéré 6 000 kilomètres carrés de territoire ukrainien dans l’Est et le Sud, et nous continuons d’avancer", a déclaré Volodymyr Zelensky. Rien n'est fait, mais le rapport de force a évolué. Le 13 septembre 2022.

                     

 

                        La Russie patine dans le Donbass,

         c'est le moment d'une contre-offensive ukrainienne !

 

Selon plusieurs analystes militaires américains et européens, il semble que l'armée russe patine dans le Donbass et que l'artillerie ukrainienne, dotée désormais de canons et missiles de haute précision, parvienne à couper les lignes arrières de ravitaillement de l'ennemi. C'est une bonne nouvelle. Mais le blocage, voire l'enlisement actuel des forces russes ne sont absolument pas définitifs. L'Ukraine a besoin de plus de soutien financier et militaire. La Russie n'en a donc pas fini avec la résistance acharnée des Ukrainiens. A force d'avoir sous-estimé leur engagement national et d'avoir cru que l'Occident renoncerait à fournir à l'armée ukrainienne des matériels offensifs puissants, sophistiqués et de profondeur, les satrapes du Kremlin, pour l'heure, devant l'échec de la conquête du Donbass et l'impossibilité de mettre la main sur Odessa, doivent se contenter de rodomontades menaçantes mais sans substrat endurant. Elles démontrent la relative impuissance de "la grande patrie", celle qui aurait dû ne faire qu'une bouchée de la soeur-ennemie. Les Etats-Unis et les Etats de Union européenne doivent accroître la livraison d'armements à haute intensité. Poutine ne respectant que les rapports de force; une contre-offensive massive ukrainienne permettrait d'inverser les rôles. Elle aura un prix en pertes humaines et destructions. Mais c'est ainsi que son efficacité opérationnelle sera assurée et que la guerre pourra s'arrêter. Nous ne croyons pas ici à la crédibilité d'une menace nucléaire tactique de Poutine et ses sbires. Ils vivent dans une autre réalité, c'est vrai, mais aucun n'est stupide ou fou.

                                                                       Le 27 juillet 2022. 

 

>Un accord avec Poutine est un faire-part de mort ! 

 

Devant l’urgence internationale d’éviter une famine en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, le 22 juillet, sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, était signé, à Istanbul, un accord sur les exportations des céréales ukrainiennes. La Russie et l’Ukraine ont paraphé le texte séparément avec Ankara. Beaucoup y ont vu une lueur d’espoir dans une période où l’agression contre un Etat souverain se fait chaque jour plus meurtrière et où le réchauffement climatique déchaîne les catastrophes.  

 

Le port d’Odessa, jusque-là relativement épargné par les frappes russes dans l’Est et le Sud (la réédition du Donbass et son annexion à la Russie est un des objectifs de guerre de Poutine) a toujours été un poumon économique pour l’ex-Union soviétique et pour une Ukraine indépendante depuis le 24 août 1991. La grande base navale est paralysée depuis le 24 février dernier. Plus à l’Ouest, la Turquie, tout en maintenant des relations ambivalentes avec le Kremlin - sorte de rapport de force contrôlé - a fermé le détroit du Bosphore, empêchant tout navire et bateau, y compris russes, d’entrer et sortir de la mer intérieure. Des dizaines de bateaux céréaliers attendent en mer Noire un feu vert des Russes pour pouvoir charger et livrer les millions de tonnes de grains stockés en Ukraine.    

La marine militaire russe exerce un blocus économique total devant les côtes ukrainiennes, empêchant l’exportation de céréales (l’Ukraine est le troisième exportateur mondial de blé, de maïs et de tournesol). Les despotes de Moscou n’ont jamais raté une occasion pour déplorer le risque de famine dans certains pays, tout en frappant, semaine après semaine, de nombreux silos céréaliers ukrainiens. Ou comment le double-jeu du petit Tsar fait partie intégrante d'une stratégie globale.

 

Itou avec le gazoduc Nord stream 1 (Nord stream 2, bien que fonctionnel, n'a jamais été ouvert), instrument de chantage permanent de Gozprom, donc de Poutine, dont l'entretien des turbines est le prétexte idéal pour réduire drastiquement, avant la coupure définitive, l'acheminement du gaz vers l'Europe centrale et de l'Ouest. Les prix du gaz en profitent pour s'envoler davantage encore, ce qui profite évidemment à l'encaissement russe. Le Président Volodymyr Zelensky parle "de guerre du gaz" et demande aux Européens de faire front. Il n'a pas tort.

 

L'Allemagne, dans les griffes énergétiques des Russes sur décisions successives de l'ex-Chancelière Angela Merkel, l'Italie, la Pologne, les Pays baltes se retrouvent en situation de dépendance stratégique sans réelle alternative pour l'heure. Pour autant, à remarquer que les ex-pays de l'Est, plus fragiles, on le voit, sont ceux-là mêmes qui sont prêts à faire le plus d'efforts et de sacrifices dans la restriction des énergies fossiles importées de Russie. Exception faite de la Hongrie, qui vient de signer avec Moscou un contrat ahurissant de livraison de gaz. Viktor Orban ou la 5ème colonne en Europe ...

 

La Commission européenne propose la réduction de 15% de la consommation de gaz d'ici l'hiver prochain, mais certains Etats (France, Italie, Espagne, Portugal, Belgique, une douzaine sur 27) souhaitent la jouer perso et gérer eux-mêmes la régulation. On s'achemine vers des dérogations bien commodes pour sauver les apparences. Comme si l'expérience des masques chirurgicaux et FFP2 covid, marquée en début de pandémie par des pénuries structurelles et une désorganisation européenne dramatique, n'avait rien appris à certaines capitales de l'Union. La Chine en avait tiré grand profit avant que l'Europe se ressaisisse et adopte une coordination salutaire. 

 

Beaucoup d’Etats africains, asiatiques et sud-américains, qui n’ont pas condamné l’invasion de l’Ukraine, renvoyant le conflit à une affaire interne aux Européens, ont fini tout de même par tirer la sonnette d’alarme auprès de Poutine, laissant entendre que son pays porterait la responsabilité d’une famine. Plus que le sort de leurs populations, ce qu’il importe à ces chefs d’Etat, le plus souvent autocrates et corrompus, est d’éviter des émeutes de la faim et la perte du pouvoir et de ses charmes.

 

C’est donc en Turquie, sur proposition opportuniste du Président Recep Tayyip Erdogan, que les laborieuses négociations céréalières se sont déroulées. Avec pour résultat, un accord qui devrait permettre à l’Ukraine, au travers de couloirs sécurisés en mer Noire, d’exporter ses graines, et, à la Russie, d’en faire de même sans sanctions occidentales. 

 

Mais voilà, la duplicité russe a très vite refait surface. Dès le lendemain de l’accord céréalier, soit le samedi 23 juillet, la ville d’Odessa et son port ont subi de nouvelles frappes russes. Dans un premier temps, Moscou a nié sa responsabilité, puis, sans doute par un excès de lucidité devant l'énormité d'un tel mensonge, a déclaré qu’il s’agissait d’atteindre des dépôts d’armements hébergés dans des silos.

 

Ben voyons ! Comme quoi, faire confiance à la signature d’un diplomate russe revient à lui donner la balle du revolver qu’il tient pour vous abattre. Un accord avec Poutine revient à recevoir un faire-part de mort. Oublier cette vérité première serait dramatique à la fin de la guerre. 

 

Les bonnes âmes poutiniennes, en Russie comme en Occident (en Europe et aux Etats-Unis, nombreux sont celles et ceux qui oeuvrent ouvertement ou discrètement aux desseins hégémoniques de l’ex-colonel du KGB), diront que le Kremlin avait de bonnes raisons pour agir ainsi. Ah bon ? Quant à sa légitimité, là, c’est évidemment plus difficile à faire avaler à une opinion publique occidentale toujours derrière le soutien financier et militaire à l’Ukraine à près de 65%. Ne lâchons rien au satrape.

                                                                    Le 25 juillet 2022.  

 

 

>La guerre ne part pas en vacances ! 

 

La fragilité des Occidentaux !

 

Poutine en est persuadé, l'Occident est décadent, moralement, et déclinant, quant à sa puissance et son rayonnement, en prise avec un modèle de société fragile qui s'appelle la démocratie. L'égalité Homme/femme, les droits LGBT, la dépénalisation de l'avortement et de l'euthanasie dans certains Etats, la séparation du religieux et du politique, tout cela fait des Occidentaux des dégénérés.

 

L'analyse en cours à Moscou est que depuis le cycle de la décolonisation, la défaite française en Indochine, en Algérie, des Etats-Unis au Vietnam et en Afghanistan, leur profil bas en Amérique latine, le retrait britannique en Asie, belge au Congo, portugais en Angola, au Mozambique, bref, depuis que les Occidentaux se sont repliés sur leur pré-carré géo-politique, tout en favorisant la mondialisation du commerce, qu'ils sont en train de perdre au profit de la Chine, après l'humiliation de l'effondrement de l'empire soviétique, de 1989 à 1991, pour le Kremlin, suivi en cela par d'autres, il y a désormais place pour un autre modèle, celui des régimes forts, autocratiques et illibéraux, qui, eux, n'ont pas à s'embarrasser de débats démocratiques internes inutiles.

 

Débrouillez-vous !

 

Aux yeux du dictateur, l'impuissance occidentale s'est clairement manifestée lorsque la Russie, sa Russie, a envahi et annexé la Crimée en 2014. Les Ukrainiens ont eu beau de nous implorer de réagir, la Pologne, la Roumanie, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, qui ont vécu sous la botte soviétique, ont bien tenté de nous alerter sur la menace militaire russe en Europe, rien n'y fit, nous sommes restés de marbre et avons considéré que cette agression contre la souveraineté d'un Etat indépendant n'était qu'un problème de querelles entre Slaves aux confins de l'Union européenne.

 

Il y a bien eu les accords de Minsk, auxquels les 28, puis les 27, se sont accrochés hypocritement; accords qui, finalement, venaient à geler, donc à entériner, l'occupation d'une partie importante du Donbass par les mercenaires russes indépendantistes des provinces fantoches de Luhansk et de Donesk. Autrement dit, le message sans faire-part que nous avons envoyé aux Ukrainiens et, par la même occasion, à la communauté internationale, était aussi limpide que cynique: débrouillez-vous !

 

Un réveil douloureux !

 

Le 24 février dernier, après que les services de renseignement américains et britanniques nous aient largement informé sur les préparatifs intensifs russes d'une guerre en Ukraine - informations que nos propres services ont relativisé, sur le ton de la suffisance - le réveil a été très difficile à Paris, à Berlin et à Bruxelles. Quoi, il a osé ! Nul n'est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. 

 

Comment nos leaders européens ont-ils pu tombé aussi bas dans la hiérarchie de l'analyse: le renseignement, l'étude, la stratégie, la vigilance et les contre-mesures ? Il leur a manqué le courage. Après tant d'alertes, la Tchétchénie, la Géorgie, la Moldavie, la Syrie, la Crimée, les assassins du groupe Wagner en Afrique, comment ont-ils fait pour ne pas voir et réagir ? Cela restera un point noir de notre histoire dont il faudra un jour déterminer les responsabilités. 

 

Depuis ce funeste 24 février, la Russie taille en morceaux l'Est-ukrainien, détruit ses principales villes, massacre ses populations civiles, tout en se réservant le loisir de frapper, ici et là, d'autres agglomérations urbaines du Sud, du centre et de l'Ouest de l'Ukraine. Les buts de guerre de Poutine et de sa clique d'apparatchiks sont de s'accaparer de l'entièreté du Donbass, au prix de sa totale destruction, de russifier ses habitants, de les déporter en Russie si nécessaire. Ainsi, des populations hier encore ukrainiennes sont désormais tétanisées et au garde-à-vous devant les soldats russes. Ainsi, des dizaines de milliers d'Ukrainiens, des centaines, voire des milliers d'enfants ont disparu des radars dans les steppes de la "Mère patrie". On ne sait rien en effet du sort réservé à ces personnes. Il y a donc des réfugiés en Europe et des déportés en Russie. Un tel parallélisme, réservé à d'autres zones du globe, était encore impensable sur notre continent il y a quelques mois.  

 

Que faisons-nous

 

Certes, les Occidentaux ont décidé de nombreuses sanctions financières et économiques, sanctions qui tardent à produire leurs effets sur l'agresseur. Pendant ce temps, celui-ci coupe progressivement les robinets du gaz et du pétrole. Pour ce dernier, l'Union européenne a décidé de s'en passer d'ici fin 2022 à hauteur de 90%. C'est bien. Pour le premier, l'Allemagne, l'Italie, les pays d'Europe centrale sont encore aujourd'hui beaucoup trop dépendants de leurs importations russes, en gaz mais aussi en charbon, ce qui n'arrange rien. Il faudra accélérer la rupture progressive des fournitures énergétiques de la Russie. Le plus vite sera le mieux.

 

Certes, les Occidentaux, les Etats-Unis largement en tête, livrent des armements et matériels militaires défensifs et offensifs aux forces armées ukrainiennes. Ces livraisons sont insuffisantes pour qu'elles puissent résister et faire face au pilonnage russe dans le Donbass. La conséquence en est que l'Ukraine est en train de perdre toute cette région et que Moscou n'attend que ça pour organiser de pseudos consultations populaires, afin d'annexer l'Est ukrainien à la Russie. 

 

L'agression de la Russie contre l'Ukraine n'est pas seulement une guerre contre ce pays, c'est aussi une menace directe contre l'Europe, jugée faible par Poutine, et plus concrètement contre l'intégrité territoriale de la Finlande, des pays baltes, de la Pologne, de la Roumanie, de la Tchéquie et Slovaquie. N'oublions pas les propres déclarations du petit Tsar: "Il nous faudra revenir à la situation géopolitique d'avant" ... la disparition de l'URSS.

 

Autrement dit, si nous n'arrêtons pas dans les prochains semaines et mois l'avancée russe en Ukraine, si nous permettons à son armée d'engranger une victoire, il est très probable que Poutine ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Il continuera son aventure meurtrière en Géorgie, puis en Moldavie, avant que de s'en prendre à l'indépendance des Etats européens de l'Est du continent. 

 

Il est donc impératif que les Occidentaux, au sens large (Etats-Unis, Canada, Union européenne, Australie, Nouvelle Zélande, Japon et Corée du Sud) prennent toute la mesure de ce qui se joue en ce début juillet 2022 dans le Donbass. L'enjeu n'est autre que l'intégrité et la sécurité européennes, la stabilité et la paix mondiales. L'Histoire nous enseigne à ce propos que la lâcheté ne paie pas. 

 

La Russie et la Chine, cette dernière, par son hyper-puissance, de manière plus systémique, tentent de nous déstabiliser et de renverser l'ordre international. Dans les faits, elles nous mènent une guerre protéiforme: militaire (Ukraine, Taïwan à terme, d'autres ensuite), cybernétique, spatiale, financière, commerciale, économique, in fine, politique. Nul terrain d'affrontement n'est laissé de côté. L'objectif n'est autre que de "désoccidentiliser" le monde, de nous forcer à nous marginaliser, de leur permettre d'imposer unilatéralement aux nations tiers d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, un multilatéralisme impérial à la mode pékinoise. Poutine et Xi Jinping ont un intérêt commun: nous soumettre à de nouveaux rapports de force. Nos opinions publiques doivent prendre conscience du danger que constituerait la posture d'un certain confort dans l'indifférence.  

 

L'urgence !

 

Les puissances démocratiques doivent considérablement accroître leurs livraisons d'armements à l'Ukraine, des armements lourds, offensifs, à longue portée, afin de neutraliser les bases de lancement et navires de guerre russes en Mer noire. C'est ce qui ouvrira la voie à une autre manière de penser au Kremlin. Outre l'intérêt névralgique que représente la partie orientale de l'Ukraine, la menace directe sur un port et une ville aussi stratégiques qu'Odessa, situés au Sud du pays, n'est tout simplement pas tolérable. Il est urgent de réouvrir les routes maritimes du transport de céréales ukrainiennes, aujourd'hui, soit pillées ou détruites par la Russie, soit immobilisées dans des silos.

 

Nous tirons ici une nouvelle sonnette d'alarme, partagée par nombre d'experts et d'observateurs, inquiets de l'évolution actuelle du conflit. Si nous n'intervenons pas rapidement, via le renforcement massif des forces militaires ukrainiennes, pour leur permettre de lancer une contre-offensive majeure, il est certain que la famine va se propager en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie et il est tout aussi sûr qu'une ère durable d'instabilité mondiale, d'appauvrissement des peuples et de guerres chaudes sonnera à nos portes. Il sera trop tard pour pleurer.

 

Nous devons stopper Poutine. Si nos concitoyens sont heureux de prendre le large en ces mois de juillet et août et d'oublier un peu leurs soucis quotidiens (d'autres restent à la maison, souvent par manque de moyens), la guerre en Ukraine, elle, ne prend pas de vacances. Les événements des prochaines semaines ne manqueront malheureusement pas de nous le rappeler. Le 04 juillet 2022.      

 

 

 

>La candidature de l'Ukraine et de la Moldavie à l'Union quasi assurée !

 

Le 16 juin dernier, les Chefs d'Etat et de gouvernements français, roumain, allemand et italien ont rencontré à Kiev le Président Volodymyr Zelensky. La démarche visait d'abord à montrer au peuple ukrainien, à la Russie poutinienne et à la communauté internationale la solidarité de l'Union européenne envers l'Ukraine. Geste symbolique qu'est venu renforcer l'annonce par Emmanuel Macron et Olaf Sholtz d'un accroissement de l'aide militaire au partenaire ukrainien et le soutien des quatre dirigeants européens à l'acceptation des candidatures de l'Ukraine et de la Moldavie à rejoindre l'alliance de l'Union. En ce qui concerne la Géorgie, aussi candidate, les choses prendront un peu plus de temps, en raison, pour partie, de la question de son rapport à la Russie. Toute décision des 27 sera reportée sine die. A Tbilissi, la déception des pro-européens sera grande.

 

Dans la foulée, par la voix de la Présidente Ursula von der Leyen, la Commission européenne a marqué son accord pour cette reconnaissance. Le Sommet européen des Chefs d'Etat et de gouvernements des 23 et 24 juin devra ou non entériner la proposition franco-allemande, rejointe par l'Italie et la Roumanie. Il y faudra l'unanimité des 27, en sachant que des pays comme les Pays-Bas ou le Danemark ne sont pas chauds pour accéder au souhait pressant de Kiev. Ces Etats sont minoritaires et ne pourront s'opposer à un vote historique. 

 

Nous voyons mal comment un ou plusieurs Etats pourraient barrer une aussi légitime demande, en sachant que l'entrée effective de l'Ukraine et de la Moldavie dans le club prendra de nombreuses années. Les conditions d'une adhésion, le fameux "paquet européen", sont nombreuses et exigeantes quant au respect de l'Etat de droit (l'indépendance de la justice), la lutte contre la corruption, les finances publiques, les législations sociale, fiscale et commerciale. En attendant, nous pensons qu'un feu vert à la candidature de ces deux Etats est quasi assurée. 

 

Leur adhésion ne pourra intervenir qu'au terme d'une dizaine d'années, voire davantage. Il n'est cependant pas impossible que cette période soit plus courte, pour autant qu'elles remplissent le cahier des charges. En coulisses, les pays des Balkans attendent depuis de longues années, sans parler de la Turquie, qui, vu son régime autocratique, son non-respect des minorités, plus largement des droits humains, sa non-reconnaissance du génocide arménien et, pour certains, son appartenance au monde musulman, pose de multiples questions et interrogations quant à sa compatibilité avec le modèle démocratique européen. Sa situation géo-stratégique est brandie par ses partisans pour justifier une entrée dans l'Union, d'autant qu'une telle éventualité l'obligerait à renoncer à son double jeu permanent entre l'Occident et la Russie. Affaire à suivre.

 

Il va falloir à tous ces pays de la patience. Ils sont en salle d'attente et parfois ça dure longtemps. D'où l'idée d'Emmanuel Macron d'ériger une communauté politique européenne sensée les intégrer progressivement par des programmes multilatéraux les associant aux 27.

 

C'est le modèle "Eureka", inventé par Jacques Attali, le sherpa du Président François Mitterrand, qui, dans les années 1990, après l'effondrement de l'empire soviétique, avant que les pays d'Europe centrale et de l'Est ne puissent adhérer pleinement à la Communauté européenne - c'était sa dénomination alors - ont rejoint les deux programmes Eureka, technologique et audiovisuel, afin d'établir de premières coopérations dans ces domaines.

 

Cela a marché moyennement, c'était insuffisant. Mais ces outils pan-européens ont permis tout de même à la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Roumanie, les pays baltes ... de découvrir l'espace intérieur européen et d'engranger des expériences bénéfiques pour eux-mêmes, de pratiquer des échanges sur base démocratique, d'approcher les règles et mécanismes de l'Europe, de lancer leurs initiatives au sein de plateformes innovantes et nouvelles et d'accueillir celles des partenaires ouest-européens. Bien évidemment, cela n'a eu qu'un temps.

 

Fait notoire, la Russie de Boris Eltsine fut membre des programmes Eureka. Celle de Vladimir Poutine n'aurait eu aucune chance. Vu son poids démographique, son immensité géographique, son histoire et l'imprévisibilité qui règne au Kremlin, quelle que soit sa configuration politique, Moscou n'aurait et ne pourra jamais faire partie de l'Union européenne. Trop de déséquilibre et surtout trop risqué. La guerre en Ukraine donne bien sûr raison à tous ceux qui ont toujours refusé une telle éventualité. Pour les autres Etats européens totalement privés de liberté sous l'Union soviétique, l'adhésion à l'Union européenne, à l'euro pour certains, est venue ensuite.

 

Quoi qu'il en soit, par l'admission de l'Ukraine et de la Moldavie à la candidature à l'Union, qui ne fait aucun doute, le 24 juin 2022 restera une date historique dans la longue marche de l'Europe. Le message ainsi envoyé à la dictature poutinienne est on ne peut plus clair: les démocraties européennes avancent unies et n'ont pas peur. 

                                                                                Le 21 juin 2022.  

 

 

            Capture d'écran.

>Paris, Berlin et Rome sont dans un train ... pour Kiev !

 

Cette visite, longtemps attendue par Kiev, intervient à la veille d'une recommandation très attendue de la Commission européenne sur l'opportunité d'accorder ou non à l'Ukraine le statut de pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne. A l'heure où le Président américain, Joe Biden, annonce une nouvelle aide militaire à l'Ukraine d'1 milliard de dollars, afin de tenter de rééquilibrer les forces en présence dans le Donbass, Le Président Volodymyr Zelensky attend aussi de la rencontre avec M.M. Macron, Scholz et Draghi un soutien en armements lourds plus conséquents que précédemment. 

 

Le trio a pris place à bord d'un train spécial pour Kiev, depuis le Sud-Est de la Pologne. Le Président français, le Chancelier allemand et le Premier ministre italien, après bien d'autres responsables politiques et plusieurs reports et hésitations, se devaient de faire un geste fort à l'égard d'un peuple et d'un partenaire européen martyrisés depuis près de quatre mois par l'agression russe. Tout atermoiement en matière de solidarité et de soutien à l'Ukraine est bénéfice pour la Russie. 

 

L'enjeu pour les Ukrainiens, pour celles et ceux qui auraient tendance à juger de loin, est de rétablir l'intégrité territoriale de leur Etat, car perdre le Donbass et l'accès à la Mer Noire n'est tout simplement pas acceptable et viable économiquement pour un pays grand exportateur de céréales. Une telle issue amplifierait considérablement la pénurie alimentaire mondiale actuelle. Et puis, la France accepterait-elle que l'Allemagne annexe à nouveau par la force l'Alsace et la Lorraine ?  

 

Une telle guerre est sans précédent en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Vivre sous les missiles de Poutine, résister et survivre sous des tapis de bombes, dans un rapport de 1 à 10, n'a rien à voir avec les problèmes domestiques, certes importants et inquiétants, que l'Occident connait depuis le début de l'année. Qui  peut s'étonner alors des différences de tonalités, de propos et de visions de l'avenir entre Kiev et Paris, Berlin, Rome ?

 

A Varsovie, Bucarest, Prague, Tallinn, Riga et Vilnius, mais aussi à Chisinau (Moldavie) et Tbilissi (Géorgie), pour des raisons historiques liées à la dictature communiste, que l'autocrate du Kremlin incarne jusqu'à la nausée, on ne partage pas les déclarations déplacées selon lesquelles "il ne faut pas humilier la Russie" et donc Poutine. A la Maison Blanche et au 10 Downing street, ce n'est pas non plus le même son de cloche qu'à l'Elysée, au Bundeskanzleramt ou au Palais Chigi. 

 

"C’est un message d’unité européenne adressé aux Ukrainiens et aux Ukrainiennes et de soutien", a lancé Emmanuel Macron, en descendant du train, à peine arrivé en gare de Kiev, ce jeudi 16 juin, à 9 h 30, heure locale. Le Chef de l’Etat français venait de voyager, dix heures durant, en compagnie de ses homologues allemand et italien, retrouvés la veille au soir à la frontière polonaise.

 

Depuis des semaines, les responsables ukrainiens pressaient Emmanuel Macron de venir avant la fin de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, le 30 juin. Mais il temporisait, officiellement pour des raisons électorales, soucieux aussi de se montrer "utile" à travers ce déplacement à valeur symbolique.

 

Quant au Chancelier Scholz, il a tardé à faire le déplacement en raison de tensions récurrentes entre Berlin et Kiev. Résultat, depuis le début du conflit, le 24 février, la présente Troïka a été précédée dans la capitale ukrainienne par la plupart des homologues continentaux, dont le Président polonais, Andrzej Duda, et les présidences de la Commission et du Conseil européens, Ursula von der Leyen et Charles Michel. Il était donc devenu impossible pour chacun de venir seul, aussi tard. Rappelons que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, n'a pas été le dernier à faire le déplacement ukrainien. En la matière, les Anglo-saxons ont toujours eu une longueur d'avance qui laissera des traces. 

 

A l’arrivée, le Président roumain, Klaus Iohannis, venu par une autre route, a rejoint ses homologues à Kiev, histoire de donner une touche d’Europe centrale à la rencontre. Ensemble, ils doivent se rendre à Irpine, une des localités de la banlieue de Kiev, où l’armée russe a commis des atrocités contre des civils, avant de se retirer, faute d’avoir réussi à prendre la capitale, fin mars.

 

Le Président Volodymyr Zelensky sera présent à cet hommage aux victimes. Un peu plus tard dans la journée, Emmanuel Macron rencontrera des officiels français envoyés à Kiev pour enquêter sur les crimes de guerre dont l’armée russe s'est rendue coupable.

 

Pour rattraper le temps perdu, le quatuor européen, face au Chef de l'Etat ukrainien, doit chercher à multiplier les paroles et les gestes de soutien. Il s’agit pour eux de surmonter les doutes exprimés, en Ukraine et dans les capitales baltes et polonaise, par leur relative modération depuis le déclenchement de l’invasion russe. Les uns et les autres soutiennent modérément Kiev dans son effort de guerre; ce qui ajoute visiblement aux différends et frictions entre alliés.

 

Sur le fond, la visite doit permettre de discuter franchement de l’avenir européen de l’Ukraine. Si M. Zelensky s’est dit prêt à renoncer à ce que son pays rejoigne l’OTAN, l’un des principaux objectifs des Russes dans ce conflit, il frappe avec insistance à la porte de l’Union européenne. Une perspective de longue haleine, aux yeux de ses interlocuteurs. Oui, mais, de là à leur envoyer un message de scepticisme technocratique et de découragement politique, il y a un pas que semblent ne plus vouloir franchir M.M. Macron, Scholz et Draghi. Rien ne serait pire que de dire "On se voit dans 10 ans" !

 

Ces dernières semaines, les dirigeants ukrainiens n’ont pas du tout apprécié de voir M. Macron marteler son intention de "ne pas humilier la Russie", afin de laisser ouverte la possibilité d’une négociation, dans le but, quand le moment sera venu, de stabiliser l’Ukraine, ainsi que l’ensemble du continent. En dépit d’une relation étroite entre Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky, la phrase a suscité de vives tensions avec les responsables ukrainiens et au-delà en Europe.  

 

Depuis, l’Elysée cherche à préciser les objectifs de son soutien à Kiev dans sa guerre contre la Russie. "A un moment donné, lorsque nous l’aurons aidée à résister et lorsque – je le souhaite – l’Ukraine aura gagné et surtout que le feu pourra cesser, nous devrons négocier, le Président ukrainien et ses dirigeants devront négocier avec la Russie", a répété le Président français ce mercredi, après un entretien avec son homologue Klaus Iohannis. Sans préciser ce que signifie, dans son esprit, une éventuelle victoire ukrainienne ... Ni quelles seraient les garanties de sécurité que la France se dit prête à offrir pour protéger l’Ukraine contre la Russie, le jour où il sera possible d’envisager une paix négociée. Le mot, "négocier", ne laisse-t-il pas entendre qu'il n'y aura pas de défaite pour la Russie ?

                                                                        Le 16 juin 2022. 

 

 

>Il ne faudrait pas humilier la Russie ! Vraiment ? 

 

Par deux fois, le Président Emmanuel Macron, aussi Président de l'Union européenne jusqu'au 30 juin prochain, a déclaré "qu'il ne fallait pas humilier la Russie" de Vladimir Poutine. Une première fois, peut-être sous le coup de l'échange, lors d'une interview à la presse régionale, une seconde fois, plus solennelle, ce qui est problématique, lors d'un discours au Parlement européen. Curieuse façon de légitimer l'action assassine de masse d'un autocrate à la dérive, à l'heure où l'armée russe massacre les Ukrainiens (100 à 200 morts par jour dans leurs rangs) et détruit tout l'Est et une partie du Sud de ce pays martyr. Ne pas vouloir humilier Poutine, c'est humilier le peuple ukrainien, c'est se désolidariser de son président, Volodymyr Zelensky, c'est aussi rompre à distance avec le puissant engagement des Etats-Unis à leurs côtés. C'est enfin menacer l'unité des Européens, en soulignant plus que de raison une fissure qui pourrait devenir fracture ...  

 

L'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne, la Roumanie, d'autres encore, ne peuvent entendre le propos du président français sans ressentir comme une forme de cynisme et de déloyauté à l'égard des peuples d'Europe centrale qui ont tant souffert de la dictature soviétique. Le soutien politique et l'aide matérielle et militaire français à l'Ukraine, service minimal tout de même, ne suffisent pas pour justifier un manque de compassion pour les Ukrainiens ainsi qu'une incompréhension de l'impasse géopolitique dans laquelle les plonge ainsi la diplomatie française.  

 

Il faut être clair. Seuls les Ukrainiens peuvent décider s'il faut qu'ils  cherchent un compromis ou non avec la Russie quant au sort réservé au Donbass et au pourtour de la Mer Noire. C'est à eux seuls de fixer les lignes rouges. L'Occident, l'Europe n'ont pas à leur dicter les termes d'un cessez-le-feu. La guerre se terminera un jour, sera-ce au bout d'une victoire russe ou ukrainienne ou à la suite de négociations bilatérales qui accoucheront d'un accord ? Nul ne le sait aujourd'hui. Ce qui est sûr, c'est que si nous laissons la Russie poutinienne gagner, le message envoyé, notamment à la Chine du dictateur Xi Jinping, à l'Inde du nationaliste Narendra Modi ou à la Turquie du Pacha  Recep Tayyip Erdogan, pourrait leur ouvrir la voie vers d'autres agressions. Quand on est taïwanais, pakistanais ou kurde, on est sensible à ce genre de détail ...

 

On sent la pression monter dans une certaine opinion publique ouest-européenne - pression volontiers partagée par les Chefs d'Etat et de gouvernements français, allemand et italien - que, "franchement, ces Ukrainiens commencent à dépasser les bornes ..." en exigeant, d'une part, ce que Poutine ne peut accepter sans être "humilié", d'autre part, de faire partie du club européen dans des délais raisonnables. Une adhésion à l'Union européenne demandera de nombreuses années. C'est un fait, les Etats candidats ne remplissent pas les conditions indispensables pour faire partie de l'Union. Mais infliger à l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie un refus catégorique et dogmatique à leur souhait de voir leur candidature admise, en les renvoyant aux décennies suivantes, n'est ni acceptable ni intelligente. L'Union européenne doit leur proposer un chemin qui encourage plutôt qu'un chagrin qui décourage. D'où l'intérêt de mettre sur la table le sas de communauté politique.  

 

Les Ukrainiens subissent depuis près de quatre mois une agression dont, ici, dans nos confortables foyers, même sous inflation et pouvoir d'achat menacé, on a vraiment du mal à imaginer l'ampleur des souffrances, des pertes humaines et des destructions. Oui, c'est une évidence géographique, une réalité historique, la Russie sera toujours là lorsque la guerre finira, mais Poutine, plus grand criminel de guerre du XXIè siècle, lui, devra partir et être jugé à la mesure du sang et des larmes qu'il aura répandus. Par contumace, si il se terre au Kremlin ou dans son palais de la Mer Noire, ou en présence, car prisonnier. La Cour pénale internationale de La Haye devra faire son office. 

                                                                      Le 14 juin 2022. 

 

                                  Union européenne:

              embargo quasi total sur le pétrole russe !

 

Les Vingt-Sept Européens ont conclu un accord sur le 6e paquet de sanctions contre la Russie, fruit d'un compromis difficile à obtenir. Les intérêts nationaux n'ont évidemment pas disparu du paysage européen. Les pays enclavés, sans accès à la mer, et historiquement dépendants de Moscou ont fait pression sur leurs partenaires pour obtenir des dérogations temporaires à l'arrêt des flux pétroliers.

 

C'est avec satisfaction que Charles Michel, le Président du Conseil européen, a annoncé la conclusion d'un accord politique sur le 6e paquet de sanctions qui vise notamment le très lucratif secteur pétrolier. Celui-ci rapporte à Moscou quelque 30 milliards de dollars par an, qui servent à financer la guerre en Ukraine. "C'est une réussite remarquable. Il a fallu plusieurs semaines pour que nous puissions prendre cette décision. Nous envoyons un signal fort aujourd'hui, parce qu'il y avait ces derniers jours et ces dernières heures des spéculations sur un manque d'unité européenne."

 

Un embargo en deux temps !

 

L'accord, qui devra être formalisé par le Conseil des ministres de l'Union, prévoit aussi des sanctions contre plusieurs personnalités jugées responsables de crimes de guerre en Ukraine et contre des banques russes, dont la Sberbank, plus importante du pays. Elle est désormais exclue du système d'échanges financiers Swift. Trois diffuseurs médias, dirigés par l'État russe, sont interdits d'émettre dans l'ensemble des pays de l'Union.

 

L'essentiel du paquet concerne l'embargo décrété sur les livraisons de pétrole russe. Sont ciblées les importations par voie maritime, qui représentent 2/3 du pétrole russe acheminé dans l'Union. Grâce aux décisions de l'Allemagne et de la Pologne de se sevrer d'ici la fin du pétrole russe, via la branche nord de l'oléoduc Droujba, le boycott portera au total sur 90 % du pétrole russe d'ici la fin de l'année.

 

La Hongrie sort gagnante mais pas de son ambiguïté !

 

Seuls les trois pays enclavés pourront continuer à recevoir, provisoirement, du pétrole via la branche sud de l'oléoduc Droujba. Pendant combien de temps ? La République tchèque a obtenu un délai de 18 mois contre 8 mois pour les autres États membres, sauf pour la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, qui obtiennent une exemption à lever "dès que possible"… La Commission avait proposé une période de deux ans, la Hongrie en exigeait quatre. L'indétermination de la durée est une incontestable victoire pour Viktor Orban. Pour autant, sa relation de proximité idéologique avec Vladimir Poutine ne s'est pas envolée avec cet accord. Il demeure malgré tout un problème récurrent pour l'Union.

 

"Les Hongrois sont accros au pétrole russe", selon un membre de l'entourage du président français, qu'ils paient à un prix réduit. Tout le monde convenait cependant que la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, enclavées et super dépendantes de Moscou, avaient de bonnes raisons d'exiger des garanties quant à leur sécurité d'approvisionnement et de réclamer de l'aide financière pour développer d'autres infrastructures, investir dans les énergies renouvelables et moderniser leurs raffineries, conçues pour traiter uniquement le pétrole brut russe. Cela prendra du temps. 

 

Problème pour Budapest !

 

Le plan "RePowerEU", élaboré par la Commission pour réduire, puis éliminer la dépendance de l'Union aux énergies fossiles russes, est largement financé par le plan de relance global "NextGenerationEU", auquel la Hongrie n'a pas accès, tant qu'elle ne met pas en œuvre les recommandations de la Commission concernant le respect de l’Etat de droit et la lutte contre la corruption. Qu'a obtenu la Hongrie en échange de son approbation ? On ne le sait pas ... 

 

Volodymyr Zelensky appelle les Vingt-sept à rester unis !

 

Les dirigeants européens avaient une obligation politique de résultat. Le Premier ministre letton, Krisjanis Karins, était parmi ceux qui poussaient le plus pour l'adoption du 6e paquet. "Il y a beaucoup de discussions sur des détails importants, mais je voudrais rappeler l'enjeu principal à mes collègues : nous devons priver la Russie de ressources pour qu'elle ne puisse plus financer la guerre. Si chaque pays européen pense à lui-même, on ne pourra jamais avancer."

 

C'est également le message qu'a adressé le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, aux leaders européens, par écran interposé. Il a fait remarquer que durant les 52 jours qui séparent l'adoption du 5e paquet de sanctions, le 8 avril, et aujourd'hui, le conflit avait coûté la vie à 74 enfants ukrainiens. Appelant les Européens à ne pas se désunir, il a dit "sa gratitude à tous ceux qui tentent de rendre ce 6e paquet effectif". Message reçu 5 sur 5. Certains, parmi les Vingt-sept, envisagent déjà l'élaboration d'un septième paquet de sanctions, tandis que d'autres, comme la Belgique, demandent de temporiser.

                                                                       Le 1er juin 2022.  

 

 

          L'Europe, à la croisée des chemins, joue son destin !

 

Incontestablement, les Etats-Unis de Joe Biden sont passés à la vitesse supérieure, à quelle allure, dans leur soutien financier et en armements à l'Ukraine. Il y a trois mois, un tel activisme en Europe de la part de Washington, tout accaparé par sa rivalité avec la Chine de Xi Jinping, un tel activisme diplomatique, politique et militaire était impensable. Il y a peu, l'Europe, "ce vieux continent fatigué", comme aiment à le dépeindre ses détracteurs, était relégué au rang d'allié secondaire et de simple partenaire commercial. L'agression russe sur notre continent a changé la donne.

 

Après le départ des forces américaines d'Irak et leur débandade d'Afghanistan, les "Boys" sont de retour aux frontières-est de l'Union. Il n'y a pas une journée sans que des C-130 Hercules et des Lockheed C-5 Galaxy, gros transporteurs de troupes et de matériels américains, n'atterrissent en Pologne ou en Roumanie, afin de livrer à l'armée et aux résistants ukrainiens des armements lourds défensifs et, désormais, offensifs. La Grande-Bretagne, de plus en plus alignée sur son grand frère d'Outre-Atlantique, n'est pas en reste. Les Etats européens, France, Allemagne en tête, assument certes leur part, mais restent très largement en-deça de l'aide massive de l'Oncle Sam à Kiev. Il y a là une différence, peut-être une divergence, d'approche entre alliés, qui s'explique notamment par la géographie. Les Etats-Unis ne perdent jamais de vue leurs intérêts, l'Union doit en faire autant ... 

 

On se réjouit que la boussole états-unienne ait retrouvé quelques couleurs en Europe. Pour l'heure, d'aucuns le regrettent en toute ambiguïté, l'allié américain demeure nécessaire en matière de protection et de défense du territoire des 29 autres partenaires de l'OTAN. Face aux menaces bien réelles que fait peser la Russie poutinienne sur l'ensemble du continent européen, la puissance critique américaine, sa force de frappe colossale et dissuasive s'imposent comme des incontournables. 

 

Cependant, ce déséquilibre, hérité de la Seconde Guerre mondiale, du partage du monde entre l'Est et l'Ouest, le symbole du Mur de Berlin, puis de l'effondrement de l'empire soviétique en 1991, ensuite, de la nuisance croissante du Kremlin pour la stabilité et la paix, au XXIème siècle, ce déséquilibre malsain démontre combien l'Europe de la Défense, l'alpha d'une véritable souveraineté - l'omega en est la confluence de sa puissance économique et de son unité politique - est encore une vue de l'esprit, pour tout dire une chimère. Nul besoin d'être expert en géopolitique pour s'apercevoir qu'il s'agit-là d'une faiblesse systémique préjudiciable, aujourd'hui et demain, à l'Union européenne.

 

Reste qu'il faut tout faire pour soutenir l'Ukraine dans sa résistance héroïque face aux crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par l'armée russe et son chef suprême, Vladimir Poutine. Tôt ou tard, ils seront jugés, en présence ou par contumace, pour leur sauvagerie par la Cour pénale internationale de la Haye. De très nombreux témoignages et preuves ont été et sont collectés partout sur le territoire ukrainien, particulièrement dans le Donbass, au nord de Kiev et sur les littoraux des mers d'Azov et Noire, qui permettront d'établir une accusation à charge contre les atrocités russes.

 

L'un des moyens d'affaiblir structurellement la Russie poutinienne est d'intensifier davantage les sanctions financières et économiques; actuellement, elles sont insuffisamment efficaces. L'une des voies les plus sûres est l'arrêt, dès que possible, de la dépendance de certains pays européens au gaz et au pétrole russes. Plus vite on coupera les robinets d'approvisionnement - si Poutine ne les coupe pas avant, ce qu'il vient de faire avec la Pologne et la Bulgarie - plus vite on stoppera le paiement de 800 millions/jour d'euros à Moscou, et plus vite le Kremlin et ses serviteurs seront eux-mêmes asphyxiés. Ainsi, ils ne pourront plus financer leur agression assassine contre l'Ukraine.

 

Le temps viendra d'un cessez-le-feu et d'un accord de paix, sans amnistie pour les criminels. C'est la règle des conflits. Il faudra s'atteler rapidement à reconstruire l'Ukraine. Il est et sera essentiel que l'Union européenne soit leader, au premier rang des bailleurs de fonds et des reconstructeurs. Un Plan Marshall européen, sans exclusive à l'égard d'autres interventions, devra participer sensiblement à cette reconstruction. D'ici-là, les Européens, tout en continuant à aider humanitairement, financièrement et militairement les Ukrainiens, doivent d'ores et déjà préparer l'avenir.

 

D'abord, en renforçant leur unité et leur solidarité, en accélérant l'intégration de leurs politiques économiques, sociales et environnementales. Mais aussi, en préparant concrètement l'émergence d'une véritable Europe de la Défense, condition sine qua non à leur autonomie stratégique. Les Etats européens ne peuvent plus être les parents pauvres de l'alliance, le partenaire faible des Etats-Unis.  

 

En même temps, l'Union doit proposer à l'Ukraine, mais aussi à la Moldavie, aujourd'hui menacée par la Russie, à la Géorgie, pays tout aussi fragile face à l'ogre russe et engagé également dans le processus d'Etat de droit, un partenariat renforcé et d'accélération de leur adhésion. Pour ce faire, nous l'avons ici même exposé, un statut particulier et privilégié devra leur être proposé, sorte de sas juridique et politique, afin qu'ils soient associés à toutes les politiques européennes et, à terme, dans les années qui suivront, qu'ils puissent pleinement intégrer le cercle démocratique de l'Union.    

 

L'Europe est à la croisée des chemins. Si elle ne veut plus d'une dépendance sécuritaire à l'égard des  Etats-Unis, si elle ne veut pas disparaître et faire place à des régimes nationalistes rétrogrades à la solde des autocraties adversaires ou ennemies, elle doit prendre davantage son destin en main et ne plus craindre d'exister. S'affirmer, dans son espace intérieur démocratique et à l'international, comme une Europe-puissance, partenaire économique fort, loyal mais vigilant et lucide. Le 02 mai 2022.

                                                  

     Le siège de l'OTAN, à Bruxelles, 30 pays membres, qui ont en commun la défense de leur territoire et de leurs intérêts.  

 

>Sous les menaces apocalyptiques russes, l'Occident se réveille enfin !

 

Nous avons appris ce matin, par une source gouvernementale, que l’Allemagne va autoriser la livraison à l’Ukraine de chars de type Guepard, ce qui constitue un tournant majeur dans la politique prudente suivie jusqu’ici par Berlin dans son soutien militaire à Kiev et sa dépendance énergétique à la Russie. Le Chancelier Olaf Scholtz subissait depuis plusieurs semaines de fortes pressions intérieures afin qu'il change de pied, c'est un euphémisme, en la matière. C'est chose faite et bien faite.  

 

Une quarantaine de pays, membres de l'OTAN et alliés extérieurs, se réunissent ce mardi sur la base de Ramstein, en Allemagne, à l’invitation des Etats-Unis, pour renforcer la défense de l’Ukraine qui, selon le Ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, "peut gagner" face à la Russie, si on lui en donne les moyens. L'ours russe a en effet montré au cours de sa guerre en Ukraine qu'il était vulnérable et que ses capacités réelles sur le terrain n'étaient pas au niveau supposé et affiché. 

 

La France, par la voix du Président Emmanuel Macron, a d’ores et déjà annoncé qu’elle envoyait les redoutables canons Caesar, d’une portée de 40 kilomètres. Le Royaume-Uni de Boris Johnson a livré des missiles anti-aériens Starstreak et des blindés.

 

En réaction, dans le style poutinien le plus pur, Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, a mis en garde contre le risque d’une Troisième guerre mondiale. "Le danger est grave, il est réel, on ne peut pas le sous-estimer", a-t-il jugé. 

 

Toute cette logorrhée apocalyptique ne sert qu'à une chose: paralyser les Occidentaux, les neutraliser politiquement et militairement dans leur soutien à l'Ukraine. Comme le satrape de Moscou n'est pas fou - depuis son arrivée au pouvoir, dans la lignée de sa formation au KGB, Poutine est fidèle à lui-même, sans rapport de forces crédible, il prend ce qu'il veut prendre, s'arrête là où il ne peut pas passerorfèvre en propagande et manipulation, il joue de la faiblesse de ses ennemis pour les mettre au tapis. Ce temps-là semble fini. 

 

Poutine et ses sbires veulent-ils la destruction totale de la Russie ? Non, évidemment. Car le recours contre l'Europe à des frappes nucléaires signifieraient, outre l'effacement du Vieux-Continent de la surface du globe, la disparition pure et simple de l'empire russe et de son peuple. Nous ne croyons pas à cette hypothèse, qui n'est brandie que pour nous interdire d'agir. Ne tombons pas dans ce piège. 

 

Quant à un conflit Est-Ouest classique, tout aussi hypothétique, le Kremlin sait pertinemment bien que les forces de l'Alliance atlantique sont dix fois supérieures à celles de la Russie.    

 

Ces déclarations interviennent au lendemain de la visite à Kiev, où ils ont rencontré le Président Zelensky, du chef du Pentagone, Lloyd Austin, et du Secrétaire d’Etat, Antony Blinken - la première de ministres américains depuis le début du conflit le 24 février dernier. 

 

A l'évidence, un vent de panique souffle sur la présidence russe, son gouvernement, son état-major et les services de renseignement, en proie aux doutes les plus sérieux quant à leur capacité d'atteindre les objectifs recherchés par leur agression; à savoir, le contrôle de l'est-ukrainien et son annexion.  Les renseignements américains, plutôt prompts à livrer publiquement des informations fiables dès avant l'invasion de l'Ukraine, laissent aujourd'hui filtrer ouvertement un diagnostic accablant pour Poutine: la perspective, à terme, d'une défaite stratégique de son "opération spéciale". Le 26 avril 2022.  

 

 

    

   Marioupol, Boutcha, telles Guernica et Oradour-sur-Glane !

 

Le martyre de la ville ukrainienne de Marioupol, 500.000 habitants, restera dans l’histoire comme une infamie de la Russie poutinienne.  Une de plus. L’ensemble de la cité portuaire du Sud-Est de l’Ukraine sur la Mer d’azov a été rasé, des milliers de morts sous les décombres, enterrés à même les parterres ou jonchant les artères urbaines, des dizaines de milliers de blessés et des centaines de milliers de réfugiés qui ont fui la ville, comme les millions qui ont fui l’Ukraine vers les pays de l’Union européenne, sont à jamais inscrits dans la mémoire collective du monde libre. 

 

Le pays est dévasté mais la résistance de l’armée et des combattants ukrainiens n’a rien cédé de leur détermination. Le président Zelensky est toujours là, fatigué par cinq semaines de guerre mais debout, à interpeller, par visio-conférences, toutes les enceintes législatives des pays démocratiques, au-delà, leurs opinions publiques.

 

L’Occident doit continuer à aider les Ukrainiens, humanitairement, bien sûr, mais aussi militairement. Les alliés de l'OTAN doivent poursuivre l'envoi d'armes, non seulement défensives, mais, si nous voulons que les massacres s’arrêtent et la que la guerre se termine, l'Alliance atlantique doit leur livrer des armes offensives, tanks, avions et missiles. Nos frères ukrainiens pourraient alors renvoyer les soldats russes à la maison, dans des cercueils ou la honte au corps. 

 

Les vaillants ukrainiens se battent pour leur patrie, pour leurs libertés. Ils se battent aussi pour l’Europe, pour nos libertés. C'est une grande leçon de l'histoire qui doit nous rendre plus forts.

 

Partout, dans le pays, l’horreur de la barbarie des soldats russes indigne l’opinion internationale. Il est une petite ville, à l’Ouest de Kiev, Boutcha, qui symbolise l'ignominie de l'agression russe, où le summum de l’atrocité a été atteint. Des centaines de cadavres y gisent depuis des jours dans les rues et les maisons d'une cité hier encore paisible. Des enfants, des femmes, parfois violées, des hommes, les mains liées ou couchés sur le flanc avec leur vélo, d’autres, une balle dans la nuque ou torturés, nous rappellent les pires moments de la Seconde Guerre mondiale. Ces corps étaient déjà là, inertes, il y a deux semaines, lorsque l’armée russe occupait la ville; des images satellites attestant de leur réalité.

 

Telles la Guernica espagnole de 1936 et l’Oradour-sur-Glane française de 1944, Marioupol et Boutcha hanteront longtemps encore nos consciences meurtries par tant de sauvagerie et de passivité. 

 

Ces crimes impardonables contre l’humanité devront se payer. Poutine et sa clique devront un jour comparaître, en présence ou par contumace, devant la Cour pénale internationale de La Haye. Et si ces assassins de masse ne sont pas emprisonnés, alors, ils se transformeront en pestiférés, obligés de se terrer dans leur bunker moscovite ou de demander asile à leur allié totalitaire chinois. 

 

L’Occident - Etats-Unis, Canada, Australie et Union européenne en tête - doit désormais montrer les dents au satrape du Kremlin. Nous devons lui dire que nous n’avons pas peur de ses menaces, nous devons l'asphyxier, faire rendre gorge à son économie, en coupant les approvisionnements en charbon, pétrole et, à terme, gaz russes, quitte à nous infliger des sacrifices économiques importants. Il suffit de notre naïveté, de notre indifférence, de notre hypocrisie, de notre cynisme et de notre lâcheté. La liberté a un prix, certains l’ont oublié, le prix pour les peuples libres, pour les démocraties de le rester.

 

En face, Poutine et ses sbires ne comprennent qu’un seul langage, celui du rapport de force. Nous sommes dix fois plus riches que la Russie, vingt fois plus puissants, il est grand temps de leur envoyer un message aussi simple que limpide: nous ne vous céderons plus rien, dans l’ordre des droits humains, des échanges économiques et de la présence militaire. Le 06 avril 2022. 

 

 

"Non à la guerre. Ne croyez pas à la propagande".

Marina Ovsiannikova employée de la chaîne

russe Pervy Kanal, interrompt le JT ce 14/03/22. 

                                          Union européenne

        Un sas juridique et politique sécurisé pour l’Ukraine !

 

Depuis l’indépendance de l’Ukraine, en 1991, le peuple ukrainien aspire à vivre en liberté dans un Etat de droit. Sortie depuis peu de la dictature soviétique, les regards se sont tournés alors vers l’Union européenne. Mais Poutine et les siens ont veillé à mettre en place un pouvoir accommodant, tournant le dos à la soif de démocratie des Ukrainiens. L'émancipation de l'Ukraine et celle des ex-pays de l'Est du joug russe n'a jamais été acceptée par le maître du Kremlin. Depuis, avec constance, il n'a cessé de vouloir rogner sur la nouvelle architecture géopolitique de l'Europe née de l'effondrement de l'URSS. Du coup, Poutine a actionné une stratégie visant à reconstituer, par la force si nécessaire, l'empire déchu, avec l'ébranlement d'une machine infernale à remonter le temps.  

 

Un homme ukrainien a incarné cette volonté de rejoindre les démocraties libérales, Viktor Iouchtchenko, Premier Ministre de 1999 à 2001 et Président de 2005 à 2010. Il est le symbole de "la révolution orange", face aux Bleus pro-russes. Il sera empoisonné à la dioxine, transformant son visage complètement. La plupart des observateurs attribuent cette attaque chimique aux services russes du FSB, ex-KGB, l'empoisonnement étant une de leurs spécialités. 

 

Les élections présidentielles de 2010 ont été fortement perturbées par des interventions extérieures et une répression; comme  un vent glacial venant de l'Est. Viktor Ianoukovytch, pro-russe, remporte le scrutin face à Ioulia Tymochenko, pro-européenne, avec 51,05% contre 48,95% des voix. Dès 2011, Ianoukovytch signent les accords dits de Kharkov avec le Kremlin, scellant une forme de main-mise de Moscou sur la vie politique, économique et publique des Ukrainiens.

 

En 2014, un mouvement populaire de grande ampleur exige le rapprochement de l'Ukraine avec l’Union européenne. Sous la pression de ce qui sera appelé "la révolution de Maïdan", du nom de la place de l’Indépendance de Kiev, où des événements dramatiques s’y déroulent, qui feront des centaines de morts, Ianoukovytch est destitué par le Parlement ukrainien et s’exile ... à Moscou.

 

Petro Porochenko, après avoir navigué entre bons rapports avec la Russie poutinienne et accord d’association avec l’Union européenne, soutient la révolution de Maïdan. Il est élu Président en juin 2014. Il le restera jusqu’en mai 2019.

 

Le 20 mai, Volodymyr Zelenbsky, comédien et producteur de métier, opposant à Petro Porochenko, est élu Président de l’Ukraine avec près de 73% des votes au second tour de l'élection. L’orientation pro-occidentale de l’Ukraine, pro-européenne, son désir d’adhérer à l’Alliance atlantique et à l’Union européenne s’affirme dès lors au grand jour comme une revendication majeure du nouveau président. "Le serviteur du peuple", nom de la série dans laquelle il joua un professeur d'histoire qui devient président, est désormais à la tête d'un pays plus grand que la France, grenier à blé de l'Europe et obsession du maître du Kremlin.  

 

A Moscou, Poutine, qui a déjà envahi le Donbass, la partie-est de l’Ukraine et annexé la Crimée, s’adonne pleinement à ses fantasmes paranoïaques. Il voit dans l’OTAN et l’Europe une menace directe pour la Russie. En réalité, personne n’agresse le Kremlin et personne ne veut enclencher une guerre contre la Russie. Mais l'ancien espion du KGB a besoin d’alimenter sa propagande et invente le concept d’une Ukraine anti-Russie, préalable à une agression qui se prépare.

 

Dès 2014, les Occidentaux sont prévenus, le petit Tsar-président ne reculera devant rien pour arriver à ses fins: neutraliser politiquement, économiquement et militairement son voisin ukrainien. En 2018, en Mer d'Azov, des navires de guerre russes arraisonnent des bateaux ukrainiens et font prisonniers les hommes de bord. Cet incident ne relève pas d'un accident ou d'une erreur, c'est un message clair adressé à Kiev et à l'OTAN sur la volonté de Poutine de contrôler l'accès aux mers du Sud. 

 

Fin 2021 et début 2022, l'administration Biden et ses services de renseignement alertent le monde sur l’imminence d’une invasion russe en Ukraine. Les services et Chefs d’Etat et de gouvernements européens n’y ont pas cru. Naïveté, aveuglement ou incompétence ?

 

Le 24 février 2022, date qui restera dans l’histoire comme une infamie, Poutine lance son armée à l’assaut du territoire ukrainien, les principales villes du pays sont bombardées, de nombreux citoyens meurent ou sont blessés. Le Président ukrainien, son gouvernement et leurs combattants tiennent. 

 

Dans le viseur de Moscou, l’élimination de Volodymyr Zelensky, de son exécutif, donc du régime d’Etat de droit ukrainien. Tout est bon pour justifier "l’opération spéciale", fable racontée aux Russes par les organes de propagande poutiniens. Il faut nettoyer l’Ukraine "des nazis, des drogués et des dégénérés" ... 

 

Poutine pense que son "opération spéciale" va durer quelques jours, tout au plus une à deux semaines. C’était sans compter l’extraordinaire résistance de l’armée et du peuple ukrainiens, l’unité et la fermeté des Occidentaux, particulièrement des Européens, tous solidaires de l’Ukraine. Avec les Etats-Unis et le Canada, les Européens décident de l’application immédiate de sanctions massives sans précédent, financières, économiques et politiques, d’aide humanitaire aux populations qui fuient la guerre et se réfugient en Pologne, en Roumanie, bientôt dans tous les Etats de l'Union, ainsi que d'un soutien militaire à l'armée et aux combattants civils ukrainiens, qui tentent, avec un courage exceptionnel, de faire barrage au rouleau compresseur russe.

 

Poutine est inquiet. Pour preuves, la désorganisation logistique de son armée en Ukraine et les revers militaires qu'elle encaisse malgré sa domination; l’ouverture de négociations, certes difficiles, avec le gouvernement ukrainien; les menaces permanentes aux armes nucléaires, chimiques et bactériologiques, destinées à terroriser les peuples; les conséquences durables des sanctions occidentales; la demande d'aide à la Chine de Xi Jinping, qui dessine à moyen et long termes une probable vassalisation de Moscou par rapport à Pékin; la convocation, il n’y a pas d’autre mot, des unités spéciales tchétchènes et syriennes des régimes sanglants Kadyrov et al Assad à venir renforcer l'armée russe dans son sale boulot. Sans oublier le transfert d'Afrique en Ukraine de plusieurs milliers de mercenaires mafieux du groupe Wagner. Tout cela fait beaucoup pour un homme si sûr de sa force. 

 

Il n’y a pas de doute, les sanctions occidentales américaines et européennes font très mal à l’économie russe. Poutine, ses proches, ses oligarques et malheureusement le peuple russe paient et vont payer un lourd tribu à la guerre en Ukraine. C'est en effet l'objectif affirmé mais incertain des Occidentaux: faire plier Poutine face aux conséquences catastrophiques qu'encoure et que va endurer la Russie.

 

Que dire des Ukrainiens, massacrés sous les obus et missiles russes ? A tout le moins, hors chiffres officiels, qui sous-estiment le nombre de morts, ce sont plusieurs milliers de femmes, enfants, vieillards et combattants qui sont tombés sous les coups assénés de l’armée russe. Que de souffrance par la volonté d'un seul homme, désormais isolé dans un bunker mental autant que géopolitique. 

 

Les négociateurs ukrainiens ont laissé entendre que leur pays pourrait renoncer à la demande d’adhésion à l’OTAN, ce que semble confirmer Volodymyr Zelensky, et qu'ils n'étaient pas opposés à un futur statut spécifique des deux républiques autoproclamées, dites indépendantes, du Donbass. C’est là un faible espoir, c'est certain, mais qui pourrait ouvrir la voie, à moyen terme, à un accord plus général de cessez-le-feu. Nul n'a intérêt à ce que la guerre s'enlise. C'est une donnée factuelle. 

 

Il est cependant à craindre que la guerre va durer, sans doute encore quelques semaines. Poutine veut engranger le maximum d'objectifs avant de devoir négocier. Son but est et restera la disparition en tant que telle de toute forme de souveraineté et d’indépendance de l’Ukraine, l’obligeant, sous la contrainte et les pressions multiples, à abandonner l'espoir de démocratie et d’adhésion à l’Union européenne. Nul ne sait aujourd'hui quel sera l'état des rapports de force lorsque l'arrêt de la guerre arrivera, à défaut de paix véritable. Une chose est sûre, les Ukrainiens ne renonceront pas à l'Europe.  

 

La Russie ne pourra pas occuper très longtemps l'Ukraine. C'est une leçon de l'histoire que chaque grande et moyenne puissances a compris. Le cauchemar soviétique en Afghanistan est encore dans toutes les têtes sur les bords de la Moskova et de la Volga. D'abord, parce qu'il y aura une résistance forte de la part des Ukrainiens, même défaits, ils se livreront à une guérilla incessante. Ensuite, parce que Poutine sera bien incapable d'empêcher les liens de se renforcer entre l'Ukraine et l'Europe 

 

En aucun cas, les Européens ne devront céder la moindre parcelle de partenariat avec Kiev. L’Ukraine est appelée un jour à rejoindre la communauté des nations européennes démocratiques. Cela prendra du temps, chacun le sait, tant les conditions financières, économiques et sociales ukrainiennes, avant, pendant et après la guerre, sont et seront loin de satisfaire les exigences du paquet européen. 

 

Quoi qu'il en soit, le chemin est tracé. En attendant, l’imagination politique et juridique des responsables européens se doit d'être activée. Baliser l’horizon, étape par étape, pour les peuples ukrainien et des 27 Etats de l'Union, dès aujourd'hui, s'avère une tâche indispensable. 

 

L’accord d’association actuel entre Kiev et Bruxelles ne suffira pas. A cette fin, nous proposons la création d’un sas juridique et politique sécurisé pan-européen, un sas lancé à l'initiative du Conseil européen des Chefs d'Etat et de gouvernements, exécuté et monitoré par la Commission européenne et validé, étape par étape, par le Parlement européen.

 

Ce statut inédit devrait se décliner dans un programme dédié et planifié, doté d'objectifs précis, de dispositifs et d'actions à déployer en adéquation avec les objectifs, d'évaluations récurrentes, d'un monitoring constant par indicateurs. Un tel dispositif global devra s'inscrire dans un échéancier quinquennal, reconductible une seule fois, destiné à permettre à l’Ukraine d'avoir une vision concrète de son avenir institutionnel et donc de pouvoir s'ancrer durablement à l'Europe démocratique.

 

Donner ainsi un délai de 10 ans au peuple ukrainien, à partir de la signature de l'accord de sas, tout en le soutenant pendant cette période, lui permettra, ainsi qu'à ses responsables politiques, ses entrepreneurs et ses salariés, d'avancer vers l'Europe, avec l'assurance qu'ils rejoindront bel et bien une Union européenne forte, souveraine, solidaire et démocratique. Poutine n'arrêtera pas ce chemin.  

                                                                  Le 15 mars 2022. 

 .   

                                                                      Frontière russo-ukrainienne de 2018.

 

>La Russie de Poutine menace de plus en plus la paix en Europe !

          Article publié ici même, le coindevue.be / rubrique "Fenêtre sur jour", le 26 novembre 2018 ... 

 

On a déjà vu ça quelque part ... La situation diplomatique est à nouveau très tendue entre la Russie et l’Ukraine, lundi 26 novembre, au lendemain d’un grave incident sans précédent, ayant conduit à la capture de trois navires ukrainiens par la marine russe en mer Noire. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a convoqué une « réunion extraordinaire » avec l’Ukraine lundi après-midi, à Bruxelles, « pour examiner la situation ». Dimanche, le détroit de Kertch, qui délimite les eaux de la mer d’Azov et celles de la mer Noire, a été le théâtre d’une escalade et d’un face-à-face entre plusieurs navires de guerre russes et ukrainiens. Celui-ci s’est soldé par des tirs de la marine russe sur trois bateaux ukrainiens. Mis hors de combat, ils ont ensuite été capturés par des commandos du FSB, les services de sécurité russes, qui ont la charge de la protection des frontières. Selon Kiev, six de ses marins auraient été blessés et vingt-trois capturés – les plus sérieux dans cette zone où la tension n’a cessé de monter ces derniers mois. Le président ukrainien, Petro Porochenko, a dénoncé « un acte agressif de la Russie visant une escalade préméditée » et réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), imité un peu plus tard par la partie russe. Cette réunion doit se tenir dans la journée à New York. M. Porochenko a aussi exigé la libération de ses marins et de nouvelles sanctions contre la Russie. Il a par ailleurs demandé à son parlement, qui doit se réunir dans l’après-midi, d’envisager l’introduction de la loi martiale pour soixante jours. Il s'agit probablement d'une manoeuvre visant à neutraliser le processus démocratique des prochaines élections présidentielles ukrainiennes. A Kiev, des dizaines d’Ukrainiens, parmi lesquels des groupes nationalistes, se sont rassemblés devant l’ambassade russe dans la nuit de dimanche à lundi, en lançant des fumigènes et en installant des bateaux en papier devant le bâtiment. Selon les médias locaux, une voiture appartenant à un diplomate russe a également été brûlée. Les cinq pays de l’Union européenne actuellement membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont appelé la Russie à « rétablir la liberté de passage » dans le détroit de Kertch. Ils ont exprimé « leur grave préoccupation » dans un communiqué commun. Les représentants de la France, de la Grande-Bretagne, de la Suède, de la Pologne et des Pays-Bas demandent à la Russie « de libérer sans attendre les marins ukrainiens retenus et de restituer les navires capturés ». Ils soulignent « leur pleine reconnaissance de l’intégrité territoriale » de l’Ukraine « dans ses frontières internationalement reconnues ». Nul doute que le Tsar de toutes les Russies, Vladimir Poutine, sera impressionné par cette déclaration. Ce qui est sûr, c'est que ce dernier coup de force, qui foule au pied une fois de plus toutes les règles du droit international, ne doit pas rester impuni. Les sanctions économiques, financières et commerciales à l'égard de Moscou doivent être renforcées. Le peuple russe doit maintenant comprendre que leur président les mène droit dans le mur, car la situation économique de leur pays, qui n'est guère brillante, va se dégrader encore. Le maître du Kremlin ne pourra pas tenir encore des années en finançant sa sale guerre en Syrie, en dépensant sans compter et à crédit les chers et lourds équipements de ses forces armées et en sacrifiant les retraites de ses concitoyens, tout en leur demandant toujours plus de sacrifices. Pendant ce temps, lui et sa nomenklatura, via une corruption inégalée, s'en mettent plein les poches. Sa grossière propagande, via des médias et sites Internet aux ordres et toxiques, les autres ont été éradiqués, trouveront leurs limites dans la prise de conscience du grand et courageux peuple russe. Là, il faudra qu'il décampe de son trône à grandes jambes, même si elles sont bien courtes pour un futur parias du FSB, ex-KGB, services auxquels il n'a jamais cessé d'appartenir depuis ses premiers pas d'espion à Leningrad, aujourd'hui Saint-Pétersbourg. En attendant, il menace de plus en plus la paix en Europe et provoque l'effroi ainsi que des réflexes nationalistes dans les pays nordiques, Baltes et d'Europe de l'Est. Ils n'ont en effet rien oublié. Eux qui ont payé le prix fort pour avoir eu le privilège de vivre sous la botte de l'empire soviétique pendant des décennies. Nombre d'entre eux se réarment et en appellent à la solidarité des alliés ... Le 26 novembre 2018.

 

>La centrale nucléaire de Zaporojjia menacée par l'armée russe ! 

 

"Les forces russes occupent le territoire de la centrale nucléaire de Zaporojjia dans le Sud de l’Ukraine, touchée par des frappes russes dans la nuit, a indiqué l’agence d’inspection des sites nucléaires, assurant que le personnel assurait l’exploitation du site. Pour l'heure, aucune fuite radioactive n’a été détectée.

 

Le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a accusé Moscou de recourir à "la terreur nucléaire" et a appelé à "une action européenne immédiate pour empêcher que l’Europe ne meure d’un désastre nucléaire".

 

"Nous alertons tout le monde sur le fait qu’aucun autre pays hormis la Russie n’a jamais tiré sur des centrales nucléaires. C’est la première fois dans notre histoire, la première fois dans l’histoire de l’humanité. Cet Etat terroriste a maintenant recours à la terreur nucléaire", a-t-il affirmé dans une vidéo publiée par la présidence ukrainienne.

 

"L’Ukraine compte quinze réacteurs nucléaires. S’il y a une explosion, c’est la fin de tout. La fin de l’Europe. C’est l’évacuation de l’Europe". "Seule une action européenne immédiate peut stopper les troupes russes. Il faut empêcher que l’Europe ne meure d’un désastre nucléaire", a ajouté le président ukrainien.

 

Incendie dans la centrale

 

Selon Kiev, un bombardement russe a touché aux premières heures de vendredi la centrale atomique de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, située dans le centre de l’Ukraine et qui compte six réacteurs.

Selon M. Zelensky, des chars russes ont ouvert le feu sur la centrale. "Ces chars sont équipés de viseurs thermiques donc ils savent ce qu’ils font, ils s’étaient préparés."

 

Un incendie s’est déclaré ensuite dans un "bâtiment pour les formations" et un laboratoire du site, mais la sécurité nucléaire de ce dernier est pour l’heure assurée, ont indiqué les autorités ukrainiennes.

 

Les secours ukrainiens ont ensuite affirmé avoir éteint un incendie. "A 6h20 (4h20 GMT) le feu (…) a été liquidé", ont indiqué le Service d’urgence ukrainien sur son compte Facebook, terme signifiant que la combustion est stoppée et toute reprise également.

 

Niveau de radioactivité stable

 

Selon les secours ukrainiens, une quarantaine de pompiers et une dizaine de véhicules sont impliqués dans l’opération. Par ailleurs, aucune victime n’est à déplorer pour l’heure, toujours selon cette source.

 

Les niveaux de radioactivité restent inchangés sur le site de la centrale et l’incendie n’a pas affecté les équipements essentiels, a indiqué de son côté l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), citant le régulateur nucléaire ukrainien.

 

Le 24 février, des combats avaient déjà eu lieu près de l’ancienne centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, et qui est désormais entre les mains des troupes russes.

 

"Des centaines de milliers de personnes ont souffert des conséquences (de Tchernobyl), des dizaines de milliers ont été évacuées. La Russie veut répéter cela", a affirmé le Président Zelensky."

 

                                                  Information "Le Soir" du 04 mars 2022. 

 

Le fait est que les Russes ont attaqué et occupent deux centrales nucléaires ukrainiennes, l'une, Tchernobyl, qui a explosé le 26 avril 1986 et sous sarcophage, l'autre, Zaporojjia, dotée de six réacteurs, frappée le 3 mars 2022 par les forces militaires poutiniennes. Ces deux centrales sont mortelles pour les populations européennes en cas d'explosion. Le fait est que Poutine veut nous terroriser par le recours à des menaces sorties tout droit du film de Stanley Kubrick, "Docteur Folamour". Le fait est que les peuples européens ont peur. En Belgique, les clients des pharmacies achètent des comprimés d'iode stable pour prévenir une éventuelle radioactivité venant de l'Est ... 

 

Les déclarations du Président ukrainien sont à situer dans le contexte de guerre des mots aussi. Il dramatise, on peut comprendre, afin d'alerter l'opinion publique mondiale et faire réagir les dirigeants européens et l'OTAN.  

 

L'AIEA, dont le sérieux ne peut être contesté, tout en constatant la gravité de la situation, se veut néanmoins plus ou moins rassurante. Quel serait l'intérêt stratégique des Russes de provoquer une catastrophe nucléaire qui n'épargnerait pas leurs populations elles-mêmes ? Leur objectif est de contrôler la centrale nucléaire de Zaporijjia pour avoir la main sur l'éclairage et le chauffage des villes ukrainiennes en fonction de la progression de leur occupation. 

 

Quoi qu'il en soit, une extrême vigilance est de mise ainsi qu'un sang froid individuel et collectif constant. Attention, danger ! Le 04 mars 2022. 

 

 

                

"A Kiev, la douleur insondable des Juifs poussés à l’exode par l’offensive russe !"

 

 

"Ils sont environ 5 000 à avoir quitté le pays", selon Josef Zissels, le Président de l’Association des organisations et communautés juives d’Ukraine.

 

Derrière les fenêtres de l’autobus, à ce moment décisif du départ en exil, il y a les visages tristes, les larmes, la douleur. Beaucoup d’autres renvoient au contraire, au moment du grand saut, des regards vides. Comme si la violence de la décision qu’ils viennent de prendre de quitter leur maison, leur ville, leur pays, n’était pas encore intelligible. Comme si la situation – l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie – était tellement absurde que la décision de l’exil était elle-même stupéfiante, inacceptable.

 

Les Juifs de Kiev s’en vont. C’est l’un des terribles paradoxes d’une guerre que Moscou affirme avoir déclaré au nom d’une "dénazification" de l’Ukraine. Le Président russe, Vladimir Poutine, accuse le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, juif lui-même – une identité que celui-ci ne mentionne jamais dans ses discours politiques –, d’être un néonazi, qui mènerait un "génocide" des Russes d’Ukraine. Face à un tel degré d’inversion de la réalité et de malhonnêteté intellectuelle, les Ukrainiens sont pétrifiés.

 

Devant la synagogue Brodsky, quatre autobus affrétés par la communauté juive s’apprêtent à prendre la route. Albina Voronko aide à coordonner l’opération humanitaire. Russe juive, elle se dit "sans voix" face aux accusations de Poutine. Cela fait trente ans qu’elle est arrivée de Russie pour étudier et, après être s’être mariée et avoir eu un fils à Kiev, elle n’a "jamais eu aucun problème, ni en tant que Russe ni en tant que juive". "Je n’ai même jamais appris à parler ukrainien, rit-elle, et nul ne me l’a jamais reproché."

 

"L’ordre de nous effacer tous"

 

Albina est effondrée. Le départ des Juifs de Kiev est "une douleur insondable", qui fait écho "à la mémoire des souffrances passées". "Chaque génération de Juifs a connu l’exil, constate-t-elle. Ma grand-mère a dû fuir la terreur de Staline pour survivre, ma mère, enfant, a dû fuir la terreur d’Hitler pour survivre". Pour sa part, elle reste à Kiev.

 

Oleg Voronko, le mari d’Albina, dirige l’opération d’évacuation, mercredi 2 mars, à la demande du rabbin de la synagogue Brodsky. Elu au Parlement ukrainien et, depuis quelques jours, engagé dans "la défense territoriale", qui rassemble des volontaires et appuie l’armée en temps de guerre, il donne ses ordres, fusil automatique à l’épaule, aux chauffeurs des quatre autobus et à ceux des trente-cinq voitures qui vont prendre la route de la Moldavie.

 

Un policier, Evgueny, accompagne sa femme, sa fille et son fils en partance pour Tel-Aviv. Au moment de faire ses adieux au chaton qui patiente dans la voiture, sa fille laisse couler une larme. "Ils vont revenir d’ici un mois, veut se convaincre Evgueny. Nous ne voulons pas émigrer en Israël, nous voulons vivre en Ukraine. La défaite, je refuse d’y penser. Nous allons gagner cette guerre". 

 

Le discret départ des Juifs ukrainiens a commencé dès le premier jour de guerre. Ils sont "environ 5000 à avoir quitté le pays", dit Josef Zissels, le Président de l’Association des organisations et communautés juives d’Ukraine. Une goutte d’eau dans l’océan de réfugiés qui a atteint, en une semaine de conflit, selon l’ONU, 1 million de personnes, mais une goutte d’eau qui fait douloureusement écho à l’histoire. 

 

L’opération d’évacuation organisée à la synagogue Brodsky est d’ailleurs intervenue au lendemain d’un autre épisode symbolique: une rafale de missiles Smerch de l’armée russe, qui a visé mardi le relais de communication de la télévision ukrainienne, a touché le parc voisin de Babi Yar, lieu de tuerie de la Seconde Guerre mondiale et de la mémoire de la Shoah.

 

Les Smerch ont raté leur cible. L’antenne, dont le sommet se perd dans le brouillard, est toujours debout. L’un des missiles a tué cinq personnes qui faisaient des courses dans une boutique, peu avant l’heure du couvre-feu. Tandis que des morceaux des roquettes jonchent, le lendemain matin, la rue parsemée de débris calcinés et recouverts d’une fine couche de neige, des corps atrocement brûlés, enveloppés dans des bâches, sont emmenés dans une fourgonnette mortuaire.

 

Le parc mémoriel de Babi Yar n’était pas la cible des tirs, les monuments et sculptures du parc sont intacts et seules quelques branches d’arbres ont été fauchées, mais une vague d’émotion a saisi Kiev.

 

Lieu d’exécution de 33.000 Juifs ukrainiens par les nazis en 1941, Babi Yar fut l’une des pires tueries, en une seule fois, de la campagne allemande en Union soviétique et de la Shoah." (…)

                                   

                                       Rémy Ourdan, Kiev, envoyé spécial, "Le Monde", le 04 mars 2022.

 

  Le Président Macron entre soutien à l'Ukraine et aux négociations de paix, contact avec Poutine et lourdes sanctions contre la Russie. 

 

>L'histoire jugera notre Europe à ses mots et à ses actes !

 

Hier soir, dans une allocution au 20 H00 des chaînes françaises, le Président français, Emmanuel Macron, a rappelé que l'Europe, notre Europe n'était pas en guerre avec la Russie, que l'agresseur, qui se fait passer dans sa propagande pour l'agressé, n'a cessé de nous mentir et que les temps prochains seront très durs pour tout le monde. Assurément, il ne se fait aucune illusion sur Poutine. 

 

Pour preuve, Emmanuel Macron pense que "le pire est à venir" en Ukraine, après son nouvel échange ce matin avec Vladimir Poutine, qui a fait part de "sa très grande détermination" à poursuivre son offensive, dont le but est "de prendre le contrôle" de tout le pays. 

 

Lors d’une discussion téléphonique de 1h30 à sa demande, le Président russe a affirmé à son homologue français que l’opération de son armée se développait "selon le plan" prévu par Moscou et qu’elle allait "s’aggraver", si les Ukrainiens n’acceptaient pas ses conditions ... 

 

Autrement dit, "vous les nazis et drogués ukrainiens, aplatissez-vous devant votre nouvel empereur ou vous disparaîtrez en tant que nation de la surface du globe. Et vous, les faibles Européens, soumettez-vous à mon chantage, désarmez les Pays Baltes, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Slovénie, la Tchéquie, la Slovaquie, la Bulgarie et retirez-les de l'OTAN ou vous le regretterez ...".

 

Cela ne marchera pas comme ça. D'abord, l'armée et le peuple ukrainiens vont se battre jusqu'au bout, à savoir, même si la Russie occupe entièrement l'Ukraine, ce qui est à craindre, les militaires russes devront gérer et faire face pendant un temps indéterminé à une résistance acharnée, dont ils ne pourront être maîtres qu'en détruisant toute l'Ukraine et en massacrant son peuple. Ensuite, l'Union européenne ne pliera pas et ne cédera pas un seul cm2 du territoire des 27 membres, plus largement, des 30 pays européens qui ont adhéré à l'OTAN et qui ont fait de son article 5 l'Alpha et l'Omega. Tous pour un et un pour tous, telle est la devise des Mousquetaires occidentaux ! 

 

La Russie est déjà un Etat économiquement et socialement affaibli, au PIB égal à celui du Bénélux. Il va l'être davantage chaque jour, pendant des mois et des années, bientôt épuisé par des trains de sanctions sans précédent. Il ne pourra faire face à un conflit frontal avec l'Alliance atlantique, force défensive et non offensive, rappelons-le, et force nucléaire majeure, avec les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. Poutine devrait craindre ses proches et son peuple, touchés au coeur de leurs intérêts et de leur vie quotidienne. Il devrait aussi revoir son récit national et se rappeler la guerre des Paysans russes au XVIIIème siècle, dite révolte de Pougatchev, et la révolution de 1905, répétition générale de celle de 1917.  

 

Toutes les rodomontades poutiniennes sont là pour nous impressionner, nous terroriser. Tout le monde a peur d'une guerre nucléaire, y compris le peuple russe, tyrannisé depuis trop longtemps par ce despote. A moins qu'il soit devenu fou - qui peut écarter totalement cette hypothèse ? - il est peu probable que le petit Tsar engage ses forces conventionnelles, encore moins nucléaires, dans un conflit, alors mondial, sur le territoire de l'Union européenne. 

 

Le Président français dit vrai et juste. Les jours, semaines, mois et années à venir s'annoncent redoutables pour les peuples européens, sur les plans énergétique, économique et de sécurité. Pour le peuple ukrainien, bien davantage, d'ores et déjà martyrisé. La priorité des priorités est de le soutenir et de lui venir en aide. Chacune et chacun peut et doit faire quelque chose, du symbolique, qui n'est pas sans importance, au concret. Nombre de citoyens européens sont déjà dans l'action, par des interventions humanitaires individuelles et collectives massives dans les pays est-européens d'accueil où déjà un million de réfugiés a franchi les frontières (Pologne, Roumanie, Pays baltes, Hongrie, Slovénie, mais aussi Moldavie et Géorgie). Sans doute, des millions d'autres suivront et se rendront en Allemagne, au Danemark, en Norvège, en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en France, en Italie, en Espagne, au Portugal ... Accueillons-les fraternellement ! 

 

Ensuite, il faudra intensifier, sans faiblesse, les sanctions financières et économiques contre la Russie et accroître sensiblement l'envoi d'armes de combat et de  matériels de guerre aux Ukrainiens. Il faudra également renforcer militairement les lignes frontalières européennes avec la Russie. Celle-ci sera tôt ou tard dans un bourbier ukrainien, dont elle ne se remettra pas avant longtemps. Poutine semble avoir oublié les leçons de l'Afghanistan.

 

Espérerons un changement de cap à 180 degrés du paradigme poutinien (force, mensonge et expansion). Son renversement ou son élimination de l'intérieur même du pouvoir russe n'est pas une idée fantaisiste. Ce n'est pas improbable, tant les informations qui fuitent actuellement indiquent des tensions au sein de l'Etat-major, des services de renseignement, des oligarques et du peuple russe lui-même. Les choses pourraient évoluer à Moscou.      

 

Quoi qu'il en soit, notre Europe est devant un défi considérable. L'histoire jugera si elle a été à la hauteur. Les valeurs humanistes et démocratiques trouvent leur définition dans les livres. Mais c'est dans les mots et les actes qu'elles  prouvent leur crédibilité. Le 03 mars 2022. 

 

 

           >Le poignant appel du Président ukrainien:

    "Prouvez que vous n’allez pas nous laisser tomber !"

 

 

Le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a réclamé aujourd'hui une intégration "sans délai" de son pays à l’Union européenne. Il s’est adressé ce midi au Parlement européen par visioconférence.

 

"Ces derniers jours, je ne sais plus comment saluer les gens parce que je ne peux pas dire “bonjour” ou “bonsoir”. Je ne peux pas le faire parce que chaque jour est une mauvaise journée. Pour certains, c’est même leur dernière journée et ici je vous parle des citoyens ukrainiens qui défendent leur pays en faisant le sacrifie ultime", a martelé le Président ukrainien en ouverture de son intervention.

 

"Ils sont défenseurs de la liberté. Ce que j’ai entendu, ici à l’instant (*), me réjouit profondément. Je ressens cette unité. Je ne savais pas que le prix à payer serait si fort pour voir ceci. Il y a des milliers de personnes qui ont payé de leur vie."

 

« Je suis sûr que nous allons vaincre. J’aimerais vous entendre dire que le choix ukrainien, que le choix de l’Europe que nous avons fait est également le vôtre", en faisant référence à la volonté de l’Ukraine d’entrer dans l’Union européenne.

 

"Sans vous, l’Ukraine sera seule. Nous avons fait preuve de notre force. Nous avons montré que nous sommes vos égaux. De votre côté, prouvez que vous êtes à nos côtés. Prouvez que vous êtes des Européens. Et prouvez que finalement, c’est la vie qui l’emportera sur la mort. Gloire à l’Ukraine".

 

(*) La Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, en présence du Président du Conseil européen, Charles Michel, et de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est exprimée en s’adressant directement au Président ukrainien: "Nous sommes ensemble maintenant, nous serons encore ensemble à l’avenir car nous serons toujours du côté de l’Ukraine."  Le 1er mars 2022.

 

 

Poutine est un criminel de guerre !

 

L'Union européenne, en tant que collectivité - ce qui est sans précédent - après les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Pologne et la Suède ..., qui sort ainsi de sa neutralité historique, a décidé aujourd'hui d'acheter et d'envoyer des armes lourdes létales (avions de combat, missiles, mitrailleuses, grenades ...) et du matériel militaire logistique à l'Ukraine pour 450 millions d'euros. Les Européens se réveillent enfin face au despote du Kremlin, qui martyrise le peuple ukrainien, après avoir martyrisé les peuples tchétchène, géorgien et syrien. Il tyrannise le peuple russe et menace maintenant d'un conflit nucléaire les peuples du Vieux Continent et du monde. Poutine est un criminel de guerre, le plus grand assassin de masse depuis Staline et Hitler. En plus de l'envoi d'armes à l'Ukraine, les plus grandes banques russes sont exclues du système bancaire international de règlements Swift et les avoirs de la Banque centrale russe sont gelés. La Suisse, avec son puissant réseau de banques, va appliquer les sanctions européennes. De grandes entreprises russes sont à présent touchées et coupées des financements extérieurs. Gazprom ne sera pas épargnée. De nombreux individus, dont Poutine et Lavrov, le Ministre des Affaires étrangères russe, les oligarques, sont ciblés par la neutralisation de leurs possessions mobilières et immobilières en Europe, au Royaume-Uni, au Canada et aux Etats-Unis. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé que l'espace aérien européen est depuis ce matin interdit à tous les avions russes,  compagnies aériennes civiles et cargos, Aeroflot en tête, et jets privés; que les médias de désinformation financés par le Kremlin dans l'Union européenne (la chaîne de télévision russe en cinq langues Russia Today et le site Internet Sputnic, toutes leurs filiales également) ne pourront plus diffuser sur le territoire de l'Union leur propagande. La guerre Est-Ouest n'est plus froide, elle est hybride; les cyber-attaques massives russes se propagent en ce moment au sein de nos institutions et sociétés. Le recours aux frappes nucléaires graduées, tactiques, à savoir, localement en Ukraine, stratégiques, de manière plus large en Europe, avec les énièmes menaces du jour du dictateur russe a pris un visage inquiétant; le personnage étant psycho-rigide, enfermé dans sa paranoïa, ce que certains experts traduisent par un aveu de faiblesse. Ce n'est pas plus rassurant. Poutine est-il devenu fou et hors contrôle ? Cynique et calculateur, à la poursuite de la restauration de l'empire et de l'affaiblissement des démocraties libérales, il cherche à nous impressionner, à nous terroriser, à nous voir lâcher l'Ukraine. C'est tout le contraire qui se passe, à l'inverse de son agenda systémique depuis 20 ans. La  fermeté occidentale est la réponse. Un jour, Poutine devra être traduit devant la Cour pénale internationale de La Haye pour crimes contre l'humanité, soit par contumace, si il se terre à Moscou, soit en sa présence, après sa capture par les Russes eux-mêmes, hypothèse plausible, quand on voit la montée des mécontentements sociaux et de l'opposition de nombreux Russes face à l'invasion de l'Ukraine. Le 27 février 2022.             

                                                          

 

Une infamie sans nom !

 

La Russie poutinienne a donc frappé et envahi l'Ukraine. La guerre totale que le dictateur russe mène au coeur de notre continent est aussi une guerre à l'Europe. Allons-nous rester les bras croisés face au martyr infligé au peuple ukrainien ? Comme l'Espagne républicaine en 1936, abandonnée par les démocraties européennes et écrasée par les phalangistes monarchistes et franquistes, l'Ukraine est aujourd'hui bien seule pour se battre contre l'ogre russe. Allons-nous laisser assassiner Volodymyr Zelensky, le courageux Président ukrainien, qui demeure à Kiev avec sa famille sous les bombardements, comme Salvador Allende, en 1973, qui préféra se suicider dans le Palais de la Moneda, plutôt que de céder à l'armée de Pinochet ? Le président et le gouvernement, le régime démocratique ukrainien sont la cible centrale de l'agression russe. Le but de Moscou est de les liquider et de les remplacer pour y installer des autorités fantoches à sa botte. Le 7 décembre 1941, la destruction de Pearl Harbor par l'aviation japonaise fut qualifiée par le Président Franklin Roosevelt "d'infamie". Le Japon le paya très cher. Le 24 février 2022, le nouvel empire russe a commencé à faire son sale boulot, détruire l'Ukraine, Etat de droit, indépendant et souverain, qui ne menaçait personne. Avec d'autres indignités (Tchétchénie, Syrie), l'annexion de la Crimée et l'occupation russe du Donbass depuis 2014, l'Occident a signifié clairement ceci au Kremlin: "Si la Russie envahit l'Ukraine, à part des sanctions (dont il reste à prouver l'efficacité), nous n'interviendrons pas !". Message reçu 5 /5. Par leur passivité, l'Union européenne, les Etats-Unis, les 30 pays de l'OTAN porteront devant l'histoire une responsabilité certaine devant cette tragédie, cette autre infamie. Le 25 février 2022. 

                                                            

                                    >Guerre en Ukraine:

      la débâcle diplomatique occidentale en Europe !

 

Cette nuit, Poutine a officiellement déclaré la guerre à l'Ukraine. L'armée russe a d'ores et déjà frappé les principales villes et infrastructures ukrainiennes (aéroports, bases militaires ...), dont la banlieue de la capitale; des explosions retentissent sur tout le territoire occupé, pendant que des cyberattaques massives s'en prennent aux sites gouvernementaux, institutionnels et bancaires ukrainiens. Les sirènes ukrainiennes retentissent sur tout le territoire et des dizaines de milliers de véhicules évacuent les villes. Pour aller où ? En Europe. La guerre hybride russe est en marche et ne s'arrêtera qu'avec une Ukraine défaite, "normalisée" ... 

 

Le Président Poutine, plus que jamais menteur et manipulateur, comme annoncé depuis plusieurs semaines par l'administration américaine, prend prétexte d'un soi-disant et fantasmatique "génocide" dans le Donbass à l'égard des populations russophones pour justifier une agression militaire dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences dramatiques. Le petit Tsar parle aussi de "dénazifier" et de "démilitariser" le régime ukrainien. En première ligne, le peuple ukrainien, pro-européen, qui aspire à un Etat de droit, victime de la folie d'un despote, dont les objectifs sont de "neutraliser" au long cours toute forme de souveraineté, d'indépendance et de démocratie de l'Ukraine. Cela pourrait être contagieux, pire aux yeux de Poutine et des siens que tous les variants des coronavirus réunis. 

 

Pendant ce temps, les diplomaties américaine et européenne sont humiliées et piétinées. Elles ont été crédules quand, de l'autre côté, il n'y avait que mépris. Tous les efforts du Président français, Emmanuel Macron, pour maintenir la paix, il faut bien le reconnaître, sont un échec cuisant, et cela, en pleine campagne présidentielle ... On ne peut pas lui reprocher d'avoir essayé, mais, a posteriori - c'est évidemment facile - on peut se questionner sur sa naïveté face à un kgbiste calculateur et foncièrement malhonnête. Les adversaires du président français ne manqueront pas de lui reprocher son penchant pour un dialogue plus que fragilisé, démonétisé. L'Occident est végétarien, la Russie carnassière ... 

 

Il va falloir pourtant réagir fermement, diplomatiquement et politiquement, à l'ONU et à l'UE, financièrement et économiquement, quitte, en adoptant des mesures de sanction sévères et massives, à nous affaiblir nous-mêmes économiquement, notamment sur les plans énergétique et, plus largement, commercial. Le renoncement à la mise en marche du gazoduc Nord Stream 2, l'exclusion de la Russie du système international d'échanges bancaires Swift ainsi que le ciblage d'individus proches du Kremlin, politiques, financiers, communicants/propagandistes, sont désormais en ligne de mire. Réponse de Poutine: "Ceux qui interféreraient dans l'opération spéciale en cours verraient une réponse qu'ils n'ont jamais connue". La menace à l'égard de l'OTAN est on ne peut plus claire ...

 

Peut-on aller plus loin ? L'Ukraine n'est pas membre de l'OTAN; son article 5, qui stipule qu'en cas d'agression d'un de ses membres, c'est l'ensemble du groupe qui se devrait d'intervenir et de venir au secours du pays agressé. Cette hypothèse ne concerne pas, pour l'heure, Kiev.

 

Si, par malheur, l'un ou plusieurs des pays est-européens membres de l'Otan devaient être touchés par des frappes russes, l'Alliance atlantique serait sur le pied de guerre. La folie du maître du Kremlin ouvre de fait la voie à un possible conflit majeur. 

 

Quoi qu'il en soit, les Occidentaux sont au pied du mur. Ils sont aujourd'hui dans l'obligation de resserrer davantage leurs rangs et de renforcer sensiblement, d'une part, leur soutien humanitaire, logistique et militaire aux Ukrainiens, sans présence de troupes au sol, d'autre part, d'accroitre sur le territoire européen, principalement dans les Pays baltes, la Pologne et la Roumanie, leurs moyens de défense face à une Russie agressive et imprévisible.

 

Avec une telle déclaration de guerre russe, une crise humanitaire d'ampleur se profile. L'Union européenne, les alliés, se doivent d'accueillir les millions de réfugiés ukrainiens qui ne manqueront    pas de demander asile aux pays voisins, Pologne en tête, ensuite à tous les Etats membres de l'UE. 

 

L'Europe est entrée dans une nouvelle ère, celle de l'instabilité géopolitique et économique, d'une tension extrême. Il faut le dire, nous sommes devant un fait accompli gravissime, une débâcle diplomatique européenne et occidentale, après celle de l'Afghanistan il y a quelques mois.

 

Depuis la Seconde Guerre mondiale, certains avaient oublié que l'histoire est tragique. Vladimir Poutine, depuis 20 ans, nous l'a rappelé et enseigné, avec un soin particulier. L'aveuglement occidental face à une stratégie expansionniste risque de se payer cher.

 

Les démocraties libérales sont face à un homme despotique et à un régime paranoïaque qui ont décidé, non seulement de frapper, d'envahir et de neutraliser l'Ukraine, mais encore, plus fondamentalement, de défier l'Occident pour le quel Poutine voue une détestation mortifère. Le dessein ultime est de redessiner l'architecture géopolitique européenne issue de la chute du Mur de Berlin et de l'effondrement de l'empire soviétique. Nous n'avons pas encore tout vu ... Le 24 février 2022.

 

 

               

                   >Asymétrie Est-Ouest, Poutine déclare la guerre,          

  l'Occident déclare sa réprobation, l'histoire n'a pas dit son dernier mot !

 

Il n’y a pas besoin d’analyse fouillée et longue pour savoir que la reconnaissance des deux républiques autoproclamées ukrainiennes du Donbass par Vladimir Poutine, ce 21 février 2022, constitue bel et bien une déclaration de guerre directe à l’Ukraine et indirecte à l’Union européenne. Après avoir assuré le matin au Président français, Emmanuel Macron, qu’il acceptait une rencontre avec le Président américain, Joe Biden, le soir même, reniant sa parole et ses engagements, il s’assoit sur les accords de Minsk, qui garantissaient le statut ukrainien du Donbass et une certaine stabilité géopolitique. Nous sommes donc entré dans un nouveau cycle dont personne ne connait l'issue.

 

L'obsession, la hantise de Poutine n'est pas une soi-disante menace et agression ukrainienne contre la Russie en cas d'adhésion à l'OTAN. C'est de voir à sa porte l'Ukraine devenir un Etat de droit, une démocratie libérale intégrée à l'Union européenne. Tout le reste n'est que propagande, mensonge et manipulation. Personne n'est dupe de l'objectif du Kremlin: empêcher cela à tout prix.  

 

A l'unisson, Bruxelles et Washington condamnent le coup de force. A Paris, le Président Emmanuel Macron a publié le communiqué suivant: "Le Président de la République condamne la décision prise par le Président de la Fédération de Russie de reconnaître les régions séparatistes de l'Est de l'Ukraine. Il s’agit clairement d'une violation unilatérale des engagements internationaux de la Russie et d'une atteinte à la souveraineté de l'Ukraine." Emmanuel Macron demande une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations-Unies ainsi que l'adoption de sanctions européennes ciblées. Devant les accusations délirantes de Poutine contre l'Ukraine, dont il n'a jamais accepté l'indépendance proclamée en 1991, "régime fantoche à la solde des Américains, corrompu aux mains de nazis" ... L'Elysée a parlé de paranoïa et de dérive. Doit-on s'inquiéter pour la santé mentale de Poutine ? 

 

Formellement, selon certains, il ne s’agit somme toute que d’une vilaine manière entre voisins et frères. Dans les faits, sur le terrain, nous sommes face à une agression militaire. Au nom d’un "maintien de la paix" dans les territoires ukrainiens pro-russes (annonce faite à Moscou peu après la reconnaissance), il faut s’attendre, dans les heures et les jours à venir, à une entrée en force de l’armée russe dans l’Est-Ukrainien, donc à une occupation du Donbass. Sans doute, dans un deuxième temps, à une annexion pure et simple de ces territoires à la "Grande Patrie". Plus tard, une invasion totale de l’Ukraine, Kiev comprise, n’est pas exclue. Les intentions réelles de Poutine se dessinent ...  

 

Le droit international, piétiné par le despote du Kremlin en Tchechenie, en Géorgie, en Syrie, en Crimée et en Ukraine - sans parler de l'élimination physique ou judiciaire de tout opposant - n’est pour lui qu’un ramassis de règles, droits et devoirs, juste bon pour les fragiles et naïves démocraties libérales. Pendant qu'il recourt à tous les dispositifs à sa main, politiques, diplomatiques, numériques et  militaires, l’Occident se contente pour l’heure - a-t-il le choix ? - de gesticulations diplomatiques et de menaces de sanctions "ciblées et proportionnées".  

 

Personne ne veut faire la guerre à la Russie. C’est une évidence. Pas plus les Etats-Unis, de plus en plus isolationnistes au-delà des camps démocrate et républicain, que l’Union européenne, puissance économique, certes, mais évanescente sur les plans politique et de défense. La propagande poutinienne ne cesse de prétendre que l’OTAN aurait des visées expansionnistes. Qui peut croire que les Occidentaux seraient partants pour une attaque contre l’ours russe ? No way ! Mais le simple fait de renforcer les lignes défensives des Etats est-européens, ex-glacis communiste sous la botte soviétique, par l’envoi de matériels et de soldats, notamment dans les Pays baltes et en Pologne, est un acte d’agression pour l'ex-colonel du KGB. L'art d'inverser les rôles et d'apparaître comme la victime.  

 

Si l’on comprend bien, pour plaire à Poutine, il faudrait laisser la Russie reconstituer par la violence l’empire soviétique et, dans le même temps, désarmer l’Europe ? Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que l’OTAN, dont Emmanuel Macron disait à juste titre, en décembre 2019, au temps de la catastrophique présidence Trump, qu’elle était "en état de mort cérébrale", lors de la crise ukrainienne, a vu se renforcer considérablement son unité et accroître sensiblement ses moyens de défense.

 

Et maintenant ? 

 

De manière bilatérale, dans les capitales, et multilatérale, à l'ONU et à l'UE, il faut acter, dans les déclarations et les actes des alliés occidentaux, l’agression russe à l’égard, non pas du seul Donbass, mais de l’Ukraine en tant qu’Etat souverain. Maintenir la voie du dialogue politique et diplomatique avec le Kremlin, mais parler et négocier avec des arguments autres que formels et virtuels. A savoir, aider politiquement, militairement et massivement l’Ukraine, sans envoi de troupes au sol. Sanctionner sévèrement financièrement et économiquement la Russie, certes, de manière ciblée et proportionnée, car il faut préserver, en vue d’autres développements possibles, des niveaux graduels de sanctions.

 

Celui qui ferait le plus de mal à Moscou - à n’y recourir qu’en cas d’invasion de l’Ukraine, car préjudiciable aussi aux économies des démocraties libérales - serait d’exclure la Russie du système Swift d’échange bancaire international en dollars, la privant de toute possibilité de ventes et d’achats commerciaux avec les pays occidentaux et davantage: Etats-Unis, Canada, les 27 de l’Union européenne, mais aussi Japon, Corée du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande ... 

 

Nord Stream 2 à l'arrêt ! 

 

Par ailleurs, après avoir hésité, l’Allemagne a fini par décider la suspension du gazoduc Nord Stream 2, projet stratégique pour Berlin comme pour Vladimir Poutine. Le coup d’arrêt, peut-être définitif, à ce chantier pharaonique a été donné par le Chancelier allemand, Olaf Scholz. "Nous devons réévaluer la situation, en particulier en ce qui concerne Nord Stream 2", a-t-il déclaré, lors d’une conférence de presse. Il a ajouté que le ministère de l’Economie allemand allait réexaminer le processus de certification compte tenu des actions de la Russie.

 

Le projet Nord Stream 2, chapeauté par le géant gazier public russe Gazprom et financé en partie par des compagnies énergétiques européennes, dont l’Allemand Uniper et le Français Engie, est censé permettre à la Russie de fournir à l’Allemagne deux fois plus de gaz tout en contournant l’Ukraine. Nord Stream 2 relie la Russie à l’Allemagne, via un tube de 1 230 kilomètres sous la mer Baltique, d’une capacité de 55 milliards de mètres cubes de gaz par an, sur le même parcours que son jumeau Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012.

 

Promu par le géant russe Gazprom, le projet, estimé à plus de 10 milliards d’euros, a été cofinancé par cinq groupes européens du secteur de l’énergie. Outre Uniper et Engie, la compagnie pétrolière autrichienne OMV, le producteur de gaz et de pétrole allemand Wintershall Dea et la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Shell font partie de ses financeurs.

 

L’Allemagne est au sein de l’Union européenne le principal promoteur du gazoduc pour l’aider à assurer la transition énergétique dans laquelle elle est engagée, tout en faisant de son territoire un hub gazier européen.

 

L’Ukraine craint de perdre les revenus qu’elle tire du transit du gaz russe et d’être plus vulnérable vis-à-vis de Moscou. Le Président, Volodymyr Zelensky, a demandé à nouveau ce matin l'arrêt immédiat du projet. Son chef de la diplomatie, Dmytro Kuleba, s’est félicité de la suspension "politiquement et moralement justifiée".  

 

Quant à la tectonique des plaques géopolitiques, l’asymétrie politique et militaire actuelle Est-Ouest est défavorable aux Occidentaux. Vladimir Poutine a marqué des points, cela ne fait aucun doute. Il peut s’en réjouir à court terme. A moyen et long termes, c’est moins sûr.

 

Par son agression contre une patrie du territoire ukrainien, en attendant la suite, il joue un jeu dangereux pour ses propres intérêts. En bon Russe, il connait parfaitement l'échiquier. Mais en sacrifiant ses pions, ses fous et ses tours, sa crédibilité personnelle, celle de sa diplomatie et la confiance des investisseurs, il pense qu'avec les seuls cavaliers et la reine, son armée et son oligarchie, il pourra préserver le roi, lui, le petit Tsar, et faire échec et mat. La stratégie est risquée, car les pertes engagées pourraient s'avérer plus conséquentes que prévu, en transformant ses pièces en dominos.    

 

D’une part, il s’aliène pour longtemps le peuple ukrainien, qui ne lui pardonnera pas de si tôt. Nul ne sait non plus comment les Russes eux-mêmes vont réagir, dont un tiers a des origines ukrainiennes, entre fierté de retrouver l’apparent lustre de l’empire stalinien et colère rentrée de voir leur pays s’engager dans une voie incertaine. Que diront les mères, épouses et soeurs quand des soldats russes seront rapatriés au pays en cercueils ? D’autre part, en affrontant ouvertement l’Occident, il se tire à tout le moins une balle dans le pied. Au-delà de la renaissance d’une certaine puissance militaire fort coûteuse, Vladimir Poutine sera plus tôt que tard dans l’obligation d’assumer politiquement un nouvel et durable appauvrissement social et économique de son pays. Il pourra toujours se tourner vers la Chine, protecteur gourmand, qui ne tardera pas à le vassaliser. L’histoire n’a pas dit son dernier mot.

                                                                    Le 22 février 2022.

 

 

 Pendant que Vladimir Poutine chevauche l'ours russe, Antony Blinken l'appelle à renoncer à la seringue de la guerre.  

               

                                 Poutine est dans la seringue,

                                   sait-il comment en sortir ?

 

Avant de se rendre en Allemagne, le Chef de la diplomatie américaine a fait un détour par New York pour s’adresser au Conseil de sécurité de l’ONU. Avec un message limpide et dramatique. A Bruxelles, le ton est tout autant inquiet, à l’Otan comme à l’Union européenne.

 

Attendu à Munich ce vendredi, Antony Blinken, le Secrétaire d’Etat américain, a opéré un détour par le siège des Nations-Unies à New York. Avant d’assister à la traditionnelle Conférence sur la sécurité, le Chef de la diplomatie étatsuniennes a reçu pour mission de la Maison Blanche de s’exprimer devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Les événements à Moscou et à la frontière ukrainienne justifient, pour le Président Joe Biden, un discours solennel, de ceux appelés à entrer dans les livres d’histoire. Depuis un mois, les Etats-Unis ne cessent d’avertir la communauté internationale des intentions belliqueuses russes envers l’Ukraine.

 

A Kiev, une cyberattaque massive a été l’œuvre de hackers russes, dont chacun sait qu'ils sont l'un des bras armés de Poutine. Aux frontières russe et biélorusse, 7.000 soldats russes sont arrivés en renfort, en plus des 150.000 hommes déjà déployés, en complète contradiction avec les déclarations fumeuses de Moscou, faisant état d’une amorce de retrait partiel … Dans la province ukrainienne occupée du Donbass, des barrages d’artillerie ont été échangés entre séparatistes locaux et troupes ukrainiennes. A Moscou, l’Ambassadeur-adjoint des Etats-Unis, Bart Gorman, a été expulsé sans préavis et sans raison avérée, alors que son visa soit valide et son mandat non expiré.

 

Invitant la Russie à dire clairement qu’elle ne prévoyait pas d’envahir l’Ukraine, Antony Blinken a averti que, "Dans les jours à venir, le monde se souviendra si cet engagement a été prononcé ou s’il a été rejeté. Nos informations indiquent clairement que les forces russes, troupes au sol, avions, navires inclus, se préparent à déclencher un assaut contre l’Ukraine dans les prochains jours", a ajouté le Secrétaire d’Etat, avant de détailler par le menu tous les scénarios possibles et les prétextes d’intervention manigancés par le maître du Kremlin, orfèvre en manipulations et coups tordus. 

 

Selon Antony Blinken, les prétextes à une intervention russe pourraient être "la découverte d’un prétendu charnier", l’usage réel ou simulé d’armes chimiques contre des populations russophones, la convocation d’un Conseil de sécurité nationale extraordinaire à Moscou pour ne pas laisser se dérouler de telles attaques sans réagir" ... Le Secrétaire d’Etat a énuméré les étapes prévisibles de l’engrenage : "Un barrage de missiles et de bombes, des cyberattaques massives contre les institutions ukrainiennes, précédant l’avancée de troupes russes vers des cibles clés pré-établies dans le détail par l’Etat-major russe, y compris la capitale ukrainienne, avec ses 2,8 millions d’habitants".

 

« Je suis ici aujourd’hui non pas pour déclencher une guerre mais pour en prévenir une", a poursuivi le Secrétaire d'Etat américain. "Les informations que je vous ai présentées sont validées par ce que nous voyons se produire sous nos yeux depuis des mois. Nous avons averti le gouvernement ukrainien de tout ce qui est sur le point de se produire. Ici, nous exposons tout cela avec un luxe de détails, dans l’espoir qu’en le partageant avec le monde, nous pourrons influencer la Russie, la convaincre d’abandonner le chemin vers la guerre et choisir une autre voie". Le Chef de la diplomatie américaine a proposé à son homologue russe, Sergueï Lavrov, une nouvelle rencontre en Europe, en vue d’un Sommet entre leaders .

 

"Durant la nuit de mercredi à jeudi (dernier), après une série de conversations entre la Maison Blanche, le Conseil de sécurité nationale et le Département d’Etat, j’ai demandé au Secrétaire Blinken de venir parler directement devant le Conseil de sécurité des Nations-Unies au sujet de la situation sérieuse en Ukraine", a expliqué la Représentante américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield. "Notre but est d’exposer la gravité de la situation. Les preuves sur le terrain indiquent que la Russie s’achemine vers une invasion imminente. C’est un moment crucial. C'est pourquoi le Secrétaire d’Etat s’est rendu à New York pour exprimer notre pleine implication diplomatique, dans le but de trouver et d’appuyer un chemin vers la désescalade et d’exposer au monde que nous faisons absolument tout ce qui est en notre pouvoir pour prévenir une guerre".

 

Avant Antony Blinken, le Vice-Ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Verchinine, avait vertement accusé Kiev de refuser la mise en œuvre des accords dits de Minsk de 2015, censés ramener la paix dans le Donbass, " à commencer par le cessez-le-feu".

 

Moscou a par ailleurs répondu jeudi aux propositions de dialogue émises fin janvier par les Occidentaux. Celles-ci répondaient à l’ultimatum lancé par le Kremlin en décembre. La Russie repousse l’offre de l’Ouest et réitère ses exigences : "Fin de l’élargissement de l’Otan, désarmement des Alliés de l’Est". Et Moscou d'appuyer sur la menace : "En cas de refus, la Russie sera forcée de réagir » … notamment par la mise en œuvre de mesures à caractère militaire et technique". Rappelons que désormais 150.000 hommes lourdement armés, sur terre, air et mer, sont aux portes de l'Ukraine. 

 

Vladimir Poutine sait-il où il veut aller et jusqu'où il peut aller sans entrainer l'Europe, le Canada et les Etats-Unis dans un conflit aux conséquences multiples et imprévisibles ? En cas d'invasion de l'Ukraine, avec préalablement la reconnaissance russe des deux républiques autoproclamées du Donbass, puis leur occupation, le pire serait probable. Bien sûr, pour les Ukrainiens d'abord. Ensuite, pour la Russie elle-même et le peuple russe, qui n'en demande pas tant à son despote. Car la réaction occidentale, selon les déclarations des chefs d'Etat concernés, sera commune, rapide et massive, sur les plans politique, diplomatique, financier et économique.

 

En ce cas, il ne se passerait pas un mois avant que la Russie ne soit asphyxiée, avec notamment son exclusion du système bancaire d'échange international Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), la rendant incapable de procéder à toute opération commerciale d'achat et de vente avec l'Occident. Les déplacements, les avoirs et les biens des proches du Kremlin et des oligarques seraient interdits et confisqués. Quant au gaz russe, l'Union européenne, avec une Allemagne prudente, vu sa dépendance en la matière, a pris désormais ses dispositions afin, le cas échéant, de pouvoir s'en passer, ce qui ouvrirait la voie au gaz de schiste américain.    

 

Le message est aussi à destination du Président chinois, Xi Jinping, même si le rapport de force est tout autre - la Chine est une hyper-puissance dominante, ce qui n'est pas le cas de la Russie - en cas d'invasion de Taïwan. Nul doute que l'autocrate de Pékin regarde en ce moment avec le plus grand soin la géopolitique européenne, les actes et postures des uns et des autres. En cas de sanctions renforcées occidentales, la Chine n'hésitera pas à aider la Russie, dès lors dans ses mains. Tout cela explique que les Occidentaux se montrent si unis et si fermes face à la menace russe, en tout cas, dans leurs déclarations.   

 

Si, par malheur, dans son élan, Moscou voulait pousser son avantage provisoire jusqu'aux Pays baltes, voire la Pologne, alors, vraiment, la Troisième Guerre mondiale serait déclarée, car d'autres Etats, comme l'Australie, le Japon et la Corée du Sud ne pourraient rester les bras croisés face à l'expansionnisme russe. Le petit Tsar est dans la seringue, sait-il comment en sortir, avec les honneurs ou pas ? Espérons qu'il optera pour la raison, ce qui n'est plus sa qualité première. Le 18 février 2022.

                                                                               

 

 

  Les deux tables des rencontres symbolisent parfaitement ce qui sépare la Russie de l'Europe et unit l'Union à l'Ukraine.  

 

>La menace Poutine, le "pragmatisme" d’Emmanuel Macron ! 

 

Nul n’ignore désormais que Vladimir Poutine, la grenouille du KGB, aux velléités aussi grosses que la synthèse du Tsar Nicolas II et du Secrétaire général du Parti communiste, Joseph Staline, a voulu mettre ses pas dans ceux de ses sinistres prédécesseurs, après l’humiliation de la chute du Mur de Berlin, en 1989, et l’effondrement de l’empire soviétique. En digne croisé de l’orgueil russe, convaincu d’appartenir à une lignée slave et chrétienne appelée à jouer un rôle majeur dans l’histoire, depuis 2008, où il n’était que premier ministre, et surtout 2012, année de son accession à la présidence, il n’a eu de cesse de vouloir restaurer l’honneur et la puissance de son pays. Mais le chemin qu'a choisi le Président à vie russe est très périlleux, tant pour la stabilité de l'Europe que pour ses propres intérêts.  

 

On ne peut pas dire qu’il a réussi le pari du retour gagnant, si ce n’est sur le plan de la propagande, où il excelle, de l’élimination de toute forme d’opposition, qu’il soigne particulièrement, et de coups de force militaires. Ses interventions sanglantes en Tchétchénie, en Syrie, en Biélorussie et en Ukraine, où il n’a pas hésité à annexer la Crimée, témoignent de ses ambitions restauratrices. Ses sbires sont  présents dans le Donbass, à l’Est de l’Ukraine, ainsi qu’en Afrique subsaharienne, où les mercenaires du groupe Wagner, anciens soldats russes, proches du Kremlin, confortablement rétribués, protègent les intérêts bien compris de certains potentats régionaux, en Libye, au Soudan, au Mozambique, en République Centre Africaine et au Mali. Le nouveau Tsar envoie un message: Russia is back !

 

Vraiment ? 

 

La Russie est un nain économique, au PIB équivalent à celui de l’Espagne, un régime despotique, qui se sert sur la bête gazière et pétrolière. Un régime incapable, depuis 30 ans, de diversifier ses forces productives, de déposer des brevets performants et de s’arrimer à la révolution technologique et des services. Il lui reste le conglomérat militaro-industriel, qui voit Poutine lui-même, les oligarques et une caste de nouveaux riches se remplir les poches considérablement, pendant que le peuple russe, après quelques années de mieux, c'est vrai, s’appauvrit jour après jour. La misère, ça, il connait. 

 

Le pouvoir russe et ses nantis actionnent nombre d'outils, pas seulement défensifs, pour impressionner, pour déstabiliser et pour affaiblir, pour renverser si possible la table des démocraties occidentales, notamment lors des échéances électorales, comme les présidentielles aux Etats-Unis et en France. C'est ainsi qu'aux côtés des forces militaires classiques, terrestres, aéronavales et aériennes, des services de renseignement du FSB (ex-KGB) du GRU (armée) sont ainsi venues se joindre la cybercriminalité et le spatial offensif, c'est-à-dire agressif et destructeur, sans oublier le soi-disant soft power, qu'ils manipulent au travers les nombreux relais et alliés actifs au sein même des pays libéraux. Mais tout cela ne tient que par la manne des énergies fossiles, un jour épuisée, à la corruption ainsi qu'à un régime de terreur sur les libertés publiques. Nul doute que cela aura une fin.     

 

Depuis la disparition de l’URSS, côté occidental, l’OTAN a vu grossir ses rangs, avec l’arrivée de la Pologne, des Pays Baltes, de la Hongrie, de la Roumanie, de la République tchèque et de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Croatie, de la Macédoine du Nord, du Monténégro, de l’Albanie, de la Bulgarie, tous pays désireux de se mettre sous protection du parapluie américain et, dans une moindre mesure, européen, et de rejoindre la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique etc.

 

Après avoir vécu 44 ans sous la botte de l’Armée rouge, en Etats souverains, les pays nouvellement libres ont choisi leur camp. C'était leur droit. Cela n’a évidemment pas plu au maître du Kremlin, qui a avalé sa chapka à chaque adhésion supplémentaire. En 2014, aux yeux de Poutine, l’annexion de la Crimée, sans grande réaction de l’Europe et des Etats-Unis, puis l’occupation partielle en Biélorussie et en Ukraine, ont constitué un premier cran d’arrêt au processus d’intégration à l’Union européenne et à la Communauté atlantique des anciens pays de l’Est.

 

Moscou souhaite maintenant faire valoir sa ligne rouge. A savoir, un refus intransigeant de voir l’Ukraine, peut-être d’autres ensuite, passer sous pavillon otanien et européen. Le Président russe considère l’Ukraine, au territoire anciennement sous contrôle russe, mais désormais Etat indépendant depuis 1991, comme sa chasse gardée, son pré-carré, son arrière-cour. C’est évidemment faire fi de la souveraineté de son voisin slave, qui, en tant que tel, a tout de même le droit de choisir son destin, ses alliances et ses appartenances. Pour la Place Rouge, c’est niet. Pour Washington et les capitales européennes, Paris et Berlin réunis, la volonté de ne pas reconnaître la liberté de l’Ukraine est une autre ligne rouge, d’autant que l’article 4 de l’OTAN stipule qu’il peut y avoir de porte fermée à l’entrée dans l’Alliance à tout Etat souverain qui souhaiterait intégrer la communauté.

 

C'est une question d'Etat de droit, de valeur politique et de concept juridique, totalement étrangers à Moscou comme à Pékin. Ces deux régimes sont à la tête d'Etats qui n'ont jamais connu la démocratie. Ils ne s'en plaignent pas, que du contraire. Si le temps est pour eux et leurs semblables au libéralisme économique, sans foi ni loi, en revanche, l'époque chaotique qu'ils espèrent et génèrent n'est plus à la démocratie libérale décadente, faible et obsolète. Elle est à leur image: glaciale et impériale.       

 

125.000 soldats russes, lourdement armés de chars, de transports de troupes, d'avions, de navires, de canons et missiles, sont positionnés depuis plusieurs semaines aux frontières russo-ukrainiennes, biélorusso-ukrainiennes et criméo-ukrainiennes, à travers la Mer d'Azov et la Mer Noire. Comme un encerclement par hémicycle géo-stratégique. Face à la menace d’invasion, Kiev a requis l’aide occidentale. Elle est venue des Etats-Unis, du Canada et du Royaume-Uni, avec l’envoi d’armes de guerre adaptés au terrain, sans présence militaire - ce serait un casus belli pour Moscou - et la solidarité, pour l'heure, diplomatique, des Etats européens. Vladimir Poutine s'est empressé de montrer au monde son rapprochement (gazier) avec l'ogre chinois, en la personne du Président dictateur Xi Jinping, qui a reçu le Président russe récemment; exercice de musculation oblige ... 

 

Le Président français, Emmanuel Macron, qui n’a jamais voulu rompre le dialogue avec la Russie et qui préside le Conseil des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne depuis le 1er janvier, s’est rendu à Moscou le 7 février dernier. Il y a rencontré son homologue russe. La très longue table qui les opposait plus que de les réunir en dit long sur le gouffre qui sépare l’Ours russe des Occidentaux. Il est certain qu’une telle initiative était nécessaire mais risquée. Vladimir Poutine pourrait à tout moment la réduire à une gesticulation française et européenne sans lendemain ... 

 

Mais le Président français, en audacieux qui ne recule pas souvent devant l’obstacle, qui veut sa place dans les manuels d’histoire, ne semble pas prisonnier des calculs tactiques et cyniques de Vladimir Poutine: " Emmanuel Macron est entré au Kremlin en déclarant qu’il ne fallait pas attendre de miracle ; et il en est sorti six heures plus tard …sans miracle. Mais ces six heures d’entretiens et la conférence de presse nocturne qui s’en est suivie nous en disent long sur ce qui se joue dans cette crise périlleuse aux confins orientaux de l’Europe ", dixit Pierre Haski, spécialiste en géo-politique sur France Inter. Dans la foulée de la rencontre franco-russe, Emmanuel Macron, dès le lendemain 8 février, est allé à Kiev, afin de faire le point avec le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky et lui signifier la solidarité de la France et de l’Europe. Ce fut aussi l’occasion pour échanger avec le Président polonais, plus que préoccupé et pour cause, Andrzej Duda.

 

L’objectif d’Emmanuel Macron, en pragmatique qu’il est, on l’oublie souvent, était avant tout d’entamer « simplement » un processus de désescalade de la tension. Selon lui, sans toutefois se faire trop d’illusions sur les intentions réelles du nouveau Tsar, il aurait réussit à entrouvrir la porte d’un dialogue visant, à terme, à négocier un accord entre la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne, en associant à cet ambitieux objectif le Président américain, Joe Biden, dans l’espoir, en même temps, qu’il ne jette pas trop d’huile sur le feu qui couve.   

 

Les Etats-Unis, première puissance militaire mondiale et leader du monde libre, ont été et sont intimement liés par le contenu des discussions en cours. C’est évidemment un euphémisme, quand on sait la volonté de Moscou de négocier avec Washington par-dessus la tête des Européens. C’était précisément un des autres buts de la démarche française: remettre l’Europe, très concernée par les événements, c’est le moins qu’on puisse en dire, au coeur des pourparlers. La suite nous dira si la volonté du Président français sera satisfaite ou non. Vladimir Poutine, joueur d’échecs, qui ne comprend que le langage de la force, a bien sûr en mains des cartes décisives. Il le sait et en profite. Les semaines à venir nous donneront une réponse, on peut le craindre, sans doute pas définitive. 

 

En cas d’invasion de l’Ukraine, il ne faut pas s’attendre à voir les forces de l’OTAN se déployer en Ukraine et entrer en guerre avec la Russie. C’est totalement exclu. En revanche, il est certain que les conséquences politiques, financières et économiques, pour le Kremlin, Poutine en personne, ses proches, sa garde rapprochée d’oligarques corrompus et même le peuple russe, seront massives et désastreuses. Le gazoduc North Stream II, qui devrait approvisionner l’Europe, surtout l’Allemagne, fera sans aucun doute les frais d’une éventuelle attaque russe contre l’Ukraine. Pas sûr que l’opinion publique de Moscou à Vladivostok, certes muselée mais pas sans voix, apprécie le retour à la maison de nombreux cercueils de leurs fils, frères ou époux et voient leur niveau de vie davantage se dégrader par l’aventurisme de leur président. Pas sûr du tout. Le 11 février 2022. 

 

 

                                   Par les mains jointes de François Mitterrand et Helmut Kohl, tout est dit.

  

"J'ai été, je suis et je reste un partisan convaincu de ce qu'on appelle "l'Europe supranationale", c'est-à-dire une Europe organisée de telle façon qu'en fin de compte, lorsque les discussions aussi complètes que possible ont eu lieu et que l'on doit prendre une décision, cette décision soit prise à la majorité, afin d'éviter les impasses." Paul-Henri Spaak.

 

                                                             20 novembre 1961. Paul-Henri Spaak, alors Secrétaire général de l'OTAN,

                                                  rend visite au président américain, John-Fitzgerald Kennedy. Maison-Blanche/Washington. 

 

 

    A gauche, l'un des six sous-marins nucléaires français non-exportables, contrairement, à droite, aux conventionnels.  

         Le 16 juillet, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, exprime la colère de la France. 

 

    La leçon australienne aux Européens !

 

En 2016, sous la présidence de François Hollande, l’Australie signait un contrat d’achat de 12 sous-marins conventionnels à propulsion diesel pour un montant de 56 milliards d’euros. Une signature qui valait de l’or et plusieurs années de travail pour l’entreprise française Naval Group, un super coup géopolitique de la part de la France dans une région du monde où elle n'a pas toujours été considérée par les locaux et les grandes puissances à sa juste place. 

 

Depuis cinq ans et ce, jusqu’au mois de juillet dernier, Canberra n’a cessé de confirmer sa commande auprès de Paris, malgré quelques interrogations sur les délais de livraison. Le choix du conventionnel de la part de l’Australie était fondé sur le rejet du nucléaire, aux côtés de l’allié historique néo-zélandais. De plus, la France a pour doctrine de ne pas mettre à disposition de ses partenaires et clients son savoir-faire nucléaire militaire. 

 

De très mauvais souvenirs remontaient à la surface lorsque la France, dès 1966, sous De Gaulle, procédait à des essais atomiques sur ses atolls polynésiens. Pompidou et Giscard les poursuivront, Mitterrand aussi, mais, en 1991, il décide d’un moratoire que Chirac s’empressera d’interrompre en 1996. Après de multiples contestations et oppositions internationales et nationales, les essais français seront définitivement stoppés en 1998, avec le démantèlement des installations françaises dans le Pacifique.

 

Le sabordage à Auckland, en 1985, par les services français de la DGCE du Rainbow Warrior de Greenpeace, avec la mort d'un militant écologiste portugais, n'a rien arrangé à l'image de puissance arrogante et importune que la France traîne dans cette partie du monde.   

 

Quoi qu'il en soit, il y a deux jours, l’Australie a annoncé sans préavis la rupture du contrat d’achat de 2016 des sous-marins français. Derrière ce coup de force unilatéral, il faut voir la main et la pression américaine de Joe Biden, digne successeur en ce domaine de Donald Trump. Une décision plus que « regrettable », un « coup dans le dos », une « attitude insupportable » : la réaction française est à la hauteur du dépit et des attentes placées dans le partenariat stratégique avorté avec l'Australie. 

 

Après le sale coup de l’abandon précipité et improvisé de Kaboul et de l’Afghanistan, dont on a vu les effets dramatiques sur la population afghane avec l’arrivée concertée par Washington des Talibans au pouvoir, voilà Joe Biden en effet dans les pas nauséeux de Donald Trump. L’Union européenne est désormais un partenaire de seconde classe dans la stratégie étasunienne, obsédée, jusqu’à l’indécence, par la puissance chinoise, y compris en détruisant sciemment toute relation de confiance.

 

 « Nous avions établi avec l'Australie une relation de confiance. Cette confiance est trahie », a lancé le ministre Le Drian, lui qui avait conclu le « contrat du siècle » lorsqu'il était ministre de la Défense de François Hollande. « C'est vraiment, en bon français, un coup dans le dos », s'est indigné le chef de la diplomatie française. Au même moment, la ministre des Armées, Florence Parly, déplorait « une très mauvaise nouvelle pour le respect de la parole donnée » une décision « grave » en matière de politique internationale.

 

Camberra doit s’attendre de la part de Paris à l’ouverture d’une procédure juridique dure et de longue haleine auprès des instances internationales de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Washington doit comprendre que le dialogue transatlantique va changer de ton et de fond. Londres, qui pérore aujourd’hui, ne peut espérer des Européens qu’une amitié ternie par ses revirements et ses coups bas.

 

Au soir de ce 17 septembre, le Quai d'Orsay annonce le rappel à Paris des ambassadeurs français en poste à Washington et Camberra pour consultation. Un geste fort dans les codes diplomatiques, qui montre à quel degré d'exaspération le président Emmanuel Macron et le gouvernement du premier ministre Jean Castex en sont arrivés après les mauvaises manières d'alliés, dont on cherche en vain la fidélité et la fiabilité. 

 

Le revirement australien est donc tout profit pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, désormais scellés dans un nouveau partenariat pour faire face à l’influence grandissante de la Chine dans la zone indo-pacifique. Cette alliance est baptisée AUKUS (acronyme pour Australia, United Kingdom, United States), réinvention de l’ancienne ANZUS, forgée en 1951, de dimension éminemment politique, de sécurité et économique. De fait, l'Australie se met ainsi totalement sous la coupe américaine.  

 

La France a été traitée dans cette affaire comme quantité négligeable. Est-ce ainsi que les Etats démocratiques agissent entre eux ? Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a exprimé sa « colère » et son « amertume ». C’est un euphémisme diplomatique pour signifier prioritairement au président Biden, accessoirement aux premiers ministres britanniques, Boris Johson, et australien, Scott Morrison, que cette trahison ne resterait pas sans conséquences.  

 

Le face-à-face Etats-Unis/Chine est maintenant inscrit dans un cycle long, qui n'aura d'aboutissement qu'avec l'affaiblissement durable de l'un des deux protagonistes, guerre froide ou guerre chaude comme marqueur historique. Les Européens, alliés d'une grande démocratie, sont évidemment aux côtés des Américains. Mais ils n'ont pas à devenir leurs supplétifs et leurs vassaux dociles. La relation avec Washington va donc changer de registre. Dans le même temps, à l'échelle continentale, les Européens, qui devraient exprimer à la France leur solidarité, ont à proposer à Pékin - concurrent souvent déloyal en matière commerciale - une autre manière de coopérer.

 

Ne nous faisons aucune illusion, la Chine, dictature communiste et acteur capitaliste majeur, a décidé d’étendre son influence et son pouvoir bien au-delà de son pré-carré historique. Il nous faut donc créer avec elle une relation différente, basée sur le respect mutuel, la vigilance sécuritaire, la fermeté politique, quand elle est nécessaire, et des échanges économiques équitables. Fini la naïveté. 

 

La confrontation directe, voire agressive à la sauce américaine ne peut être notre réponse à  l'hégémonie chinoise. Une deuxième voie est possible et souhaitable, sans pour autant rompre nos liens historiques transatlantiques. Le concept de longue durée n'a que trop tardé dans les analyses, paroles et actes d'une Union européenne bien trop timorée en la matière.

 

Pour l'heure, il n'est pas question pour les Européens, pour la France, de quitter l'OTAN. Il est question de favoriser à terme l'émergence d'un nouveau paradigme; celui d'une autonomie stratégique de sécurité, d'une boussole indépendante, à savoir une autorité de commandement militaire propre à l'Union européenne, si pas à l'ensemble des Vingt-Sept - certains pays à l'Est et au Nord auront sans doute du mal à s'émanciper du cordon ombilical américain - du moins à tous les Etats candidats pour une intégration qui n'aura d'autre objectif que le passage à l'acte d'une souveraineté commune. 

 

Les trahisons de Barack Obama en Syrie, en 2013, permettant à l'Etat islamique de prospérer au Levant, et de Joe Biden en Afghanistan, en 2021, invitant les Talibans à prendre le pouvoir à Kaboul, dans les deux cas, sans aucune concertation avec leurs alliés, devraient agir sur les capitales européennes et l'Union européenne comme des révélateurs d'un isolement géopolitique grandissant.

 

Face à la Chine, l'Inde, la Russie, la Turquie et les Etats-Unis, sous peine de voir de son vivant son effacement des livres d'histoire, l'Europe, au pied du mur, se doit maintenant de se doter des outils politiques, juridiques et militaires indispensables à sa souveraineté et à sa puissance. Une Europe de la Défense n'est plus une chimère, encore moins un tabou. Ce ne sera pas néanmoins un chemin facile.

 

La France prendra la présidence de l'Union le 1er janvier prochain. Nul doute qu'Emmanuel Macron, plus que probable candidat à sa succession en avril 2022, en fera l'une de ses priorités. Le départ d'Angela Merkel, après 16 années de présence stable à la tête de l'Allemagne, et le choix de son ou de sa successeur(e), seront déterminants dans l'échec ou la réussite des ambitions européennes du président français, sa réélection aussi évidemment.  

 

Les mouvements tectoniques auxquels nous assistons et que nous subissons, plus sensibles que jamais, ne datent pas d’hier. Sous Bill Clinton et Barack Obama, le regard de Washington se tournait déjà davantage vers le Pacifique et les intérêts bien compris de l’Oncle Sam passaient et passent toujours, on le voit, par perte et profit ceux d’une Europe à ses yeux secondaire. Trump a accéléré le tempo grossièrement, Biden lui donne maintenant une assise systémique.    

 

On peut donc légitimement se poser la question de savoir quel est désormais le poids réel d’un allié ainsi ignoré et aussi méprisé ? La France, en première ligne, et l'Europe, plus largement, doivent impérativement tirer tous les enseignements d'une leçon australienne trop amère.

                                                                   Le 17 septembre 2021.

 

 

                             >L'après-Brexit est balisé, certes, 

         mais nous ne sommes pas à l'abri d'embûches de Noël  !

 

                                                                            Par ici la sortie …

 

 

Nous y sommes, une fois le divorce consommé, après le vote majoritaire pro-Brexit il y a quatre ans et demi, un accord a été conclu en ce 24 décembre 2020. Nous connaissons à peu près le type de relations que l’Union européenne et le Royaume-Uni entretiendront désormais. Un no-deal eut été catastrophique pour les deux parties, davantage pour Londres; 50% de ses exportations commerciales sont destinés au marché intérieur européen, tandis que les importations du continent en provenance de la Grande-Bretagne pèsent 10% et ses exportations vers l'Outre-Manche, 7% du total européen. 

 

Les négociations furent longues et pénibles, mais le résultat est là. Il ne contentera pas tout le monde – dans tout compromis, il y a toujours une part de concessions, pas toujours également répartie, selon le rapport de forces – Le 1er janvier 2021, soit la semaine prochaine, il ne devrait pas y avoir de graves perturbations aux frontières. Enfin, espérons-le. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, est apparue satisfaite, tout comme le premier ministre anglais, plus expansif, Boris Johnson, lors d'une conférence de presse tenue hier après-midi : « Cet accord pose les fondations solides d’un nouveau départ avec un ami de longue date », a dit Ursula von der Leyen. On verra. 

 

Michel Barnier, le négociateur en chef des 27, n’a pas caché sa déception, car pour lui, bien qu'heureux d’avoir pu trouver à temps un accord, il a regretté que le Royaume-Uni ait choisi de quitter l'Union. Pour lui, "c'est perdant perdant". Il a déploré que Londres ait choisi de ne plus prendre part au programme Erasmus d’échanges d’étudiants, probablement le meilleur existant de l’Union européenne : « Il n’y a pas de gagnant dans cette affaire », comme pour rappeler à chacun que derrière une victoire de circonstance, fort importante il est vrai, se cachait une défaite historique. 

 

L’accord garantit en tout cas zéro taxe douanière et zéro quota relatifs aux produits (marchandises et services), qui peuvent entrer dans l’Union européenne. Pour les produits phytosanitaires, le Royaume-Uni sera considéré comme un partenaire étranger: « Chaque animal vivant entrant sur le territoire de l’Union devra être individuellement inspecté par un vétérinaire ».  

 

Les Britanniques, la City de Londres en particulier, peuvent se réjouir que l’accord n’inclut pas les services financiers. Ainsi, les traders pourront continuer à déréguler la planète en toute impunité pour enrichir les spéculateurs. La Commission européenne choisira unilatéralement d’attribuer des décisions d’équivalence industrie par industrie (assurances, services bancaires). Pour toute reconnaissance d’équivalence, il faudra que la Commission juge celle-ci équitable au regard des directives et dispositions européennes. Pas d’accord non plus, exigence londonnienne, en matière de politique étrangère, de développement et de défense, même si dans le cadre de l’Alliance atlantique les partenariats existants demeureront ... jusqu’à nouvel ordre. 

 

Le dossier de la pêche dans les eaux territoriales britanniques, sujet sensible sur les côtes française, hollandaise, danoise et belge, a bloqué longtemps les discussions. Bien qu’en volume économique la pêche ne pèse guère, pour Londres, sa charge symbolique, en termes de souveraineté, représentait, jusqu’à hier, une ligne rouge. Celle-ci est pourtant franchie, car désormais, les marins pêcheurs européens pourront continuer à jeter leurs filets au large des îles britanniques à concurrence d’un volume de 75% de ce qu’il était jusqu’ici. Avant-hier encore, l'exigence britannique était de 25%. Il y a aussi un accord sur les espèces de poissons pêchés. Ce deal est prévu pour 5 ans, jusqu’au 31 mai 2026. Ensuite, tout accord sera négocié annuellement. Reste à voir ce que penseront les professionnels de la mer des deux côtés du Channel …  

 

Une grande inquiétude en Europe continentale était de ne pas voir le Royaume-Uni se transformer aux portes de l’Union en un « Singapour sur Tamise », à savoir une puissance économique sans autre règle commerciale que de déréguler et de promouvoir un dumping économique tous azimuts. L’Union a veillé à ce qu’il n’en soit rien. Afin d’assurer une « concurrence loyale et équitable », Londres et Bruxelles ont conçu « le système le plus avancé qui soit ». Si une entreprise européenne considère qu’une aide d’Etat illégale a été accordée à une de ses concurrentes, elle peut s’adresser à un tribunal national ou à la Commission. En cas de concurrence inéquitable, celle-ci pourra prendre des mesures unilatérales, pour autant que le dossier ne puisse être réglé dans un cadre bilatéral. Chose importante à retenir, Londres a obtenu que les instances juridiques européennes d’arbitrage ne puissent intervenir et condamner une société britannique. En cas de désaccord persistant, une instance juridique indépendante et paritaire devra trancher. Les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), réservées aux conflits commerciaux en général, ne devraient donc pas s'appliquer entre les deux entités. 

 

Un autre pilier de la négociation était les « standards » sociaux, environnementaux, alimentaires … Un principe est acquis : il ne pourra y avoir de la part des Britanniques de régression en ces domaines. L’accord est juridiquement contraignant. Une close stipule cependant que si il devait y avoir à l’avenir divergence de normes, l’Union pourra revoir les conditions d’accès à son marché intérieur et vice versa. C'est le prix à payer pour bénéficier, sans entrave fiscale supplémentaire, du grand marché intérieur européen de 450 millions de consommateurs et du marché britannique. 

 

Les Européens continentaux peuvent se réjouir de voir qu’il n’y aura pas de nouvelle frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, barrière matérielle qui aurait eu des conséquences dramatiques pour la paix en Ulster. Concernant Gibraltar, un accord spécifique prévoit que les Espagnols pourront toujours y accéder sans passeport. La règle générale fixée sera que tout citoyen voulant entrer en Europe ou en Grande-Bretagne devra désormais présenter une demande en bonne et due forme, à savoir, muni d’un passeport et d’un visa. Une procédure de contrôle est prévue également pour les demandeurs d'emploi. Du côté écossais, c’est la soupe à la grimace. La première ministre, Nicola Sturgeon, ne l’a pas caché. Les Ecossais ont voté majoritairement contre le Brexit et les voilà hors de l’Europe. Un nouveau référendum sur l’indépendance n’est pas à exclure d’ici trois ans. En cas de oui, il ne sera pas simple pour Edimbourg de retrouver le chemin de l’Union sans en passer par une longue et difficile période de transition. Le cas pourrait faire école ...

 

L’accord sera appliqué provisoirement et probablement jusqu’au 28 février, avant son entrée en vigueur. Il s’agit d’éviter la pagaille aux premières heures de 2021, comme un exercice de répétition générale qui, dès le 1er mars, entérinera rétroactivement l’accord à la date du 1er janvier 2021. Précisons tout de même que si les surtaxes s'envolent, les contrôles des marchandises, sans doute aléatoires, et des voyageurs en provenance du Royaume-Uni ou du continent vont s'étendre à tous les points de passage. Les services de police et de douane ne vont pas chômer.  

 

Vu les délais, le parlement européen ne pourra pas étudier l'accord d’ici la fin de l’année, ce qui ne sera pas le cas de l'assemblée de Westminster, qui se réunira le 30 décembre. Le président David Sassoli a déclaré qu’il agirait « de manière responsable » pour que ses parlementaires puissent faire leur travail rapidement en 2021. Les 27 gouvernements européens devront aussi ratifier ou non - ce qui est peu probable - le texte volumineux. Il est à noter que les parlements nationaux et régionaux ne seront pas obligatoirement associés à la ratification.

 

Bien sûr, il faut saluer l'accord, sans lequel les entreprises et les emplois auraient grandement souffert. Il va sans doute éviter le plus gros d'un chaos généralisé aux douanes respectives, avec des files de camions de plusieurs dizaines de kilomètres ... Sommes-nous totalement rassurés ? Non, car le diable, vous le savez, se cache dans les détails des 1246 pages d'un accord complexe, qui aura connu bien des vicissitudes. Dans le futur, les Anglais pourraient très bien tirer à nouveau les premiers ... et leur sortie négociée pourrait servir d'exemple pour d'autres Etats européens au nationalisme incontrôlé. Par ici la sortie, Mesdames et Messieurs les Britanniques. L'après-Brexit est balisé, certes, mais nous ne sommes pas à l'abri d'embûches de Noël. Le 25 décembre 2020. 

 

 

>L'Union européenne muscle ses objectifs climatiques !

 

 Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission, Charles Michel, président du Conseil, Angela Merkel, présidence tournante de l'Union.

 

"Il aura fallu de longues heures de discussions, mais l’accord est tombé ce vendredi matin. Les chefs d’État européens ont approuvé un relèvement de l’objectif climatique de l’Union pour 2030. Le chiffre de réduction des émissions domestiques de gaz à effet de serre passera d’au moins 40 % à « au moins -55 % » par rapport au niveau de 1990.

 

« Cela nous place sur le chemin de la neutralité carbone en 2050 », s’est réjoui la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. De son côté, le président Charles Michel a estimé que l’Europe confirmait qu’elle est « leader » sur le climat. L’accord est aussi qualifié d’« ambitieux » par le Premier ministre Alexander De Croo (VLD).

 

L’Union européenne sera le premier grand émetteur mondial à présenter officiellement un objectif révisé à la hausse comme le réclame l’accord de Paris conclu en 2015, il y a tout juste cinq ans. Ce sera fait samedi à l’occasion du douzième « sommet de l’ambition climatique » qui se tiendra de façon virtuelle à l’invitation du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.

 

Derrière le chiffre de l’engagement européen se cachent cependant quelques petites subtilités résultant d’un combat acharné pour arracher un compromis au terme de discussions très tendues entre les pays les plus ambitieux et les plus réticents – essentiellement les pays d’Europe centrale encore fortement dépendants du charbon.

 

D’abord sur le chiffre qui en cache d’autres. Selon la Commission européenne, même sans relèvement de l’objectif la trajectoire actuelle des émissions européennes dans les transports, l’agriculture, l’industrie, la production d’électricité, etc., mène déjà les Vingt-Sept à une réduction de 46 % en 2030. Une partie du chemin vers les -55 % est donc déjà réalisée. 

 

Par ailleurs, l’objectif est qualifié de « net » dans les conclusions du Conseil. Cela veut dire que le calcul de réduction des émissions prendra en compte l’impact positif des « puits » de carbone que sont les forêts et les sols. Si c’était déjà le cas, la trajectoire actuelle mène l’Europe à une baisse de 48 % de ses émissions. Grâce à cette aide bienvenue, l’Union relève donc son objectif de 7 %, pas de 15 %… Et si l’on retire les puits dont l’impact est incertain, l’objectif de -55 % pour 2030 représente en réalité une réduction des émissions réelles de gaz à effet de serre d’environ 50,5 %.

 

Autre élément de compromis accordé aux pays d’Europe centrale : les chefs d’État précisent que les nouvelles infrastructures au gaz, qualifié de « technologie de transition » seront éligibles à des aides européennes pour faciliter le passage à une production électrique plus propre. Pologne, Tchéquie, Hongrie, Bulgarie et Roumanie, ont exigé cette mention pour accepter de se mettre sur un chemin qui imposera la fermeture à terme des mines et centrales électriques au charbon. De même, ces pays ont obtenu la garantie de pouvoir inclure l’énergie nucléaire dans leur mix énergétique et de bénéficier d’un fonds résultant de la réforme du marché européen des permis d’émission de CO2 (ETS).

 

Autre porte restée entrouverte au terme d’une discussion où chaque État se soucie de ne pas trop en faire, témoigne une source proche de la réunion : la Commission est invitée à préciser la manière dont elle propose de réduire les émissions dans les secteurs sensibles, notamment non-industriels. Elle devra en cela suivre des directives reçues des chefs d’État, notamment en intégrant les notions de « coût-efficacité » et en réétudiant la question des « flexibilités » (deux demandes de la Belgique). Elle réalisera de nouvelles études d’impact. De quoi relancer des discussions délicates entre chefs d’Etat dans au premier semestre de l’année prochaine, dit)on à bonne source.

 

Les Chefs d’État se réjouissent de pouvoir bonne figure sur la scène mondiale en sortant avec un accord qui était loin d’être couru d’avance. Mais ce dernier est jugé insuffisant par les organisations de défense de l’environnement qui réclamait un chiffre de -65 %. « -55 % en 2030, cela représente au mieux une baisse annuelle des émissions de 5 %, estime Greenpeace. Or, les Nations unies estiment que les émissions doivent baisser de 7,6 % par an si l’on veut maintenir l’élévation de la température à 1,5ºC au cours de ce siècle ».

 

Même critique de la part d’Oxfam. Trop peu d’ambition, juge l’organisation. « Le nouvel objectif européen est insuffisant eu égard à ce qui est nécessaire et ce qui est juste. Il faut aller plus loin. » L’organisation rappelle que 10 % des Européens les plus riches sont responsables de plus d’un quart des émissions européennes. Le même rapport montre que les émissions des 50 % les plus pauvres en Europe ont réduit leurs émissions depuis 1990 alors que celles des 10 % les plus riches continuent à augmenter.

 

L’accord politique qui servira de base à l’annonce européenne au Sommet mondial doit encore être coulé dans une loi climat à adopter par les ministres de l’environnement le 17 décembre. Et approuvé définitivement ensuite au terme d’un « trilogue » incluant la Commission et le Parlement – qui a demandé une réduction de -60 %." Le Soir, le 11 décembre 2020. 

 

 

>Bonchoir Madame, bonchoir Mademoiselle, bonchoir Mecheu! 

 

VGE nous a quittés hier soir. Ainsi donc, Valéry Giscard d'Estaing aura été l'oxymore de la politique française. Pur produit d'une "France élitiste et d'héritage", comme l'écrit aujourd'hui Didier Rose, dans "Les Dernières Nouvelles d'Alsace", prisonnier d'une éducation aux allures prétentieuses, le "Kennedy français" aura été dans le même temps l'homme de la modernisation d'une société frileuse et vaccinée contre le spectre de changements radicaux, après l'épisode contrasté de Mai'68.

 

On ne parlait pas encore de problèmes sociétaux mais le fait est là. L'abaissement de l'âge du droit de vote à 18 ans, la création d'un secrétariat d'Etat à la condition féminine, le divorce par consentement mutuel, le droit à l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), la saisine du Conseil constitutionnel par 60 parlementaires, rendant ainsi davantage de pouvoir à l'Assemblée nationale et au Sénat, la création du Serpent Monétaire Européen (SME), matrice régulatrice de la future monnaie unique européenne, dont on mesure toute l'importance vitale et stratégique pour l'Union, tout cela aura participé d'un aggiornamento nécessaire d'une France qui manquait d'allant à l'arrivée de VGE à l'Elysée en mai 1974.

 

Giscard aura également incarné, face à la montée du chômage, si pas l'austérité, du moins la rigueur, avec la nomination à Matignon de Raymond Barre, qui lui vaudra une impopularité certaine, après le claquage de porte de Jacques Chirac, son premier premier ministrecristallisant, pour le reste de leur existence, une haine recuite dans et par les arrière-salles claniques de la cuisine politicienne. Heure de gloire des Brutus. 

 

L'ancien député du Puy-de-Dôme fut également un "Françafricain" convaincu, pour le meilleur et le pire. Le meilleur, en mai 1978, avec l'intervention de la Légion étrangère à Kolwezi, au Zaïre, qui permit de sauver la vie de centaines de familles françaises et belges d'un massacre programmé par les forces rebelles au président dictateur Mobutu. Le pire, avec le soutien ahurissant au chef d'Etat centrafricain, aussi mégalomane que paranoïaque, Jean-Bedel Bokassa, à son "couronnement impérial", en décembre 1977. L'affaire des diamants, en réalité une plaquette de brillants offerte par le "fou de Bangui" à Valéry Giscard d'Estaing, en 1973, et révélée par "Le Canard enchaîné" en 1974, brouilla un peu plus l'image du président français, lui qui aimait les femmes un peu trop et les parties de chasse au grand gibier, de la forêt de Rambouillet aux parcs nationaux africains.

 

Mais je voudrais ici rendre hommage au grand Européen que fut le troisième président de la Vème République française. Dans ses mémoires, "Le Pouvoir et la vie", VGE affirme que les deux personnages de la vie politique nationale et internationale qui lui ont fait la plus grande impression furent Charles de Gaulle et Jean Monnet, l'un des pères fondateurs de l'Europe. Dès la fin des années '60, il affiche son engagement européen, alors secrétaire d'Etat aux Finances sous le Général.

 

Lors de la campagne présidentielle de 1974, face à un François Mitterrand qui se cherche encore par rapport au projet européen, il prône une relance de la construction européenne, proposant, et c'est un geste fort, l'élection du parlement européen au suffrage universel, qui se concrétisera sous son impulsion en 1979. Dans le même temps, la présidence du parlement de Strasbourg fait l'objet d'une élection directe par les parlementaires européens. Simone Veil sera la première femme présidente élue. 

 

Il fit du "couple franco-allemand" une réalité, unité et solidarité indispensables pour voir avancer l'Europe vers plus d'intégration. Son amitié sincère pour le chancelier Helmut Schmidt ne se démentira jamais. Ancien président à la retraite, il fut élu député européen de 1989 à 1993 et fut nommé, fin 2001, à 76 ans, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe. On sait ce qu'il advint du projet de constitution européenne, qu'il chérissait, rejeté par référendum par les Français et les Hollandais en 2005. Même si, il faut en convenir, l'idée avait été mal fagotée et mal vendue, trop d'opacité et trop de technocratie nuisant à son adoption. Il va s'en dire, malgré le Traité de Lisbonne, qui se substitua, en décembre 2007, à une véritable constitution, nous avons raté là une occasion d'unir davantage les Européens, impératif que les événements économiques et géo-politiques ont démontré. La carence de coordination européenne dans la gestion de la crise sanitaire actuelle en est une nouvelle preuve. L'Europe de la Santé va sans doute advenir à cause ou grâce au coronavirus ...  

 

A 94 ans, Valéry Giscard d'Estaing s'en est allé victime de la covid, entouré des siens et certainement convaincu, en son for intérieur, d'avoir servi la France et l'Europe. Mais manquera-t-il aux Français ? Pas sûr, encore que, les morts ont un don pour la popularité. Aux Européens, à l'Union ? Assurément. 

                                                                    Le 03 décembre 2020. 

 

 

 >Un "State of the Union" ambitieux et sans langue de bois ! 

 

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne a dressé "l’état de l’Union", devant le Parlement européen. Elle a établi une liste de propositions pour rebâtir l’avenir, après la crise sanitaire due au coronavirus. Leur sort dépendra de ce qu’en feront les Chefs d’Etat et de gouvernements ainsi que les parlementaires de l'assemblée des Vingt-Sept.

 

L’épidémie de la Covid-19 (c’est une maladie) a donné aux Européens, entre autres, une leçon de modestie. "Un virus plus petit qu’un grain de sable nous a rappelé combien la vie peut être vulnérable", a souligné la présidente de la Commission, à l'ouverture de son premier discours sur "l’état de l’Union", mercredi 16 septembre, devant le Parlement européen à Bruxelles. 

 

Le virus "a mis à nu la fragilité" de nos systèmes de santé et "d’un modèle qui privilégie la richesse plutôt que le bien-être, des écosystèmes de notre planète et de notre communauté de valeurs". L’Europe doit à ses citoyens de "sortir de cette fragilité pour acquérir une vitalité nouvelle", a défendu Ursula von der Leyen, avant d’évoquer les plans de la Commission pour y parvenir. 

 

"Les Vingt-Sept ont fait front en s’accordant sur la création du fonds de relance de 750 milliards d’euros, Next Generation EU", s’est-elle félicitée. Le travail est loin d’être fini, puisque la gestion de la crise sanitaire s'est faite jusqu'ici en ordre dispersé, ajoutant de la confusion à la confusion. 

 

Voici les axes prioritaires du « State of the Union »  de la présidente. Pour celle-ci, toute crise, de surplus de grande ampleur, doit être l'opportunité de changements structurels majeurs. Voyons voir. 

 

"Nous devons construire une Union européenne de la santé qui soit plus forte.", a-t-elle asséné. En pleine pandémie de la Covid-19, bien des citoyens se sont tournés vers l’Union, pourtant démunie  en terme de compétences pour y répondre. Ursula von der Leyen a proposé de renforcer la coopération européenne en la matière, notamment le rôle et les pouvoirs de l’Agence européenne du médicament et ceux du Centre de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Elle ambitionne de créer une agence de recherche et de développement biomédicaux avancés au niveau européen.

 

"Il est plus manifeste que jamais que nous examinions la question des compétences en matière de santé", a-t-elle observé, avec beaucoup de prudence, consciente de toucher là à un domaine national sensible des États membres. Elle s’est gardée de donner le moindre détail, renvoyant le débat à la future Conférence sur l’avenir de l’Europe - dont les contours et la date restent à déterminer -

 

"La Commission propose de porter l’objectif de réduction des émissions de CO2 pour 2030 à au moins 55 %." Plus facile à énoncer qu’à réaliser ... En tout cas, il s’agit d’un objectif très ambitieux et certainement incontournable si l’on veut s’inscrire pleinement dans l'Accord de Paris sur le climat. 

 

Le Pacte vert est l’un des projets phares de la transformation de l’Union et doit permettre d’en faire un espace climatiquement neutre en 2050. Ursula von der Leyen a proposé de faire passer de 40 à "au moins 55 %"  (par rapport au niveau de 1990) l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici dix ans. 

 

C’est trop peu déplorent les uns ; c’est trop, s’inquiètent les autres. Selon l’étude d’impact de la Commission, "c’est ambitieux, réalisable et bénéfique". Cela rapportera bien plus que ça ne coûte, a argumenté Mme von der Leyen : "Alors que les émissions ont chuté de 25 % depuis 1990, notre économie a crû de plus de 60 %." Comme quoi, écologie et économie ne sont pas incompatible et heureusement. 

 

La présidente veut que l’Union se donne les moyens de cette ambition : 37 % du plan de relance de 750 milliards seront consacrés au financement de projets répondant aux objectifs du « Green deal », dont 30 % via des émissions de titres verts. Le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, en charge du Pacte vert, détaillera plus tard cette proposition.

 

"Nous devons faire de la décennie qui s’ouvre la décennie numérique de l’Europe."

 

La transition numérique est l’autre grand chantier ouvert par la Commission von der Leyen, qui invite à pousser sur l’accélérateur. Parce que la crise de la Covid-19 a mis en lumière le caractère vital du numérique pour nos économies et nos sociétés. Parce que si l’Europe reste à la remorque dans ce domaine stratégique, ce sont les autres qui fixeront les normes à respecter.

 

La décennie qui vient doit être celle où l’Union refait son retard et même prend de l’avance, en continuant à suivre des principes clairs : "le droit au respect de la vie privée et à la connectivité, la liberté d’expression, la libre circulation des données et la cybersécurité". 

 

L’Europe a laissé passer le train de la gestion des données personnelles, mais entend être à la pointe dans celle des données industrielles, présentées comme un gisement d’innovation, d’emploi et de revenus. Ursula von der Leyen évoque la mise en place d’un cloud européen, la législation à venir sur l’intelligence artificielle et même la création d’une identité numérique européenne sécurisée. Autant de projets qui nécessiteront des investissements dans les infrastructures. C’est à ça que sert  "NextGenerationEU", plaide la présidente, qui veut consacrer 20 % du plan de relance au numérique.

 

"Il ne s’agit pas de faire passer l’Europe d’abord."

 

Face au "clash des titans" chinois et américain, l’Union européenne ne compte pas choisir de camp, mais tracer sa propre voie. Ursula von der Leyen l’a rappelé, expliquant que "notre vision du leadership, ce n’est pas une propagande qui sert nos intérêts" - une pierre dans le jardin de Pékin qui n’a pas lésiné sur les moyens pour redorer son blason - ni de faire cavalier seul, selon la recette du  "America first". L’Europe se posera en défenseur du multilatéralisme, qu’il n’a "jamais été aussi urgent de revitaliser et de réformer". Que c'est réjouissant d'entendre aussi clairement les choses. 

 

Mais aussi en défenseur des droits de l’homme. "Nous devons toujours dénoncer leurs violations lorsqu’elles se produisent où que ce soit, à Hong Kong ou chez les Ouïghours", a-t-elle déclaré, mettant le doigt sur deux sujets qui testent la détermination de l’Union à défendre ses valeurs. Dénoncer oui, mais haut et fort, pas à demi-mot, comme le font souvent les Vingt-Sept, faute de vision commune.

 

"Lorsque les États membres reprochent à l’Europe d’être trop lente, je leur demande de se montrer courageux et de passer enfin au vote à la majorité qualifiée", a-t-elle exhorté. La présidente a d’ailleurs annoncé qu’elle proposerait un "Magnitsky Act" européen, en référence à la loi américaine, qui permettra d’imposer des mesures restrictives aux Russes qui violent les droits de l’homme.

 

"La migration constitue un défi européen, l’ensemble de l’Europe doit faire sa part."

 

La présidente n’a pas hésité à offrir un « teasing » du Pacte censé résoudre - on peut toujours rêver – la problématique migratoire, que la Commission publiera le 23 septembre. "Je peux annoncer que nous allons abolir le règlement de Dublin et le remplacer par un nouveau système européen de gouvernance de la migration". Ce règlement fait peser toute la charge de l’accueil de demandeurs d’asile sur les pays de première entrée dans l’Union (Grèce, Italie principalement). Sa réforme est une exigence des États du Sud, mais un tabou des pays d’Europe centrale et orientale, qui refusent d’accueillir des réfugiés sur leur sol. À ce titre, la présidente n’a dévoilé aucune recette miracle pour concilier les inconciliables, recette qui se trouverait dans le futur Pacte sur l’asile et la migration ...

 

"Les derniers mois nous ont rappelé à quel point l’Etat de droit pouvait être fragile."

 

Alors que le débat sur la manière de conditionner l’octroi des Fonds européens au respect de l’Etat de droit s’annonce musclé, la présidente se devait d’y faire référence. Surtout devant le Parlement européen, qui tient à intégrer un tel système dans le budget européen 2021-2027. 

 

Elle n’a pas péché par excès de zèle en la matière. "L’Etat de droit contribue à protéger les citoyens du règne de la loi du plus fort", a-t-elle rappelé, estimant que toute atteinte à cette valeur "ne peut être tolérée". Elle a prévenu que la Commission - qui dévoilera avant fin septembre un rapport général sur l’Etat de droit dans l’Union - veillera à ce que le budget européen et le plan de relance soient protégés "contre toutes les formes de fraude, de corruption et les conflits d’intérêts". "Il s’agit d’un point non négociable" ! La mise en place de règles strictes en la matière, c’est ce que les Vingt-Sept s’apprêtent à négocier âprement ces prochaines semaines. 

 

"Dans notre Union, la dignité du travail doit être sacrée. Mais la vérité est que, pour trop de personnes, le travail ne paie plus." 

 

La Commission va proposer, non pas d’harmoniser le salaire minimum au niveau européen, mais d’aider les États membres à mettre en place un cadre pour les salaires minimum. Seuls 21 États membres ont une législation nationale en la matière … "Les zones sans LGBTQI sont des zones sans humanité. Et elles n’ont pas leur place dans notre Union." Voilà qui est dit ! 

 

Ursula von der Leyen a fermement condamné l’atmosphère homophobe qui règne dans certaines villes polonaises, dirigées par le PiS au pouvoir. L’homophobie y est courante et souvent violente.

 

"Je vous rappelle les paroles de Margaret Thatcher : Le Royaume-Uni ne viole pas les traités. Ce serait mauvais pour la Grande-Bretagne, mauvais pour les relations avec le reste du monde et mauvais pour tout futur traité commercial." Comme une mise en garde ... Le Brexit a été un élément presque anecdotique du « State of the Union ». Ursula von der Leyen a rappelé au Royaume-Uni ses obligations en vertu de l’accord de retrait. Les semaines prochaines seront décisives quant à la possibilité de conclure dans les temps, avant fin octobre pour bien faire, ledit accord. Fin de la partie: le 31 décembre prochain.  

 

"À ceux qui plaident en faveur de liens plus étroits avec la Russie, je dis que l’empoisonnement d’Alexei Navalny avec un agent chimique neurotoxique n’est pas un acte isolé." C’est le moins qu’on puisse en dire, vu la grande tradition des services russes dans les méthodes "d'élimination douce". La présidente de la Commission a mis en garde sur le fait que les pratiques de Moscou ne changent pas. Que les Vingt-Sept ne se bercent d’aucune illusion. Voilà qui est clair. Enfin !

 

"Nos États membres, Chypre et la Grèce, pourront toujours compter sur une solidarité totale de l’Europe."

 

Ursula von der Leyen a assuré que l’Union européenne se tiendra toujours aux côtés de ces pays, dont les tensions avec la Turquie font craindre des débordements en Méditerranée orientale. Voilà qui renforcera le président français, Emmanuel Macron, qui, bien seul, a manifesté concrètement sa solidarité à la Grèce par une présence militaire française renforcée dans les eaux territoriales européennes du Sud-Est, à la grande colère du dictateur Recep Tayyip Erdogan. 17 septembre 2020.

 

  

Ne dites pas aux Européens qu'ils viennent de faire un pas de plus vers le fédéralisme !

 

Les quatre radins de l'Union, l'Autrichien Sebastian Kurz, la Danoise Mette Frederiksen, le Hollandais Mark Rutte et le Suédois Stefan Löfven ont dû renoncer à leurs égoïsmes nationaux, même si ils peuvent se prévaloir d'avoir réduit l'enveloppe des subventions aux Etats en difficulté de 110 milliards d'euros, passant de 500 à 390 milliards, tandis que la masse budgétaire des prêts sera plus importante que proposée par la Commission, puisqu'elle sera de 360 milliards au lieu de 250. Le Sommet bruxellois du 21 juillet, jour de la Fête nationale belge, orchestré de mains de maîtres par la présidente de la Commission, l'Allemande Ursula von der Leyen, et surtout le président du Conseil, le Belge Charles Michel, restera à coup sûr dans l'histoire comme un pas supplémentaire vers le fédéralisme. A la manœuvre depuis le début, le couple franco-allemand, moteur indispensable de l'Europe. Emmanuel Macron et Angela Merkel sont les grands gagnants de cet accord. Sans eux, l'Union en serait encore aux comptes de boutiquiers sans vision et aux replis nationaux mortifères. 

 

Un emprunt européen sans précédent de 750 milliards d’euros, dont le remboursement s'étalera jusqu'en 2058, et une solidarité aux forceps : les Européens s’accordent sur un plan de relance historique. Il réaffirme la dimension fédérale de l’Europe. Après quatre jours et quatre nuits d’intenses négociations, le projet franco-allemand d’emprunt commun a été adopté par les Vingt-Sept. Une révolution qui permettra d’aider les Etats les plus durement touchés par la crise sanitaire. Ce n'était pas gagné d'avance. Excellent et incessant travail en coulisses du président du Conseil, Charles Michel. Il sort grandi de ce marathon bruxellois.

 

Le budget de l'Union 2021-2027 a aussi été adopté à hauteur de 1074,3 milliards d'euros. Le hic, c'est que pour parvenir à ce résultat, les Vingt-Sept ont décidé de coupes claires dans les enveloppes de programmes aussi essentiels que ceux du climat, du numérique, de la santé et de la recherche, de la culture, des infrastructures, de la gestion des frontières et du Fonds européens de la Défense. Cela risque de coincer du côté du parlement européen, qui ne verra pas d'un bon oeil ces réductions sensiblesL'ensemble des fonds adoptés s'élève à une masse budgétaire globale de 1824,3 milliards d'euros. Cela donne tout de même une idée de l'ampleur de la tâche qui attend les Européens, car il ne suffit pas de parler de plan de relance, encore faut-il l'assurer.

 

Pour y parvenir, il aura fallu un Sommet historique par sa durée exceptionnelle. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont finalement mis d’accord, mardi 21 juillet, sur le plan de relance qui doit les aider à affronter les conséquences ravageuses de la pandémie de la Covid-19. Face à l’ampleur des dégâts provoqués par le virus, qui a fait plus de 200 000 morts sur le Vieux Continent et plongé l’économie européenne et mondiale dans une récession sans précédent, les Vingt-Sept ont adopté un dispositif audacieux, qui ébauche les contours d’une Europe plus fédérale, plus solidaire et plus intégrée. N'en déplaise aux grincheux et aux ennemis de l'Europe. 

 

Les nationalistes d’extrême droite et les populistes d’extrême gauche en seront pour leurs frais. Les quatre pays dits frugaux, version sympa, et radins, version plus réaliste, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède, ont réussi à faire baisser de 110 milliards l’enveloppe des subventions, initialement proposée par la Commission à 500 milliards.

 

C’est donc un succès pour leur chef de file hollandais, l'arrogant premier ministre Mark Rutte. Il pourra rentrer à La Haye et dire à son opinion publique qu’il a stoppé la frénésie dépensière des pays du « Club Med », Italie, Espagne, France, Portugal. Il pourra aussi se vanter d'avoir imposé à ses partenaires des conditions strictes à l'accès à la manne budgétaire. En revanche, ces Etats dits modèles du Nord, qui se comparent souvent aux fourmis - suivez notre regard vers les cygales du Sud - ont perdu sur un principe fondamental : l’Union se porte désormais garant, via le prélèvement sur le marché international d’argent frais, de la santé financière de ses membres. Il s’agit d’un mécanisme fédéral de solidarité collective à la mesure des enjeux à venir. 

 

C’est la Commission qui va s’endetter directement pour se procurer les 750 milliards d’euros qu’elle prévoit d’affecter à la relance (les agences de notation financière classe la Commission en triple A, cote maximale, ce qui lui permettra d'emprunter à des taux très avantageux).

  

« Deal ! », a annoncé en anglais le Belge francophone Charles Michel, président du Conseil européen, sur son compte Twitter. « Jour historique pour l’Europe ! », a assuré dans la foulée le président Emmanuel Macron. C'est en effet un accord qui fera date et qui marque un tournent. 

 

L’exécutif communautaire a déjà émis de la dette, mais ses incursions sur les marchés sont toujours restées limitées. Les traités obligent l’Union à présenter un budget à l’équilibre. Si les Vingt-Sept le souhaitent et si leurs parlements nationaux les suivent, ce qu'il faudra vérifier, elle peut se soustraire à la règle et acquérir une certaine autonomie budgétaire. Il y a six mois à peine, cela était impensable. 

 

L’accord de Bruxelles de cette nuit représente un moment décisif. Le mot n’est pas galvaudé. Est-ce le début d’un nouvel élan fédéral d’une Union bien malade jusqu’à ce jour ? Rien n’est assuré. Même si nous sommes très satisfaits de cette avancée importante pour le projet européen, il ne faut pas se mentir, les problèmes sont devant nous. A commencer par la crise économique et sociale qui est à nos portes, sans oublier, bien évidemment, les défis complexes et colossaux de la transition écologique. 

 

Politiquement, le respect de l’Etat de droit partout dans l'Union, en Pologne et en Hongrie notamment, plus largement, dans tout pays qui confierait son avenir, indirectement celui de l’Union, aux populistes et aux nationalistes, ainsi que la suppression de la règle paralysante (pas aujourd'hui pour le coup) de l’unanimité sont deux mesures qui s'annoncent comme les prochains indicateurs sensibles d’une Union européenne plus solidaire et plus forte. Plus solidaire, à l’intérieur de son espace, plus forte, à l’extérieur de ses frontières. Il est temps, grand temps, de retrouver le souffle d’une Europe protectrice, souveraine et puissante. L’accord du jour va dans le bon sens. Voyons la suite. Le 21 juillet 2020. 

 

 

 

>La France et l'Allemagne ouvrent la voie à la solidarité européenne !

 

L'Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède veulent que les aides accordées par l'Union européenne aux pays en grande difficulté financière, dans le cadre du futur plan de relance, prennent la forme de prêts, et non d'aides directes, comme l'ont proposé, lundi 18 mai, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel.

 

"Notre position reste inchangée. Nous sommes prêts à aider les pays les plus touchés avec des prêts", a tweeté le chancelier autrichien Sebastian Kurz lundi soir, après un contact avec les premiers ministres des trois autres pays qualifiés de "frugaux", bel euphémisme, dans le débat budgétaire européen.

 

Un peu plus tôt, Vienne avait publié une déclaration dans laquelle l'Autriche affirmait qu'elle continuerait "à faire preuve de solidarité et à soutenir les pays qui ont été les plus touchés par la crise du coronavirus", mais écartait toute idée de "subventions". Ok, on vous aide, la corde au cou ... 

 

Davantage ancrés dans l'esprit et les valeurs fondatrices de l'Europe, le président français et la chancelière allemande ont annoncé un plan de 500 milliards d'euros sans précédent, à l'issue d'une conférence commune par vidéoconférence. Le président français a souligné que les fonds levés "ne seront pas des prêts mais des dotations" directes aux pays les plus touchés. On ne peut être plus clair. 

 

Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède ont toujours résisté à l'idée d'utiliser des instruments de dette communs pour lever des fonds de sauvetage. "Nous attendons que le CFP (cadre financier pluriannuel) actualisé reflète les nouvelles priorités plutôt que de relever le plafond", a déclaré le chancelier autrichien, en référence au budget à long terme de l'Union européenne. 

 

Les "fourmis du Nord" de l'Europe aiment faire la leçon aux "cigales du Sud". Un grand classique. Mais les choses ne sont pas aussi simples et tranchées. D'abord, il leur faudrait démontrer que la gestion budgétaire et financière de ces dernières est davantage liée à leur incompétence congénitale plutôt qu'aux circonstances historiques et au contexte structurel et systémique. Ensuite, expliquer en quoi une réelle solidarité intra-européenne est contraire aux traités de Rome (1957), de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2007). Enfin, justifier à leurs opinions publiques qu'elles abandonnent leurs partenaires européens à leur sort, en oubliant qu'ils sont aussi leurs premiers clients économiques et donc, en cas d'effondrement de ces pays, leurs entreprises et leurs salariés le paieraient très cher. L'Union est un tout interdépendant. Ce sera l'unité ou la faillite collective. 19 mai 2020.  

 

                                                             

>Il y a 70 ans, la Déclaration de Robert Schuman !

 

Jean Monnet savait de quoi il parlait quand il disait que « l’Europe se fera dans les crises ». Depuis 70 ans et la Déclaration Schuman, on ne compte plus les moments de peur et d'improvisation qui nous ont fait douter. Faire face à l'imprévu ou à ce qui n'a pas été anticipé, n'est guère facile pour chacun d'entre nous. A six, à neuf à vingt-sept aujourd'hui, c'est un exercice redoutable d'équilibriste, surtout lorsque la confusion et la division infecte les esprits, tel un virus qui contamine les corps. Mais beaucoup a été fait et réussi. On ne le dit pas assez.

 

Malgré les échecs, le projet européen demeure un espoir et une référence démocratique pour nombre de peuples dans le monde. Tourner le dos aux guerres innombrables qui ont ensanglanté notre continent pendant des siècles, construire une société relativement prospère et rassembler des nations, des cultures et des peuples différents, sur base de valeurs communes, en 1945, en 1957 et en 2020, demeure un immense défi collectif.       

 

Le 5 mai, la Cour constitutionnelle allemande a contesté la suprématie des normes européennes en jugeant ne pas être liée par une décision récente de la justice européenne. Alors que des gouvernements refusent la solidarité et la mutualisation face au Covid-19, cette décision est un nouveau motif d’inquiétude. Mais elle est aussi porteuse d'espoir. Gageons que la Commission européenne ne laissera pas passer cet arrêt, proprement hors sol, sans réagir juridiquement. 

 

Il y a 70 ans jour pour jour, Robert Schuman déclarait : « Il n'est plus question de vaines paroles, mais d'un acte, d'un acte hardi, d'un acte constructif ». Aujourd’hui, nous avons besoin d’un tel acte. La France, l'Italie, l'Espagne et la Belgique ne doivent plus être seules quand elles demandent un budget européen, des investissements massifs dans la santé et l’environnement, une mutualisation de la charge financière liée à la crise sanitaire et une Europe politique. Cet acte devra être tout aussi courageux et constructif que celui de l’après-guerre. Nos aînés ont tracé un chemin qui reste inachevé. 

 

Les fondateurs de l'Europe avaient vu juste. Mais il nous appartient désormais de bâtir une Europe puissance, unie sur des valeurs communes de solidarité et de démocratie citoyenne, une Europe souveraine, qui échange avec le monde mais sans naïveté, qui se fait respecter à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières dans les domaines de l'Etat de droit, économique et de la sécurité. Il reviendra aux générations à venir de poursuivre et d'améliorer une oeuvre géopolitique humaniste exceptionnelle dans l'histoire des civilisations. Son ambition et son ampleur en attestent. 09 mai 2020. 

 

 

 

>L'Union européenne sauve la mise, mais les divisions sont toujours là !

 

   La Banque centrale européenne s'est avérée à travers les crises de 2008 et 2020 un outil précieux de régulation financière.

 

Finalement, la réunion des ministres des Finances de l’Union européenne (UE) – qui s'est tenue par vidéoconférence ce jeudi 9 avril – n’a duré que quarante-cinq minutes. Elle s’est soldée par un accord sur la réponse économique à apporter à la crise due au Covid-19. Le 7 avril, les mêmes avaient discuté pendant seize heures, sans succès. « La réunion s’est achevée sous les applaudissements des ministres », a annoncé, sur Twitter, le porte-parole de Mario Centeno, le président de l’Eurogroupe (ministres des Finances de la zone euro).

 

Ce dernier rendez-vous a été précédé de tractations à tous les niveaux. Il a commencé avec plus de quatre heures de retard pour laisser le temps aux argentiers de cinq pays – France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas – et à M. Centeno de trouver un compromis. Dans la matinée, les chefs d’Etat avaient déblayé le terrain : le président français, Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, enfin sur la même longue d'onde, avaient tous deux parlé à leur homologue néerlandais, Mark Rutte, dont les positions ultra-orthodoxes empêchaient toute avancée.

 

Les Européens se sont finalement entendus pour consacrer jusqu’à 540 milliards d’euros aux ravages économiques causés par le coronavirus. « C’est un grand jour pour la solidarité européenne », a commenté le ministre allemand des finances, Olaf Scholz, quand son homologue français, Bruno Le Maire, a jugé qu’il s’agissait d’« un plan massif ». Les chefs d’Etat et de gouvernement devraient se retrouver le 23 avril prochain.

 

Ce plan comporte trois volets. Le premier, le plus consensuel, passe par la Banque européenne d’investissement (BEI) et s’adresse aux entreprises. Grâce à des garanties de 25 milliards d’euros que lui apporteront les pays européens, la BEI pourra accorder jusqu’à 200 milliards de nouveaux prêts aux entreprises.

 

Le deuxième volet de ce plan – qui n’a pas d’emblée fait l’unanimité – répond aux besoins d’aide des Etats membres pour financer un chômage partiel qui explose. Avant la crise, dix-huit pays, dont la France et l’Allemagne, avaient un mécanisme de ce type. Depuis, tous s’y sont mis, espérant ainsi limiter les licenciements, protéger le pouvoir d’achat et faire en sorte que les entreprises soient en mesure, une fois le confinement terminé ... de se remettre au travail.

 

Dans ce contexte, les Vingt-Sept se sont engagés à apporter, là aussi, 25 milliards d’euros de garanties à la Commission européenne, qui pourra dès lors lever 100 milliards sur les marchés pour financer cette initiative. Une initiative dont les Pays-Bas ont tenu à ce qu’elle soit temporaire. 

 

L'Union européenne a évité le pire et sauvé la mise, mais, sous l'accord, les divisions sont toujours là. La mutualisation des dettes nationales liées à la crise sanitaire, les fameux coronabons, chers à la France, l'Italie et l'Espagne, il n'en est toujours pas question du côté de l'Allemagne et des Pays-Bas.  

                                                                             Le 10 avril 2020.

 

 

>Berlin et La Haye jouent-t-elles l'effondrement de l'Union européenne ?

 

 

Dans un entretien à des journaux italiens, publié vendredi soir, Emmanuel Macron, le chef de l’Etat français, continue de plaider pour un emprunt commun à l’Union européenne face au refus de l'Allemagne et des Pays-Bas.

 

Emmanuel Macron, favorable à des « emprunts Corona » face aux « réticences » de Berlin et de La Haye, en appelle à la solidarité budgétaire européenne, dans un entretien aux grands journaux italiens paru vendredi 27 mars.

 

Neuf pays européens, dont la France et l’Italie, avaient appelé mercredi, lors d'un Sommet des 27  par vidéo-conférence, à lancer un emprunt commun à toute l’Union européenne (UE) pour faire face à la crise du Covid-19, mettant la pression sur l’Allemagne et les Pays-Bas, opposées à toute mutualisation des dettes. « Nous ne surmonterons pas cette crise sans une solidarité européenne forte, au niveau sanitaire et budgétaire », estime le chef de l’Etat français, dans une interview accordée aux journaux « Corriere de la Serra », « La Stampa » et « La Repubblica ».

 

« L’UE et la zone euro se résument-elles à une institution monétaire et un ensemble de règles, très assouplies, qui permettent à chaque Etat d’agir de son côté ? Ou agit-on ensemble pour financer nos dépenses, nos besoins dans cette crise vitale ? », interroge Emmanuel Macron.

 

« Il peut s’agir d’une capacité d’endettement commune, quel que soit son nom, ou bien d’une augmentation du budget de l’UE pour permettre un vrai soutien aux pays les plus touchés par cette crise », a-t-il détaillé. « Le montant est secondaire, c’est ce signal qui compte, à travers l’endettement commun ou le budget commun. » Face aux « réticences » de pays comme l’Allemagne, « on ne peut pas lâcher ce combat », a insisté le président de la République.

 

Ce samedi 28 mars, l’ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors, 94 ans, qui s’exprime très rarement, a mis en garde les pays de l’UE sur le manque de solidarité entre eux : « Le climat qui semble régner entre les chefs d’Etat et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l’Union européenne », estime, dans une déclaration transmise à l’AFP, l’ancien ministre français de l’économie, grand défenseur de l’Europe, qui a présidé la Commission de 1985 à 1995.

 

Face à l’attitude de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui aiment jouer les fourmis donneuses de leçons aux cigales que sont à leurs yeux les pays européens du Sud, le premier ministre portugais, Antonio Costa, n’y est pas allé avec le dos de la cuiller : « Ce discours est répugnant au sein de l’Union européenne. C’est vraiment le mot : répugnant » Il  a réagi ainsi suite à une déclaration du ministre néerlandais des Finances, Wopke Hoekstra, qui suggérait que « l’UE devrait enquêter sur les pays qui, comme l’Espagne, disent ne pas avoir de marge budgétaire pour faire face aux effets de la crise de coronavirus, alors que la zone euro a connu une croissance pendant sept années consécutives. » Comprenez : ces Etats n’auraient eu qu’à économiser davantage pour absorber le choc économique de 2008. « Ce type de réaction, d’une inconscience absolue et d’une mesquinerie récurrente, représente une menace pour l’avenir de l’Union », a ajouté M. Costa. 

 

Alors que l’Italie, l’Espagne, la France, la Belgique, entre autres, traversent la pire catastrophe sanitaire depuis un siècle, avec, chaque jour, toujours plus de personnes contaminées et de morts, voilà l’Allemagne et les Pays-Bas prêts à déchirer le Traité de Rome et à faire imploser l’Union européenne, basée, en principe, sur la coopération, l’intégration et la solidarité. Nous en sommes loin et c'est dramatique.

 

Quant aux Italiens, qui ploient sous la charge de l'épidémie, ils ne sont pas tendres non plus avec Berlin et La Haye. Faisant écho aux propos amers du premier ministre italien, Giuseppe Conte, les journaux de la péninsule n’ont pas raté l’occasion, vendredi 26 mars, pour fustiger à leur tour les capitales « modèles ».

 

« La Repubblica » a titré : « La brutta Europa » (la laide Europe). « Le ‘va te faire voir’  de Conte à une Europe morte », titrait à son tour « Il Fatto Quotidiano » … 

 

Si on peut reprocher à Bruxelles, d’abord au Conseil, ensuite à la Commission, de ne pas en faire assez pour coordonner à l’échelle de l’Union les réponses budgétaires nationales face à la pandémie - l’Europe n’a aucune compétence de santé - rappelons toutefois que ce n’est pas l’Union européenne qui est responsable, ni de la crise sanitaire, ni des profondes divisions à nouveau mises au jour par cet épisode calamiteux.

 

Ce sont les Etats nationaux eux-mêmes qui alimentent ainsi, à force d’égoïsme et d’individualisme, la désintégration de l’Union. Messieurs, Mesdames les Allemands et  Hollandais, vous venez de prendre un risque immense et historique, en vous désolidarisant de vos « amis », plongés à présent dans une catastrophe sanitaire et bientôt économique et financière exceptionnelle. Rien ne dit qu'un jour vous ne vivrez pas la même situation.  

 

Il serait tragique de votre part de croire que l’effondrement social et économique à Rome, à Madrid, à Paris, à Varsovie et ailleurs dans la zone euro n’aurait aucun impact sur vos propres lignes budgétaires, votre trésorerie et vos économies. Ce serait la fin, oui la fin, de votre prospérité finalement illusoire, car, voyez-vous, vos richesses accumulées en bons élèves de la classe ne sont rien ou pas grand-chose sans vos partenaires et clients européens, si malades soient-ils aujourd’hui. Le 28 mars 2020.  

  

 

     

 

   

   Brexit in the pocket !

 

Le Parti conservateur du premier ministre, Boris Johnson, a obtenu une majorité écrasante lors des législatives britanniques jeudi 12 décembre, ce qui devrait permettre au dirigeant conservateur de réaliser le Brexit le 31 janvier, comme promis. Le pari semblait incertain mais le succès est sans appel pour le dirigeant conservateur, déterminé à mettre fin à trois ans d’une saga qui a déchiré le pays et à 47 ans de mariage tumultueux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

 

« Merci à tous ceux à travers le pays qui ont voté, qui se sont portés volontaires, qui se sont présentés. Nous vivons dans la plus grande démocratie du monde », a réagi modestement Boris Johnson, élu pour un mandat de cinq ans.

 

Les conservateurs décrochent une très confortable majorité de 368 sièges sur 650, contre 317 lors du précédent scrutin en 2017, selon un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote par l’institut Ipsos/MORI pour les médias britanniques.

 

Les travaillistes de Jeremy Corbyn s’effondrent à 191 sièges (contre 262), selon ces projections généralement proches des résultats. Le numéro deux du Parti travailliste britannique, John McDonnell, a jugé jeudi "extrêmement décevante" la défaite cuisante de son mouvement aux législatives, si elle se confirmait dans les résultats, l’expliquant par "la fatigue du Brexit" sur lequel le Labour est resté indécis. "Il semble que le sujet du Brexit ait dominé, c’est en grande partie de la fatigue du Brexit. Les gens veulent en finir", a déclaré M. McDonnell sur Sky News, commentant un sondage sortie des urnes. Il n'est pas non plus absurde de penser que l'antisémitisme qui rôde dans les rangs du Labour depuis des années a pu aussi jouer comme un repoussoir pour une partie de l'électorat traditionnel de la gauche social-démocrate.  

 

La livre sterling a bondi jeudi à son plus haut niveau depuis mai 2018 face au dollar et depuis juillet 2016 face à l’euro à l’annonce de ces tendances. Vers 22 h 25, la livre s’envolait de 2,34 % face au dollar, à 1,3469 dollar et de 1,93 % face à la devise européenne, à 82,97 pence pour un euro.

Le marché réagit « à ce qui semble être une très forte victoire pour les conservateurs, qui donne à Boris Johnson le mandat pour mener à bien le Brexit », a commenté Shaun Osborne, responsable de la stratégie du marché des changes chez Scotiabank.

 

Ce résultat "apporte une certaine clarté et écarte le risque d’un Parlement partagé ou d’un autre référendum", a-t-il ajouté. "Cette levée de l’incertitude sera sûrement accueillie avec soulagement par les entreprises", a-t-il expliqué.

 

Le premier ministre conservateur avait voulu ces législatives, les troisièmes en quatre ans, pour sortir le Royaume-Uni de l’impasse du Brexit, qui divise profondément le pays depuis la victoire du "Leave", avec 52 % des voix au référendum de 2016.

 

Jusqu’ici dépourvu de majorité à la Chambre des communes, le dirigeant de 55 ans arrivé au pouvoir en juillet dernier, en se posant comme le sauveur du Brexit, n’avait pas réussi à faire adopter par le Parlement l’accord de divorce qu’il avait âprement négocié avec la Commission de Bruxelles.

 

Durant la campagne électorale, il a promis de soumettre cet accord aux 650 députés nouvellement élus avant Noël, avec l’objectif de mettre le Brexit en œuvre le 31 janvier, date à laquelle il est désormais prévu après trois reports.

 

Une consécration des travaillistes aurait pu signer l’arrêt de mort du Brexit : ils voulaient renégocier un nouvel accord de divorce, plus social, puis le soumettre à un référendum avec comme alternative le maintien dans l’Union européenne. Les atermoiements quant au Brexit du leader travailliste, Jérémy Corbyn, n'ont évidemment pas arrangé les choses, jetant dans son électorat un peu plus la confusion.

 

Outre l’unification du pays, réaliser le Brexit devrait permettre d’enfin pouvoir s’atteler aux  "priorités" des Britanniques, comme la santé et la sécurité, avait affirmé le chef de gouvernement durant une campagne sans grand relief, mais marquée par des coups bas, notamment sur les réseaux sociaux, provenant en grande partie des conservateurs.

 

Les électeurs n’ont pas été séduits par la promesse de Jeremy Corbyn, vétéran de l’aile gauche du Parti travailliste, d’un "vrai changement", après une décennie de pouvoir conservateur et autant d’austérité, avec des nationalisations à tout-va et des investissements massifs, surtout dans le service public de santé (NHS).

 

Sur le Brexit, le septuagénaire, régulièrement accusé de fermer les yeux sur des accusations d’antisémitisme dans son parti, prévoyait de rester "neutre" en cas de second référendum.

 

A gauche, les nationalistes écossais du SNP gagnent 20 sièges à 55 mandats, selon le sondage sorti des urnes. Ouvertement europhiles, les libéraux-démocrates gagnent un siège avec 13 députés.

 

L’accord de retrait organise la frontière irlandaise après le Brexit, les droits des citoyens et les engagements financiers britanniques. Il évite aussi une rupture brutale en introduisant une période de transition jusqu’à fin 2020, qui pourra être prolongée, pendant laquelle les Britanniques continueront d’appliquer les règles européennes.

 

Une fois le divorce acté, s’ouvrira la phase, technique et complexe, des négociations sur la future relation commerciale entre Londres et Bruxelles. Mais avant même qu’elle ne commence, l’affirmation de Boris Johnson de pouvoir la boucler en moins d’un an est jugée irréaliste à Bruxelles. Le 13 décembre 2019.

 

 

 

"Un green deal européen pour ralentir le réchauffement de la planète !"

                                                                      Ursula von der Leyen

                                                        Présidente de la Commission européenne 

 

                      La Présidente de la Commission européenne expose ses mesures destinées

                          à faire de l’Europe le premier continent neutre sur le plan climatique.

 

 

"Pouvons-nous, êtres humains, continuer à vivre bien et en toute sécurité sur cette planète ? L’humanité est confrontée à une menace existentielle dont tout le monde commence à voir les effets. Les forêts brûlent, de l’Amérique jusqu’en Australie. Les déserts progressent en Afrique et en Asie. L’élévation du niveau de la mer menace des villes en Europe et des îles du Pacifique.

 

L’humanité a connu de tels phénomènes auparavant, mais jamais les mutations climatiques et environnementales n’ont évolué aussi vite que dans les dernières décennies. Le lourd bilan des intempéries, fin novembre-début décembre, dans le sud-est de la France, nous rappelle que cette menace est malheureusement déjà une réalité, y compris chez nous.

 

La science nous dit toutefois que nous pouvons mettre un terme à ces phénomènes, mais le temps nous est compté. La nouvelle Commission européenne ne perdra pas de temps.

Aujourd’hui, moins de deux semaines après notre prise de fonctions, nous présentons la feuille de route du pacte vert pour l’Europe, le « Green Deal » européen. Notre objectif est de devenir le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici à 2050, pour ralentir le réchauffement de la planète et en atténuer les effets. C’est notre responsabilité, celle de notre génération et de la suivante, mais le changement ne peut plus attendre. Nous savons que nous en sommes capables.

 

Le pacte vert pour l’Europe que nous présentons aujourd’hui est la nouvelle stratégie de croissance inclusive de l’Europe. Il permettra de réduire les émissions, tout en créant des emplois et en améliorant notre qualité de vie, sans oublier personne. C’est le fil vert qui guidera l’ensemble de nos politiques – du transport à la fiscalité, de l’alimentation à l’agriculture, de l’industrie aux infrastructures. Avec ce pacte vert, nous voulons investir dans les énergies propres et étendre le système d’échanges de droits d’émission, mais aussi renforcer l’économie circulaire et préserver la biodiversité de l’Europe.

 

1 000 milliards d’euros !

 

Le pacte vert pour l’Europe n’est pas seulement une nécessité, il sera aussi le moteur de nouvelles perspectives économiques. De nombreuses entreprises européennes s’engagent déjà à devenir plus vertes. Elles réduisent leur empreinte carbone et développent des technologies propres. Elles prennent conscience des limites naturelles de notre planète. Les entreprises européennes de toutes tailles comprennent que chacun doit prendre soin de notre maison commune. Elles savent également qu’en étant à la pointe des solutions durables de demain, elles bénéficieront de l’avantage du précurseur.

Les entreprises et les acteurs du changement attendent aussi de nous que nous leur assurions un soutien financier suffisant et facile d’accès.

 

Pour ce faire, nous mettrons en place un plan d’investissements pour l’Europe durable. Il soutiendra 1 000 milliards d’euros d’investissements au cours de la prochaine décennie. A cette fin, nous travaillerons main dans la main avec la Banque européenne d’investissement, la « banque européenne du climat ».

En mars 2020, nous proposerons la toute première loi européenne sur le climat, pour tracer la voie à suivre et rendre les progrès engendrés par le pacte vert pour l’Europe irréversibles. Les investisseurs, les innovateurs et les entrepreneurs ont besoin de règles claires pour planifier leurs investissements sur le long terme.

 

Un rôle moteur !

 

Nous favoriserons la transformation de notre façon de produire et de consommer, de vivre et de travailler, tout en protégeant et en accompagnant ceux qui risquent d’être plus durement touchés par ce changement. Cette transition doit fonctionner pour tous, ou elle ne fonctionnera pas.

Je proposerai de créer un fonds pour une transition juste et je veux qu’il mobilise 100 milliards d’euros d’investissements au cours des sept prochaines années, avec l’effet de levier de la Banque européenne d’investissement et de fonds privés. Nous ferons en sorte d’aider les régions européennes pour lesquelles la marche est plus haute, de manière à ne laisser personne de côté.

 

Dans toute l’Europe, les jeunes comme les moins jeunes demandent à ce que l’on agisse en faveur du climat. Mais ils vont plus loin : ils modifient déjà leur mode de vie en conséquence. Il y a les navetteurs qui prennent le vélo ou les transports publics dès que cela est possible, les parents qui choisissent des couches réutilisables, les entreprises qui renoncent aux plastiques à usage unique et proposent des alternatives durables sur le marché.

Beaucoup d’entre nous participent concrètement à ce mouvement européen et mondial pour le climat. En France, la convention citoyenne pour le climat donne la parole aux citoyens et citoyennes pour identifier les mesures permettant de répondre au défi climatique dans un esprit de justice sociale.

 

Neuf citoyens européens sur dix demandent qu’une action décisive soit menée en faveur du climat. Nos enfants comptent sur nous. Les Européens veulent que l’Union européenne (UE) agisse sur le territoire européen et joue un rôle moteur à l’étranger.

 

Ces jours derniers, le monde entier s’est réuni à Madrid pour la conférence des Nations unies sur le climat (COP25), afin de discuter de l’action collective contre le réchauffement climatique. Le pacte vert pour l’Europe est la réponse de l’UE à la demande de ses citoyens. C’est un pacte de l’Europe pour l’Europe et une contribution essentielle à un monde meilleur. Il appartient désormais à chaque Européen de s’engager dans ce mouvement." Le 12 décembre 2019.

 

Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne.

 

 

> Un cinglant revers européen pour Emmanuel Macron !

 

                                     Incontestablement, le président français incarne aujourd'hui le projet européen.

                                     Aussi sûrement, il ne fait pas l'unanimité à Strasbourg malgré son engagement.

 

Le mercredi 9 octobre 2019 restera dans les annales parlementaires européennes comme une marque de défiance à l'égard de la France. La candidate française pour le poste de Commissaire au marché intérieur chargée de l'industrie de l'armement, Sylvie Goulard, a été recalée par les parlementaires après deux passages devant les commissions ad hoc du parlement européen. Membre associée au Modem, le parti démocrate chrétien de François Bayrou, proposée par le président français Emmanuel Macron et soutenue par le groupe libéral Renew, elle a payé son implication indirecte dans le dossier des emplois fictifs du Modem aux postes d'assistants parlementaires. Elle fut en effet députée européenne avant que d'être appelée au gouvernement français voici un peu plus de deux ans. Une gifle pour la France, qui voit au travers cet épisode amer la limite de son pouvoir d'influence à Strasbourg. On peut légitimement s'interroger sur l'opportunité qu'il y avait à proposer une personne déjà mise en difficulté sous le premier gouvernement français d'Edouard Philippe, puisque qu'elle avait dû démissionner de son poste de ministre de la Défense après les révélations sur les emplois bidon. Il est évident que le groupe PPE des socio-chrétiens a fait payer au président français le dégommage de son propre candidat à la présidence de la Commission, Manfred Weber, comme il est tout aussi certain que le groupe social-démocrate a vu dans l'éviction de Sylvie Goulard l'occasion d'atteindre Emmanuel Macron. Il va lui falloir très vite proposer à la présidente Ursula von der Leyen  un autre profil. Un homme, une femme, tout dépendra des remplaçants hongrois et roumain, puisqu'il faut désormais la parité de genre au sein de la Commission de Bruxelles. Le 13 octobre 2019.

 

 

>B. Johnson balance une ultime offre à l'UE, "à prendre ou à laisser" !

 

Cette tragi-comédie a assez duré. A laisser, évidemment, sans état d'âme, sans regret ni remord. Nos amis britanniques ont suffisamment joué avec notre patience. L'Union européenne vaut mieux que cette démonstration d'impuissance, de part et d'autre du Channel. Qu'ils s'en aillent, seuls, naviguer dans les eaux glacées, troubles et dangereuses d'une mondialisation qui ne fera pas de quartiers avec les Etats isolés, illusionnés par un nationalisme boursoufflé. Une fois débarrassés du fardeau du Brexit, profitons-en pour renforcer le plus tôt possible notre unité dans la diversité et la solidarité. Une fois encore, De Gaulle avait vu juste, Albion, par son insularité, son histoire, ses tropismes alambiqués et sa fascination pour le modèle américain, est inapte à partager un destin européen, à assumer des contraintes balancées par des avantages qu'elle a toujours feint d'ignorer pour mieux dénoncer les obligations qui en découlent. Frankly, Boris, too much is too much !

 

Une offre à prendre ou à laisser. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, a expliqué, mercredi 2 octobre, qu’il ferait une « offre finale » à l’Union européenne (UE) avec « des propositions constructives et raisonnables », en vue de la conclusion d’un accord de Brexit.

« Let’s get Brexit done ! » (« Faisons donc le Brexit ! »), a lancé à plusieurs reprises le chef du gouvernement à la mi-journée, lors de la conférence du Parti conservateur, à Manchester. « Nous sortirons de l’UE le 31 octobre, quoi qu’il arrive, a averti M. Johnson. Ce que le monde entier veut, c’est en finir avec ce sujet (…) et passer à autre chose. » Le premier ministre reste donc inflexible sur la date de la sortie de l’UE, bien que le Parlement britannique ait voté une loi lui imposant de demander un nouveau report en cas de « no deal » au 19 octobre, juste après le prochain sommet européen. Boris Johnson a expliqué que l’offre qu’il allait faire à Bruxelles était « un compromis de la part du Royaume-Uni » et a appelé l’UE à « faire un compromis à son tour ». Dans le cas contraire, « il n’y a aucun doute sur le fait que la seule alternative est le “no deal” ». « Ce n’est pas le résultat que nous recherchons (…), mais nous y sommes prêts. »

 

Voici l'essentiel de la proposition britannique:

Une offre de Brexit en cinq points qui retirerait la Grande-Bretagne, y compris l’Irlande du Nord, de l’union douanière européenne. Le gouvernement britannique a publié sa proposition sur la frontière irlandaise visant à éviter un Brexit sans accord le 31 octobre, qui remplace le « backstop » du texte précédent, sans établir de contrôles douaniers sur la ligne de démarcation. Ce plan prévoit que l’Irlande du Nord appartienne, à terme, à la même zone douanière que la Grande-Bretagne, exigence-clé du Parti unioniste démocrate (DUP), qui a salué une bonne « base ». En revanche, la province britannique d'Ulster conserverait les réglementations de l’Union européenne (UE) pour tous les biens, et pas seulement agricoles, pendant une période de transition, qui pourra être renouvelée si l’Irlande du Nord le souhaite. Le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a estimé que les propositions de Boris Johnson ne remplissaient « pas complètement » les objectifs au sujet de la frontière irlandaise. Y-a-t-il une chance pour que l'Union européenne accepte le projet de Londres, qui va être étudié en long et en large par Bruxelles ? On le saura bientôt. On peut tout de même douter d'un accord. La Commission ne cache pas en effet son scepticisme, tout en déclarant qu'il y a "progrès" ... Il s'agit de facto d'un retour à une frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord, avec des contrôles, assurément, ce qui n'est acceptable ni pour l'Europe ni pour les  populations locales, de part et d'autre. Quid de l'attitude du Parlement britannique, divisé et ulcéré de toutes parts ? Boris Johnson tente une dernière fois de renvoyer la patate chaude à l'Union, à savoir la responsabilité historique d'un Brexit dur et des conséquences qui en découleront. Michel Barnier a répondu qu'il reste ouvert à la discussion, posture qui vise à renvoyer la balle dans la Tamise sans renoncer pour autant à un accord de dernière minute. Cette tragi-comédie n'a-t-elle pas assez duré ? Oui, à l'évidence. L'important désormais est d'en finir rapidement avec le boulet britannique pour le bien de l'Europe.  

Le 03 octobre 2019.

 

>Un mercato européen signé Emmanuel Macron et Angela Merkel !

 

              Ursula von der Leyden                                          Charles Michel                                       Christine Lagarde

 

L’accouchement fut assez long et douloureux. Mais au terme de ce quatrième Sommet des Chefs d'Etat et de gouvernements européens en l’espace d’un mois, le résultat est plutôt rafraîchissant : pour la première fois de sa courte histoire, l’Union européenne (UE) devrait nommer deux femmes aux postes de pouvoir majeurs : la Commission et la Banque centrale (BCE). Et pas n'importe quelles femmes, deux profils expérimentés au caractère affirmé.

 

Ursula von der Leyen, 60 ans, l’actuelle ministre allemande de la Défense, devrait remplacer le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission fin octobre. 

 

Elle est née et a grandi à Bruxelles, commune d'Ixelles, dans une grande famille aristocratique. Elle parle parfaitement le français, ce qui était indispensable, et fut également ministre fédérale de la Famille, puis des Affaires sociales du gouvernement d'Angela Merkel. Elle est diplômée en médecine de l'Université Gottfried Wilhelm Leibniz de Hanovre et de la London School of Economics and Political Science. Mère de sept enfants, fille du ministre-président de Basse-Saxe, Ernst Albrecht, elle est considérée comme une conservatrice modérée. Elle est évidemment membre du parti chrétien-démocrate allemand CDU et, à ce titre, bénéficie du plein soutien des conservateurs européens du Parti populaire européen (PPE). Dans son dernier mandat, elle s'est révélée une précieuse alliée de son alter ego, Florence Parly, la ministre française des Armées, dans l'affirmation d'une défense européenne structurée et davantage intégrée, ce qui a l'art d'agacer profondément les présidents américain, chinois et russe. Une bonne chose.

 

C’est le président français, qui, le 1er juillet, a proposé son nom à la chancelière pour tenter de sortir les négociations de l’ornière, ressuscitant une idée évoquée il y a un an, lors d’une discussion informelle entre les deux dirigeants. Il ne serait pas étonnant que le nom d'Ursula von der Leyen ait été glissé à l'oreille d'Emmanuel Macron par Florence Parly.

 

Pendant presque dix-neuf heures, les Vingt-Huit s’étaient écharpés sur l’idée de nommer le socialiste et populaire Néerlandais, Frans Timmermans, à la tête de la Commission (plus de 800.000 voix de préférence aux Pays-Bas, lors des dernières élections européennes). En vain, une dizaine de pays, Italie et Pologne en tête, derrière celle-ci, les Etats dits du groupe de Visegrad, issus d'Europe centrale, refusant ce schéma. Ce fut sans doute long, mais vu la complexité du fonctionnement de l'Union européenne, à 28, bientôt 27, avec le départ très probable, le 31 octobre prochain, du Royaume-Uni, et les impératifs démocratiques, un tel processus de décision est normal et n'a rien de scandaleux.

 

Ces derniers jours, la France a aussi poussé la candidature de Christine Lagarde, 63 ans, pour la présidence de la BCE. Avec succès, l’actuelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) devrait remplacer à la fin octobre l'excellent Mario Draghi. Les huit années passées à la tête de l'institution bancaire de Francfort ont été difficiles pour le "Grand Mario", mais salutaires quant à la stabilité des changes ainsi que la lutte contre l'inflation et la bataille de la croissance économique. Le maintien des taux directeurs de la BCE a permis en effet à l'économie européenne, via les taux d'intérêts d'emprunt, d'éviter une nouvelle récession. Christine Lagarde est diplômée de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence et obtient deux maîtrises (anglais et droit des affaires) et un diplôme d'études supérieures spécialisées de droit social à l'Université de Paris X- Nanterre. Elle est avocate de formation et n'est donc pas une banquière d'origine. Elle a plutôt une bonne réputation internationale, ayant fait ses preuves comme chef d'entreprise, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ainsi qu'à la direction du FMI. Elle traîne cependant comme un fardeau l'affaire Tapie/Crédit Lyonnais. Elle est soupçonnée, sans preuve, d'être intervenue pour que Bernard Tapie touche le pactole par la décision controversée de trois juges proches de Nicolas Sarkozy.

 

Angela Merkel apprécie depuis longtemps l’ancienne ministre des Finances du président Sarkozy, qui s’est dite « très honorée » d’avoir été choisie. Le poste est en effet d'importance. Elle a annoncé qu’elle quittait « provisoirement » le FMI. Christine Lagarde « a toutes les compétences et qualités pour diriger la BCE » a affirmé Emmanuel Macron, balayant les critiques sur le profil de l’intéressée, qui n’a jamais dirigé une banque centrale. Janet Yellen, l'ancienne présidente de la Réserve fédérale américaine n'avait pas, elle non plus, dirigé la prestigieuse et crainte institution de Washington avant que d'en prendre les commandes et de belle manière. Les femmes sont encore trop souvent suspectes d'incompétence dès lors qu'elles n'ont pas le bon sexe dans leur serviette professionnelle ... 

 

Le fait de nommer deux femmes à des postes aussi stratégiques représente, au moins symboliquement, un changement considérable pour l’Union. « Nos sociétés sont paritaires, l’accès aux postes de responsabilité doit l’être également », s’est félicité le président français; Angela Merkel se réjouissant aussi de cette première.

 

Le premier ministre belge, un ami du président français, le francophone Charles Michel, 43 ans, s’en ira présider le Conseil le 1er décembre. Il remplacera le Polonais Donald Tusk. Ce libéral impressionne peu par son charisme, mais il est apprécié « pour sa capacité à former des compromis ». Complexité belge oblige. Des qualités jugées indispensables à Paris; l'Elysée ayant peu apprécié la présidence Tusk. Nous le connaissons bien et pouvons témoigner qu'il ne manque ni de courage, ni de compétences, ni d'une force de travail impressionnante. Il est diplômé en droit de l'Université d'Amsterdam et avocat de formation. Parfait trilingue: « Je veux promouvoir l’unité, la diversité et la solidarité », a affirmé l'homme de Wavre, cette petite ville prospère du Brabant wallon. Le fils de l'ancien ministre des Affaires étrangères et ministre d'Etat, jusqu'à récemment eurodéputé, Louis Michel, pourra ainsi gérer sans trop de pression sa succession, tant au poste de premier ministre, qui devrait échoir à l'actuel ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, qu'à celui de président de son parti, le Mouvement réformateur libéral (MR). Et cela, dans une période très délicate pour la Belgique, après les résultats tranchés Nord/Sud des élections fédérales et régionales. Le pays est à nouveau plongé dans un sérieux conflit communautaire entre Flamands et Wallons. La constitution du l'exécutif fédéral ne sera pas une partie de plaisir. 

 

Enfin, c’est le socialiste espagnol, Josep Borrell, 72 ans, qui remplacera l’Italienne Federica Mogherini au poste de Haut Représentant de l’Union européenne. Il a présidé le Parlement de Strasbourg, entre 2004 et 2007, et occupera un poste à la fois exposé et difficile, malheureusement dépourvu de réels pouvoirs de négociation, obligé de composer en permanence avec des diplomaties nationales très jalouses de leurs prérogatives. 

 

"L'Europe, quel numéro de téléphone ?", cette question ironique prêtée à Henry Kissinger, l'ancien secrétaire d'Etat américain du président Richard Nixon, a le mérite de souligner l'absence d'interlocuteur unique et crédible européen sur la scène internationale. Avec l'arrivée d'Ursula von der Leyen à la tête de la puissante Commission européenne, épaulée par la personnalité pugnace de Charles Michel au Conseil, nous pouvons espérer, qu'au niveau européen multilatéral, Donald Trump, Xi Jinping et Vladimir Poutine auront désormais en face d'eux à qui téléphoner et à qui parler. L'Europe n'est-elle pas en recherche d'un second souffle ? Le mercato européen des hauts postes, signé à l'évidence Emmanuel Macron et Angela Merkel, donne à l'Union européenne davantage de carburant pour renforcer son intégration avec les Etats qui veulent avancer. L'Europe ne doit-elle pas se montrer exemplaire sur la planète dans la bataille contre le réchauffement climatique ? Trop d'atermoiement a caractérisé jusqu'ici les choix nationaux et continentaux des Européens. Signer l'accord de Paris de la COP21, qui date déjà de décembre 2015, ne suffit pas. Il faut passer aux actes. Il y a le feu au coeur de la vie humaine et de la biodiversité; la fournaise de cet été 2019, partout dans le monde, sonne le tocsin pour l'humanité. L'Europe n'a-t-elle pas besoin d'affirmer sa puissance économique, qui n'échappera pas à une difficile adaptation aux exigences environnementales, dans le champ politique ? A voir l'acharnement de ses ennemis à la détruire, la réponse est un oui tranquille et ferme. Le 02 juillet 2019.

 

 

>L'Europe, Bruxelles, Strasbourg, deux capitales et une de trop ?

 

           Ci-dessus, une assemblée plénière extraordinaire au parlement européen à Bruxelles.

                                                       Ci-dessous, une assemblée plénière ordinaire au parlement européen à Strasbourg.

>L'Europe, Mare Nostrum et notre Maison commune !

L'Europe, c'est notre "Mare nostrum", notre Maison commune, car elle nous nourrit et nous abrite. Nous n'avons que celle-là.

 

Ce n'est un secret pour personne, l'Europe va mal. Elle est malade de ses faiblesses; dysfonctionnements, manquements, lacunes et lâchetés. Beaucoup de médecins sont à son chevet. Certains souhaitent lui injecter le poison qui l'achèvera. D'autres tentent de trouver le remède pour la sauver. L'Union européenne, sa construction, son projet, ses institutions souffrent de son trop peu d'Europe et non pas de son trop d'Europe, comme le répètent à satiété ses ennemis intérieurs et extérieurs, aujourd'hui alliés. Regardez-les accourir pour achever la bête. A l'Ouest, Steve Bannon, l'américain haineux, ancien conseiller du président Trump, qui parle de l'Europe comme "d'un vampire qu'il faut occire à l'aide d'un pieux". Bannon, l'ami de Marine Le Pen et de Matteo Salvini, ces parangons d'un nationalisme populiste, aux extrêmes taillés pour la guerre, qui puisent leur inspiration dans le passé des années '30 ... Avec leur copain hongrois, Viktor Orban, ils sont de dignes héritiers d'une idéologie qui a failli anéantir le peuple juif et l'Europe tout entière. A l'Est, Vladimir Poutine, cet amalgame douteux entre ce que la Russie impériale tsariste et l'Union soviétique communiste ont fait de pire, lui aussi en cheville avec la cheffe du Rassemblement national français et le Duce de la Ligue du Nord italien. Ils n'ont peur de rien et surtout pas de l'argent russe. Leur alter égo autrichien, leader nationaliste du FPO, Heinz-Christian Strache, a dû démissionner la semaine dernière, suite à sa tentative de favoriser les intérêts économiques de Moscou dans son pays, moyennant un financement occulte de son parti par le Kremlin. Le scandale est tel que le gouvernement de Vienne du premier ministre conservateur chrétien, Sebastian Kurz, est tombé dans la foulée. Il apparaît que le ministre de l'Intérieur autrichien, Herbert Kickl (FPO), a livré aux services russes du FSB des secrets défense relevant de la sécurité de l'Europe ... On peut dire que nous sommes servis et que ces partis populistes d'extrême droite oeuvrent pour le bien de l'Europe. Nous le voyons, ces gens sont en réalité nos ennemis intérieurs. Si nous les laissons faire et défaire le magnifique projet que constitue l'Union des Européens, alors, chers amis, je ne donne pas cher de notre survie en tant que civilisation et peuples libres. N'oublions jamais ce qui fait ou devrait faire notre singularité dans ce monde de brutes: le souci constant de maintenir la paix entre nous; la défense des valeurs démocratiques et humanistes communes; le rayonnement de nos cultures diverses qui s'enrichissent les unes et les autres; la préservation de modèles sociaux uniques dans le monde - voyagez et vous saurez que vous êtes européens - la volonté de partager la solidarité, la souveraineté et la sécurité extérieure; l'urgence de réunir nos forces dans la bataille climatique et environnementale; la nécessité de faire face ensemble à la montée des périls, que ce soit l'immigration non-contrôlée, sans renoncer pour autant à accueillir dignement les réfugiés, le terrorisme islamiste ou les menaces directes et indirectes en provenance de Moscou (n'oublions jamais le précédent de l'annexion de la Crimée); l'évidence de répondre de manière forte aux défis politiques, économiques et technologiques des grandes puissances que sont la Chine, les Etats-Unis et bientôt l'Inde. Bien sûr, l'Europe n'a pas tout réussi. C'est pourquoi, elle doit être profondément réformée. Il nous faut davantage d'Europe politique, sociale, citoyenne et verte. Pour autant, jeter à la mer les acquis que sont les Fonds de cohésion structurels, qui ont permis à de nombreuses régions et pays européens de se développer, la Politique agricole commune (PAC), qui a permis à notre continent d'être auto-suffisant sur le plan alimentaire, le programme Erasmus, qui permet chaque année à des dizaines de milliers d'étudiants de poursuivre leur cursus dans un autre pays de l'Union et donc de s'enrichir de cette belle expérience (ce programme va être étendu aux jeunes des écoles professionnelles), jeter à la mer ces belles réussites, sans parler de l'éloignement d'une perspective de guerre intra-européenne, quoi qu'on en dise, serait jeter le bébé avec l'eau du bain. Un continent averti en vaut deux. Ci-après, vous lirez des citations d' Européens convaincus. Ils pointent les lacunes et faiblesses de l'Union. Ils tracent aussi de possibles solutions. Regardons notre Europe avec lucidité mais aussi bienveillance; car elle est Mare Nostrum et notre Maison commune. Elle nous nourrit et nous y vivons comme nulle part ailleurs. Le 26 mai 2019. 

 

 

On peut aussi être offensif et pas seulement défensif. Si l’Europe avait davantage de moyens budgétaires, elle pourrait lancer un grand programme de recherche sur les technologies. 

Guy Verhofstadt, Debout l’Europe, Actes Sud, 2012.

 

« Le drame de l’Europe, c’est qu’elle n’ose pas faire jouer sa puissance. Il est aberrant que chacun lutte dans son coin contre les paradis fiscaux au lieu d’en confier la tâche à l’Union.

Daniel Cohn-Bendit, Debout l’Europe, Actes Sud, 2012.

 

Les eurosceptiques veulent nous faire retomber dans le système des Etats-nations dont la faillite en Europe est patente. Nous voulons combattre cette idée fausse que seul l’Etat-nation peut nous protéger dans le monde globalisé, alors que cela n’est pas le cas, que ce soit dans le domaine social, environnemental, commercial. Le monde s’organise désormais autour de pôles que l’on peut qualifier "d’empires": les Etats-Unis , la Chine ou l’Inde. 

Guy Verhofstadt, Debout l’Europe. 

 

C’est le poids du Conseil dans les décisions européennes qu’il faut remettre en question. Qu’il y ait un Sénat européen où les gouvernements défendent l’intérêt de leur espace national, comme c’est le cas au Sénat américain ou au Bundesrat, c’est normal. Le problème est de trouver l’équilibre entre cette institution législative et celles qui défendent l’intérêt général européen, c’est-à-dire le Parlement européen et la Commission.

Daniel Cohn-Bendit, Debout l’Europe.

 

Le Conseil des ministres européens implique en réalité tous les appareils gouvernementaux. En effet, il n’y a pas un Conseil, mais toute une série de formations spécialisées : affaires générales, relations extérieures, affaires économiques et financières, agriculture et pêche, compétitivité, transports, affaires intérieures et justice etc. Soit dix officellement, dix-neuf en comptant les sous-divisions. En tout, ce sont 532 ministres et secrétaires d’Etat qui se retrouvent, parfois plusieurs fois par mois, à Bruxelles, et qui décident presque de tout. Le rôle du Conseil des ministres, cette hydre à multiples têtes, va bien plus loin que celui d’une simple « chambre des Etats », puisqu’il joue aussi un rôle exécutif (il donne des instructions à la Commission dans certains domaines, par exemple, le commerce). Pour faire son travail, il s’appuie sur une administration européenne de 3000 personnes qui lui est dédiée, souvent plus compétente que celle de la Commission. Même s’il discute désormais en public des lois qu’il adopte avec le Parlement européen, l’essentiel du travail se passe ailleurs, derrières des portes closes. Ce sont en réalité les « représentants permanents » des Etats, c’est-à-dire les ambassadeurs et leurs adjoints, qui sont à la manœuvre : ils se réunissent une fois par semaine, en deux formations distinctes, le COREPER I (Comité des représentants permanents adjoints, qui s’occupe des matières techniques) et le COREPER II (les ambassadeurs en titre pour les questions politiques sensibles), deux comités dont l’existence est même inscrite dans les traités européens. C’est là, dans le plus grand secret, que sont conclu environ 95% des compromis.

Jean Quatremer, Les salauds de l’Europe, Calman Lévy, 2017.

 

Il n’est plus guère nécessaire d’expliquer aux citoyens les dangers qu’un abandon de la monnaie unique ferait courir à l’économie et tout simplement à leur argent. La crise de la zone euro et la sortie du Royaume-Uni de l’Union, qui n’est pourtant pas même pas membre de l’euro-groupe, ont vacciné les peuples contre toute tentative d’avneturisme. (…) Certes l’euro n’a pas résolu, comme par miracle, les problèmes économiques, mais ce n’était pas son but. Il s’agissait de créer un cadre propice à une croissance saine et de ce point de vue, c’est une incontestable réussite : l’inflation est maîtrisée, la stabilité monétaire est totale à l’intérieur de la zone euro, les crises monétaires étant devenues impossibles par définition, la protection contre les sautes d’humeur des marchés internationauxest forte et enfin, il permet des tauxdintérêt qui n’ont jamais été aussi bas sur une aussi longue période. (…) Mais il ne peut à lui seul créer de la croissance : la politique monétaire n’est qu’un levier parmi d’autres de l’action économique et qu’il ne dispense pas les gouvernements et les entreprises de mener les réformes nécessaires pour s’adapter. (…) Reste que l’euro n’a pas été conçu comme un projet seulement financier et économique, mais essentiellement politique : il visait à accroître l’intégration politique de l’Union, voire à la transformer en fédération. Or, sous cet angle, c’est un évhec incontestable. Les Etats ont refusé de partager davantage de souveraineté au lendemain de l’entrée en vigeur de l’euro. (…) L’absence d’une structure politique et budgétaire européenne a ralenti la réaction rapide et massive qui s’imposait lorsqu’a éclaté la crise de 2007-2008.  

Jean Quatremer, Il faut achever l’euro, Calman Lévy, 2019.

 

>Pour une Renaissance européenne !

Le président français, Emmanuel Macron, a publié le 5 mars 2019, à quelques semaines des élections européennes du 26 mai, une lettre aux citoyens d'Europe dans 30 quotidiens des 28 Etats membres de l'Union européenne, y compris au Royaume-Uni. Ainsi, il entend lancer une campagne électorale qui s'annonce décisive pour l'avenir de notre continent. Les défis et périls sont nombreux, tant les facteurs d'affaiblissement, extérieurs comme intérieurs, menacent la survie d'une Europe malade, en proie aux démons du populisme, du nationalisme et d'une absence de souffle pour un renouveau. L'enjeu n'est autre en effet qu'une refondation démocratique, qu'une Renaissance culturelle et économique,  L'Europe puissance, à laquelle nous aspirons, capable de protéger ses citoyens sur les plans social et sécuritaire, notamment à ses frontières extérieures, capable de développer et défendre une économie forte d'industries et de services à la pointe de la recherche et de l'innovation, nous manque cruellement. Une Europe fidèle à ses racines culturelles plurielles et tournée résolument vers l'horizon, une Europe capable de rivaliser avec les ogres chinois et américain, demain, d'autres encore, n'est-ce pas de ces nobles et nécessaires ambitions dont nous avons besoin ? Poser la question, c'est y répondre. C'est à cette Europe d'une nouvelle Renaissance, fruit d'un long travail, qu'Emmanuel Macron nous appelle urgemment. 

 

 

Citoyens d’Europe,

 

Si je prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a urgence. Dans quelques semaines, les élections européennes seront décisives pour l’avenir de notre continent.

Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger.

 

Le Brexit en est le symbole. Symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain. Symbole, aussi, du piège européen. Le piège n’est pas l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit ? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen ? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé ? Le repli nationaliste ne propose rien ; c’est un rejet sans projet. Et ce piège menace toute l’Europe : les exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout et son contraire.

 

Face à ces manipulations, nous devons tenir debout. Fiers et lucides. Dire d’abord ce qu’est l’Europe. C’est un succès historique : la réconciliation d’un continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté. Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui : quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances ? Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique ? Comment résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une force pour toute l’Union ?

 

L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. Ce combat est un engagement de chaque jour, car l’Europe comme la paix ne sont jamais acquises. Au nom de la France, je le mène sans relâche pour faire progresser l’Europe et défendre son modèle. Nous avons montré que ce qu’on nous disait inaccessible, la création d’une défense européenne ou la protection des droits sociaux, était possible.

 

Mais il faut faire plus, plus vite. Car il y a l’autre piège, celui du statu quo et de la résignation. Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent bien souvent : « Où est l’Europe ? Que fait l’Europe ? ». Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent. Les nationalistes se trompent quand ils prétendent défendre notre identité dans le retrait de l’Europe ; car c’est la civilisation européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège. Mais ceux qui ne voudraient rien changer se trompent aussi, car ils nient les peurs qui traversent nos peuples, les doutes qui minent nos démocraties. Nous sommes à un moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne. Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions : la liberté, la protection et le progrès.  

 

Défendre notre liberté

 

Le modèle européen repose sur la liberté de l’homme, la diversité des opinions, de la création. Notre liberté première est la liberté démocratique, celle de choisir nos gouvernants là où, à chaque scrutin, des puissances étrangères cherchent à peser sur nos votes. Je propose que soit créée une Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque Etat membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons aussi interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité.  

 

Protéger notre continent

 

Fondée sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen : tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure : je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières.

 

Les mêmes exigences doivent s’appliquer à la défense. D’importants progrès ont été réalisés depuis deux ans, mais nous devons donner un cap clair : un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens : augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume‑Uni pour préparer nos décisions collectives.

 

Nos frontières doivent aussi assurer une juste concurrence. Quelle puissance au monde accepte de poursuivre ses échanges avec ceux qui ne respectent aucune de ses règles ? Nous ne pouvons pas subir sans rien dire. Nous devons réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale : sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.  

 

Retrouver l’esprit de progrès

 

L’Europe n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant‑garde : elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter un projet de convergence plus que de concurrence : l’Europe, où a été créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement.

 

Renouer avec le fil du progrès, c’est aussi prendre la tête du combat écologique. Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre dette climatique ? L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à cette exigence : Banque européenne du climat pour financer la transition écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé... Cet impératif doit guider toute notre action : de la Banque centrale à la Commission européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes nos institutions doivent avoir le climat pour mandat.

 

Le progrès et la liberté, c’est pouvoir vivre de son travail : pour créer des emplois, l’Europe doit anticiper. C’est pour cela qu’elle doit non seulement réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des Etats-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle.

 

Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive : investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…

 

Liberté, protection, progrès. Nous devons bâtir sur ces piliers une Renaissance européenne. Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d’une Europe amollie. Nous ne pouvons pas rester dans la routine et l’incantation. L’humanisme européen est une exigence d’action. Et partout les citoyens demandent à participer au changement. Alors d’ici la fin de l’année, avec les représentants des institutions européennes et des Etats, mettons en place une Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. Nous aurons des désaccords, mais vaut-il mieux une Europe figée ou une Europe qui progresse parfois à différents rythmes, en restant ouverte à tous ?

Dans cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ; dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place.

 

Citoyens d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. Sortons de ce piège, donnons un sens aux élections à venir et à notre projet. A vous de décider si l’Europe, les valeurs de progrès qu’elle porte, doivent être davantage qu’une parenthèse dans l’histoire. C’est le choix que je vous propose, pour tracer ensemble le chemin d’une Renaissance européenne.

 

Emmanuel Macron

 

>"Il y a le feu à la Maison Europe !"

                                             Peinture murale de Banksy à Douvres, Photo Glyn Kirk. AFP

                                                           

 

Trente écrivains internationaux, dont plusieurs Prix Nobel, ont répondu à l'appel de Bernard-Henri Lévy pour tirer la sonnette d'alarme sur la montée des dangers qui menacent l'Europe.

  

                                                      «Il y a le feu à la Maison Europe»,

                                   le plaidoyer européen de trente écrivains internationaux.

 

"De partout montent les critiques, les outrages, les désertions. En finir avec la construction européenne, retrouver l’«âme des nations», renouer avec une «identité perdue» qui n’existe, bien souvent, que dans l’imagination des démagogues, tel est le programme commun aux forces populistes qui déferlent sur le continent. Attaquée de l’intérieur par des mauvais prophètes ivres de ressentiment et qui croient leur heure revenue, lâchée, à l’extérieur, outre-Manche et outre-Atlantique, par les deux grands alliés qui l’ont, au XXe siècle, deux fois sauvée du suicide, en proie aux manœuvres de moins en moins dissimulées du maître du Kremlin, l’Europe comme idée, volonté et représentation est en train de se défaire sous nos yeux. Et c’est dans ce climat délétère que se dérouleront, en mai, des élections européennes qui, si rien ne change, si rien ne vient endiguer la vague qui enfle et qui pousse et qui monte et si ne se manifeste pas, très vite, sur tout le continent, un nouvel esprit de résistance, risquent d’être les plus calamiteuses que nous ayons connues : victoire des naufrageurs ; disgrâce de ceux qui croient encore à l’héritage d’Erasme, de Dante, de Goethe et de Comenius ; mépris de l’intelligence et de la culture ; explosions de xénophobie et d’antisémitisme ; un désastre. Les soussignés sont de ceux qui ne se résolvent pas à cette catastrophe annoncée. Ils sont de ces patriotes européens, plus nombreux qu’on ne le croit, mais trop souvent résignés et silencieux, qui savent que se joue là, trois quarts de siècle après la défaite des fascismes et trente ans après la chute du mur de Berlin, une nouvelle bataille pour la civilisation. Et leur mémoire d’Européens, la foi en cette grande Idée dont ils ont hérité et dont ils ont la garde, la conviction qu’elle seule, cette Idée, a eu la force, hier, de hisser nos peuples au-dessus d’eux-mêmes et de leur passé guerrier et qu’elle seule aura la vertu, demain, de conjurer la venue de totalitarismes nouveaux et le retour, dans la foulée, de la misère propre aux âges sombres – tout cela leur interdit de baisser les bras. De là, cette invitation au sursaut. De là cet appel à mobilisation à la veille d’une élection qu’ils se refusent à abandonner aux fossoyeurs. Et de là cette exhortation à reprendre le flambeau d’une Europe qui, malgré ses manquements, ses errements et, parfois, ses lâchetés reste une deuxième patrie pour tous les hommes libres du monde. Notre génération a commis une erreur. Semblables à ces Garibaldiens du XIX° siècle répétant, tel un mantra, leur «Italia se fara da se», nous avons cru que l’unité du continent se ferait d’elle-même, sans volonté ni effort. Nous avons vécu dans l’illusion d’une Europe nécessaire, inscrite dans la nature des choses, et qui se ferait sans nous, même si nous ne faisions rien, car elle était dans le «sens de l’Histoire». C’est avec ce providentialisme qu’il faut rompre. C’est à cette Europe paresseuse, privée de ressort et de pensée, qu’il faut donner congé. Nous n’avons plus le choix. Il faut, quand grondent les populismes, vouloir l’Europe ou sombrer. Il faut, tandis que menace, partout, le repli souverainiste, renouer avec le volontarisme politique ou consentir à ce que s’imposent, partout, le ressentiment, la haine et leur cortège de passions tristes. Et il faut, dès aujourd’hui, dans l’urgence, sonner l’alarme contre les incendiaires des âmes qui, de Paris à Rome en passant par Dresde, Barcelone, Budapest, Vienne ou Varsovie jouent avec le feu de nos libertés. Car tel est bien l’enjeu : derrière cette étrange défaite de l’Europe qui se profile, derrière cette nouvelle crise de la conscience européenne acharnée à déconstruire tout ce qui fit la grandeur, l’honneur et la prospérité de nos sociétés, la remise en cause – sans précédent depuis les années 30 – de la démocratie libérale et de ses valeurs. "Libération", 25 janvier 2019.

 

Signataires : Vassilis Alexakis ; Svetlana Alexievitch ; Anne Applebaum ; Jens Christian Grøndahl ; David Grossman ; Ágnes Heller ; Elfriede Jelinek ; Ismaïl Kadaré ; György Konrád ; Milan Kundera ; Bernard-Henri Lévy ; António Lobo Antunes ; Claudio Magris ; Adam Michnik ; Ian McEwan ; Herta Müller ; Ludmila Oulitskaïa ; Orhan Pamuk ; Rob Riemen ; Salman Rushdie ; Fernando Savater ; Roberto Saviano ; Eugenio Scalfari ; Simon Schama ; Peter Schneider ; Abdulah Sidran ; Leïla Slimani ; Colm Tóibín ; Mario Vargas Llosa ; Adam Zagajewski.

 

>L'Europe ne peut s'en remettre aux seuls Etats-Unis pour sa sécurité !

 

A la conférence des ambassadeurs, tenue à l'Elysée ce 27 août, le président français, Emmanuel Macron, a tiré les leçons de l’unilatéralisme américain, qui oblige l’Europe à être réaliste, à ne « plus remettre sa sécurité aux seuls Etats-Unis ». Voilà une déclaration qui ne passera pas inaperçue. 

 

Emmanuel Macron a annoncé qu'il présenterait "dans les prochains mois" un projet de renforcement de la sécurité en Europe, estimant qu'elle ne peut plus reposer uniquement sur les Etats-Unis. "L'Europe ne peut plus remettre sa sécurité aux seuls Etats-Unis. C'est à nous aujourd'hui de prendre nos responsabilités et de garantir la sécurité et donc la souveraineté européenne", a-t-il déclaré dans son discours devant 250 ambassadeurs.

"Nous devons tirer toutes les conséquences de la fin de la guerre froide", a-t-il ajouté, précisant souhaiter le lancement d'une "réflexion exhaustive sur ces sujets avec l'ensemble de nos partenaires européens et donc avec la Russie".

Selon lui, des "progrès substantiels vers la résolution de la crise ukrainienne, tout comme le respect du cadre de l'OSCE" (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), "seront, bien entendu, des conditions préalables à des avancées réelles avec Moscou".

"Mais cela ne doit pas nous empêcher de travailler dès maintenant entre Européens et je compte sur vous pour cela", a-t-il dit.

 Pour lui, si "les alliances ont aujourd'hui encore toute leur pertinence, (...) les équilibres, parfois les automatismes, sur lesquels elles s'étaient bâties sont à revisiter".

 Pour "revisiter l'architecture européenne de défense et de sécurité", il entend lancer "un dialogue rénové sur la cybersécurité, les armes chimiques, les armements classiques, les conflits territoriaux, la sécurité spatiale ou la protection des zones polaires, tout particulièrement avec la Russie".

"Le régime syrien menace de créer une nouvelle crise humanitaire ». 

Le président français a jugé "alarmante" la situation en Syrie, où le régime "menace de créer une nouvelle crise humanitaire dans la région d'Idleb", la dernière contrôlée par les rebelles.

 

Devant le corps diplomatique, ambassadeurs et ambassadrices, le chef de l'Etat a appelé à "renforcer encore la pression sur le régime et ses alliés" pour une solution politique au conflit:

 

"La situation est aujourd'hui alarmante car le régime menace de créer une nouvelle crise humanitaire dans la région d'Idleb et ne montre jusqu'à présent aucune volonté pour négocier la moindre transition politique. Cela implique de renforcer la pression sur le régime et ses alliés et j'attends à cet égard beaucoup de la Russie et de la Turquie compte tenu de leur rôle et de leurs engagements pris".

Le régime de Bachar al-Assad se dit déterminé à reprendre aux rebelles la province d'Idleb, dans le nord-ouest du pays, à la frontière avec la Turquie. Cette région constitue le dernier refuge des groupes insurgés, chassés de leurs principaux bastions en Syrie. Elle est dominée à 60% par le groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (ex-branche syrienne d'Al-Qaïda).

"Si je considère depuis le premier jour que notre premier ennemi est Daech, l'Etat islamique, et que je n'ai jamais fait de la destitution de Bachar al-Assad une condition préalable à notre action diplomatique ou humanitaire en Syrie, je pense qu'un tel scénario serait néanmoins une erreur funeste".

"Qui a provoqué ces milliers de réfugiés ? Qui a massacré son propre peuple ? Il n'appartient pas à la France de désigner les futurs dirigeants de la Syrie pas plus qu'à un autre pays, mais c'est notre devoir et notre intérêt de nous assurer que le peuple syrien sera bien en situation de le faire". 27 août 2018.

 

 

>Brexit or Brexit, that's the issue ... vers la sortie

 

                                                                            Theresa May, une première ministre britannique en fer de lance du Brexit.

                                                         La première page de la lettre de Theresa May

                                                              au président du Conseil européen, Donald Tusk.

 

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a reçu ce matin, des mains de l'ambassadeur britannique auprès des institutions européennes à Bruxelles, la lettre officialisant le divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Theresa May, la première ministre, n'a laissé planer aucun doute sur la volonté de Londres d'aller jusqu'au terme de la séparation. Selon le Traité d'Amsterdam, article 50, les Britanniques ont deux ans devant eux pour négocier les modalités, nombreuses et complexes, de leur départ. Le paragraphe 2 de l'article 50 est invoqué dans ce courrier de trois pages, ce qui indique qu'un accord sur les conditions du retrait sera recherché par Londres d'ici l'échéance. A défaut, la sortie du royaume de Sa Majesté sera à coup sûr chahutée. Depuis son adhésion à la Communauté européenne, le 1er janvier 1973, le Royaume-Uni n'a jamais cessé de revendiquer toujours plus de liberté pour son commerce et toujours moins d'obligations en ce qui concerne les compétences supranationales dévolues à l'Union européenne. Il n'était pas dans Schengen, l'Europe commune des frontières, il n'était pas plus dans la zone euro, était-il seulement dans l'Europe ? Outre-Manche, l'obsession britannique pour le grand marché a toujours supplanté la dimension unitaire du projet européen, ses valeurs et ses objectifs. Le résultat a été catastrophique. Les Etats européens, à commencer par l'Allemagne et la France, afin de préserver une union à laquelle ils étaient apparemment seuls à croire, ont renoncé, chaque année un peu plus, à toute ambition d'intégration intelligente, à savoir, gérer en commun les compétences nécessaires, et rien de plus, à l'exercice d'une puissance européenne qui devrait être respectée dans le monde. Londres fut pendant toute cette période un poids et non un levier à l'accomplissement, plus que jamais nécessaire, d'une Europe politique sociale et solidaire, tant sur les plans financier, fiscal et économique. Au final, le Brexit, même si on peut le regretter, surtout pour les Anglais, Irlandais, Ecossais et Gallois eux-mêmes, loin d'être dramatique pour le continent, permettra sans nul doute aux pays qui veulent avancer vers plus d'intégration de ne plus attendre davantage. 29 mars 2017. 

 

 

>Le Traité de Rome, 25 ans plus tard !

 

 

60 ans, jour pour jour, après la signature du Traité de Rome, notre Europe est malade. Alors qu'elle nous a protégé depuis 1945 de la guerre et qu'elle nous a assuré un bien-être certain, qui a permis l'émergence d'une classe moyenne aujourd'hui fragilisée, voilà que de crise en crise, monétaire, économique, sociale et, in fine, politique, elle donne des signes de grande fatigue, pour ne pas dire de maladie inquiétante. Les richesses produites collectivement n'ont pas toujours été redistribuées équitablement. Le fossé entre nantis et oubliés s'est agrandi. L'Europe sociale est restée à la traîne de l'Europe financière et le projet européen s'est éloigné des citoyens. Mais ce n'est pas en jetant le bébé avec l'eau du bain que les choses iront mieux. La montée des populismes et des nationalismes menace nos démocraties. Il nous faut donc repenser le modèle européen en tâchant de préserver son unité. Ne nous voilons pas la face, les blocages et paralysies sont devenus la règle au sein de l'Europe de 28, bientôt 27. Si l'unité, que l'on a confondu avec l'unanimité, n'était pas possible, parce que certains pays prennent les avantages de l'Europe en refusant ses obligations, alors, il faudra en passer par une Europe à plusieurs vitesses, par cercles concentriques. Que les États qui veulent avancer ensemble vers davantage d'intégration et de gouvernance commune, tout en veillant à assurer le principe de subsidiarité là où l'échelle de compétence s'impose, soient autorisés à le faire et les autres, qui freinent des quatre fers, en restent à l'état d'une coopération a minima. Que les premiers partagent l'esprit et les valeurs de l'union, à savoir, un destin politique commun; que les seconds, qui exècrent tout projet non commercial convergent, qu'ils s'égayent dans le seul marché. Nous n'avons jamais eu tant besoin d'Europe. Exprimons aux politiques notre désir d'Europe, afin que nous puissions exister encore demain et vivre en peuples libres, face aux puissances étrangères qui ne nous ferons aucun cadeau. 25 mars 2017.